Jeu et portée des espaces culturels : l’expression de la spécificité portugaise sous la monarchie dualiste : l’Elogio de poetas lusitanos, de Jacinto Cordeiro

Résumé

L’objectif de cette contribution est de proposer une nouvelle publication de l’Elogio de Poetas Lusitanos, de Jacinto Cordeiro, une réponse-complément à l’œuvre de Lope de Vega, Laurel de Apolo. L’auteur portugais y recense plus de 70 écrivains lusitaniens dignes de lauriers, liste qui vient étoffer les quelques littérateurs que Lope de Vega avait cités. La catalogue rimé de Cordeiro s’inscrit donc à la fois dans l’histoire de la littérature portugaise, en tant qu’il cite ces créateurs dans une perspective de revendication nationale tout comme dans une perspective ibérique, puisque cette même revendication, au temps de la Monarchie Dualiste, se fonde sur un dialogue avec l’un des artistes espagnols majeurs de son époque, si ce n’est de tous les temps.

Plan

Texte

Œuvre pionnière au Portugal dans le domaine en gestation de ce qui deviendra la critique littéraire comme on l’entend aujourd’hui, le répertoire versifié de Jacinto Cordeiro, publié en 16311, s’inscrit dans une trajectoire que des compositions de ce type avaient jalonnée depuis longtemps. Pour se limiter à l’aire ibérique, dès 1585, Cervantès avait inclu dans sa Galatea un Canto de Calíope qui proposait une galerie de grands et petits maîtres de la plume. Par la suite, Espagnols et Portugais multiplieront ce genre de textes qui puisent leur sève dans l’une des manifestations les plus aiguës de la présence humaine au monde : l’univers des Lettres. Aussi ces œuvres aux intentions, tonalités et contenus fort divers organisent-elles un réseau qui nous conduit, au gré ici d’une curiosité vagabonde sans respect pour la chronologie ni désir d’exhaustivité, de la Casa de la Memoria de Vicente Espinel à la Letanía Moral d’Andrès de Claramonte ; de l’Aganipe de los Cisnes Aragoneses de Juan Francisco Andrès aux Coronas del Parnaso y platos de las Musas de Salas Barbadillo ; de l’Hospital das Letras de D. Francisco Manuel de Melo à l’Elogio de los Ingenios Españoles de Herrera Maldonado, en passant par le Lauri Parnassae d’António Ferreira Durão, ou par le vibrant Enthusiasmus Poeticus du Père António dos Reis, etc.

Dans ce vaste miroir de la production écrite, deux ouvrages antérieurs au poème qui nous occupe ici retiendront notre attention, dans la mesure où, signés par d’illustres Espagnols, ils ont accordé une place à une poignée d’auteurs portugais. Il s’agit du Viaje del Parnaso de Cervantès et surtout du Laurel de Apolo de Lope de Vega, texte qui se trouve à la source de celui de Cordeiro qui, un an après la parution du texte de Lope, donnait le sien2 à l’imprimerie.

Avant d’entrer dans le domaine strictement littéraire, disons qu’au plan idéologique, cette composition s’affirme comme témoin de son époque en tant qu’elle définit un espace culturel propre sans que se pose pour Cordeiro la question de la langue. S’agissant d’une réponse à Lope de Vega, l’usage du castillan s’impose comme le meilleur véhicule pour faire connaître aux Espagnols une réalité qui leur avait échappé. On sait que la langue de Castille représentait pour un très grand nombre d’écrivains portugais, qui ont maintes fois abordé cette question dans leurs œuvres ou leurs propos liminaires, une plus grande possibilité de diffusion. Ce phénomène est suffisamment connu pour que l’on ne s’y attarde pas ici3. N’oublions pas non plus que la littérature péninsulaire de ce temps s’écrit régulièrement en trois langues : le portugais, le castillan et le latin. Sur ce point, contentons-nous de reproduire cet extrait où notre compilateur, s’exprimant à propos de l’inspiration de Duarte de Silva, affirme : « ... es la suya latina y española / En cuya admiración venciendo el Arte, / Del laurel portugués tiene gran parte » (v. 102-104).

Contrairement à Cervantès et à Lope qui étaient en quelque sorte sortis de leur patrie par le truchement de la poésie afin de mettre en scène un territoire de fantaisie, Cordeiro se fixe dans la sienne et clame qu’elle existe, au moins par le nombre et la qualité des auteurs dont il donne la liste. Si notre Portugais s’inscrit dans la continuité de Lope puisqu’il souhaite le compléter en distribuant d’autres lauriers, le jeu disparaît. Il n’y a dans cette réponse ni concours ni allégorie, ni combat à la mode cervantine ni voyage dans les régions éthérées du Parnasse. Distance, ironie, caricature ou parodie se trouvent exclues : l’Eloge est un complément qui vise à remplir un « vide » de reconnaissance et doit servir une vision positive et glorieuse de « l’esprit » portugais, de la patrie, perspective peut-être encore accentuée par le recours à l’octave royale qui avait été la strophe des Lusiades (mais le Canto de Calíope présentait la même forme). En fin de compte, cette entreprise de revendication intellectuelle s’entend aussi comme un discours fruit d’une conscience nationale qui, depuis Lisbonne, s’adresse à Madrid.

Lorsque Lope compose son Laurel, c’est, dit-il dans son prologue, parce qu’il l’avait promis aux muses de la patrie (p. 186), ce qui ne l’empêche pas de célébrer quelques gloires des « autres patries », en petit nombre cependant « por no causar fastidio ». Or, on constate que les écrivains français et italiens sont cités dans la Silva IX, séparés des Lusitaniens qui, eux, apparaissent après les auteurs originaires de Mérida, lesquels achèvent la Silva II, et avant ceux de Plasencia. Cet aspect structurel souligne une évidence idéologique, qui n’est plus une surprise : pour Lope, le Portugal fait partie d’un tout que l’Histoire a nommé Monarchie Dualiste, au même titre que la Catalogne ou telle autre « nation » de la péninsule. Or, justifiant son oeuvre, Cordeiro se déclare, dans un vers déjà cité (v. 33), poussé par le désir d’honorer la patrie. Mais laquelle ?

Une simple lecture de l’Eloge montre que toutes les références du Lisbonnin définissent un territoire géographique et intellectuel qui se confond avec le Portugal. L’esprit et la cohérence d'un texte entièrement consacré aux auteurs lusitaniens le prouvent, ainsi que les allusions à Camões. Et c’est encore ce que dit le vers 24, dans lequel l’auteur se lamente qu’Apollon n’ait point assez dirigé son regard vers le Tage, ce dernier étant accompagné d’un possessif (« nuestro Tajo ») qui ne laisse aucun doute. Il en va de même du propos tenu sur Pedro de Mariz (« Que honró la patria en larga suma / A falta de la espada, heroica pluma »), lui qui avait si fortement célébré le Portugal. Mais on constate aussi une unité entre l'intention de cet Éloge et diverses déclarations antérieures ou contemporaines rencontrées dans l'univers dramaturgique de Cordeiro. Certains titres de ses comedias renvoient à l'histoire du Portugal4 ; ses préfaces, toujours en portugais, s'adressent à des personnalités portugaises et revendiquent un espace littéraire pour les gloires de Lusitanie... Ainsi donc, il apparaît qu’avec cette réponse-complément, et dans les limites que les conditions du temps lui imposent, Cordeiro réagit à l’oeuvre de Lope en faisant surgir sur le chantier littéraire -aux confins des domaines idéologique et politique -, une réalité qui joue un double rôle. Trempant sa plume dans une encre militante, l’écrivain portugais s’érige en porte-parole d’un groupe certes uni par ses qualités d’esprit et de plume mais encore, et surtout, par un ciment identitaire, tel que le manifeste l’adjectif qui achève le titre de cet Eloge. En cela, ce texte se range dans la littérature de revendication qui fait alors florès au Portugal. En même temps, cet acte traduisant une conscience nationale nourrit la fierté d’une contribution d’une zone périphérique à un ensemble ibérique. Cette tension, voire cette ambiguïté, entre le principe unitaire (le souverain unique, la primauté de Lope, le royaume des Lettres, une même langue littéraire...) et le principe centrifuge (le sentiment d’appartenance à une communauté lusitanienne) s’inscrit parfaitement dans la configuration péninsulaire du XVIIe siècle. De ce fait, elle répond aussi à la problématique des nations en cette Europe de l’âge baroque.

Du reste, si l’Eloge des poètes lusitaniens correspond à une période de l’histoire portugaise où la nation s’affirme comme elle peut, s’il constitue un témoignage important d’un moment de la vie péninsulaire où le dialogue de l’esprit est possible, dix ans plus tard il ne sera plus question de tout cela. Après l’indépendance retrouvée, l’épée, l’injure et la haine l’emporteront sur les Lettres. De ces sursauts de l’Histoire, Cordeiro sera encore artisant et témoin, lui qui, en 1641, fera imprimer deux compositions5 , dans sa langue natale cette fois, où l’Espagne sera vouée aux gémonies...

I-Deux antécédents : Viaje del Parnaso et Laurel de Apolo

Premier point d’ancrage donc : en 1614, le créateur du Chevalier à la Triste Figure publie son poème narratif (inspiré du Viaggio in Parnaso, de Cesare Caporali, 1582) par lequel, alors isolé et solitaire, il s’évade dans un voyage mythique dont on a pu écrire qu’il prenait l’allure d’un « testament spirituel à parfum d’autobiographie. »6

Composée de quelque 3000 hendécasyllabes regroupés en une longue suite de tercets répartis en huit chapitres, l’oeuvre7 raconte la lutte, conduite jusqu’à la guerre ouverte, du Bien et du Mal dans le monde poétique. Les combattants ? D’un côté Apollon et tous les bons poètes, de l’autre le cortège clinquant de 20 000 rimailleurs « nés avant terme » (I, v. 227), vaste rassemblement de « l’inutile canaille » écrivante (I, v. 230). Dans cet ensemble où seuls sont vraiment caractérisés quelques écrivains dont la qualité était déjà reconnue, tels que Góngora, Quevedo (que Cordeiro citera, v. 172), Vélez de Guevara et quelques autres, apparaissent aussi les noms de cinq Portugais.

