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Petit exercice pratique

« I miss you » se traduit par « Tu me manques » en tant qu’objet de désir ou « Je te manque » en tant que cible ratée. Extrapolé dans une perspective de traducteur qui voudrait respecter l’ordre des mots, nous pourrions avoir un contre-sens. Traduit par une machine automatique, nous pourrions avoir la phrase absurde : « Je Demoiselle Vous ». Mais dans le cadre d’un scénario du type « L’amour à n’importe quel prix », film sorti au cinéma avec Audrey Tautou et Gald Elmaleh qui excellent dans l’art de séduire sans finir leurs phrases, nous pourrions avoir dans un tout autre contexte, celui de Léo Ferré chantant Baudelaire, cette adresse de poète à une servante au grand cœur :

Grave, et venant du fond de son lit éternel

Couver l'enfant grandi de son œil maternel,

Que pourrais-je répondre à cette âme pieuse,

Voyant tomber des pleurs de sa paupière creuse ?

« Je… Demoiselle… Vous ! »

Et donc une très bonne traduction de : « I… », « Miss… », « You… ».

Petit mot sur la pratique et les principes

Je viens de faire pendant trois jours l’expérience d’être l’interprète d’un maire de petite ville d’Allemagne de l’Est qui, pour les 900 ans de sa commune, a invité plusieurs délégations issues de ses villes jumelées. À l’écoute de ce maire, mais aussi des six autres maires d’Allemagne de l’Ouest, de Pologne et de France, je devais donc traduire simultanément de l’allemand en français après avoir laissé l’interprète polonais traduire dans sa langue tous les discours qui avaient été dits précédemment. Je me suis rendu compte que je développais des techniques nouvelles instinctivement pour faire face à des problèmes de concentration, de mémorisation, mais aussi de capacité à reproduire des discours très différents selon les maires, différents en tonalité, esprit, mentalité, registre, public visé, etc.… Hélas, le Polonais en rien ne pouvait m’aider à retenir le texte original allemand, donc là aussi, même si mes connaissances de russe auraient pu m’entraîner par curiosité à comparer les deux langues slaves, je prenais le temps de voir comment j’allais prendre la parole devant les 200 à 300 personnes, avec ou sans micro selon les jours, certaines d’entre elles étant occupées à manger ou à bavarder ou à écouter la musique en fond sonore des festivités alentour.

Intuitivement, je résumais au fond de moi en deux ou trois points ce qui était l’essentiel du contenu à ne pas oublier, mais repérais aussi la tonalité d’ensemble de l’orateur, puis, dans le fil de l’interprétation effective, je retrouvais les détails, les expressions idiomatiques, la marque personnelle, bref, je devenais aussi cette personne de chair et d’os qui venait de parler pour que la relation établie entre le maire et son public puisse se prolonger aussi de façon vivante avec moi qui l’interprétais, du coup presque au sens de comédien. Passer à côté d’un petit mot de négation en fin ou milieu de phrase pouvait conduire au contre-sens, ce dont je dus m’excuser à un moment, en le réalisant à l’intervention suivante d’un l’historien universitaire ; il était en effet question d’une citation aux accents lyriques d’une personnalité dont je crus comprendre qu’elle était restée inconnue, alors qu’il s’agissait… d’Helmuth Kohl ! Heureusement, qu’à la traduction de « Persönlichkeit » j’en sois resté au mot à mot avec « personnalité », car la citation aux images bucoliques m’incitait presque à dire qu’il s’agissait d’un « poète inconnu », ce qui pour le coup m’aurait mis dans l’embarras. Mais, une autre fois, toutefois, suite à des remerciements sans fin prononcés par l’un des maires, et du fait que le mot polonais « merci » venait de marteler mon esprit, concentré sur l’exercice de mémorisation et de traduction intérieure, je me suis permis de commencer « mes » remerciements français par le mot « dienkuju », de façon volontaire, erreur assumée pour désamorcer l’ennui du public qui devait entendre trois fois les huit mêmes discours… Autre réaction intéressante fut celle du maire avenant et remarquant que ses longues phrases accumulées sans interruption nous posaient des problèmes de concentration et de mémorisation, si bien qu’il se décida à s’interrompre au milieu de phrases, pour nous faciliter la tâche ; or, vive et commune fut alors notre réaction à son égard, à l’interprète polonais et à moi-même, en le suppliant de ne surtout pas nous donner des phrases inachevées à traduire, car comme les germanistes le savent, la phrase allemande peut vous laisser croire pendant plusieurs lignes quelque chose, pour en fait l’annuler complètement à la fin par un petit mot de négation et ainsi de suite, avec des verbes en fin de phrases qui nous empêchent du début à la fin de savoir quelle va être ou quelle est l’action principale de la phrase.

