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Introduction
Faiseur d’anagrammes et d’énigmes1, auteur à l’âge de vingt ans d’une sibylline pastorale (Le beau Pasteur, 1587)2, érudit ancien élève du collège de Navarre, Jacques de Fonteny3 est un « poète parisien en activité entre 1587 et 1629, futur maître et doyen des Confrères de la Passion4, “contrôleur des comédiens français et étrangers” auto-proclamé »5. Plus qu’une figure de lettré prolixe, il apparaît comme une personnalité ayant très à cœur de s’octroyer la bienveillance, voire l’appui et la protection d’un entourage choisi : sa Première partie des esbats poétiques… publiée en 1587 est un volume comprenant « un grand nombre de poèmes de dédicaces ainsi que de très nombreux sonnets dédiés à l’entourage et aux protecteurs de Fonteny »6 où il n’est pas rare que ce dernier se serve de la poésie comme marque d’amitié, le don de poèmes étant à ses yeux le meilleur témoignage de son amitié. Or cet élément est non négligeable dans la genèse de la traduction des Bravure del capitan Spavento, puisque c’est au dédicataire qu’il offre sa traduction en signe de bonnes relations entre amis. L’auteur de cette traduction est effet un lettré érudit, rompu à l’entrisme relationnel appuyé, dont les écrits littéraires servent souvent d’opportunistes desseins.
C’est en 1608 que Jacques de Fonteny entreprend de traduire les six premiers « discours » des soixante-cinq Bravure del Capitan Spavento (Venise, Somasco, 1607)7 de Francesco Andreini8, dès l’année suivant la publication italienne, donnant pour titre à sa traduction Les Bravacheries du Capitaine Spavente (Paris, Le Clerc, 1608). En 1638, Anthoine Robinot publie pour la seconde fois cette traduction avec le titre nouveau de Le Capitan, par un comédien de la trouppe [sic] jalouse9. Quant à la forme de l’œuvre que Fonteny choisit de traduire (Le Bravure…10), rappelons qu’il s’agit de soixante-cinq « ragionamenti », autrement dit une série de dialogues nourris et burlesques, hyperboliques jusqu’à l’absurde11, entre le Capitan Spavento da Valle Inferna, sopranominato il Diabolico et son serviteur Trappola (ed. 1607), complétés dans l’édition de 161812 par 30 autres Ragionamenti dont les répliques sont plus brèves.
En publiant ce texte, il s’agit pour Francesco Andreini d’échapper à l’éphémère de la création théâtrale dell’arte13. Pour figer son Capitan Spavento sur le papier, Francesco Andreini choisit le genre épique14. La langue « epico-burlesca »15 est typique du personnage de Capitano dell’arte, ce « milite superbo » ou soldat fanfaron à la limite entre comédie et tragédie16. Toutefois, le texte de Francesco Andreini est moins un texte pour la scène qu’un très long dialogue entre le zanni Trappola et le Capitan Spavento dont la rhétorique fut portée par l’acteur jusqu’en 1604.
Comment de Fonteny arrive-t-il à ce texte? Ou plutôt : comment ce texte arrive-t-il à de Fonteny ? L’homme a certes approché de près les comédiens italiens et c’est par ce biais direct que lui vient probablement l’occasion de s’emparer du texte : Francesco Andreini a-t-il fait don d’un exemplaire à de Fonteny ? Fonteny a-t-il été fasciné par le masque du Capitano17 au sein des troupes italiennes dont il est spectateur à Paris ? Autant d’interrogations sans réponses, mais le canal de transmission est probablement direct, par l’entremise des comédiens italiens de passage à l’Hôtel de Bourgogne entre les vingt dernières décennies du XVIe siècle et les premières années du XVIIe siècle18.
C’est en 1603-1604 que Fonteny est probablement en contact direct avec les Gelosi de Francesco Andreini, arrivés en France à l’automne 1603. Après avoir passé trente-six jours à Fontainebleau où séjourne la cour (oct.-nov. 1603), les Gelosi viennent réjouir le public parisien à l’Hôtel de Bourgogne où la compagnie d’Angela Maloni, présente à l’automne 1603, aurait cédé son bail dès janvier 160419 : avant son retour pour l’Italie, le Capitan Spavento s’est assurément produit sur les scènes parisiennes, au moins de janvier à avril 1604. De Fonteny en est alors probablement le spectateur direct.
En effet, les traces documentaires de Jacques de Fonteny le donnent comme une figure majeure proche des Confrères de la Passion, eux-mêmes gestionnaires de l’Hôtel de Bourgogne de 1548 à 166720. Or Jacques de Fonteny est très régulièrement cité dans les archives des baux et documents légaux relatifs à l’Hôtel de Bourgogne du 2 juin 1603 au 9 juillet 162921.
De Fonteny, les Confrères de la Passion et la controverse de février-mai 1608
De 1603 à 1629, le nom de J. de Fonteny apparaît de manière récurrente dans les minutes notariales impliquant la confrérie. On l’y trouve comme bailleur, comme ancien maître ou maître de la confrérie de la Passion, « soi-disant » contrôleur des comédiens, ou encore cité parmi les maîtres et adjudicataires du revenu de la confrérie de la Passion ou de l’Hôtel de Bourgogne (1622), parmi les « maîtres et gouverneurs » et enfin comme doyen de la confrérie (juin 1624-avril 162722). Tout aussi fréquentes sont les formules plus évasives du type « en la présence de Jacques de Fonteny ».