L’auteur du Quichotte distingue d’abord Miguel da Silveira (1576?-1636), « por quien de Luso están ufanas / Las Musas... » Médecin de la Maison de Castille, il suivit le duc de Medina Sidonia à Naples lorsque ce dernier fut nommé vice-roi et il mourut d’ailleurs dans cette ville. Outre des compositions poétiques dispersées, on lui doit deux poèmes héroïques : El Macabeo (Naples, 1638) et El sol vencido (Naples, 1639).

Quelques vers sont consacrés à João Mendes de Vasconcelos, chevalier portugais qui vécut essentiellement en Espagne. Son oeuvre la plus connue, le poème épique Liga deshecha..., paru en 1612, raconte l’expulsion des morisques valenciens. Malgré ce sujet, très localisé mais au fond très ibérique, l’auteur ne manque pas de rappeler son origine, sa lignée lusitane, ni de chanter Lisbonne et sa patrie, en mêlant maintes fois l’histoire d’Espagne et celle du Portugal. Cervantès l’imagine à la tête d’un groupe de cavaliers, chevauchant « un caballo bayo, / dando a las Musas lusitanas celos » (IV, v. 371-372).

Enfin, une partie du chapitre VII réunit trois Lusitaniens dans un même passage. Si les deux premiers, Fernão Correia de Lacerda et Rodrigues Lobo, sont bien connus, le troisième, António de Ataide l’est moins : capitaine général de l’armée de Portugal, il fut aussi ambassadeur extraordinaire de Philippe III en Allemagne. Cervantès imagine ces trois personnages dévalant les pentes « del famoso Pindo / Con prestos pies y con valientes manos » :

con Fernando Correa de la Cerda,
pisó Rodríguez Lobo monte y llanos.
Y por que Febo su razón no pierda,
el gran Don Antonio de Ataíde
llegó con furia alborotada y cuerda. (VII, v. 73-81)

Si, avec ce petit groupe de Lusitaniens, Cervantès ne s’était pas montré bien généreux, Lope de Vega le sera un peu plus, seize ans plus tard, en publiant son Laurel de Apolo8. Il s’agit d’un texte de bien plus grande ampleur que le précédent, divisé en dix longues silvas suivies d’un imposant épilogue. Le tout décrit un concours sur le mont Hélicon où se pressent quelque deux cent quatre-vingt poètes postulant les lauriers d’Apollon. Parmi eux, dix-huit Portugais figurent au début de la Silva III.

Une louange de Lisbonne9 ouvre ce passage, suivie par l’évocation de l’épopée maritime portugaise qui conduisit les Lusitaniens à visiter les « remotos horizontes / De los cafres pintados », ces lieux lointains et périlleux qui servirent de cadre aux malheurs de Manuel de Sousa de Sepúlveda et de son épouse Leonor, précise le poète. L’océan lui-même, plein de repentir à cette évocation, pleure le fait de les avoir conduits jusqu’à ses plages,

Cuando, abrazada con dos niños bellos,
Bebió sus almas, y ellos
La suya al mismo tiempo, cuyas vidas
De lágrimas, de fe, de amor nacidas,
Pagó su esposo con perder el seso...

Après cette dramatique introduction vient le défilé des gloires littéraires. À propos de Diogo Bernardes, qui avait bénéficié de la protection de Philippe II, Lope souligne l’inspiration chrétienne ainsi que l’univers mélancolique et pastoral de ce maniériste :

................ ser príncipe merece,
Cantando “Alcido um dia ao som das águas”
10
Y con sus rimas trípodas a Pavoas,
Que honró la lengua castellana tanto,
Y el ara del Cordero sacrosanto,
Cantando en voz cual la materia triste :
“Sobre el suelo que leda flor no viste,
Hórrido toldo la arboleda extiende.”

Puis, mêlé aux vers relatifs à Camões, surgit le nom de Jerónimo Corte Real, sans aucun commentaire. Taxé de lusitano Orfeo, Manuel de Galhegos, qui passa plusieurs années de sa vie en Espagne où il devint l’ami de Lope, nous semble exemplaire de l’effondrement du rêve ibérique. Il commence sa carrière avec des textes en castillan (notamment deux comedias), exalte les ducs de Bragance en 1635 (en même temps que la Maison d’Autriche, mêlant parfois les quinas portugaises et les armes espagnoles), chante le Palais du Buen Retiro en 1637, avant de devenir l’un des chantres de la Restauration de 1640. À quelque chose près Cordeiro aura la même trajectoire, et bien d’autres avec eux. Concernant Faria e Sousa, qui avait déjà publié sa Fuente de Aganipe y Rimas Varias (1624-27) et son Epítome de las Historias Portuguesas (1628), Lope juge qu’il faudrait le distinguer « entre muchos científicos supuestos... / Que en historia y poesía / Saben que no pudiera / Darle mayor la lusitana esfera. » Quelques vers sont consacrés à Rodrigo da Cunha qui s’était illustré par une série de travaux traitant de l’histoire ecclésiastique du Portugal, et que Lope nomme « Primero archipastor de Lusitanía ». Sur les hauteurs du Mont Hélicon, le poète espagnol salue aussi António Lopes - dont la caractérisation se limite à « grave filomena » -, Nuno de Mendonça, Miguel de Silveira - déjà loué par Cervantès et le Phénix lui-même dans La Filomena11 -, ou encore Jorge de Montemayor, que nous retrouverons bientôt. Avec eux, voici Francisco de Macedo, c’est-à-dire Frei Francisco de Santo Agostinho, remarqué ici pour sa « retórica dulce y amorosa » ainsi que pour sa « lira latina culta y grave ». Voici encore Bernarda Ferreira de Lacerda dont il est dit : « A cuyo portugués entendimiento / Y pluma castellana / La España libertada España debe. » Il est vrai qu’elle même avait affirmé écrire avec une « voix » castillane et un coeur portugais.

De Sá de Miranda12, Lope écrit, faisant sans doute allusion au fait que le poète quitta volontairement la Cour portugaise pour suivre une existence rurale :

Llegando pues la fama
A la mayor ciudad que España aclama,
Por justas causas despertar no quiso,
Y fue discreto aviso,
Al gran Saa de Miranda;
Que le deje Melpómena le manda.

Bien sûr, Camões (que Cervantès avait ignoré), inspire la plume du prolifique dramaturge espagnol qui le qualifie de divino et pour qui la veine épique du Portugais fait ombre aux oeuvres majeures de l’Antiquité13 « Como lo muestran hoy vuestras Lusiadas, / Postrando Eneidas y venciendo Iliadas. » Lope s’attendrit sur la destinée de Camões, dont l’existence tourmentée et douloureuse sera suivie d’une renommée considérable, hélas posthume :

Durmiendo en bronce, pórfidos y jaspes
(Fortuna extraña, que al ingenio aplico
La vida pobre y el sepulcro rico),
......................
¡Qué triste suerte, qué notables penas,
Acabada la vida hallar Mecenas!

Enfin, Lope termine son éloge en citant, de manière approximative, deux vers du fameux sonnet Sete anos de pastor Jacob servia14... :

Si bien, claro Luis, la tuya excede
Por cuanta luz derrama
El farol didimeo,
Y más cuando te veo
Bañar pluma de fénix tinta de oro,
Diciendo con decoro
Y majestad sonora
Por la lealtad, que nunca el tiempo olvida,
Que “mais anos servira, se não fora
Para tão largo amor tão curta a vida.”

À l’instar de Camões, deux auteurs font l’objet d’une attention toute particulière, Francisco Rodrigues Lobo et Vicente Nogueira. Au premier cité, Lope rend hommage par les vers reproduits ci-après, où les jeux de mots, à partir des romans Pastor e Peregrino (1608) d’abord, puis Primavera (1601), renvoient au bucolisme qui caractérise ce grand lyrique :

Y a Lobo, que defiende
A corderillos nuevos
Que presumen de febos
La entrada del Parnaso,
Y con razón, pues tiene el primer paso
Y en las riberas del ameno río
Aquellas dos floridas primaveras,
Que nunca las podrá vencer estío,
Ni fuera justo que profanen fieras
Las flores que se miran con respeto
Igual propuso de su gran conceto.

Après quelques auteurs aujourd’hui situés au pinacle, l’espace textuel réservé à Vicente Nogueira peut paraître plus surprenant, compte tenu de la place fort modeste que lui attribue notre vision actuelle du XVIIe siècle. Cet éminent érudit, qui fut chanoine de la cathédrale de Lisbonne, dominait les langues classiques ainsi que la plupart des européennes. On lui doit quelques poésies, des écrits divers ainsi que les Relações tiradas de vários papéis para a história d’El-rei D. Sebastião. Après la Restauration, c’est lui qui sera chargé de se procurer les ouvrages musicaux destinés à satisfaire la pasion de Jean IV. L’auteur de Fuenteovejuna lui consacre donc le passage dithyrambique suivant, reproduit ici à titre documentaire dans sa totalité, malgré sa longueur :

« (...) si favor me diera / La décima divina moradora / De aquella fuente, que al nacer la aurora / En sus ondas de plata reverbera, / Don Vicente Noguera / Tuviera asiento entre latinos grave, / Laurel entre Toscanos, / Palma entre Castellanos, / Por la dulzura del hablar suave, / Y entre Franceses y Alemanes fuera / Florida primavera, / Que como ella de tantas diferencias / De alegres flores se compone y viste, / Así de varias lenguas y de ciencias, / En que la docta erudición consiste. / ¿Qué libro se escribió que no le viese? / ¿Qué ingenio floreció que no le honrase? / ¿En qué lengua se habló que no supiese? / ¿Qué ciencia se inventó que no alcanzase? / Oh Musas castellanas y latinas, / Francesas, alemanas y toscanas, / Coronad las riberas lusitanas / De lirios, arrayanes y boninas; / No quede en vuestras fuentes cristalinas / Laurel que en ellas su hermosura mire, / Donde Dafne amorosa no suspire, / Por no bajar a coronar la frente / De este, de todos vencedor, Vicente. »

