Ce numéro inaugural de La main de Thôt propose la traduction inédite des huit premiers chapitres du livre de Joseph Valente d/Deaf and d/Dumb. A portrait of a deaf kid as a young superhero, publié en anglais par Peter Lang Inc. en 2011. L’article qui suit retrace la genèse et le déroulement de ce projet de traduction, en le reliant au contexte local et international de recherche sur l’enseignement de la langue des signes. Il se termine par une préface à l’édition française de l’ouvrage rédigée par Agnès Campredon, directrice d’une école toulousaine bilingue, sans qui le projet n’aurait jamais vu le jour.
Préambule : De l’intérêt d’une formation trilingue pour les interprètes en langue des signes
K. Meschia
Lors de sa création en 2003, la formation d’interprète en Langue des signes française mise en place au CeTIM (à l’époque IUP1) comportait deux originalités que l’équipe pédagogique a toujours défendues malgré les difficultés qu’elles supposaient. La première est d’avoir intégré la langue des signes à un Master de Traduction et d’Interprétation relevant du département de Langues Etrangères Appliquées, au même titre que l’allemand, l’espagnol et l’italien, en binôme – et c’est la deuxième originalité qui en découle – avec l’anglais ; il s’agit donc d’une formation trilingue. Les difficultés initiales étaient liées au profil atypique, bien connu des formateurs, d’une grande partie de notre public, dont la pratique de la langue des signes avait ses origines dans un cadre familial ou professionnel, souvent très éloigné du profil de « linguiste » universitaire des autres étudiants. Que de protestations, de larmes, de demandes de dérogation à la règle lors des premiers recrutements ! Nous avons tenu bon, convaincus de l’intérêt pédagogique pour l’apprenant de la mise en regard de deux systèmes de transfert linguistique et culturel et de la valeur ajoutée que représentait une bonne maîtrise de l’anglais pour tout traducteur. En même temps, du point de vue de la recherche sur la langue des signes, il nous semblait que faciliter l’accès au corpus de travaux assez considérable en langue anglaise sur le sujet avait un intérêt certain. Notre entêtement a porté ses fruits et, d’une certaine façon, le projet de traduction dont il est question ici en fournit l’illustration, puisqu’il conjugue les connaissances thématiques liées à la surdité avec les compétences linguistiques requises pour traduire de l’anglais vers le français.
Le projet s’inscrit dans un contexte toulousain particulièrement propice, car la ville est reconnue internationalement comme centre d’excellence pour toutes les activités liées au développement de la Langue des signes française (LSF) et pour son expertise dans le domaine de la surdité : le nombre élevé d’interprètes LSF membres de la SCOP INTERPRETIS, une effervescence sociale et culturelle parmi la population sourde (festival de théâtre Sign’o, de nombreuses associations très actives etc.), une recherche de pointe à l’IRIT, sous l’égide de Patrice Dalle (http://www.irit.fr/presto/), une Société coopérative Websourd, lauréat d’un prix d’excellence en tant qu’entreprise sociale. Toulouse est, de ce fait, la seule ville de France à proposer des classes bilingues français-LSF de la maternelle jusqu’au Lycée. C’est précisément l’une de ces classes qui a été à l’origine de notre collaboration avec l’auteur de livre, qui s’y est rendu dans le cadre de ses recherches.
Le projet de recherche de Joe Valente
Adeline Lebeaux
La venue de Joe Valente en France est liée à un projet: "Preschool in Three Cultures : Japan, China and the United States", effectué dans les années 80 par Joseph Tobin, David Wu et Dana Davidson2. Valente a étudié avec Tobin et dès qu'il a appris l'existence de ce projet il a souhaité faire la même chose, mais dans des classes d'enfants sourds avec un enseignement direct en LSF par un enseignant sourd. Ils se sont au départ orientés sur les Etats-Unis et le Japon et, après discussion, ont décidé que le troisième pays serait la France, en partie pour son lien avec la Langue des signes américaine et aussi parce que la France est connue pour sa politique "d'assimilation" linguistique, notamment par l’école, à l'opposé des Etats-Unis où la liberté de garder sa langue et sa culture d'origine est généralement admise. Joseph Tobin (Université de Georgia), Joe Valente (Université de Penn State) et Thomas Horejes (Université de Gallaudet) se sont réparti le travail sur les trois pays et Valente était responsable de la partie effectuée en France.