Dès le 2 juin 1603, c’est lui le principal signataire d’un bail, puis d’un accord financier avec les comédiens italiens, compagnons d’Angela Maloni (Virginia) et de son fils, aux côtés de Giulio Ricci (Pantalone)23. Signant au nom des doyens de la Confrérie, de Fonteny apparaît dans le bail comme contrôleur des comédiens, un statut qui semble lui conférer un certain pouvoir alors qu’il est déjà maître de la Confrérie : « Bail par Jacques de Fonteny […] contrôleur des comédiens français et étrangers, maître de la confrérie de la Passion, agissant au nom des doyens, maîtres et anciens maîtres de ladite confrérie » pour la location aux italiens « de la grande salle de l’Hôtel de Bourgogne avec toutes les loges, du 1er juillet prochain au dernier jour de la semaine de la mi-carême, moyennant 1500 livres de loyer »24. À compter de cette date, il est possible de retracer l’évolution relationnelle de Jacques de Fonteny avec les Confrères de la Passion. Les différentes fonctions occupées par Fonteny révèlent un entrisme agressif et opportuniste, de la part d’un personnage faisant des pieds et des mains pour avoir tant soit peu de pouvoir autour de la gestion de l’Hôtel de Bourgogne aux côtés des Confrères, jusqu’au statut de doyen qu’il renâcle à devoir pourtant céder à Nicolas Réveillon à compter d’avril 1627.
Les différentes informations fournies par les Documents du Minutier central des notaires de Paris révèlent de la part du « Sieur de Fonteny » une indéniable volonté d’asseoir son autorité au sein des confrères et du fonctionnement l’Hôtel de Bourgogne. En premier lieu, Fonteny semble occuper un énigmatique statut de « contrôleur des comédiens » d’abord auto-proclamé (car initialement contesté) avant de devenir officiel. En effet, dans le « bail par Jacques de Fonteny […] agissant au nom des doyen, maîtres et anciens maîtres de ladite confrérie » avec les comédiens italiens d’Angela Maloni en juin 1603, il apparaît en tant que « contrôleur des comédiens français et étrangers »25, mais ce titre semble d’autant plus controversé que le 29 mai 1608 la protestation du comédien italien Battistino Austoni à son encontre l’indique « soi-disant contrôleur des comédiens » et que les confrères affirment « qu’il n’y a jamais eu de contrôleur des comédiens »26, éléments réitérés dans l’« action contre Jacques de Fonteny, soi-disant contrôleur des comédiens » le 29 mai 160827.
Pourtant, cinq ans après la controverse de 1608, on le retrouve le 17 octobre 1613 dans un bail signé avec les comédiens italiens menés par l’Arlequin Tristano Martinelli et Lelio (Giovan Battista Andreini) au titre bel et bien réitéré de contrôleur des comédiens28. Le bail renouvelé avec les mêmes comédiens italiens en avril 1614 rappelle ce même statut, désormais bien officiel et incontesté29. Il en est de même en avril 1627 dans le cadre d’une transaction concernant la fin de son mandat de doyen où il apparaît à nouveau en « bourgeois de Paris, contrôleur des comédiens français et étrangers »30. Un bail signé avec les comédiens français du prince d’Orange31 en juillet 1627, cite derechef Fonteny comme « contrôleur des comédiens français et étrangers »32, puis à nouveau en novembre 1627 dans un bail avec les « comédiens français du roi »33. En somme, de statut probablement auto-proclamé34 en 1603 puis dénoncé comme indu en 1608, Fonteny finit par obtenir le titre officiel de contrôleur des comédiens, le conservant au moins jusqu’en 1627.
Les vicissitudes de son affiliation aux Confrères font soupçonner l’attitude d’un personnage qui œuvrerait pour conserver ou retrouver coûte que coûte un statut influent dans la gestion de l’Hôtel de Bourgogne. En 1603, il est « maître de la confrérie de la Passion, agissant au nom des doyens, maîtres et anciens maîtres de ladite confrérie »35, maîtrise qu’il semble avoir perdue en 1608 puisqu’on le dit « ayant appartenu à leur communauté »36 ainsi qu’en juillet 1610 où il figure parmi les « anciens maîtres et gouverneurs de la confrérie »37, puis en mai et septembre 1613 parmi les « anciens maîtres »38, et en juillet 1616 comme ancien maître et gouverneur39. On le retrouve néanmoins parmi les « maîtres de la confrérie de la Passion » dans un bail et divers accords co-signés entre les « comédiens français ordinaires du roi » et les italiens de Giovan Battista Andreini (Lelio), locataires de l’Hôtel de Bourgogne entre juillet et octobre jusqu’au 16 novembre 162140, ainsi que parmi d’autres « maîtres » d’un bail en août 1621 avec les mêmes « comédiens [français] du roi »)41.