II - Mise en perspective du texte de Jacinto Cordeiro

1) La structure

Long de 568 vers, répartis en 71 strophes, le catalogue rimé du Portugais constitue un ensemble qui ne répond à aucun plan précis et qui, mu simplement par un désir d’accumulation des noms d’écrivains, s’inscrit donc dans une perspective de prolongement-complément de l’oeuvre du Phénix. Du reste, l’introduction, qui occupe les cinq premières strophes, commence, dès son premier vers, par rappeler ce texte de manière métaphorique (« Un florido laurel, de ingenios suma, / Propuesto a Apolo, altivo se levanta... », v. 1-2). Après avoir tissé la louange de Lope qualifié de « único en España » (v. 10) et qui, seul, mérite de jouir, simple humain, des « aplausos de divino » (v. 8), le Portugais pose l’objet de cette récrimination littéraire. Le Portugal élève une plainte, et Cordeiro, qui invite le Maître à prêter une oreille attentive à la voix qui se fait entendre avec raison : « Escucha a Portugal que, si se atreve, / La causa es justa cuando está quejoso... » (v. 11-12), sera l’interprête de ces doléances « Con razón en mi pluma alientos mueve... » (v. 13). C’est que la liste des littérateurs établie par la Phénix s’avère incomplète. Il lui manque bien d’autres talents, ceux que manifestent les descendants de Lusus : « Ingenios tiene Luso a quien el arte / Postra veneración... » (v.19-20). Simple oubli sans doute, opine Cordeiro, qui se trouvait d’ailleurs encouragé dans son entreprise par les propos que Lope tenait à la fin de son Laurel , où il avait déclaré : « Si alguno se ha quedado por oculto, / Mi ignorancia perdone, / O escriba y salga a luz... »

Le Portugais pardonne peut-être l’oubli et l’ignorance, mais entend apporter quelques rameaux supplémentaires au Laurier lopesque en célébrant une cohorte d’artistes portugais qui peuvent, selon lui, recevoir leur part de récompenses « sin juzgarles a ninguno de atrevido » (v. 22). Apollon n’a pas toujours su poser les yeux où il fallait : « Si dejando a Helicona el Tajo viera... » (v. 24). La modestie est cependant de rigueur et malgré l’audace dont il fait preuve, Cordeiro se garde bien de vouloir devenir le nouveau Phaéton d’un nouveau Phébus (v. 32) ! Après avoir défini son projet et consacré quelque espace aux formules de politesse, le Portugais en vient à l’essentiel : s’il se lance dans cette aventure, c’est qu’il se doit d’honorer sa patrie (« Honrar la patria en mí no es desatino, / Que es lei y obligación... », v. 33-34).

Avant de se lancer dans son catalogue rimé, Cordeiro réserve quelques vers à Jorge de Montemayor pour s’étonner d’une affirmation de Lope qui avait écrit, en incluant d’ailleurs l’auteur de la Diana dans la liste des écrivains portugais :

Cuando Montemayor con su “Diana”
Ennobleció la lengua castellana,
Lugar noble tuviera;
Mas ya pasó la edad en que pudiera
llamarse el mayor monte de Partenio,
Si le ayudaran letras, el ingenio
Con que escribió su Píramo divino,
Hurtado o traducido del Marino.
Pero, ¿por dónde fue sin esta guía
Quien tuvo tan dulcísima Talía? 15

À ces vers quelque peu énigmatiques, Cordeiro répond de la manière suivante :

Mucho antes escribió, que no el Marino,
Montemayor, y así ¿cómo podía
Hurtarle a Tisbe ingenio tan divino?
(v. 35-37)

Lope de Vega insinuait donc que l’ingénieux « Cavalier Marin », comme on le nommait en France, avait été pillé par Montemayor (Hurtado o traducido del Marino), ce qui est une impossibilité manifeste : c’est le contraire qui est vrai16. La Diana paraît en 1559 et la Historia de los muy constantes y infelices amores de Píramo y Tisbe accompagne la deuxième édition du roman, celle de Valladolid, en 1561, longtemps avant la naissance de l’Italien ! Lope de Vega le savait ; il ne pouvait se tromper ainsi. A-t-il voulu dire « traducido por el Marino » ? Dans ce cas, il faut conclure à un contresens - mais volontaire! -, de Cordeiro qui trouve là l’occasion de manifester la prééminence portugaise...

La liste des auteurs cités commence véritablement au vers 42 et ce flux énumératif n’est interrompu, au milieu du texte, que par une strophe qui, ménageant une pause, parodie et critique le cultisme. C’est là une concession courante à l’air du temps que Cordeiro reprendra d’ailleurs dans son théâtre, à l’égal de bien d’autres dramaturges. Pour l’heure, il écrit, reprenant et accumulant les poncifs dans ce domaine :

Los críticos, los cultos, que arrogantes
Escribiendo a las Musas en diftongo,
Que piensan, papagayos, ser gigantes,
Transformando su lengua en la del Congo;
Estos que candorizan rutilantes,
De su ciencia fantástica soy hongo,
Y aunque vendan por suyo lo que dijo
Ovidio y Marcial, yo me aflijo. (v. 385-392)

L’énumération reprend au vers 392 (« Volvamos, Fénix, al laurel sagrado ») et ce deuxième mouvement vient buter sur les quatre dernières strophes réservées à la fermeture du texte. Dans la première d’entre elles, Cordeiro achève sa liste en s’y nommant - pour s’en exclure -, ne reculant point devant le jeu de mots :

Entre tantos leones, soy cordero,
Y no tengo lugar entre leones;
Ni nombre quiero ni lugar admito ... (v. 541-543)

Puis le compilateur revient sur l’intention qui présidait à son oeuvre (« Daros a conocer sólo pretendo / La estimación del nombre que han ganado », v. 545-546), avant de s’excuser pour d’éventuels oublis (« Si alguno se quejare de olvidado, / Cuando no sé su nombre, no le ofendo », v. 548-549). Enfin, Cordeiro rappelle la fable que Lope avait imaginée lorsqu’il s’était avoué impuissant à distinguer un vainqueur à sa joute poétique. Iris17, la « veloz amazona », s’était alors approché d’Apollon et lui avait demandé, au nom de Jupiter, de lui remettre la couronne de laurier afin qu’elle pût la placer entre les mains du « gran Felipe, emperador indiano / y sacro rey hispano » et que le monarque prît lui-même la décision. Cordeiro se fait donc l’écho de cette démarche en écrivant dans sa dernière strophe : « Mas si Apolo el laurel al gran monarca / Por decreto de Júpiter le ofrece... » (v. 561-562), et, poursuivant sur la louange du souverain : « De España gloria y de herejes parca, / En tantos reinos sol que resplandece » (v. 563-564). Mais le Lisbonnin referme son texte par un retour à Lope, puisqu’il décide que ce dernier reçoit les lauriers des mains du roi pour les distribuer à cette cohorte de Lusitaniens méritants : en cela l’auteur admiré du Laurel demeurait le grand monarque de ce royaume des Lettres maintenant enrichi de maints autres sujets, aspect sur lequel il nous faudra revenir.

2) Les paris esthétique et idéologique

Inutile dans ce texte qui ne fait pas toujours l’économie de l’obscurité de se mettre en quête des marqueurs d’individualisation des auteurs cités : ici perce une caractéristique, là affleure une allusion à peine plus nette, ailleurs la désignation d’un genre littéraire apparaît, voire une citation. En fait, seule la masse des élus intéresse Cordeiro ; aussi se contente-t-il d’enregistrer le plus grand nombre possible d’auteurs, sans autre critère de sélection que leur nationalité. Tous sont hissés à un même niveau par leur inclusion dans un espace textuel presque toujours similaire, par le recours à un vocabulaire identique et à des références interchangeables : Apollon, Virgile, Horace, Pindare et toute la cohorte des Anciens, à chaque instant invoqués, Camões aussi, cité trois fois. Chaque auteur est bien entendu pétri de mérites et se mue rapidement en un nouvel Homère, un autre Claudien, un Virgile des Temps modernes, ou devient pour le moins un fulminante rayo. Il faut bien reconnaître que si Cordeiro parle d’un Séneca portugués, le grand Lope n’avait guère hésité à évoquer, entre autres, un Demóstenes cristiano ; et si le Lisboète se montre généreux en adjectifs du type único et docto, Cervantès n’avait pas été plus économe, comme le montre cet exemple : « Doctor aquél, estotro único y docto / Licenciado, de Apolo ambos secuaces... » (VII, v. 211-212). Le panégyrique répétitif aux formules toutes faites était monnaie courante et tous les textes du genre à cette même époque en administreraient la preuve. Ces formes stéréotypées se prêteront à la caricature et permettront l’éclosion de toute une série de voyages parodiques au Parnasse tout au long de la période baroque - les Académies portugaises se sont illustrées dans cet exercice18 . Le langage est très souvent alambiqué et les exemples plus ou moins élégants du cultisme et du conceptisme abondent. Ils font ici partie de l’arsenal de l’exaltation, en compagnie d’un lexique passionné où tout n’est que sol, rayo, luz, excelencia, ilustre, gloria, où une pluma tan alta alterne avec un estilo tan valiente. Des mots comme premio, merecer, méritos, gloria se caractérisent par une fréquence élevée et l’on rencontre rien moins que 37 laurel (ou lauro, laureles...). Évidemment, la gloire de chacun ne peut se graver que dans le bronze, le marbre ou l’albâtre...