En toute chose, il y a donc des choix à faire en traduction et en interprétation ; en toute chose, l’acte de traduire est politique, j’allais dire, aussi dans son oubli de traduire quand celui-ci est volontaire, et parfois justifié, comme Goethe lui-même se le permit concernant sa traduction de « Mahomet » de Voltaire. À partir de quand un traducteur peut se permettre de décider, de décéder. Goethe nous répond : « Quand sa légende de traducteur est faite ». Rien n’est plus important que les non-dits en traduction, et donc ce n’est pas le mot-à-mot qui pose problème ou offre des solutions, mais les entre-lignes, l’interligne, et pour reprendre l’intitulé de mon précédent article qui fut aussi celui de ma dernière conférence, c’est l’érosion du littéral, le mouvement de grève et l’immersion du champ sémantique qui sont importants, ces choses invisibles à l’œil nu que le traducteur invisible sait au mieux reproduire et rendre vivant, palpable et générateur lui-même de sens… sur les mains.

Exit avec trois poèmes inédits, écrits et traduits

Ah, cet acharnement qu’ont les Britanniques à dire « Europe » au lieu de dire « continent » quand il s’agit justement de parler des autres pays européens, est vraiment lassant, car il se base sur le déni que leur pays appartient aussi à l’Europe, certes « non-continentale », mais si leur envie de pisser sur nous leur prend à nouveau, qu’ils le deviennent alors « incontinents » ! Ils se fatigueront avant nous à force de courir aux portes de Douvres pour faire monter le niveau de la Manche. Et nous, de passer à nouveau l’éponge ou la sonde ferroviaire dans la Manche. À l’heure où je vous écris, il est question de savoir si la langue anglaise doit être proposée comme langue officielle de l’Union Européenne ! Je vois déjà Claude Hagège, angliciste amoureux de la culture britannique comme moi, monter sur ses chevaux et dire non, non et non. Là aussi, comprenne qui pourra. La traduction est en tout un respect permanent qui sait aussi faire face au texte d’origine. La traduction est donc tout le contraire de la trahison ! Le traducteur cherche toujours un accord dans sa négociation, même et surtout s’il sait que cette négociation est perte pour lui, car sachant d’où il vient, la perte de la traduction n’est plus perte, mais gain pour l’auteur, le traducteur et le lecteur. Ah, si les auteurs et lecteurs, (eux, les traitres !?), voyaient à quel point le traducteur déchiré se donne tant de mal pour assurer ces ponts, ces tunnels, ces voies maritimes et aériennes, linguistiques avant tout, mais aussi faites justement du travail des constructeurs de route et de canaux, ponts bâtis et autres barbacanes qui, pour toute forteresse que représente le pouvoir du langage, assurent « les sorties », « les retraites » et « l’introduction d’un corps de secours ».

Post-Scriptum : Le signe mathématique « supérieur » est ici utilisé pour marquer le sens de la traduction, à croire que le texte original est toujours supérieur à sa version. J’aurais pu utiliser le signe mathématique marquant l’égalité, tout en laissant le texte d’origine à gauche et sa version à droite, ce qui dans le sens logique de la lecture de gauche à droite aurait marqué l’antériorité du texte original. Et finalement, ne serait-il pas temps de considérer que le signe mathématique « inférieur » serait le signe idéal, pour dire haut et fort que la traduction, quelle qu’elle soit, est toujours un plus, un élargissement d’horizon, une ouverture qui, loin de diminuer le texte original, à supposer même que la traduction ennoblisse ou embellisse l’original, ce qui n’est pas le but recherché de la traduction, faut-il le préciser ici, qui, loin de diminuer donc l’original, lui donne une plus-value, pas seulement en le déclarant digne d’être traduit, mais en respectant la sensibilité de l’auteur qui voudrait ne pas être traduit, en lui offrant malgré tout la chance de voir à quel point ce qu’il a écrit enrichit le patrimoine mondial, européen, ou tout simplement… l’autre, autrui, le lecteur, l’éternel « toi à qui j’écris », son prochain et tous les prochains, que le traducteur rend accessibles à l’auteur, tout comme il rend l’auteur accessible aux autres, aux prochains, et même à lui-même. C’est d’ailleurs pour cela que je me traduis moi-même, fasciné par ce que la traduction peut apporter et révéler d’inconscient dans l’original.