Jacques de Fonteny figure toujours parmi les « maîtres » en août 1622 dans le bail pour le loyer d’un des deux magasins de l’Hôtel de Bourgogne42, puis parmi les « maîtres et adjudicataires du revenu de la confrérie de la Passion »43, un statut réitéré dans les termes du bail avec les comédiens du prince d’Orange la même année, cité parmi les « maîtres et gouverneurs de la confrérie de la Passion »44 et toujours parmi les « maîtres de la confrérie » en octobre 162245. Fonteny figure ensuite dans la liste de « bourgeois de Paris, adjudicataires du revenu de l’Hôtel de Bourgogne » en février 1623 dans un bail avec les « comédiens ordinaires du roi »46 et toujours « maître » à la fin de la même année47. C’est de juin 1624 à décembre 1626 qu’il figure au rang de « bourgeois de Paris, doyen » aux côtés d’autres maîtres48. La transaction d’avril 1627 par laquelle Fonteny consent avec la plus grande réticence à se désister de son statut de doyen révèle les prétentions d’influence du personnage « qui prétendait, en vertu de lettres de cachet, pouvoir être prolongé pour trois années dans les fonctions de doyen, se désiste de ses prétentions et consent que Réveillon exerce la charge ; en compensation, les maîtres de la confrérie acceptent que Fonteny jouisse d’une sixième place de maître, sa vie durant »49. En conséquence, il retrouve son seul statut de « contrôleur » et « maître » à compter de juillet et septembre 162750 mais, outre son rôle de « contrôleur » toujours en vigueur ou figurant encore parmi les « maîtres et gouverneurs » en 162851, il bénéficie du titre d’« ancien doyen » dans le bail de location avec les comédiens ordinaires du prince d’Orange en juillet 162952.
Un dernier élément de la vie privée de Jacques de Fonteny pourrait aussi expliquer sa présence parmi les Confrères. En effet, la notice biographique associée à la numérisation en ligne du manuscrit du Le Livre d’Énigmes de Jacques de Fonteny53 s’interroge en ces termes : « il est curieux qu’un homme de plume s’adonne à la céramique, à moins qu’il ne s’agisse là de son véritable métier ou d’une profession première. On retrouve dans les archives du Châtelet des Fontenay – autre graphie possible de Fonteny – graveurs en pierreries, notamment pour le compte d’Henri IV – et l’appartenance du poète aux milieux de l’artisanat d’art permettrait de comprendre son intégration à la Confrérie de la Passion qui recrute parmi les maîtres artisans parisiens. Car c’est bien comme bourgeois parisien – mais sans indiquer de profession – qu’il est présenté dans les différents documents de l’Hôtel de Bourgogne »54.
Or peut-être n’y a-t-il rien de curieux à ce que cet homme de plume s’adonne à la céramique, d’autant moins si c’est l’inverse qui aurait pu se produire et qu’il s’agisse en réalité d’un artisan… qui s’adonnerait à la plume. En effet, ce Livre d’Énigmes contient l’illustration d’un passementier55 ce qui vaut à l’éditeur en ligne ce commentaire : « un homme assis devant un métier à tisser. Pourquoi Passementier (fabricant d’ornements, rubans, broderies, galons, cordons, franges) plutôt que Tisserand ? Le métier paraît bien large pour la passementerie. On entrevoit dans sa main gauche la navette qui passe entre les rangs de fils de trame »56. Cette même notice biographique n’exclut d’ailleurs pas que de Fonteny eût exercé un autre « véritable métier ou […] profession première » avant celle de lettré dont il se revendique.
D’ailleurs, une question se pose de façon centrale : si les confrères qui deviennent doyens entre 1606 et 1627 sont tous issus de corporations d’artisans, comment Jacques de Fonteny eût-il pu y prétendre, s’il n’était qu’un « bourgeois de Paris » qui n’eût fait partie d’aucune de leurs corporations ? En effet, Charles Poudrac (doyen entre 1606 et 1609) est un marchand bourgeois de Paris ; Achille Brice (doyen entre mai 1607 et 1610) est tireur d’or et d’argent ; Pierre Morin (doyen entre 1613 et 1615) est maître-maçon ou tailleur de pierre ; Vespasien Brosseron (doyen en 1618) est « maître tissutier-rubannier ». Enfin, Nicolas Reveillon57 (et/ou son fils) en personne, qui succède à de Fonteny, est un probable « maître étameur » exerçant rue de la Tannerie à Paris. Bref, tout inciterait à penser que de Fonteny eût exercé une profession bien distincte de celle de simple lettré.
Or il se trouve que Jacques de Fonteny épouse le 4 juillet 1600 Guillemette Villot, la veuve d’un tireur d’or et d’argent, mariage ratifié le 7 septembre 1601. De deux choses l’une : compte tenu des mariages généralement infra-corporatistes58 au sein des artisans de Paris, soit Fonteny est lui-même tireur d’or et d’argent de son métier, soit il est le fils de l’un d’entre eux. Ajoutons que les statuts de la corporation des tireurs d’or, définis par lettres patentes de Henri II (1551 et 1557)59, semble offrir une situation avantageuse aux veuves des artisans tireurs d’or puisqu’elles jouissent des mêmes privilèges qu’eux, dont – en épousant ceux des compagnons qui auraient été apprentis cinq ans chez les maîtres – celui d’affranchir lesdits compagnons du chef-d’œuvre dû par les autres maîtres dudit métier60. Ainsi, Fonteny aurait pu être de ces compagnons-apprentis qui, en épousant la veuve d’un maître, serait lui-même devenu maître tireur d’or sans l’obligation du chef d’œuvre à produire. Il ne s’agit là que d’hypothèses ouvertes, mais une chose est certaine : Jacques de Fonteny fait une bonne opération en épousant la veuve Villot (qui ne sait ni écrire, ni signer) compte tenu des 1500 écus61 qu’il reçoit en dot comme le spécifient les documents relatifs au contrat de mariage62.