L’oeuvre de Cordeiro, comme celles de Cervantès et de Lope qui nous ont servi d’ouverture - mais il en irait de même pour les textes cités dans nos premières lignes -, rencontre pleinement les tendances de son temps dans la mesure où elle est inspirée par l’esprit de curiosité, de collection, à l’image de toutes ces manifestations de l’époque qui entendaient recenser et inventorier la création. Elle s’inscrit aussi pleinement dans son temps par la célébration des fastes de l’écriture à une époque qui se distingue par la jubilation du langage. En exaltant le monde des Lettres, y compris dans les oeuvres parodiques, certains intellectuels ont pris la parole pour affirmer le rôle de la production esthétique et souligner la puissance du langage au service de l’esprit humain. Le siècle s’observe de façon ostentatoire, exprime son étonnement et son ravissement devant les productions de l’homme sur terre, dans la plénitude et les infinies possibilités de son discours19. Si ces auteurs s’assument comme contemporains d’eux-mêmes, ils répondent aussi à un double désir : celui de promotion du groupe des lettrés auquel ils appartiennent, et celui d’une auto-promotion de l’individu dans ce groupe. Rassembler des dizaines de noms dans un panorama culturel revient à s’accorder à soi-même une place toute particulière, et peu importent les déclarations de modestie, qui ne font d’ailleurs que souligner l’audace de l’entreprise. Cordeiro n’échappe pas à cela, qui, parlant des autres, multiplie les formes du Je et signe son oeuvre en permanence, pour juger, s’extasier, répartir les récompenses, protester de son humilité : « atrevida y loca mi confianza » (v. 30), « tanto venero » (v.59), « Ícaro quise ser... » (v. 79), « me atrevo » (v. 157), « águila no soy yo... » (v. 176), « no pasa de cómica mi pluma » (v. 184), « negársele no puede mi deseo » (v. 199), « admiro atento » (v. 297), « considero » (v. 330), « yo me aflijo » (v. 392), « cuando no es tan capaz el genio mío » (v. 416), etc.

III - Liste des auteurs cités par Cordeiro:

1- Abreu, Luís Mendes de, v. 329-336.

Fidelino de Figueiredo remarquait déjà que les bibliographes ne répertoriaient pas cet écrivain et les vers de Cordeiro ne permettent pas de dissiper le mystère qui l’entoure. Il s’agissait sans doute d’un poète, mais l’allusion à la « heroica fama » (v. 329) ne fait-elle allusion qu’à des talents de plume?

2- Abreu, Cristóvão Soares de, v. 201-208.

(?-1684) Selon Fidelino de Figueiredo, on ne connaîtrait de lui que son discours de réception du roi Alphonse VI et de la reine Maria Francisca, prononcé en 1666, c’est-à-dire plus de trente ans après le texte de Cordeiro. En fait, la production de celui qui fut Desembargador da Relação do Porto est plus vaste que ne le pensait le célèbre érudit. En 1630, il publie à Lisbonne : Officium in Laudem Sacrosancti Eucharistiae Sacramenti cum Litania, precibus et hymnis in usum privatum devotorum. Il fit également imprimer un arbre généalogique des rois de Portugal, dont on ignore la date. Mais il faut croire que Soares de Abreu a dû avoir une production poétique qui s’est peut-être perdue, car Cordeiro citera encore ce personnage, en 1641, dans son Triunfo francés, en disant de lui :

E o célebre Soares a que as Musas
Cortejam venturosas mas confusas
Na brandura suave, na harmonia
Com que as faz suspender sua Talia.

Si Cordeiro cite ce personnage dans ce dernier texte, c’est qu’il participait à l’ambassade portugaise dépêchée auprès de Louis XIII. Par ailleurs, António Henriques Gomes, qui a laissé une relation en vers de cette même mission, brosse de Soares de Abreu le portrait suivant :

El senõr Coello y el senõr de Melo
Fueron embajadores en la Francia,
Cerrando este secreto la elegancia,
Valor, cordura, agrado y experiencia
Del senõr (justo amor) Cristobal Suares
A quien Apolo en célebres altares
Sacrificio ofreció como lo dicen
Las Musas y Academias.
Este raro ingenio, altivo y claro,
Gozó la plaza, sin discurso vario,
De elegante y perfecto secretario,
Siendo por su nobleza y por su acero
Del hábito de Cristo caballero.20

3- Acosta, Pedro de, v. 529-531.

Bien que pour une fois assez précis, les trois vers consacrés à cet auteur n’ont pas permis jusqu’à présent de l’identifier. Cordeiro le signale comme étant « secrétaire » ; il donne une indication de lieu, Lisbonne, et semble définir une atmosphère négative ou faire allusion à quelque malheur personnel par ces mots : « de su mar contrario ». En tout cas, les ouvrages de base ne le répertorient pas. Doit-on l’identifier comme étant Pedro da Costa Perestrelo, auteur maniériste, peut-être un peu lointain pour que Cordeiro le fasse figurer dans sa liste ? L’allusion négative, citée plus haut, se réfèrerait alors au fait que Perestrelo aurait détruit son épopée à la vue des Lusiades, ou bien encore à ses poésies-lamentations sur la fugacité de la vie, ses évocations de la pourriture, de la vermine d’après la mort, et de l’enfer...

4- Alarcão, António Soares de, v. 533-534.

Nous suivrons ici la proposition, hésitante à vrai dire, de F. de Figueiredo, selon lequel cet intellectuel aurait été un partisan de Philippe IV et l’auteur de quelques oeuvres en castillan. Mais, sous réserve de recherches plus approfondies, il nous semble qu’il pourrait bien s’agir d’António Álvares Soares, auteur de Rimas várias, ouvrage paru chez Mateus Pinheiro, à Lisbonne en 1628.

5- Albergaria, Manuel Soares de, v. 361-368.

(1581-?) Auteur maniériste composant en latin et en portugais, né à Lisbonne, dont Barbosa Machado dit qu’il fut un esprit des plus ornés de son temps. La thèse d’Aguiar e Silva (p. 223-5) complète la liste des quelques productions connues de ce poète, qui revient souvent sur la brièveté de la vie en décrivant la longue suite des misères qui accompagnent l’existence depuis le berceau jusqu’à la tombe.

6- Alcaçova, Gregório de, v. 193-200.

Non identifié.

7- Almeida, D. João de, v. 81-88.

Cet auteur, à la bio-bibliographie encore bien mystérieuse, se range dans l’histoire de la littérature de voyages et prend sa place dans la chronologie des Découvertes. Cependant, Cordeiro ne nous donne aucun indice sur sa production. Il se borne à pleurer sa mort en faisant allusion à sa triste histoire.

8- Andrada, Paulo Gonçalves de, v. 217-224.

Auteur gongorisant, surnommé le « Marino lusitano », il publie, en 1629, Varias poesías, ouvrage qui ne contient que cinq pièces en portugais. C’est un poète de transition, qui témoigne déjà d’une sensibilité et d’un goût baroques. Dans Hospital (p. 170)21, Lípsio dit de lui que « foi um polido e galante poeta », ce que confirme Cordeiro en faisant allusion aux fleurs et aux « amores de Silvia »...

9- Andrade, Jacinto Freire de, v. 265-272.

(1597-1657) Compte tenu des dates de parution des oeuvres de cet historien et poète cultiste bien connu (Vida de D. João de Castro, 1651, et ses poésies parues au XVIIIe siècle dans Fenix Renascida), Cordeiro a donc écrit son texte d’après des lectures de copies manuscrites, selon un usage fort répandu.

10- Andrade, Diogo de Paiva de, v. 353-360.

(1576-1660) Porté au pinacle par Cordeiro, il aurait surpassé Tite-Live, tout en étant le portrait d’Homère et de Virgile, un Sénèque portugais et un nouveau Claudien! En fait, les modèles de ce poète ont été bien perçus par notre compilateur : la Chauleida (1628) suit l’exemple de l’Enéide et doit aussi beaucoup à Tite-Live. Quant à ses oeuvres dramatiques, elles ne laissent pas, en effet, de rappeler Sénèque.

11- Aranil, Daniel, v. 426.

Non identifié.

12- Araújo, Dr. João Salgado de, v. 305-312.

Les vers de Cordeiro ne permettent guère d’aller au-delà de ce que l’on connaît déjà de cet ecclésiastique, docteur en droit canon de Coimbra, dont Manuel de Melo dira dans sa Carta qu’il fut un Portugais fort zélé. C’est sans doute à quoi fait allusion notre auteur en écrivant, de manière quelque peu alambiquée : « Luego Juan de Araujo muestra el fruto / Que a la patria propaga en tantas flores... ». Araújo avait en effet défendu, dans son ouvrage Lei régia de Portugal, la légitimité du couronnement de Philippe II ; mais dans le cas où le souverain espagnol et ses successeurs ne respecteraient pas les décisions des Cortès de Tomar, le peuple portugais pourrait lui refuser obéissance, sans être accusé de lèse-majesté... Après la Restauration, il défendra âprement les droits de Jean IV.

13- Ataíde, D. Jerónimo de, v. 145-152.

(?-1669) Jusqu’à présent, on ne connaît pas d’oeuvres poétiques à ce sixième comte de Castanheira, à qui Cordeiro consacre pourtant des vers dithyrambiques.

14- Avila, Francisco Nunes de, v. 137-144.

Poète mineur qui composa en latin et en portugais et sur lequel nous n’avons pu recueillir aucune information.

15- Brito, Frei Bernardo de, v. 337-349.

(1569-1617) Nous n’ajouterons rien au portrait de ce moine cistercien, auteur fort connu, et historiographe manipulateur qui avait monté en épingle les mythes nationalistes portugais. C’est sur ce travail historique que Cordeiro attire l’attention en affirmant : « Debe el laurel honrarle por la historia./ Veneración le debe toda España. »

16- Dr. Cardoso, v. 369-376.