Le projet consiste d’abord à filmer une journée typique dans une école de chacun des pays. A partir de 30h de vidéo dans chaque classe, un film de 30 minutes est créé, ensuite un court-métrage de six minutes. Ces vidéos ne sont que la base documentaire du projet, le but dans un premier temps étant de montrer la vidéo aux enseignants de la classe pour les interroger sur les raisons de certaines de leurs actions, leurs choix pédagogiques etc., avant de comparer les pratiques avec les deux autres pays, à l'aide des films courts. Ensuite toutes ces vidéos ont été proposées aux autres enseignants de l'école afin de débattre de ce qui est identique ou différent par rapport à leur propre classe. Par la suite les mêmes travaux ont été menés dans plusieurs écoles comportant des enfants sourds (en France : Bordeaux, Poitiers et Paris).
Ce projet d'envergure internationale est financé par la fondation Spencer de Chicago3. Valente est venu trois fois en France pour mener à bien sa partie de la recherche, la première fois pour filmer, ensuite pour sélectionner avec les enseignants les scènes qu’il convenait de mettre dans le film de 30 minutes, enfin pour interviewer les enseignants de la classe, à l'école en question et dans d’autres écoles. Une publication est prévue, avec un chapitre consacré à chaque pays, la base étant la vidéo effectuée dans une classe d'enfants sourds avec enseignement direct en LSF, mais il s’agira aussi de montrer que ce n'est pas la seule méthode qui existe dans chacun des pays, et de confronter les différentes méthodes.
Le livre de Joe est un travail qu'il a réalisé avant le début de ce projet, au moment d’écrire sa propre thèse. Ayant grandi dans l'oralisme et n’ayant "rencontré" la langue des signes que tardivement, il s'est rendu compte de ce qu'il avait manqué et souhaite se battre pour que d'autres enfants sourds n'aient pas à subir ce qu'il a lui-même subi : la lecture labiale, devoir se battre plus que les autres, notamment. Pour lui et dans sa recherche, la meilleure méthode d'enseignement face aux jeunes enfants sourds est le bilinguisme avec un enseignant natif de la LSF.
Le projet de traduction : comment devenir super-traducteur en un temps record.
Karen Meschia
Un des partis pris pédagogiques de notre formation a toujours été de confronter nos étudiants de Master 2 à la réalité des contraintes qui pèsent sur les traducteurs professionnels, à travers les différents projets qui nous sont proposés, parfois au fil de l’eau et de manière non prévue. La richesse et la variété de ces projets professionnels, qui changent chaque année, représentent toujours un investissement et un défi à relever pour tous, étudiants et enseignants, mais, avant d’être sollicités par Agnès Campredon, directrice d’une école maternelle à Ramonville comportant une classe bilingue LSF-français, qui avait été enthousiasmée par sa rencontre avec Valente et par son livre, nous n’avions jamais encore envisagé d’aborder la traduction d’un ouvrage complet de 165 pages et plus de 70 000 mots.
L’objectif de « boucler » le travail en une année universitaire tenait à deux facteurs : d’abord le désir de l’auteur et de ses collaborateurs français de rendre le livre disponible à un public francophone dans les meilleurs délais, ensuite la nécessité, renseignement pris auprès des éditeurs potentiels, de soumettre un manuscrit complet avant toute discussion sur sa publication éventuelle. Par ailleurs, étaler le projet sur deux ans, avec la participation de deux promotions successives d’étudiants de Master, posait des problèmes évidents de continuité dans la gestion du projet. En même temps, étant donné les contraintes matérielles de temps et de disponibilité - six mois effectifs de travail avec un cursus complet à mener en parallèle - il était inenvisageable de faire les très nombreux allers-retours entre traducteurs, correcteurs et donneurs d’ordre qui sont indispensables avant d’arriver à un produit vraiment fini. C’est pourquoi nous avons pris le pari, avec les dix-huit étudiants du M2, de terminer ce que nous avons convenu d’appeler un « premier jet définitif », ce qui laissait entendre que si l’ensemble des questions que soulevait la traduction avaient été repérées, débattues et souvent tranchées, et qu’un travail considérable d’harmonisation terminologique et stylistique était bien engagé, restaient en suspens certains problèmes non résolus et une ultime étape de révision et de relecture assurée par des praticiens plus aguerris. En l’occurrence, c’est Delphine Chartier, spécialiste de traductologie4, qui a animé pendant longtemps au CeTIM un atelier de traduction de la littérature pour la jeunesse, qui s’est trouvée tout en bout de chaîne et qui a accompli avec brio l’ultime révision. En effet, le « toilettage » d’un texte pour publication suppose souvent de prendre des libertés en termes de suppressions, de simplifications de style et de syntaxe, que des apprentis-traducteurs ne s’autorisent pas toujours par manque d’expérience ou de confiance.