En outre, le statut professionnel de certains confrères de la Passion cités avec de Fonteny dans les minutes notariales confirmerait l’appartenance de nombre d’entre eux à ce corps de métier ou à des corps apparentés (passementiers, boutonniers ou tireurs d’or)63. Ceci n’exclut donc pas que Fonteny ait pu en faire partie en tant que bourgeois de Paris, ce qui expliquerait sa place parmi les maîtres de la Confrérie64, soit en raison de son éventuelle appartenance à la corporation des tireurs d’or et d’argent, soit grâce à l’alliance matrimoniale avec la veuve Villot.
Enfin, dans sa quête acharnée de privilèges comme maître (et plus, si possible) de la Confrérie, Jacques de Fonteny se trouve au cœur d’une controverse65 entre février et mai 1608 dont il importe de reconstituer la chronologie puisque c’est précisément à cette date qu’il produit les Bravacheries. En effet, s’appuyant sur le contrat du 15 février 1608 en vertu duquel six loges sont réservées aux maîtres, les comédiens italiens du Duc de Mantoue (Vincenzo I Gonzaga), dont Battistino Austoni (zanni Cola), déplorent le 29 mai 1608 que Jacques de Fonteny, se serait arrogé une sixième loge à laquelle il prétendrait à titre personnel : « soi-disant contrôleur des comédiens, [Fonteny] prétend être ‘seigneur’ d’une loge qu’il aurait reçue en don du roi, et que ce serait la loge de Dom Juan66, où est à présent le vidame du Mans [Angennes, Charles d’] »67. De telles prétentions valent à Jacques de Fonteny l’opposition de l’ensemble des Maîtres qui ratifient ensuite l’engagement d’une action contre les exigences excessives du soi-disant contrôleur68.
Toutefois, l’influent Jacques de Fonteny semble avoir gain de cause : non seulement on le retrouve bel et bien contrôleur des comédiens dans nombre de minutes notariales comme déjà expliqué plus haut, mais les textes laissent clairement penser qu’il a fini par remporter des privilèges sur l’usage des fameuses loges, en obtenant vraisemblablement une qui lui serait réservée. En effet, Fonteny donne un premier signe d’une volonté de contrôle pointilleuse sur la grande salle et des loges de l’Hôtel de Bourgogne le 2 juin 1603 « au cas où » les italiens (dont Angela Maloni) ne seraient pas de retour, à condition qu’il leur verse la moitié du loyer69.
Si en 1607, Giulio Ricci et ses collègues italiens ne peuvent prétendre qu’« à la grande salle, théâtre et loges de l’Hôtel de Bourgogne, à l’exception des cinq loges réservées »70, à cette date de Fonteny ne bénéficie pas encore de loge réservée. En revanche, après avoir prétendu être seigneur d’une loge qu’il aurait reçue en don du roi au nom de ses bons et loyaux services, et suite à la controverse résumée ci-dessus, le bail signé le 7 avril 1609 par les comédiens français ordinaires du roi spécifie certes que le bail vaut à l’exception des cinq loges des maîtres, mais aussi « de celle des anciens, de celle du prince des Sots71 et de celle du sieur [Jacques] de Fonteny »72, clause qui se renouvelle selon les mêmes termes dans plusieurs baux de 161073, puis 161174, 161275, 161376, 161477. L’année 1621, le bail signé le 23 juillet en présence de Giovan Battista Andreini, ainsi que celui d’août 1621, précisent la formule « à l’exception des loges réservées »78 qui, on le suppose aisément, incluent à l’identique les mêmes conditions privilégiées. En juillet puis octobre 1622, le bail avec les comédiens du prince d’Orange d’une part, et celui que signent les « comédiens français » d’autre part, comportent la clause « à la réserve des autres loges accoutumées » ou « réservées »79, exactement comme si ces avantages étaient parfaitement entrés dans les mœurs de tels baux. On constate une très légère évolution (temporaire ?) début 1623 où cette fois-ci c’est « à la réserve des cinq loges des maîtres, de celle des anciens maîtres, de celle des Tonneaux et de la moitié de la loge du sieur de Fonteny »80 mais la fin de l’année confirme bien dans deux baux avec les comédiens français, la « réserve des cinq loges des maîtres, de celle des Tonneaux, de celle du sieur [Jacques] de Fonteny, et de la loge des anciens maîtres »81. Si l’année 1624 ne paraît pas réserver de loge spéciale, dès 1625 la formule ressurgit alors que Fonteny est doyen82, de même que dans le bail de J. de Fonteny avec les « comédiens espagnols de la reine »83, puis avec les comédiens français84. La formule « à l’exception des loges réservées » ou « accoutumées » reste inchangée en 162685, 162786, 162887 et 162988. Il semble donc bien que non seulement de Fonteny ait obtenu puis conservé sa loge personnelle après l’affaire de 1608, mais que d’autres encore aient pu en bénéficier à sa suite.