Cet auteur n’est pas répertorié sous cette appellation par F. de Figueiredo, qui fait figurer à sa place le patronyme de celui qu’il pense avoir identifié. Il s’agirait d’un certain Simão Cardoso Pereira, mort en 1690, dont on trouve la trace dans l’Académie « dos Singulares » et dans la Fenix Renascida. Cet écrivain était « bacharel ». Mais il existe aussi un « licenciado », peut-être plus autorisé à porter le titre de Docteur que lui donne Cordeiro, le Père Jorge Cardoso - dont le patronyme a le mérite de correspondre à l’indication de Cordeiro -, auteur d’un Agiologio lusitano. Cependant la parution de cet ouvrage date de plus de vingt ans après celle du texte étudié ici. Remarquons que ce Père était né en 1606, et il n’est pas interdit de penser que ce Dr. Cardoso a pu débuter sa carrière avec quelques pièces poétiques ou encore commencer des travaux d’envergure, publiés tardivement.

17- Carvalho, Gonçalo de Lucena de, v. 428-432.

Auteur non identifié et absent de la liste de Figueiredo. Dans sa Carta, Manuel de Melo le situe dans le domaine de la théologie morale.

18- Carvalho, Miguel Botelho de, v. 469-472.

(1595-?) Auteur gongorisant qui fit paraître une pastorale : El pastor de Clenarda, nom que rappelle Cordeiro dans le dernier vers qu’il consacre à ce poète. Manuel de Melo précise dans Carta (p. 230)22 que cet écrivain est bien connu en France où, effectivement, il fit paraître ses Rimas Várias... à Rouen, en 1646, alors qu’il accompagnait l’ambassadeur de Portugal à Paris.

19- Castelbranco, V. Mousinho de Quevedo e, v. 89-96.

(?-?) De ce poète, qu’Aguiar e Silva (Op. cit., p. 269) considère comme l’un des lyriques les plus représentatifs du courant maniériste, cet Eloge ne retient que l’épopée Afonso Africano. Poema Heróico da Presa de Arzila e Tânger, parue en 1611, oeuvre à laquelle fait allusion le vers : « Del muerto Alfonso aplaude los pendones » (v. 90). Cela justifie l’assimilation avec Camões (« Camões segundo »), opinion que Cordeiro présente comme largement répandue. Cet auteur avait également composé un Discurso sobre a Vida e Morte de Santa Isabel Rainha de Portugal e outros várias rimas (Lisbonne, 1596) et un Triunpho del Monarcha Philippo tercero en la felicíssima entrada de Lisboa, en 1619. La fin de la strophe que lui consacre notre compilateur prend une tonalité dysphorique (« Quejoso »..., « tantas penas »...) ; sans doute les derniers mots (« faltan los Mecenas ») nous conduisent-ils sur la voie d’une vie sociale peu aisée. Peut-être y a t-il aussi une allusion à l’inspiration inquiète et torturée de la plupart de ses poésies.

20- Castolo, António Vaz, v. 273-280.

Auteur dont Cordeiro loue l’érudition, le goût de l’étude et les talents dans les domaines poétique et juridique, mais dont on ne retrouve aucune trace.

21- Castro, Gabriel Pereira de, v. 41-48.

(1571-1632) Barbosa Machado nous dit de ce docteur de l’université de Coimbra qu’il réunissait toutes les qualités : vie exemplaire au service de la justice, âme sensible, modération, maintien agréable. Il fut desembargador à Porto, en 1606, Corregedor do crime da Corte en 1623, puis Procureur général des Ordres Militaires.

Témoignage d’une admiration toute particulière, Cordeiro commence son panégyrique avec celui à qui il avait dédié la première de ses deux pièces sur Duarte Pacheco Pereira. A cette occasion, le dramaturge écrivait dans sa préface :

« Ex litterarum studiis immortalitatem acquirit. Título é este de um emblema de Alciato, que quadra muito a v. m. pelo contínuo estudo com que de ordinário cansa o entendimento, no despacho de tantas partes que vence o trabalho quasi os limites da admiração : e só a imortalidade com que a fama fará pepétuo seu nome pode servir de alívio ao incómodo de tão cansado estudo, não esquecendo-se nele de autorizar este reino com um poema tão célebre como para dar à estampa com tão superior engenho tem escrito... »

Associant Duarte Pacheco et le dédicataire dans la difficulté d’où naîtra leur immortalité, Cordeiro poursuit en affirmant :

« E se por ele se pode dizer nas armas, por v. m. nas letras se pode dizer com muita razão agregando a isto a resposta de Eumidas quando lhe perguntaram porque sacrificavam os Lacedemonios as Musas partiam à guerra, não tendo elas nenhum comércio com Marte, a que ele respondeu : “Ut post praeclare facta memoria apud posteros maneat”, ficará a de v. m. eterna com tão felice obra na memoria dos homens... »

Ce poème auquel s’était référé Cordeiro est celui-là même qu’il célèbre dans son Eloge : « Cuyo ilustre Poema, honrando a Laso / Diera envidia a Virgilio, Homero y Taso » Il s’agit du poème héroïque Ulisseia ou Lisboa edificada - objet de discussion dans Hospital das Letras et qui fait dire à D. F. M. de Melo que son auteur est « herdeiro do espírito dos antigo épicos » (Carta, p. 229-230) -, poème paru cinq ans après l’impression du texte de Cordeiro et au moins six ans après la dédicace reproduite plus haut. Dès 1630, ou même avant, cette oeuvre circulait donc déjà sous forme manuscrite.

22- Céu, Violante do, v. 313-320.

(1601-1693) Dans le cas présent, il est certain que Cordeiro avait pris connaissance de certaines poésies de Violante da Silveira -qui devient, au moment où l’auteur écrit, Soeur Violante do Céu-, puisque leur parution date de 1646, à Rouen de surcroît. Il est vrai que la jeune Violante s’était déjà manifestée en 1619 par une oeuvre dramatique, Santa Engracia, destinée à être représentée devant Philippe III.

23- Ceuta, Frei João de, v. 409-416.

(1578-1633) Il s’agit d’un prédicateur dont les oeuvres n’ont point encore été exhumées. Manuel de Melo le cite dans Carta, comme étant fameux « em cátedra, púlpito e livros ».

24- Conde capitán, v. 113-120.

Fidelino de Figueiredo n’avait rien dit de cet auteur. Et il est vrai que Cordeiro offre là une véritable énigme. Il pourrait s’agir de D. Francisco de Portugal, comte de Vimioso, homme de confiance de Manuel Ier et qui combattit en Afrique. Bien que mort en 1549, ses Sentences ne parurent qu’en 1605 et pouvaient passer pour une oeuvre relativement récente. Toutefois, force est de constater que le portrait de ce conde-capitán ne correspond guère à ce que l’on sait du personnage et de son oeuvre. Une opinion comme celle que propose Cordeiro : « Los versos, con sus versos desafía; / Las damas, con gallardo movimiento... » semble caractériser davantage l’homonyme, auteur d’un traité de galanterie, mais dont l’auteur parlera plus loin...

25- Correia, Jerónimo, v. 525-528.

Nous n’avons pas d’autres informations que celles de F. de Figueiredo, qui l’identifie à un joaillier, mort en 1660, auteur de quelques oeuvres mystiques. Si tel est le cas, on peut penser à un changement d’inspiration chez cet écrivain, qui aurait abandonné la thématique amoureuse, si l’on interprète correctement cette indication fournie par Cordeiro : « ... la corriente / mitigó del ingenio presuroso, /Y a Filis olvidó de amor sentido » (v. 525-527).

26- Correa, Francisco de Faria, v. 535-536.

Auteur de quelques poésies éparses, dont Cordeiro se limite à dire qu’il est animé par le soleil de sa patrie...

27- Coutinho, Manuel de Sousa, v. 281-288.

(1555-1632) A peine peut-on deviner dans les vers qui lui sont consacrés une allusion aux malheurs de celui qui entra dans les ordres en 1613 pour devenir Frei Luís de Sousa!

28- Coutinho, Gonçalo, v. 57-64.

(?-1634) Lorsque Cordeiro rédige le panégyrique de cet écrivain soldat, il pouvait avoir sous les yeux, ou connaître, l’ensemble de l’oeuvre de celui qui avait publié, en 1614, une vie de Sá de Miranda, ce qui le fait apparaître comme l’un des initiateurs de la biographie au Portugal. Quinze ans plus tard, il faisait imprimer un Discurso da jornada de D. Gonçalo Coutinho a villa de Mazagam e seu governo nella. Cet ouvrage explique l’avant dernier vers de Cordeiro à son propos : « Quando él mismo en sus versos se retrata ». On lui attribue aussi une suite des aventures de Palmeirim de Inglaterra. Après le rappel de la figure de Camões, le vers 60 : « Pues muerto le tomó a su cuenta » fait allusion à l’épitaphe que Coutinho fit graver sur la tombe de son ami défunt, en 1591. Dans Hospital (p. 176), Quevedo juge ce glorieux Lusitanien grand parmi les Portugais et ajoute qu’il aurait communiqué à Gongora les poésies d’António Gomes de Oliveira.

29- Faria, Manuel Severim de, v. 439-440.

(1583-1655) F. de Figueiredo ne relève pas cet auteur, qui apparaît chez Cordeiro sous la seule dénomination de « Severim ». Il doit s’agir du célèbre chantre d’Évora, dont notre Lisboète pouvait connaître les Discursos Vários Políticos, parus en 1624, et dans le premier desquels l’auteur prônait l’idée du Royaume uni d’Espagne et de Portugal, dont la capitale aurait été Lisbonne.

30- Fernandes, António, v. 209-216.

Manuel de Melo le cite dans sa Carta, et souligne ses talents d’exégète, concernant surtout le prophète Isaïe. Cependant, il n’apparaît pas dans son Hospital. Cordeiro, lui, pense qu’il a ravi la plume au « Terencio Español », ce qui conduirait aussi (ou plutôt?) vers une piste théâtrale.

31- Ferreira, António Álvares, v. 249-256.

(?-?) Nous reprenons ici l’hypothèse de Figueiredo, peu sûre, dit-il lui-même, qui identifie l’Antonio Álvares cité par Cordeiro à ce poète castillanisant. En fait il existait aussi un Antonio Álvares, éditeur à Lisbonne, qui aurait pu montrer quelques talents de plume.

32- Figueiredo, Diogo Gomes de, v. 509-512.