Le travail collectif a procédé de la manière suivante : après toute la préparation en amont de lecture, de discussion des différents éléments de contexte, de contenu et de visée à prendre en compte, nous avons créé des binômes, chacun responsable de la traduction de deux segments distincts du texte. Un planning de travail prévoyait dix séances collectives de retour sur travaux, et les différentes étapes prévues - première révision, deuxième révision, relecture - devaient coïncider avec ces séances. Chaque binôme « traducteur » devenait à son tour « réviseur » d’un autre segment et « relecteur » d’un troisième, de sorte que l’ensemble du groupe balaye le plus du texte possible afin de repérer erreurs, incohérences, occurrences de termes et de tournures problématiques. Nous n’avons pas créé de mémoire de traduction, mais un glossaire commun, alimenté et amendé tout au long du travail, et un forum de discussion en ligne ont fourni deux outils précieux et très sollicités.
Parmi les difficultés à surmonter, deux en particulier nous ont donné du fil à retordre. La première concerne le parti-pris méthodologique (et par conséquent stylistique) de l’auteur, qui a choisi de mêler un récit autobiographique de certains moments déterminants de sa vie à une réflexion théorique assez poussée sur la surdité et les enjeux de l’apprentissage de la langue des signes. Il en résulte une juxtaposition, déroutante de prime abord : d’une part des scènes de sa vie quotidienne plus ou moins dramatiques, où dialogues et narration alternent dans un style rapide, familier, empreint d’humour, souvent proche de la B.D., ensuite des développements bien plus abstraits qui offrent un cadre conceptuel pour interpréter les scènes relatées. Trouver le ton juste pour rendre vivante et actuelle l’oralité des dialogues s’est avéré non moins délicat que de maîtriser des considérations épistémologiques parfois ardues avant de procéder à leur traduction.
La deuxième difficulté a trait au contexte culturel américain, qui pose à la fois le problème pratique, bien connu des traducteurs, de la non équivalence de la réalité extralinguistique évoquée : système scolaire, repères institutionnels ou historiques et autres marqueurs culturels et sociaux. Dans ce cas précis, c’est tout simplement l’histoire de la réflexion sur la surdité, comme celle du handicap, qui a connu une évolution très différente aux Etats-Unis qu’en France. Comment restituer en français des spécificités telles que deaf studies, disabilty studies, deafcrit ? Traduire ou ne pas traduire ? Expliciter en ajoutant pléthore de notes du traducteur au risque de rendre le tout indigeste, ou laisser subsister une certaine opacité, en faisant confiance au lectorat probablement assez hétérogène pour retrouver la signification ? Comme souvent en traduction, c’est la moins mauvaise proposition qui est retenue, à défaut de parvenir à la solution parfaite.
D’un point de vue pédagogique, il est vrai que cette méthode de travail en autonomie trouve ses limites dans la relative absence de retour personnalisé de la part de l’enseignant vis-à-vis de chaque étudiant, afin d’analyser de plus près ses stratégies propres, ses fautes récurrentes, ses maladresses de formulation etc. L’accent est indéniablement mis sur le collectif et le collaboratif, ce qui met parfois à contribution les étudiants les plus inventifs, les plus rigoureux et ceux dont les qualités d’expression sont les plus riches, au bénéfice de tous.