« Éduquer les clients », ou les agences de traduction qui, sollicitées dans l’urgence, en appellent aux indépendants pour les exploiter, est une chose qui demande du courage. Je viens d’en faire les frais, puisque pour donner la priorité à cet article pour défendre les valeurs et les bonnes conditions de travail, je viens d’éduquer, en refusant un engagement, une agence qui pour la quatrième et dernière fois me sollicita après m’avoir mené par le bout du nez et annulé elle-même à la dernière minute. Oui, il se peut que d’autres articles plus académiques et moins percutants disent les choses mieux que moi, mais à la différence de professeurs-conférenciers dont les conférences non-payées sont intégrées dans leur recherche et donc bénéficient du salaire mensuel, conférencier ou auteur d’article indépendant, je suis toujours sur cette brèche d’une négociation possible ou pas, avortée ou pas. Ainsi, je dois toujours jouer carte sur table dès le départ pour ne tromper personne sur le contenu de mon message. Oui, les traducteurs et les interprètes, surtout s’ils sont indépendants, doivent se battre pour faire reconnaître leur titre ou leur statut. Pour ultime preuve, je viens d’être interprète auprès de mécaniciens de Peugeot-Opel pendant deux semaines en tant qu’intérimaire du Centre de Formation pour Adultes d’une ville voisine sous le statut de professeur ! Oui, être invité, parce que j’en prends le temps et les moyens, à écrire un article pour une revue où toute contribution est gratuite, n’est pas facile à accepter, non pas parce que le jeu n’en vaudrait pas la chandelle, mais parce que la situation de non-rémunération rend mon propos vain et peu crédible, à supposer que la forme et le fond soient de mise. Oui, je me bats et j’aimerais être pris au sérieux. Jean Rostand n’est pas là pour mettre tout cela en alexandrin, mais à mes heures perdues ou retrouvées, j’ai écrit les vers qui suivent, écrit et traduit, car je dois avoir cela dans la peau, d’essayer de me faire comprendre dans une autre langue, quand ma langue naturelle ou maternelle ne passe pas, quand la langue de ma mère ne passe pas, à cause de mon décalage social et mon statut de déclassé social, à moins que cela ne soit de surclassé social, ce qui revient au même, car les rats n’aiment pas le rat différent.

Bonne lecture à vous, qui vous intéressez au va-et-vient du sens, à la réciprocité des relations, à l’échange maintenu, bref, à une vie un peu plus humaine… quoique ce risque permanent d’incommunicabilité soit justement ce qui nous distingue des animaux. Voilà mon article de Gavroche, et si j’ai le cul parterre, c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau, la faute à Rousseau. Nous pourrions continuer cette litanie à l’infini, où chacun de nos illustres philosophes en prendrait pour son grade au regard de la misère qui crépit dans la rigole aux pieds de barricades intellectuelles, de barrages construits par ceux qui rongent leur frein depuis trop longtemps. Si j’ai les pieds dans la Sauerkraut, c’est la faute à Fin..., et le bec au sec, c’est grâce à Houell.... En attendant, je vous laisse deviner quelle fut la langue d’origine des vers plus ou moins rimés qui suivent… ma mèche, vendue, finit de brûler ! BOUM ! Well, Fin.

Dädalus‘ Ostergrußwort …

1

Paris! Ikarus rutscht in die Ostertage
Runter;
Ein Sonnenuntergang wird zur Klosterklage
Runder;
Hier taucht er nun als Kormoran-Friedenstaube
Tiefer
Und stürzt in den Schornstein mit Staub auf der Haube
Schiefer!
Geist mit schwarz metallisch schimmerndem Gefieder,
So fegt und pflegt er in uns das Lied der Lieder.

2

Am Palmsonntag ließ Gott meinen letzten Gesang
Hallen;
Vom Himmel ließ die Taube den kleinen Zweig lang
Fallen.
Dem Storch gleich trägt sie nun aus dem Dach nur Aschen
Und Ruß;
Sie schüttelt sich, versucht, sich dabei zu waschen:
Kein Gruß.
Sie bleibt stecken, lärmt von früh bis spät im Dunkeln;
Die angelehnte Klappe lässt die Luft funkeln.