Un ultime signal, et non des moindres, traduit la volonté de puissance de l’opportuniste de Fonteny sur la Confrérie : c’est sa réticence à abandonner son statut de doyen comme il le devrait début 1627. Contre cession de son statut de doyen, une transaction est menée, par laquelle le Sieur de Fonteny – « qui prétendait, en vertu de lettres de cachet, pouvoir être prolongé pour trois années dans les fonctions de doyen, se désiste de ses prétentions » – obtient en échange une ultime faveur : « en compensation, les maîtres de la confrérie acceptent que Fonteny jouisse d’une sixième place de maître, sa vie durant »89. Ce 24 avril 1627, il semblerait donc qu’il finisse même par obtenir une modification des statuts de la Confrérie dès lors que « les maîtres et gouverneurs de la confrérie étaient normalement au nombre de cinq »90. Aussi trouve-t-on, de 1609 à 162591, dans le texte des baux signés avec les comédiens à l’Hôtel de Bourgogne la précision des « cinq loges des maîtres » réservées et « celle du Sieur de Fonteny » qui vient s’ajouter aux cinq réglementaires jusqu’à ce qu’il obtienne cette sixième place officielle de maître à vie, en avril 1627.
Par conséquent, si son nom figure toujours parmi les actes ultérieurs à cette date, mais il cède bel et bien sa place de doyen à Nicolas Réveillon à compter de 1627 et cela, au moins jusqu’en septembre 1629 où Fonteny obtient fort probablement d’apparaître comme « ancien doyen »92.
Lien entre choix du dédicataire et choix du sujet : un opportunisme politique ?
Si Jacques de Fonteny entretient des liens de clientélisme dans un vaste réseau aristocratique93, c’est à ce réseau qu’appartient Charles d’Angennes, Vidame du Mans auquel Fonteny dédicace les Bravacheries en 1608. Nous avons vu que l’emprise de Fonteny sur la Confrérie semble se renforcer précisément à compter de 1608, date après laquelle il obtient sa loge réservée pourtant largement contestée par les comédiens alors dirigés par Battistino Austoni94. Or la traduction des Bravure de Francesco Andreini coïncide d’autant plus avec les exigences du spectateur de Fonteny qu’il l’effectue précisément au beau milieu chronologique de la controverse décrite plus haut, entre la date du contrat signé par les comédiens italiens (mi-février 1608) et la date à laquelle les Confrères prennent position contre lui aux côtés des comédiens (fin mai 1608). En effet, le frontispice de la traduction donne les Bravacheries « traduictes par I.D.F.P.95/ à Paris,/ par David Le Clerc, rüe Fre-/mentel au petit Corbeil, pres/ le puits Certain./ avec privilege du Roy/ mcdviii » et l’extrait final du privilège d’édition, sur la dernière page du volume, indique que ce privilège est « donné à Paris, le dernier Mars 1608 »96.
Étant donné que Fonteny « prétend être ‘seigneur’ d’une loge qu’il aurait reçue en don du roi, […] où est à présent le vidame du Mans [Angennes, Charles d’] »97, il est légitime de supposer que l’épître dédiée au Vidame qui ouvre la traduction des Bravacheries trahisse une démarche intéressée de Jacques de Fonteny, avec pour objectif d’obtenir la loge en question par l’entremise dudit Charles d’Angennes. Ainsi, de même que de Fonteny avancera l’existence de lettres de cachet en 1627 pour faire valoir (en vain) ses droits à demeurer trois années supplémentaires doyen des Confrères98, il a très bien pu obtenir d’autres avantages en échange – par exemple – d’une dédicace de ses Bravacheries ou d’autres œuvres littéraires ou poétiques99. Le choix de la figure du Capitaine Spavento pour obtenir la protection du Vidame du Mans n’est probablement pas anodine non plus. Il pourrait paraître étrange que de Fonteny dédie à un Capitaine de la cour de France un portrait de Capitaine épique, ridicule et grandiloquent, mais « Fonteny a beaucoup pratiqué le don de poèmes qu’il considère comme le meilleur témoignage de son amitié. Une série de pièces poétiques, intitulées Étrennes (de La Mouche, de l’Âne, de l’Œuf pascal), sont des éloges paradoxaux que Fonteny a offerts à certains de ses amis proches, notamment à Pierre de L’Estoille »100. Le destinataire de l’épître dédicatoire est bel et bien un Capitaine, le « très-Illustre, et très-haut Monseigneur Charles d’Angenes, Vidame du Mans, Marquis de Pisany, Baron de S.Gouart, et Thallemont, Capitaine des cent Gentils-hommes de la maison du Roy, et Colonnel general de l’infanterie Italienne »101. Charles d’Angennes (1577-1652102) est seigneur et marquis de Rambouillet, marié le 27 janvier 1600 à Catherine de Vivonne, salonnière à l’Hôtel de Rambouillet jusqu’à sa mort en 1667. En outre, le Vidame occupe une charge prestigieuse qui fait de lui un très proche du roi Henri IV comme « capitaine de cent gentilhommes de la Maison du Roi »103. Il s’agit en effet de la garde rapprochée, clairement militarisée, de sa Majesté Royale. Charles d’Angennes figure parmi cette garde104, faite de capitaines, de lieutenants et de gardes du corps : on le voit, le choix de la figure du Capitaine [Spavento] est parfaitement explicable.