En revanche, le travail effectué a permis à tous de toucher du doigt les impératifs d’une entreprise de cette envergure : gestion de projet, recherche documentaire et terminologique, contenu thématique ardu, harmonisation de style et de lexique, respect des délais, rigueur et attention au détail. Sans parler de la satisfaction d’avoir mené à terme la première grande étape d’une « vraie » traduction. Cette aventure a surtout été l’occasion de fédérer les étudiants, toutes combinaisons linguistiques confondues, autour d’une véritable réflexion sur la culture Sourde et les enjeux de la pratique de la langue des signes, consolidant les liens entre les différentes filières et apportant une nouvelle cohérence à l’ensemble de la formation.
Forum de discussion, le « best of »:
Le détail qui tue…
Le 17 mars 2013 10:31, Carmen a écrit :
- Détail microscopique : est-ce qu'on écrit tous "ok" pareil ? Notre groupe écrit "Ok / ok" mais on vient de voir "O.K." en faisant la révision. Que faites vous, vous ? Le Larousse en ligne dit "O.K ou okay" et le TLF vote pour "O.K." point barre (très conservateur tout ça ^^). Du coup j'imagine qu'on devrait tous harmoniser avec "O.K." pour ne pas nous attirer les foudres éternelles de l'Académie Française ?
C'est O.K. pour tout le monde ? :)
- O.K. !
Article ou pas d’article… ?
Le 5 mars 2013 15:23, Lucile a écrit :
- Avis à ceux qui ont traduit des passages avec "Commander".
Le mot a été traduit par "Commandeur" (ex: Commandeur se tourne vers moi) mais aussi une fois par "le Commandeur" (ex: il rétorque un cinglant "Ferme ta gueule ! " au Commandeur). Qu'en est-il ? Déterminant ou pas ?
- Non
Ma réponse n'engage que moi. Aucune décision définitive n'a été prise.
Votons :)
Les petits camarades… ?
Le 8 mars 2013 18:40, Stephen a écrit :
- Aux groupes 1 et 4 particulièrement et aux autres aussi : Que fait-on de nos nombreux petits camarades ? J'ai un petit lot de suggestions pour Fat Albert parce que je l'ai vu évoluer dans les passages que j'ai eu à traduire mais j'ignore tout des 3 autres.
Fat Albert? ch. 2 et 11 : Le Gros Albert - Albert l'empâté - La Boule - Le Toboz'
Little Johnny? ch. 11 et 16
Freckles? ch. 11 et 16
Ritchie Rich? ch. 11
- Pour l'instant, plusieurs groupes on opté pour "p'tit Johnny" pour Little Johnny
Le Gros Albert j'aime bien. Ou Gralbert (Marianne ©)
- Dans la première partie mise en commun on trouve partout "le Gros Albert" quand on parle de lui, ou "Gros Albert" quand on s'adresse directement à lui... J'adore Gralbert aussi mais sinon je suis pourle Gros Albert (plus neutre)...
Sinon, je dirais "Ritchie Riche" ! et "p'tit Johnny" est pas mal aussi :)
- "le Gros Albert"
"p'tit Johnny"
"Ritchie le riche"
On pourrait proposer et voter ?
Le bon signe… ?
Le 16 mars 2013 15:10, Julie a écrit :
- On trouve beaucoup "in signs" dans tout le bouquin il me semble (ou alors c'est juste mes parties) et je trouve que ça fait bizarre en français, du coup on remplace souvent par "langue des signes" mais des fois c'est juste trop lourd. En tout cas je ne crois pas que ça se dise trop par ici…
- je dois traduire l'expression "passing on deaf culture and sign". Je ne sais pas si l'on peut dire "la transmission de la culture sourde et des signes" ou s'il faut expliciter : "la transmission de la culture sourde et de la langue des signes". Je m'en remets à vous, surtout à Julie et Marie..!
- Désolée de réagir aussi tardivement à la question. Pour répondre, en français on dit plutôt "langue des signes" et pas "en signes".
Les ‘-ismes’ etc.
Le 18 mars 2013 14 :15, Elise a écrit :
- J'ai vu que Lee avait mis dans son document qu'il fallait harmoniser les termes "passing", "children with special needs" et "ableist". Moi je les ai partout, ces termes de m***e, mais je ne sais pas quels autres groupes les ont, donc j'en remets une couche ici.
Pour ableist, j'ai mis capacitiste, et à moins que ça pose vraiment problème de choisir ce terme, je ne peux pas changer pour "validiste". En effet, Joe fait pendant 7 pages tout un speech en jouant sur les mots "capable", "capacité", in/capacité, handicap - et validiste ne passe pas du tout.