3
Beim Vogelschreck und -dreck komme ich zum Kamin,
Gebeugt.
Ich ziehe die Stange, der Vogel fliegt nun hin
Und zeugt:
„Federn muss man lassen, ohnehin überall;
Ich, Glut
Und Glanz, glänze und tue doch nichts ohne Knall
Und Blut“!
Ich öffne das Fenster; die Freiheit liegt am Fluss;
Der Geist hinkt, flattert und gibt meinem Fuß den Kuss:

4

Notlandung der nicht beringten Brieftaube
Auf mir!
Sie wird vom Wasser- zum Feuerspeier, Traube
In Dir!
Schickt uns Kolumbienland diese Turteltaube,
Gefetzt
Und hier herum gurrend, damit sie, im Laube
Gehetzt,
Noch durch den Wald wandert, das Feuer ganz wild schürt
Und des Eremiten Sandalen wieder schnürt?

5
Mein Schnürsenkel wird nun zum Ariadnefaden;
Der Stier
Schnurrt in der Arena Europas, beladen
Mit Gier.
Sie schnürt bis zur Insel vom Dom, dort wo Falken
Nisten;
Sie schürt weder Ängste noch Hass, auch wenn Balken
Knistern,
Sondern sich selbst als Raub, ausgegossener Geist,
Durch den Willen der Frau, des Kindes Wirken meist.

6

Ein Köder der Schönheit aus dem Augenwinkel
Erscheint!
Ist er altersbedingt, und zwar der Zeit Dünkel?
Hier scheint
Die Sonne: in Falten- und Falkenkrallen fest
Gepflückt,
Glüht die hohe Schönheit und blüht das Lebensfest!
Beglückt
Züchtet Phöbus im Flug die zauberhafte Jagd-
Falte mit behandschuhter Hand, von ihr geplagt.

7

Warm sprechende Mauern stehen in meinen Gehirn-
Lappen ;
Drei kleine Schwarzdrosseln fliegen aus dem Gestirn-
Wappen;
Der Lichtschacht öffnet sich auf das lichte Schlachtfeld
Jenseits;
Alte Faltenfalkner beobachten die Welt
Abseits:
Vom Winkel zur Schläfe geweitet, Pupille,
Verlier‘ bitte nicht die Gute-Laune-Pille!

8

Smaragdgrünäugige Zigeunerin, blitze,
Du! Magd
Des Glöckners vom Nordturm, wähle die Turmspitze
Für Jagd
Auf Gnaden, auch wenn nur als Qualm im Labyrinth!
Donnre
Dort, wo Mauern, Türme, Dächer gefallen sind!
Wundre
Dich über die Windbö, Sandsäule, Staubmauer!
Tanze mit dem Liebesrollwerk auf der Lauer…

… Meins!

Salutation pascale de Dédale…

1

Paris ! Icare va vers la semaine sainte
Et fond sur elle ;
Un coucher de soleil s’arrondit aux complaintes
Conventuelles ;
Le voici qui, colombe au rameau, cormoran,
Plonge plus bas !
L’amont de l’âtre le coiffe de poussière en
Sa chute en biais.
Esprit donc, il ramone et soigne le Cantique,
D’un plumage étincelant au noir métallique.

2

Au dimanche des lauriers, Dieu fit retentir
Mon dernier chant ;
Du ciel, la colombe relâcha la brindille
Paisiblement.
Telle cigogne au toit, elle ne porte alors
Que cendre et suie ;
Elle s’ébroue, essaie de s’y laver le corps :
Pas de salut.
Elle s’ébruite en cale, de l’aube à la nuit ;
Le clapet entrouvert laisse l’air resplendir.

3

A la fiente d’effroi dû à la cheminée,
Tout incliné,
Je tire la tringle et l’oiseau s’envole au loin,
Chantre et témoin :
« Partout, laissons des plumes, de toute manière,
Me voici, braise
Et splendeur ! Je luis, ne suis qu’effusion de sang
Et claquements. »
J’ouvre la fenêtre et, l’esprit, en quelques brasses,
Flottant, boiteux, rejoint la liberté, m’embrasse.