Rappelons en outre que l’épouse de Charles d’Angennes est la romaine Marquise de Pisany (Catherine de Vivonne Rambouillet), protectrice des arts et des lettres et animatrice de salons, dont Isabella Andreini fait l’éloge dans deux des sonnets de ses Rime publiées à Paris en 1603, (Alla marchesa di Pisani et Sonetto a Madama la Vidama d’Umans)105. Il s’agirait donc bien là d’une cible multiple et choisie avec soin, que Fonteny cherche à toucher : celle du Vidame, mais aussi celle de son entourage où gravitent les Andreini et l’entourage proche du roi qui, probablement, lui favorise les fameuses lettres de cachet dont il se prévaut.
Dans l’épître à d’Angennes, Fonteny ne dissimule d’ailleurs pas ses velléités d’entrisme parfaitement opportuniste envers son dédicataire, dans une rhétorique de l’éloge qui frôle la flagornerie à l’encontre d’un Capitaine dont il file sans vergogne la métaphore avec la figure du Capitan Spavento de Francesco Andreini – mêlant champ lexical de la guerre et celui de la flatterie littéraire. Le choix de ce masque de la comédie dell’arte n’est donc pas anodin. Il s’adresse à un de ces « Illustres Seigneurs qui chérissent les Lettres et les Lettrés » capables d’unir, à l’instar de Charles d’Angennes, « Mars et Minerve ensemble » exactement comme le masque du Capitan Spavento.
Les Bravacheries face à l’absence scénique du Capitano à Paris en 1608
Mais il y aurait peut-être une autre et ultime motivation opportuniste pour de Fonteny, qui complèterait un profil déjà versé dans la poésie virtuose106 et dans les tentatives d’écriture théâtrale107. Il s’agirait cette fois de puiser dans le répertoire – si prisé du public parisien en ce début du XVIIe s. – qu’est le théâtre des italiens à l’Hôtel de Bourgogne. En effet, l’érudit traducteur justifie son entreprise par l’occasion d’une traduction utile, non pas à son destinataire qui manie aisément la langue italienne108, mais à tout un chacun qui « n’entend pas l’italien » afin de « faire entrer en l’intelligence de ceux qui n’ont la langue italienne, ces Bravacheries qui sont encore rares en France pour n’y avoir esté imprimées que maintenant ».
Fonteny ajoute donc l’argument de la rareté à celui de l’italianité des Bravacheries comme motivation à leur traduction. La rareté éditoriale est effective puisque le texte n’est publié qu’en Italie (Venise, ed. Somasco, 1607). En outre, si les traductions de textes italiens de théâtre entre XVIe et XVIIe siècles ne sont pas rares109, celles de textes signés par des comédiens professionnels italiens restent très limitées110, non seulement en raison de leur faible diffusion en France mais aussi à cause de leur nature qui ne reflète qu’en partie leur répertoire. Essentiellement consacré à la création scénique all’improvviso, ce dernier n’a que rarement une forme éditoriale dont la traduction aurait peu d’intérêt littéraire en France au XVIIe111. Or, si elles reflètent bel et bien la rhétorique du Capitan Spavento telle que la pratiquait Francesco Andreini112 à la scène, les Bravure italiennes ont néanmoins la particularité de se situer à mi-chemin entre une prouesse littéraire de son auteur et son souhait de fixer pour la postérité le masque traditionnel dell’arte dans une mémoire de papier. C’est en effet probablement le style ampoulé et parodique du texte qui attire Jacques de Fonteny dans son choix : une motivation qui dérive bien loin des intentions originelles du comédien Francesco Andreini113 au moment de la publication de son texte.
Or, il convient aussi de situer la traduction des Bravacheries dans la chronologie de la présence en France du masque du Capitano parmi les comédiens italiens à Paris. Régulièrement présent au sein des compagnies professionnelles itinérantes (1583-1670)114, le rôle du Capitano115 est un emploi qui figure obligatoirement au sein de la hiérarchie des troupes italiennes116. Ainsi, les premiers Capitani de passage en France sont-ils Silvio Fiorillo (Capitan Mattamoros, présent avec les Gelosi dès la tournée 1600-1601117), Francesco Andreini (Capitan Spavento à Paris en 1603-1604), à des dates où de Fonteny figure sur les premiers contrats avec les comédiens italiens et/ ou assiste à leurs représentations118.
Francesco Andreini est attesté comme capitano au sein des Gelosi dès 1592 et ce jusqu’en 1604 au décès de son épouse Isabella sur le chemin du retour de Paris119. C’est au moins lors de la tournée des Gelosi à Paris (1603-1604) que Jacques de Fonteny a pu voir sur scène Francesco dans le rôle du Capitan Spavento da Valle Inferna. Sa présence est attestée à partir de mars 1603120, succédant probablement à l’Hôtel de Bourgogne à la compagnie d’Angela Maloni qui y réside en mai-juin 1603 puisque les Gelosi jouent à Paris dans la résidence de Gabrielle d’Estrées121. En novembre 1603, la troupe des Andreini demeure trente-six jours au château de Fontainebleau pour revenir ensuite à Paris jusqu’en avril 1604. Le 4 janvier 1604, ils mettent en scène la tragédie Il califfo d’Egitto à l’Hôtel de Bourgogne122. C’est donc probablement au moins entre fin 1603 et le printemps 1604 que Jacques de Fonteny voit, rencontre ou découvre l’existence du Capitan Spavento da Vall’Inferna.