J'avais trouvé capacitiste dans le glossaire qu'on avait créé.
Je cite Dalila : "Nous avons pensé à rendre le terme «ableism» par le néologisme «capacitisme», terme créé par analogie avec d'autres termes désignant une discrimination tels que racisme, sexisme, antisémitisme, etc. Après consultation d'un spécialiste du «Secrétariat à la condition des personnes handicapées», nous avons conclu que ce terme est ambigu et qu'il est préférable d'utiliser la périphrase « discrimination fondée sur la capacité physique »" Mais même si le terme est ambigu, il est compréhensible, et c'est ce qui passe le mieux dans le chapitre. Et "validiste" est aussi ambigu, il me semble.
Pour "passing", j'ai surtout "the need to pass", donc pas la forme. Mais bref, j'ai fait tout un truc avec le verbe passer :
- passer pour entendant
- passer pour quelqu'un de valide et d'intelligent
- ça pourrait passer (dans le sens, ça pourrait marcher)
- me faire passer pour autre
Est-ce que vous aussi vous avez gardé ce verbe ?
Enfin, pour "children with special needs", j'ai mis un truc provisoire mais vous me direz l'expression à utiliser. J'ai mis : "Si la théorie de Kirk a permis aux militants du droit à l’éducation pour les enfants aux besoins particuliers de relancer leur combat, d’autres en ont fait les frais"
- Nous avons eu le terme "special education" et "special education student" à traduire plusieurs fois dans notre partie. Parfois, ce terme est mis en opposition avec "general education" ou plus souvent avec "gifted education student". Nous avons opté pour "élève en éducation spécialisée", opposé à "élève brillant".
Mais pour "gifted education" tout seul, nous ne savons pas que choisir... "éducation d'excellence" ...?
Merci pour vos commentaires!!
Du côté obscur…
Le 22 mars 2013 12:13, Dalila a écrit :
- À la fin du cours de lundi dernier, on a un peu évoqué la question de la traduction de : "Forces of Darkness". L'expression apparaît beaucoup dans la partie de Lee et Guillemette apparemment, mais aussi dans d'autres endroits du livre. Dans notre passage, nous avons "My ambition for you is to fight back against the forces of Darkness. ” Pour le moment, nous avons traduit par "les forces de l'Ombre".
Vos commentaires sont les bienvenus...
- Nous on avait mis "Les forces du mal"
- Réponse définitive : forces des Ténèbres
Ces satanés noms propres… et majuscules
Le 17 mars 2013 12:44, Elise a écrit :
Hello tout le monde,
Je sais qu'on avait plus ou moins discuté de la traduction des noms d'université, tout ça, mais pour Bates College, comment l'avez-vous traduit ? J'ai choisi "université de Bates" et Carmen et Diane ont choisi "université de Bates College". Y a-t-il des occurrences dans d'autres parties ?
Merci !
à 12:50, Marianne a écrit :
Dans la nôtre on a également parlé de l'Université de Bates ; d'ailleurs on ne savait pas trop si on devait mettre la majuscule à Université ou pas
à 18:32, Guillemette a écrit :
Mais "Université de Bates College" ça va pas, vu que College veut déjà dire université, ça fait comme une répétition, non? Moi je dirais qu'il vaut mieux garder juste "Université de Bates", pour harmoniser aussi avec "Université d'État d'Arizona".
à 18:36, Carmen a écrit :
Je ne me rappelais plus qu'on avait mis ça mais c'était sans doute pour rendre la différence entre University et Collège, qui n'est pas pareil mais pour lequel y a pas d'équivalent en français. Mais on peut le changer.
Les nerfs qui lâchent…
Le 17 mars 2013 10:24, Carmen a écrit :
- Salut les copains, point d'harmonisation : pour "Dr." Lucile et Marianne avaient proposé "professeur" après en avoir parlé avec Mme Meschia (voir post d'harmonisation sur "M. / Mrs. / Dr." initulé "Le Monsieur, la Madame et le Docteur sont sur un bâteau" ou un truc du genre)
En faisant la révision d'un autre groupe j'ai vu que certains n’avaient pas encore intégré et avaient trouvé des abréviations (Pr, Prs, Pre) sur Termium. S'agit-il de" canadismes" ou est-ce que ça marche aussi en français ? Et si ça marche est-ce qu'on utilise tous ça ou "professeur" ?