4

Le pigeon voyageur atterrit à mes pieds,
Sans bague aux pattes !
De gargouille en cracheur de feu, en toi il est
Raisin de grappe !
Est-ce de Colombie que nous vient, écharpée,
Cette colombe,
Là, roucoulant autour du feuillage et traquée,
Afin qu’encore
Elle traverse la sylve, sauvage, attise
Le feu et renoue les sandales de l’ermite ?

5

Désormais, mon lacet se change en fil d’Ariane ;
Le Minotaure
Ronfle dans l’arène d’Europe et les voraces
Y sont pléthore.
Elle trace et lace jusqu’à la cathédrale,
Sur l’île où nichent
Les faucons. Que les poutres crépitent déjà,
Et elle attise,
Ni haine ou peur, mais soi, de l’esprit, l’effusion,
Proie voulue par la femme ou l’enfant en action.

6

Un appât de beauté fait son apparition
Au coin de l’œil!
Est-il dû à l’âge et, du temps, la présomption?
Là, le soleil
Brille: dans les serres de rides et faucons
Sans coup férir,
La Beauté brûle et la fête à la vie fleuronne!
Pris de plaisir,
Phébus élève en vol et d’une main gantée
L’enchanteresse ride chasseresse, hanté.

7

Chaleureuse et loquace, une enceinte en mon lobe
Limbique émerge;
Trois merlots, d’un blason sidéral, volent, robe
Noire de merle;
Le puits du jour s’ouvre, au-delà, sur la clairière,
Champ de bataille;
De vieux fauconniers, aux rides guettées, observent
Le monde en marge;
Pupille dilatée, de tes larmiers aux tempes,
Ne perds pas, je t’en prie, la bonne humeur au temple!

8

Toi, bohémienne aux yeux émeraude, étincelle
Et foudroie ! Sers
Le Bossu de la Tour Nord ! Que ta flèche élue,
Bien qu’elle fume
En cendre au dédale, soit mirador des grâces!
Tonne à la place
Des murs et des tours et des toitures tombés !
Viens t’étonner
Du vent en colonnes de poussière et de sable !
Danse aux volutes de l’amour en embuscade…

… Mienne !

Une « Toulousaine» du ruisseau

Femme ou maison, elle ouvre
Et son cœur
Et sa fleur
Que son jardin découvre.

Femme, elle dit  « Aimons ! »
Et son être
Aux six lettres
Se révèle « maison » !

Rare est la Toulousaine
Qui, de plain-
Pied, aux seins
Roses, s’avère urbaine.

Vieille, elle a disparue ;
Son cœur double
N’est que trouble,
Son jardin à la rue.

Le soleil, moins lubrique
Que les hommes,
N’a plus d’ombres
Où luire sur ses briques.

Nul cœur ne bat, le soir,
Sauf la bruine
Sur ses ruines ;
Je devine un couloir.

Femme et maison, rasée,
Elle en meurt
Mais demeure
Sous l’œil dur des blasés ;

Promise aux oubliés,
Un agent,
Par l’argent,
Promeut l’immobilier.

Sous le pavé, un cri :
C’est trop tard ;
Un fêtard
En devient tout aigri.

Plus rien à l’horizon :
Maisonnette
Ou coquette,
Pas même son gazon.

Et pourtant, un cortège
Qui l’entend
Prend le temps
D’écrire un florilège.

Au roi qui la kidnappe,
Je l’enlève,
La relève
Et lui dresse la nappe.

Nous nous reconstruisons ;
L’être humain,
De ses mains,
Rebâtit la maison.

Toulousaine et en vie,
Gauche et droite,
Presque étroite,
Elle est un vis-à-vis.

Petite à talons hauts,
Galetas
Plus l’étage,
Perdrait-elle ses eaux,

Qu’un joli décrottoir
Ferait naître
Aux fenêtres
Les Mages du trottoir.

Eine „Tolosanerin“ aus der Gosse

Frau oder Haus haben beid‘
Eigenes Herz und Blüte,
Die der Garten enthüllte,
Ausgegossen, lang und breit.

Die Frau lädt uns zu Gebet
Und Liebe ein, offenbart
Sich, Wesen und Wort, als Art
Heim, als hebräisches „Beth“.

Ebenerdig und –bürtig,
Wird die Tolosanerin,
Die sich urban mit rosa
Busen erweist, eher rar.

Alt, gilt das Haus als vermisst;
Ihr zweifaches Innerstes
Ist ganz und gar nur verwirrt,
Auf der Straße, ihr Garten.