Mais la traduction de Fonteny est aussi contemporaine de la présence des comédiens Accesi123 entre 1607 et 1608 à Paris, en l’absence cette fois de Francesco Andreini et fort probablement en l’absence du rôle du Capitano dans la troupe présente. En effet, il semble qu’aucun comédien n’occupe le rôle de Capitano dans la compagnie présente à Paris en 1607-1608. Si une source A.m.at.i. de 2006 intègre le Capitano Rinoceronte (Girolamo Garavini) dans la compagnie des Accesi en route pour Paris en 1607124, la même source l’atteste en réalité beaucoup plus vraisemblablement au sein des Fedeli restés à Mantoue pour les fêtes en l’honneur de Francesco Gonzaga et Margherita di Savoia125 dès juin 1608126, ce qui rendrait parfaitement impossible sa présence à Paris au sein des Accesi. S’il est impossible d’affirmer que Capitan Rinoceronte127 fît partie de la troupe de Accesi pour cette tournée parisienne, l’acteur constitue néanmoins l’un des héritiers du répertoire du Capitano128.
L’autre Capitano susceptible d’être en France à la même époque serait Silvio Fiorilli129, qui fait partie des Accesi depuis au moins 1601130, puis en 1607 puis à nouveau en 1611. Mais sa présence à Naples est attestée entre 1604 et 1609131 pour des périodes si longues qu’elles rendent sa présence rigoureusement impossible pour la tournée parisienne de 1607-1608 avec les Accesi.
Après une présence systématique dans la compagnie italienne des Gelosi132 en France et ce, jusqu’en 1604, il semblerait que le seul Capitano marquant, de retour sur le sol français, ait été Girolamo Garavini [Jérôme Garravini] (Capitan Rinoceronte), attesté le 17 octobre 1613 aux côtés des Fedeli de Giovan Battista Andreini133.
Bref, force est de constater la probable absence de toute figure de Capitano dans la compagnie italienne lors de la tournée 1607-1608, période à laquelle Fonteny traduit les Bravure. Ainsi, lorsque le traducteur érudit parle de rareté, ce terme cacherait-il aussi une rareté scénique de quatre années consécutives, dont le traducteur et non moins assidu spectateur des comédiens italiens s’emparerait pour combler un vide et occuper opportunément et prestigieusement, aux yeux du Vidame du Mans, cette absence scénique temporaire ?
Enfin, la traduction des Bravure positionne aussi peut-être de Fonteny du côté du clan qui lui est habituellement favorable (Charles d’Angennes et le fantôme de Francesco Andreini en Capitano) et contre celui qui s’oppose à lui (Battistino Austoni et les Accesi) en pleine controverse sur la fameuse loge prétendument réservée. En effet, non seulement – et comme souvent – les Fedeli et les Accesi ne sont pas dans les meilleurs termes en 1607-1608134, mais un passage de la dernière édition du traité du chef des Accesi, Pier Maria Cecchini (1601135) enrichi et intitulé Frutti delle moderne commedie (1628)136 – l’une des premières codifications théoriques du travail du comédien dell’arte – rappelle entre les lignes cette rivalité, précisément à propos du masque du Capitano. En effet, la version de 1628 contient des remarques et conseils sur le jeu nécessaire au comédien chargé du Capitano137 qui, s’ils font l’éloge de l’incommensurable Silvio Fiorillo (Capitan Mattamoros), ne semblent pas si flatteurs à l’encontre de Francesco Andreini138 : les lignes de Cecchini ressemblent fort à un subtil dénigrement de l’acteur dans sa fonction de Capitano, en faveur de Silvio Fiorillo. S’il ne tarit pas d’éloge au sujet de Capitan Mattamoros, considéré comme l’inventeur de ce rôle et qui « pour faire le capitaine espagnol n’a eu personne qui le dépasse et peut-être très peu qui puissent l’égaler »139 notamment parce qu’il est ici présenté comme le seul capable de jouer en espagnol, comment ne pas voir le dénigrement parodique du style rhétorique du Capitan Spavento dans cette analyse de Cecchini, à une époque où les rapports avec le fils – Giovan Battista Andreini – se sont encore dégradés après la crise de 1620-21140? La comparaison entre les deux extraits ci-dessous révèle un Cecchini qui décoche une flèche en direction de la rhétorique du Capitan Spavento :
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[Capitano] « Dirai, che per Bacile porti il Coliseo di Roma, per liscia l’acqua bollente del Bollicane di Viterbo, per sapone la Ritonda, per netta orecchie la Colonna Traiana, per rasoio la Falce della Morte, per Forbice le due aguglie Hieroglifiche, per Pettine il rastro di Polifemo, per specchio lo scudo d’Atlante, e che conduca seco Morfeo, Famoso, e Febetore, Ministri del sonno perché mi scaccino dal volto l’Arpie, importunissime mosche ». Francesco Andreini, Le bravure del Capitan Spavento, Ragionamento Decimo, Venezia, Somasco, 1624, p. 20 (1607, réed. 1624). |
« Ch’egli si vanti di Generalissimo in Fiandra, questo si è veduto in altri a’ quali per ischerzo sono state appresentate patenti false. Ma ch’egli ha il Coliseo di Roma per pallone e la torre de gl’Asineli da Bologna per bracciale, e che se ne vadi trastulando per solazzo, oh, questo non si può udire senza tenerlo per pazzo, e, se tale, perché poi darli tua figlia o tua sorella per moglie ? » Piermaria Cecchini, Frutti delle moderne… (1628), in Ferruccio Marotti, Giovanna Romei, op. cit., p. 86. |
Ainsi, non seulement Jacques de Fonteny saisit l’opportunité de flatter le Vidame du Mans dont il espère la protection en 1608, en lui offrant ses Bravacheries dans un contexte compliqué tant avec les comédiens italiens qu’avec les Confrères de la Passion, mais il semblerait que le choix d’un texte rattaché aux Andreini traduise aussi une option opportuniste qui viserait à se positionner pour un camp plutôt que l’autre : profitant de la rareté du Capitano, absent de la compagnie des Accesi en ce printemps 1608, de Fonteny saisirait l’occasion d’un rappel-hommage nostalgique au père de Giovan Battista, comico fedele, mais aussi direct héritier de ces comédiens Gelosi dont Fonteny ranime ainsi la présence face aux Accesi de Battistino Austoni et Pier Maria Cecchini. En effet, si à la date des Bravacheries, les Fedeli, désormais dirigés par Giovan Battista, le fils du Capitano da Valle Inferna, sont restés à Mantoue, leur ombre plane par anticipation sur la traduction de l’érudit. Ils ne viendront à Paris qu’en 1613.