Let's harmonize ! :)
- Alors, c'est nous les blaireaux qu'on a pas encore intégré l'histoire d'harmonisation de professeur etc., sauf que justement je me souvenais qu'on avait dit professeur et pas docteur, mais je n'avais pas compris qu'on était interdit d'abréviation. Je n'ai pas trouvé ces abréviations que sur Termium, mais je vais poursuivre mes recherches sur la question afin que nous obtenions de vraies réponses concrètes et indiscutables et qu'on soit ainsi heureux pour la vie.
Bonnes révisions dans la joie et la bonne humeur.
Le mot de la fin…
Le 30 mars 2013 14:10, Julie a écrit :
- Dernière question avant de pouvoir prendre la clé(f) des champs ! Pardon pardon, je sais que la date est dépassée, mais que préférez-vous quand même : des clés ou des clefs ??
- clés pour moi !
Préface à l’édition française de s/Sourd et m/Muet. Portrait d’un petit sourd en jeune super-héros, Joseph Valente.
Agnès Campredon
Les mots écrits sont parfois porteurs d'une énergie de vie si puissante qu'ils vont droit au cœur, suscitant de vraies émotions et élargissant la conscience des lecteurs. Je fus « happée » par d/Deaf and d/Dumb dès les premières lignes, emportée par l'histoire bouleversante de Joseph Michael Valente, petit garçon sourd n'ayant aucun contact avec la langue des signes et n'ayant qu'un accès limité au monde entendant dans lequel il vivait. Au fil des récits successifs, je me sentais plus profondément touchée, émue aussi par l'usage de ses connaissances théoriques que faisait l'auteur pour analyser chacune des expériences de ce vécu singulier. d/Deaf and d/Dumb me permettait pour la première fois de pénétrer au cœur d'une expérience de la surdité dont je n'avais jamais pris la pleine mesure. Joe écrit dans d/Deaf and d/Dumb que son dessein est d'utiliser l'histoire de sa vie pour montrer aux lecteurs ce qu'est le ressenti de son vécu de la surdité et c'est l'une des réussites remarquables de ce livre - il vous fait sentir quelque chose.
C'est une série d'heureux événements qui a entraîné le projet de publication de la version française de d/Deaf and d/Dumb, à commencer par la rencontre avec Joe et son équipe de chercheurs américains lors de leur première visite à l'école maternelle Sajus à Ramonville (près de Toulouse) en Juin 2011. Joe et les « Américains » se proposaient de réaliser dans notre école un film anthropologique sur une journée de la vie de la classe bilingue (français et Langue des signes française) pour enfants sourds. Ce projet de film s'insérait dans le cadre plus large d'une étude internationale visant à comprendre le processus d'acculturation des enfants sourds et à identifier différences et similitudes entre les classes bilingues au Japon, en France et aux Etats Unis.
L'arrivée d'un groupe si « prestigieux » aurait pu être intimidante mais très rapidement des rapports chaleureux se sont établis entre nos deux équipes. L'enthousiasme de Joe, notamment, était contagieux. Très vite, il nous fit part ouvertement de sa joie de découvrir la classe bilingue de notre école. Il évoqua également avec enthousiasme son espoir que les trois écoles dans chaque pays deviennent des « écoles-sœurs » et que se développe un réseau international de collaborations et d'échanges sur l'éducation bilingue pour enfants sourds. Dès le début, Joe semblait passionné par l'idée de rassembler les gens.
Joe parlait très bien et je n'avais pas remarqué son appareil auditif, d’où ma stupéfaction lorsque, au bout d'un certain temps, il me fit part de sa surdité, de l'histoire de sa vie, élevé sourd oraliste et intégré en école ordinaire, et de son long cheminement vers la culture sourde. A bien des égards, il ébranlait ce que je connaissais jusqu'alors des personnes sourdes. Une curiosité nouvelle s'éveillait en moi et, avec elle, le réel désir de mieux comprendre aussi le vécu de mes collègues sourdes que je côtoyais depuis plusieurs années. D'ailleurs, après le départ de Joe et de son équipe, une plus grande proximité s'est installée entre nous ; il ne m’était plus possible de continuer à vouvoyer Marie-Paule Kellerhals, la coordonnatrice des classes bilingues. Le « tu » fraternel s'imposait comme une évidence. Enthousiasmée par ces rencontres avec Joe, son équipe, et ces nouvelles perspectives, je passais une partie de l'été à lire les ouvrages en anglais écrits par nos nouveaux amis américains. C'est en parcourant les pages du site web de Joe que j’ai découvert l'existence de son livre d/Deaf and d/Dumb. Lire le livre de Joe, comme le rencontrer en personne, m’a touchée de façon surprenante.