(?-1685) Cet auteur poursuit en pleine mode baroque la tradition pétrarquiste de l’amoureux qui s’impose silence (Aguiar, p. 417). Cordeiro fait référence à cette inspiration amoureuse : « ... felice en los amores », mais parle aussi de ses talents d’épée, que l’on ne connaît pas.

33- Figueroa, Alexandre de, v. 532.

(?-1665) Un seul vers pour ce poète-secrétaire de la reine Luiza de Gusmão, l’un des latinistes de l’Académie dos Singulares, écrivain encore peu connu.

34- Gonçalves, Álvares, v. 473-480.

F. de Figueiredo affirme que ses oeuvres se sont perdues, et nos propres recherches sont restées vaines. Cordeiro souligne l’élégance, la douceur et l’esprit délicat de cet auteur. Sans doute l’un des nombreux imitateurs de Camões, si l’on en croit ce vers : « Que tiene de Camões substituido. »

35- Gouveia, Manuel de, v. 153-160.

(?-?) Aucune indication de la part de Cordeiro qui permette d’identifier avec précision celui que Figueiredo pense être le traducteur d’une biographie italienne de Saint François Xavier.

36- Lacerda, Fernão Correia de, v. 325-328.

Auteur maniériste, originaire de Tojal, à trois lieues de Viseu, formé en Droit à Coimbra et qui entreprit une carrière militaire en Afrique. Il a composé, entre autres, de violentes satires contre les moeurs dissolues des couvents de religieuses. Sa production connue consiste en deux poèmes héroïques, Imperio Lusitano et El Pastor de Guadalupe, et en 22 pièces incluses dans le Cancioneiro Fernandes Tomás. Il faut ajouter aussi sa contribution à Fenix Renascida, T. V, p. 263; un groupe encore de 27 romances manuscrits, plus une glose conservée à la B. N. de Madrid (17-719), ainsi qu’un manuscrit à la B.G.U. Coimbra (324 - f. 153 ss.)

37- Leão, Diogo Lopes de, v. 518-520

(?-?) On ne connaît pas grand chose sur cet auteur que Figueiredo signale comme étant étudiant à Salamanque et composant en espagnol. Cordeiro se contente d’une appréciation (« tanto ingenio »), qui ne nous met sur aucune voie.

38- Lobo, Custódio, v. 449-452.

F. de Figueiredo le répertorie comme étant António Lobo, malgré ce qu’affirme Cordeiro. L’érudit pense qu’il s’agit peut-être d’un frère Trinitaire, mort en 1654, auteur de quelques Lunaires. Cependant, l’opinon de notre compilateur (« Que ostenta, cisne, dulce voz de amante », v. 451) ne paraît guère correspondre à une poésie d’inspiration mystique.

39- Manuel, Fernão, v. 453-456.

(?-?) Il est difficile de savoir qui, de Cordeiro ou de F. de Figueiredo, commet une erreur sur le patronyme de cet auteur, puisque l’historien de la littéraure le nomme « Maciel » ; il n’en demeure pas moins non identifié.

40- Mariz, Pedro de, v. 345-352.

(1550?-1615) Cet écrivain était natif de Coimbra, ce à quoi fait allusion Cordeiro lorsqu’il précise : « Tanto Coimbra con dolor se queja », quinze ans après sa disparition. Le terme de référence donne dans le genre hyperbolique : « Como por Aníbal lloró Cartago ». Avec ce rappel digne d’une épopée ainsi que le contenu des derniers vers (« Que honró la patria en larga suma / A falta de la espada, heroica pluma. »), sans doute Cordeiro pense-t-il à la fois à la biographie de Camões parue en 1613 et à l’oeuvre d’historien de Mariz dont le dramaturge s’est inspiré pour rédiger sa comédie sur Los Doce de Inglaterra 23.

41- Melo, D. Francisco Manuel de, v. 121-128.

(1608-1666) Cordeiro qualifie cet illustre représentant des Lettres lusitaniennes et ibériques de « pluma feliz tan deleitosa », de « modo urbano » et insiste sur son absence puisque Manuel de Melo passa une grande partie de son temps en Espagne.

42- Melo, Luís de, v. 289-296

(?-?) On trouve de cet auteur quelques liras dans le cancioneiro Fernandes Tomás. Il avait consacré en outre un sonnet à la louange de la Gigantomachia, de M. de Galhegos. Il s’agissait d’un avocat, poète à ses heures, à l’inspiration amoureuse. Cordeiro met en parallèle ces deux activités, lorsqu’il écrit, aux vers 293-296 :

Tanto en derecho la agudeza apura,
Tanto en las Musas el poder ensaya;
Que si en Bártulo y Baldo se ha cansado,
A Ovidio se transforma enamorado.

43- Meneses, D. António de, v. 257-264.

(?-1626) Il s’agit du dédicataire de la Gigantomachie, de M. de Galhegos. Cordeiro fait essentiellement référence à ses actions militaires et le dernier vers qui lui est consacré (« Mereciendo sus obras mil laureles ») peut aussi bien s’appliquer à des travaux littéraires, d’ailleurs jamais retrouvés, qu’à des manifestations des qualités guerrières.

44- Meneses, Sebastião Cesar de, v. 233-240.

(?-1672) Docteur en Droit canon, évêque, il fut conseiller d’Etat et grand Inquisiteur en 1665. C’est un doctrinaire politique. Au moment où Cordeiro compose son texte, cet auteur n’a rien publié. Quelques textes de lui devaient tout de même circuler puisque le compilateur fait allusion aux Muses. Pour l’heure, on ne connaît de lui que deux sonnets (Aguiar, p. 91-92). Cependant, Barbosa Machado nous apprend que ce bibliophile et latiniste fut « insigne poeta ».

45-Meneses, Francisco de Sá de, v. 225-232.

(?-1664) Auteur bien connu de Malaca Conquistada, oeuvre à laquelle pense sans doute Cordeiro lorsqu’il écrit de lui : « valentías pinta ». Si tel est le cas, il connaissait le texte manuscrit, ou son projet, puisque ce poème héroïque paraîtra trois ans après la publication de l’Eloge.

46- Moura, D. Francisco Child Rolim de, v. 65-72.

(1572-1640) Il s’agit de l’auteur des Novíssimos do Homem (1623), oeuvre d’inspiration religieuse à l’allure très cultiste et à la tonalité épique. Manuel de Melo le cite dans sa Carta (« moral, filósofo e político nos versos e nas prosas ») et dans son Hospital (p. 91), où il le donne comme un bon connaisseur de l’oeuvre de Camões. L’ouvrage d’Aguiar e Silva n’en dit mot.

47- Noronha, D. Luís de, v. 177-184.

Non identifié comme auteur, d’autant plus que Cordeiro se contente de généralités. Il existe un homonyme qui avait été nommé copeiro mor par le duc de Bragance (Rebello, T. 4, p. 99).

48- Noronha, Pedro de, v. 513-517.

Fidelino de Figueiredo l’assimile avec Pedro Noronha de Andrade. Les vers de Cordeiro, une fois de plus, ne permettent pas de trancher la question.

49- Noronha, D. Tomás de, v. 169-176.

(?-1651) La plume satirique et parfois féroce de ce poète bien connu et qui figure dans toutes les anthologies, lui vaut une flatteuse comparaison avec don Francisco de Quevedo pour ce qui est de l’art de manier l’ingéniosité: « Puede hacerle a Quevedo competencia ».

50- Oliveira, António Gomes de, v. 49-56.

(?-?) Comme maints auteurs de son époque, il composa des vers en portugais, castillan, italien, ainsi qu’en latin. Il publia des études sur Camões et, en 1617, ses Idilios marítimos y Rimas Varias, qui introduisent en fait le gongorisme au Portugal, et que Góngora lui-même avait appréciés, aux dire de Quevedo, dans Hospital, p. 175. Cordeiro sans doute aussi puisqu’il nous offre à cette occasion l’une des rares citations de son texte (v. 52-53), démontrant, s’il en était besoin, l’inspiration cultiste de ce poète. Par ailleurs, Francisco Manuel de Melo distinguera deux fois cet écrivain. Dans sa Carta (p. 230), il le présente comme étant le premier à avoir cultivé la « frásis castelhana » en poésie. Puis, dans Hospital (p. 175), Autor, faisant allusion aux « Idílios », se permettra ce commentaire : « parto nascido de uma flor, como ele diz em seu prólogo ao que aludindo um doudo em Coimbra, dito o Doutor S. Martinho, topando-se acaso com esse poeta lhe dava engraçadíssima corrimaça, dizendo-lhe -Velhaco, nunca hás-de parir sem dor, como se foras mulher? » Comme beaucoup, après la Restauration, Gomes de Oliveira fera paraître des textes sur l’acclamation de Jean IV. Selon Barbosa Machado (T. I, p. 289-290), ce féru de belles lettres alla jusqu’à abandonner ses études de Droit Civil et ses préoccupations poétiques pour combattre les Castillans, jugeant qu’il servirait mieux ainsi l’intérêt de sa patrie.

51- Pereira, Dr. Luís, v. 297-304.

(1512-1649) Cordeiro lui accorde toutes les vertus : « Letras, cordura, ingenio, entendimento, / Modestia, urbanidad, cortés agrado / Ilustran sus partes... » . Il s’agit du frère de l’auteur de Ulisseia et on lui doit des Saudades de Lizardo. Il fut par ailleurs ambassadeur de Jean IV. F. Manuel de Melo le cite une fois dans Hospital (p. 181), sans aucun commentaire.

52- Portugal, D. Francisco de, v. 73-80.

(1585-1632) Cordeiro est frappé par l’ingéniosité de cet auteur gongorisant bien connu, puisque le mot « discreto » ouvre et ferme le passage qui lui est consacré. Le compilateur joue les modestes en affirmant : « Ícaro quise ser de tal sujeto / Que no puede imitarse en lo discreto. » Au-delà de son caractère banal ici, cette allusion à Icare semble faire écho à un vers de D. Francisco (Canção IV), où Elício, contemplant en Alcinda un nouveau soleil, dit, amoureux et jaloux : « Novo Ícaro me vejo / Mátame a enveja d’hum, d’outro o desejo. »

53- Povoas, Luís de, v. 129-136.