Conclusions
L’opportunisme du « Sieur » de Fonteny, qui consiste à traduire le texte de l’un des premiers et plus importants Capitani sur le sol italien ayant aussi marqué la scène française de sa présence, se révèle complexe et conditionné par les circonstances à plus d’un titre. Toutefois, un faisceau de contingences révèle à quel point le choix de traduire le texte naît d’une motivation moins littéraire que conjoncturelle et fortuite. La présence ou l’absence de certains comédiens italiens, la nécessité de se faire bien voir ou de s’imposer au sein des Confrères de la Passion comme un homme de théâtre, celle de se servir du texte comme d’un levier pour gagner l’appui d’un protecteur (Charles d’Angennes) constituent autant d’éléments qui font de ce texte une traduction en apparence anodine mais qui n’a pas encore révélé tous ses mystères. Les pistes empruntées ont montré que s’interroger sur les déclencheurs fortuits et opportunistes d’écriture peut aussi servir à éclairer le texte en question par les multiples stimuli ayant conduit à sa genèse : ainsi, observées non plus seulement du point de vue du résultat littéraire (la traduction française), mais sous l’angle de leurs causalités opportunistes, les Bravacheries racontent aussi l’histoire d’un contexte créatif complexe gravitant autour de l’Hôtel de Bourgogne, des comédiens italiens et des Confrères de la Passion.
Annexe
Tableau chronologique des différents statuts de Fonteny (1603-1629). Source : Alan Howe, Le Théâtre professionnel à Paris. Documents du minutier central des notaires de Paris, Paris, Centre historique des Archives nationales, 2000.
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Dates |
Statut de J. de Fonteny [tel que cité dans A. Howe, op. cit.] |
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2 juin 1603 |
Conseiller et Secrétaire de Madame sœur unique du roi [Catherine de Bourbon] Contrôleur des comédiens français et étrangers. Maître |
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5 sept 1606 |
Secrétaire de feue Catherine de Bourbon. Ancien receveur |
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30 mars 1608 |
Traduit six Bravacheries des soixante-cinq Bravure |
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29 mai 1608 |
Soi-disant Contrôleur des comédiens |
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19 juillet 1610 |
Ancien maître |
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24 mars 1611 |
Ancien maître |
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12 mai 1613 |
Bourgeois de Paris. Ancien maître |
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16 sept 1613 |
Bourgeois de Paris. Ancien maître |
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17 octobre 1613 |
Contrôleur des comédiens |
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8 avril 1614 |
Contrôleur des comédiens |
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5 juillet 1616 |
Ancien maître |
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2 juillet 1621 |
Maître |
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23 juillet 1621 |
Maître |
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30 août 1621 |
Bourgeois de Paris. Maître |
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16 oct 1621 |
Bourgeois de Paris. [Maître] |
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14 juillet 1622 |
Maître |
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8 août 1622 |
Maître |
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10 août 1622 |
Bourgeois de Paris. Maître et adjudicataire |
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4 octobre 1622 |
Maître |
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17 fév 1623 |
Bourgeois de Paris. Adjudicataire |
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30 nov 1623 |
Bourgeois, Maître |
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22 dec 1623 |
Maître |
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8 juin 1624 |
doyen |
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3 août 1624 |
doyen |
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27 août 1624 |
doyen |
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25 janv 1625 |
doyen |
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18 fev 1625 |
doyen |
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12 avril 1625 |
doyen |
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3 août 1625 |
doyen |
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16 juin 1626 |
doyen |
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26 juillet 1626 |
doyen |
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29 août 1626 |
doyen |
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11 dec 1626 |
doyen |
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21 fev 1627 |
doyen |
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24 avril 1627 |
Bourgeois, Contrôleur des comédiens, 6e place de Maître |
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15 juillet 1627 |
Contrôleur des comédiens |
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2 sept 1627 |
Bourgeois de Paris, Maître |
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4 nov 1627 |
Contrôleur des comédiens |
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5 fev 1628 |
Maître |
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5 mai 1628 |
Maître |
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12 mai 1628 |
Maître |
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26 mai 1628 |
Maître |
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1er sept. 1628 |
Maître |
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9 juillet 1629 |
« ancien doyen » |