Tandis que je lisais d/Deaf and d/Dumb, il me semblait évident qu'un témoignage aussi fort et captivant, si original tant par le fond que la forme, était à même d'intéresser de nombreuses personnes : professeurs, chercheurs, éducateurs, parents d'enfants sourds, quiconque touché directement ou indirectement par l'expérience humaine de la différence.
Quand Joe est revenu à Ramonville en Octobre 2011, nous avons organisé une réunion avec les parents des élèves sourds filmés dans le cadre du projet d'étude afin de leur présenter la version achevée de la vidéo. C'est lors de cette réunion avec les parents que j’ai réalisé combien il était dommage que d/Deaf and d/Dumb n'existe que dans sa version anglaise. Quand j'ai raconté l'histoire de Joe et de son livre aux parents, ils ont exprimé aussi leur regret. A ma surprise, je n’ai eu aucun mal à convaincre les gens de l'intérêt de traduire d/Deaf and d/Dumb en français. Je ne m'attendais pas à voir un tel projet mis en route si aisément avec le soutien d'autant de personnes et de contacts, immédiatement après cette réunion de parents.
En effet les événements ont très vite pris une tournure aussi heureuse qu'inattendue lorsque Alain Bacci, interprète en Langue des Signes de l'Association Interpretis, présent ce soir-là, est venu vers moi pour me suggérer de contacter le CeTIM à l'Université de Toulouse 2. Alain pensait, tout comme moi, que la possibilité d'une traduction de quelques passages pour les enseignants et les parents de notre école pourrait être envisagée. C'est ainsi que, peu de temps après, je déposais un exemplaire de d/Deaf and d/Dumb dans la boîte aux lettres de Patrick Gache, formateur coordonnateur en LSF au CeTIM et, quelques semaines plus tard, accompagnée de Vanessa Andrieu, l'enseignante de la classe bilingue, je rencontrais Karen Meschia, professeur d'Anglais, directrice adjointe du département, et trois de leurs étudiantes à qui j'ai expliqué les circonstances qui nous motivaient pour que d/Deaf and d/Dumb soit traduit en français. Très vite, nous avons appris que le CeTIM envisageait de traduire non seulement des passages mais le livre entier. Il était même question d’une traduction en LSF-vidéo pour en faciliter l’accès aux personnes sourdes signantes !
Quand Joe est revenu à Toulouse en Juin 2012, nous avons de nouveau rencontré Karen Meschia, Patrick Gache (qui se chargerait ultérieurement de l'interprétation en LSF) et quelques uns des étudiants de Master impliqués dans le projet. Ce fut le début d'une belle collaboration. Même si la traduction s'avérait difficile à certains égards, une version française allait bientôt voir le jour grâce à la ténacité de Karen et de son équipe de traducteurs ! Les lecteurs francophones pourraient découvrir l'histoire du petit Joey à travers sa propre perception du monde. Et, plus excitant pour nous qui avons soutenu ce projet, les lecteurs pourraient partager le voyage intimement difficile et douloureux de ceux que la société contraint à vivre en marges du fait de leur manière différente de communiquer.
Nul doute qu'enseignants et parents d'enfants sourds trouveront dans le témoignage de Joe riche matière à réflexion quant au rôle qu'ils jouent dans la vie des enfants sourds comme lui. Notre espoir est que d/Deaf and d/Dumb aide enseignants et parents à construire une meilleure compréhension de ce que signifie être sourd dans un monde majoritairement entendant. Car au delà de ses talents de conteur et ses capacités d'analyse, l'art de susciter une réelle empathie pour mieux éveiller les consciences est sans doute l'un des pouvoirs les plus puissants du « super-héros » qu'est Joseph Michael Valente.