Weniger heiß als der Mensch,
Der brennt, weiß die Sonne nicht,
Wo ihre Backsteine Licht
Und Schatten werfen, im Schlick.

Es schlägt kein Herz am Abend;
Der strömende Sprühregen
Trommelt kaum beim Ruinenfund;
Ich erkenne einen Flur.

Haus, Frau, Rasen, Rasierte
Sterben daran, darunter,
Bleiben doch dran, da unter
Dem harten Blick Blasierter.

Ein Makler, der sie mittels
Geldes in der Versenkung
Verschwinden lässt, bringt in Schwung
Den Markt der Immobilien.

Der Pflasterstein unterdrückt
Einen Schrei: Es ist zu spät;
Deswegen wird durch und durch
Ein Nachtschwärmer verbittert.

Nichts mehr steht am Horizont:
Keine Häuschen und keine
Koketten, und nicht einmal
Liegt ihr einst wehendes Gras.

Und doch nimmt ein Gefolge
Zuhörender Personen,
Das sie hört, die Zeit, eine
Blütenlese zu schreiben.

Dem kidnappenden König
Entreiße ich sie, richte
Ich sie wieder auf, schließlich
Decke ich ihnen den Tisch.

Wir erbauen einander
Wieder; der Mensch baut das Haus
Mit Hilfe seiner Hände
Erneut vom Fundament aus.

Tolosanerin, die lebt,
Ungeschickt und anständig,
Sie, die beinah beengt wohnt,
Besteht als Gegenüber.

Macht ein Speicher sie grösser,
Gibt man ihr den Beinamen:
„Die hochhackige Kleine“;
Verliert sie das Fruchtwasser,

Ruft aus dem Fenster heraus
Ein hübscher Fußabstreifer
Die heiligen drei Weisen
Des Bürgersteiges hervor.

La Trahison d’Erfurt à la fourchette ou l’assiette de Talleyrand aux abords tolérants

Quand l’Empereur tout bas
Se méfia du Tsar
En mille huit cent huit
A Erfurt et ne vit,
Etant près, pas plus loin
Que le bout de son lorgnon d’or,
Le conseiller s’en vint,
Monsieur Talleyrand-Périgord.

Il était le fourrier
De l’Entrevue des Princes,
Mais aussi le coursier
Du destin des provinces ;
Ils siégeaient de conserve
Avec de nobles hommes, belle dame avec,
Et mangeaient « sa » conserve
De soupe vermicelle en forme d’alphabet.

Talleyrand, par sa soupe,
Les combla de tous bords ;
Les cuillers à la loupe
Survolaient les rebords ;
La meute déchiffra
Les arcanes de nouille écrite de la main
De chaque sac à vin
Qui buvait et mangeait avec un grand fracas.

Napoléon grava
« Alliance » mais « Bündnis »
Resta en bavarois
Afin que tous comprissent.
C’est le mot « Crocodile »
Qu’Alexandre composa en quittant la table,
Car un gros croc, au « deal »
Des coalisés, menaçait sous ce vocable.

Le bon sous-officier
Des troupes et des vivres
Réprima son « fou rire »
Dans ces sept vermicelles.
Talleyrand vit plus loin
Que les saucisses à griller de « Thuringé » :
Tolérant, conquérant,
Il s’allia aux envahisseurs pour les singer.

Tout un chacun se dit
Ne pas être un lapin
De trois jours, mais le vin
Viennois nouveau reluit
Sur le bord des assiettes
Comme le sang de maintes politiques
Qui fument la moquette
Par le biais du pain et des jeux du cirque.

L’homme au pied bot boita
Sur les talons du Tsar ;
Le style aisé du Neptune
Corrigea l’infortune :
« Majesté, vous sauvez
Notre cause en lui tenant tête ;
C’est l’esthète, que seul vous êtes,
Qui visse le sauvage. »

Alexandre Premier
Lui prêtait son oreille :
« Mais, surtout, à votre aise,
Puissiez-vous vous allier
Avec le peuple tant
Civilisé de la France !
Levons le verre à l’art
De nos petits pas ! »

Alexandre était coi,
Trinqua, finit de boire.
Victorieux, Karl-Moritz
Dit en ces mots merci :
« Alpes et Pyrénées
Ne sont pas des butins de guerre
Empilés par des empereurs,
Mais, de la France, la chair, la terre.