Non identifié. Mais ne s’agirait-il pas d’une confusion avec Manuel das Povoas, auteur de Vita Christi, parue en 1614?

54- Quental, Pe Bartolomeu do, v. 521-524.

(?-?) Cordeiro ne dit rien d’autre dans ces quatre vers que « los dos Quintales ». Cependant, Fidelino de Figueiredo reconnaît dans l’un d’eux le Père Bartolomeu do Quental, prosateur mystique qui publia des Meditações et une suite de sermons tardivement imprimés en 1692 et 1694. Cet arrière grand oncle d’Antero do Quental fut le fondateur au Portugal de la Congrégation de l’Oratoire.

55- Manuel Quintano, v. 489-496.

(?-1655) Cordeiro loue la « pluma libre » et la « florida mano » de cet auteur qui avait publié, en 1622, un recueil de textes d’inspiration bucolique : Paciência Constante, Discursos Poéticos em Estilo Pastoril.

56- Raposo, António, v. 105-112.

(?-1674) Poète castillanisant que Cordeiro taxe de « Asombro en letras y en los versos rayo », mais dont les éléments biographiques sont quasiment inexistants. L’allusion à son sujet à la Maison d’Avis nous semble pour l’instant bien obscure.

57- Rio, Martim de Crasto do, v. 321-324.

(?-1607) Figueiredo ne relève pas ce poète maniériste dont Aguiar e Silva a donné pour la première fois de longs extraits et qui commence à susciter l’intérêt des chercheurs.

58-Rodrigues, Bernardo, v. 465-468.

(1500-?) Il est difficile de savoir s’il s’agit bien de l’auteur des Anais de Arzila, qui ne furent publiés qu’en 1915-20. Mais ce que Cordeiro nous dit de lui « De versos, de conceptos, y de flores... » ne nous semble guère correspondre à cette chronique. Par ailleurs, cet écrivain était déjà bien lointain et n’avait jamais vécu en métropole, sans que ces raisons suffisent à l’écarter radicalement de cette liste. Doit-on penser à un cas d’homonynie?

59- Sanches, António, v. 441-448.

Auteur non identifié, dont Cordeiro loue le « docto estilo imperioso », formule toute faite qui ne nous guide en rien...

60- Silva, António de, v. 425.

Un seul vers, bien banal, pour Jerónimo Bermúdez, auteur de Nise Lastimosa et de Nise Laureada, dont Cordeiro ne relève que le nom de plume tel qu’il apparaît sur l’édition des Primeras tragedias españolas, Madrid, 1577.

61- Silva, Duarte de, v. 97-104.

Poète originaire de Coimbra composant en latin et en castillan.

62- Silva, Frei Francisco de, v. 401-408;

(?-?) Carme prédicateur que F. Manuel de Melo fait figurer au paragraphe « spéculation » de sa Carta (p. 231), hélas sans aucun commentaire.

63- Soares, Manuel, v. 497-500

(?-?) Dans sa Carta (p. 237), Manuel de Melo le range sous la rubrique « Sciences Politiques », sans autre précision, et dans Hospital (p. 252), il cite une oeuvre : Anais. Peu après, Lípsio déclare qu’il fut l’un des plus grands hommes de son temps et fait allusion à une triste fin. Manuel Soares a traité de sujets religieux, mais les quatre vers aux formules passe-partout que Cordeiro nous propose ne nous mettent sur aucune voie.

64- Sotto Maior, Frei Elói de Sá, v. 501-504.

Maniériste bucolique, né en 1570, connu pour son Jardim do Céu Dirigido a Deus Nosso Senhor...(1607) et ses Ribeiras do Mondego (1623) ouvrage auquel Cordeiro fait explicitement référence en écrivant : « El Mondego que alaba sino apoya / Porque haciendo en su ocaso primaveras / Los pastores contó de sus riberas. »

65- Soropita, Francisco Rodrigues Lobo, v. 377-384.

(?-?) Inutile ici de s’attarder sur ce poète maniériste parfaitement connu, à la lyrique très plastique, juriste et éditeur des Rimas de Camões. Remarquons l’enthousiasme de Cordeiro et rappelons simplement, pour l’anecdote, que dans Hospital, Lípsio dit de Soropita qu’il fut « poeta mestre » et s’amuse en ajoutant : « e quando não escrevera mais que os seus Desvarios, bem se vê que quem desvariando acertava por aquele modo, quanto acertaria atinado!... » (p. 167).

66- Tagarro, Manuel da Veiga, v. 485-488.

De sensibilité baroque encore que très attaché à un certain classicisme renaissant, ce poète de transition qui poursuit la veine camonienne et qui reçoit l’influence de Garcilaso de la Vega et de Góngora, avait publié à Évora, en 1627, sa Laura de Anfriso, une des rares oeuvres du temps entièrement rédigée en portugais. Cette oeuvre, la seule qui reste de cet écrivain, lui fut inspirée par une passion amoureuse pour une dame d’illustre lignée, et se compose de quelque cinq mille vers de facture relativement sobre. Pour Cordeiro, le parallèle avec l’aimée de Pétrarque était bien tentant et le panégyriste écrit donc à propos de Tagarro, qualifié de « primavera » (v. 486) à l’image de ce qu’il avait fait pour sa Laure lusitanienne, nommée « humilde primavera » : « Que hace inmortal a Anfriso en la memoria / Si de Laura Petrarca en dulce historia ». Il s’agit d’un auteur délicat, chantre de l’or et de la neige au front de son héroïne, mais aussi de la douleur devant la fuite inéluctable du temps contrastant avec les retours du printemps, sans que ne manque la dimension nationale.

67- Telles, Francisco Gomes, v. 461-464.

Non identifié sous cette appellation. Il existe un prédicateur jésuite du nom de Francisco Gomes.

68- Toledo, D. Fradique da Câmara, v. 241-248.

Auteur non répertorié par F. de Figueiredo. Il s’agit d’un poète gongorisant, originaire des Açores et qui participera à l’Académie dos Generosos. Cordeiro fait référence à la jeunesse de cet écrivain : « en tiernos años », qui semble donc avoir commencé à composer très tôt. L’allusion à Mars dans le dernier vers de ce panégyrique renvoie à la carrière militaire de ce fils du deuxième comte de Vila Franca, qui fut chargé, par exemple, de réprimer la contrebande en 1630, au moment où Cordeiro entreprenait cette oeuvre.

69- Tomás, Frei, v. 393-400.

Frère Manuel Tomás (1585-1665) ou F. João de Santo Tomaz, moine philosophe, thomiste et défenseur de la scolastique ?

70- Tovar, Luís de, v. 433-438.

Il s’agit de l’auteur du Poème mystique du glorieux Saint Antoine de Padoue, en espagnol. Sa biographie précise reste encore à établir.

71- Travassos, Frei Francisco, v. 417-424.

(?-?) Auteur encore méconnu et dont Cordeiro souligne, avec quelque banalité, le douceur des vers qui enchanteraient plus que les voix des sirènes...

72- Vasconcelos, D. Agostinho Manuel de, v. 185-192.

(1583-1641) Auteur de Vida de Dom Duarte de Meneses, tercer conde de Viena...(1627) et de Vida e acciones del Rey Dom João o Segundo (1639), ouvrages que F. Manuel de Melo qualifie de « felizes livros », tout en précisant que cet écrivain fut bien malheureux (Carta, p. 234). En effet, il fut décapité sur le Rossio en août 1641.

73- Vasconcelos, João Rodrigues de, v. 161-168.

Non identifié. Il existe un Père jésuite João de Vasconcelos (1592-1651) dont António Vieira nous dit qu’il utilisa le pseudonyme de Gregório Almeida sous lequel il signa l’ouvrage Restauração de Portugal prodigiosa.

74- Vasconcelos, Manuel de, v. 481-484.

Non identifié

75- Vaz, Melchior, v. 457-460.

Non identifié.

76- Vaz, Tristão, v. 505-508.

F. de Figueiredo pense qu’il doit s’agir de Tristão de Vaz, poète inconnu. Cependant, il serait possible de l’identifier comme étant Tristão Vaz da Veiga, qui fut alcaide de São Julião da Barra (Serrão, História de Portugal, p. 15). Cordeiro écrit en effet : « Tristán Vaz canta en su florida vega ». Peut-être y a-t-il un jeu sur le dernier mot de ce vers, procédé d’ailleurs commun.

77- Viçoso, Francisco, v. 524.

Absent de la liste de Figueiredo.

78- Vieira, Henrique Quental, v. 521-524.

Il s’agit d’un poète castillanisant qui fit partie de l’Académie dos Singulares.

IV - Texte de l’Elogio de Poetas Lusitanos

Voir Annexe

Bibliographie

Depretis, Giancarlo, « Un testo inedito di Jacinto Cordeiro : El entremés famoso de los Sordos », in Symbolae Pisanae. Studi in onore di Guido Mancini, a cura di B. Perinán e Francesco Guazelli, Giardini Editori, Pisa, 1989, p. 185-192.

Domínguez-Búrdalo, José, « Comedia de la Entrada del Rey en Lisboa (sic) : Jacinto Cordeiro y el teatro español en Portugal en tiempos de Felipe III », in Spanish Golden Age Theater Symposium, March 9-11, 2000, El Paso, Texas.

Gonzalez Christophe, « Un cas de tyrannicide sur la scène baroque ibérique : El Mal Inclinado, une pièce de Jacinto Cordeiro » (communication à la Journée d’études Crimes et délits dans les mondes ibériques : textes et images, vendredi 15 janvier 2010, UTM, Toulouse), Reflexos, n°1 ([ 2012 ]) - 001, mis en ligne le 03/02/2012. URL : http://erevues.pum.univtlse2.fr/sdx2/reflexos/article.xsp?numero=1&id_article=Varia_01_gonzalez-0

« Du village au palais, le parcours identitaire de El Hijo de las Batallas, de Jacinto Cordeiro : matricide, question du père et risque d’inceste », in À tout seigneur tout honneur, Mélanges offerts à Claude Chauchadis (Mónica Güel & M-Françoise Déodat-Kessedjian, eds), col. Méridiennes, CNRS-Université de Toulouse-le-Mirail, p. 243-253, 2009.