Buvons à notre Rhin !
Le reste n’est qu’impériale
Conquête, le pillage
De fromagers sans vin !
La France n’y tient pas,
Pas autant que moi à Dorothée de Biron
Et à sa « Tante » viennoise de même nom,
Dont je salue les ventes. »

Ainsi, tel héraut
Du plus vieux Drouot,
Il fit des manières
Ainsi que des enchères :
Banquetant en biaisant,
Il causa, à force de traitres apartés,
Le sommeil d’un d’enfant,
Veilles de noces d’essai, chez Bonaparte.

En mille huit cent six,
La victoire d’Iéna :
La poche était remplie !
Mais, « d’Erfort“, l’impériale
Sent le bouchon ; l’oriel,
Où Goethe vint, et l’embargo sur l’indigo
Ont le goût de Staël,
De la bataille de Leipzig et du cachot.

Der Erfurter Verrat mit der Gabel oder Talleyrands toleranter Tellerrand

Als sich der Kaiser
Achtzehnhundertacht
In Erfurt leiser
Vor dem Zar in Acht
Nahm und, nah,
Nicht über den silbernen Tellerrand
Hinaussah,
Kam der Berater, der Herr Talleyrand.

Er war der Furier
Vom Fürstenkongress,
Doch auch der Kurier
Vom Provinzprogress;
Sie saßen
Mit edlen Herren, samt schönen Damen,
Und aßen
„Seine“ Buchstabensuppe zusammen.

Talleyrands Suppe
Schmeckte ihnen sehr;
Die Löffellupe
Flog über Ränder;
Das Rudel
Entzifferte geheime Abläufe
Der Nudel
Aus der Hand aller schlürfenden Säufer.

Napoleon schrieb
„Alliance“ doch „Bündnis“
Auf Bayerisch blieb
Für das Verständnis.
„Krokodil“
Schrieb Alexander und verließ den Tisch;
„GroKo-Deal“
Klang doch auf der Lauer schon sehr Englisch.

Der gute Furier
Und Übersetzer
Wurde mit „Fou rire“
Zum Nudelsetzer.
Talleyrand
Sah über die Thüringer Wurst hinaus:
Tolerant-
Penetrant lachte er sie äffend aus.

Jedermann denkt, er
Sei kein heuriger
Hase; doch Wiener
Weine „Heuriger“
Glimmen rot
Wie das Blut von vielen Politiken,
Die mit Brot
Und Zirkusspielen nicht richtig ticken.

Der Klumpfüßige
Hinkte dem Zar nach;
Neptuns flüssiger
Stil half dem Glück nach:
„Majestät,
Sie retten uns, indem Sie standhalten;
Als Ästhet
Nur den Ungesitteten kurz halten.“

Alexander der
Erste hörte zu:
„Schließen Sie aber
Ein Bündnis dazu
Mit dem hoch
Zivilisierten Volk Frankreichs, bitte!
Gläser hoch!
Auf die Kunst unserer kleinen Schritte!“

Alexander schwieg,
Stieß an und trank aus.
Karl-Moritz‘ Sieg
Sprach diesen Dank aus:
„Die Alpen,
Pyrenäen sind keine Kriegsbeute
Stapelnder
Kaiser, sondern Frankreichs Gut und Leute.

Auf unseren Rhein!
Der Rest ist Kaiser-
Eroberung, Wein
Plündernder Käser!
Frankenland
Hängt nicht daran, wie ich an Dorothée
Von Curland.
Verkaufe das Dorotheum! Ade.“

So machte „Tante
Dorothees“ Bote
Fisimatenten
Wie auch Gebote:
Schief tafelnd,
Bedingte er durch verratende Aparte
Tiefschlaf und
Probepolterabende bei Bonaparte.

Achtzehnhundertsechs,
Jenas Sieg: Taschen
Voll! Doch „Erforts“ sechs-
Liter-Weinflaschen
Hatten Kork;
Indigoembargos und Goethes Trefferker
Schmecken stark
Nach Leipziger Schlacht, Frau von Staël und Kerker.

Citer cet article

Référence électronique

Marc Penchenat, « Détonner et détoner… », La main de Thôt [En ligne], 7 | 2019, mis en ligne le 02 janvier 2024, consulté le 28 mars 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/lamaindethot/804

Auteur

Marc Penchenat

marc@penchenat.de

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