« El favor en la sentencia, une comedia du Portugais Jacinto Cordeiro, ou deux frères entre honneur et déshonneur : intégration et exclusion », Homenaje / Hommage à Francis Cerdan, (Françoise Cazal, éd.), PUM, Toulouse, 2008, p. 361-377.

« Mémoire, littérature, langues au Portugal avant et après 1640 : histoire et actualité nationale dans l’œuvre de Jacinto Cordeiro (1606-1646) », Binet, Ana Maria (éd.), Mythes et mémoire collective dans la culture lusophone, Eidôlon, mai 2007, n° 78, PUB, p. 33-53.

« Una comedia inédita del portugués Jacinto Cordeiro (1606-1646) : El Juramento ante Dios y lealtad contra el amor », (en collaboration avec Carine Herzig, Université de Bordeaux), in El Siglo de oro en escena, Homenaje a Marc Vitse (Odette Gorse et Frédéric Serralta ed.), Anejos de Criticón 17, Presses Universitaires du Mirail – Consejería de Educación de la Embajada de España en Francia, Toulouse, 2006, p. 480-492.

« Deux textes sur les relations franco-portugaises en l’an 1641 : le Triunfo lusitano d’Antonio Henriques Gomes et le Triunfo francês de Jacinto Cordeiro », in La France et le monde luso-brésilien : échanges et représentations (XVIe – XVIIe siècles), CERHAC, Presses Universitaires Blaise Pascal, Clermont Ferrand, 2005, p. 141-157.

« La littérature d’adhésion à la Restauration de 1640 : l’exemple de la Silva a D. João IV, de Jacinto Cordeiro (suivi d’une glose de Camões). Présentation et textes », Hommage au Professeur Claude Maffre, ETILAL – Université Paul Valéry, Montpellier, 2003, p. 447-468.

« De la comédie espagnole aux textes anti-castillans, l’itinéraire d’un dramaturge portugais entre la monarchie dualiste et la Restauration : Jacinto Cordeiro », La littérature d’auteurs portugais en langue castillane, Arquivos, vol. XLIV, Fondation Calouste Gulbenkian, Paris, 2002, p. 183-197.

« El mayor trance de honor, de Jacinto Cordeiro, ou la tyrannie des celos et des apparences », Hommage des hispanistes français à Henry Bonneville, Paris, 1996, p. 231-254.

« Héroïsme lusitanien et comédie espagnole : Los doce de Inglaterra, de Jacinto Cordeiro », Taíra n° 7, Grenoble, 1995, p. 55-87.

« Note sur quelques échos de Cervantès et de Gongora dans le théâtre de Jacinto Cordeiro », Hommage à Robert Jammes, Anejos de Criticón, 1, Toulouse, PUM, 1994, p. 473-479.

« Le thème d’Inès de Castro dans le théâtre de Jacinto Cordeiro », Quadrant 1988, Montpellier, p. 25-40.

Le dramaturge Jacinto Cordeiro et son temps, Thèse ronéotée, Université de Provence, 1987, 705 p.

Sites consultés [12 février 2014] concernant l’établissement des textes de Cordeiro, dans le cadre du Proyecto LAMBada, sous la direction de A. Robert Lauer :

Mary Beeler: El juramento ante Dios y lealtad contra el amor: <http://faculty-staff.ou.edu/B/Mary.C.Beeler-2/ELJURAMENTOANTEDIOS.html>
Sherry J. Cox: Con partes no ay ventvra: http://students.ou.edu/C/Sherry.J.Cox-1/Ventura.html

Jaime.O.Cruz-Ortiz: Los doce de Ingalaterra: http://students.ou.edu/C/Jaime.O.Cruz-Ortiz-1/LOSDOSDEINGLATERRA.html

Requil M. Golbek: Segunda parte de Duarte Pacheco http://faculty-staff.ou.edu/G/Requil.M.Golbek-1/DPACHECO1.html

A. Robert Lauer: El mal inclinado: http://faculty-staff.ou.edu/L/A-Robert.R.Lauer-1/ELMALINCLINADO.html

Lindsay N. Lyon: Primera parte de Duarte Pacheco: <http://students.ou.edu/L/Lindsay.N.Lyon-1/SEGUNDADUARTEPACHECO.html>

José M. Olivero: La victoria por el amor: http://students.ou.edu/O/Jose.M.Olivero-1/MALCRIADO.html

Margarita Peraza: Non plus ultra. Amar por fuerza de estrella y un portugués en Hungría: http://students.ou.edu/P/Aurora.M.Peraza-Rugeley-2/NONPLUSULTRA.html

Mary E. Sine: El secretario confuso:  http://students.ou.edu/S/Mary.E.Sine-1/ELSECRETARIO.html

Anthony R. Smith: De la entrada del Rey en Portugal: http://students.ou.edu/S/Anthony.R.Smith-1/LAENTRADA3.html

Matt C. Waldroop: El hijo de las batallas: <http://students.ou.edu/W/Matt.C.Waldroop-1/BATALLAS.html>

Notes

1 Elogio de Poetas Lusitanos. Al Fénix de España Fr. Lope Felix de Vega Carpio en su Laurel de Apolo, por el Alférez Jacinto Cordero, con una carta en respuesta al autor, del mismo Fenix de España, dirigido a la señora Da Cecília de Meneses, año de 1631. En Lisboa, con todas las licencias necesarias, por Jorge Rodríguez. Jusqu’à présent, il semble bien que personne n’ait réussi à mettre la main sur l’original de ce texte dont il faut se contenter de prendre connaissance dans le catalogue de García Pérez (p. 124-137). Ce dernier déclare qu’il procède à la reproduction de l’édition originale qu’il possédait. Il est cependant regrettable qu’il n’ait pas cru devoir transcrire aussi la dédicace et, surtout, la lettre de Lope de Vega ! On doit la première étude de cet Elogio à Fidelino de Figueiredo, qui s’y réfère maintes fois, dans divers ouvrages, bien qu’il n’en dise rien dans son opuscule (1910) sur la critique littéraire au Portugal. L’essentiel sont les huit pages que cet érudit consacre à ce texte dans son História da literatura clássica, 2a época, p. 50-57. Figueiredo oppose d’abord cette composition au Laurel de Apolo, pour préciser que l’oeuvre du Lisboète n’a ni la variété métrique, ni l’inspiration, ni même l’emphase hyperbolique et cultiste du texte du Phénix, mais qu’elle représente une source d’information plus claire. Suit la liste des auteurs cités, où l’on relève quelques oublis : sept noms lui ont échappé. Quoi qu’il en soit, notre propre liste reprend celle de Figueiredo et s’y appuie en la discutant et en la complétant. Retour au texte

Nombre d’auteurs répertoriés par Cordeiro n’ont fait l’objet d’aucune étude, ancienne ou moderne. Pour beaucoup, les oeuvres ont été perdues ou dorment encore dans les archives. Quelques-uns d’entre eux demeurent totalement mystérieux. Il va sans dire qu’il était impensable de les ressusciter tous dans les limites de ce travail qui se veut simplement indicatif; il n’était pas question de rédiger une fiche exhaustive concernant chacun de ces auteurs, car les références bibliographiques se seraient comptées par centaines. On se contentera ici de citer trois anthologies, dont le choix de textes se ressemble, hélas, beaucoup : S. Pina et M. A. Santilli, Apresentação da poesia barrôca portuguêsa, Assis, 1967 ; Natália Correia, Antologia da poesia do período barroco, Lisbonne, Moraes Editores, 1982 ; Maria Lucília Gonçalves Pires, Poetas do período barroco, Lisbonne, Editorial Comunicação, 1985.

2 Quoique ce texte n’ait jamais donné lieu à une édition raisonnée, c’est l’oeuvre de Cordeiro qui a le plus retenu l’attention des curieux de la littérature portugaise. Il est vrai qu’elle possède une importance de tout premier plan pour qui souhaite parvenir à une connaissance affinée du panorama intellectuel des années 1620-1630 au Portugal. Les rédacteurs du Dicionário de literatura... (T. I, p. 109, 394 et T. II, p. 851-852) soulignent le caractère novateur de ce catalogue poétique. Avant eux, Ares Montes avait également remarqué le caractère pionnier de ce texte, même s’il se montrait critique devant ces répertoires nominaux « où tous sont loués avec les mêmes hyperboles » (Góngora y la poesía portuguesa del siglo XVII, p. 83). Dans son ouvrage Maneirismo e barroco na poesia lírica portuguesa, le Pr. Aguiar e Silva se plaint que de nombreux auteurs lyriques de ces deux mouvements n’aient pas encore trouvé d’éditeurs , alors que ces poètes ont été mis à égalité avec Camões, qu’ils ont été glorifiés par Lope, par Cordeiro ou par Manuel de Melo (p.7). Dans ce même ouvrage, le texte de Cordeiro est cité à quatre reprises avec la citation du passage consacré à Soares de Albergaria (soit : p. 90 note 37, p. 92 note 38, p. 218, p. 223 note 4). Deux rappels aussi dans le livre de Jean Colomès, La critique et la satire de D. Francisco Manuel de Melo, à propos de Soropita (p. 388) et citation des vers concernant F. Rolim de Moura (p. 396). On trouve aussi une référence à ce texte dans l’édition du Viaje del Parnaso due à Miguel Herrero García (Clásicos hispánicos, Madrid, 1983), à propos de Fernando Correa de la Cerda cité par Cervantès : « Su nombre consta en el Elogio de los Poemas (sic) Lusitanos, especie de Letanía Moral, como la de Claramonte, que publicó en tercetos (sic!) el alférez Jacinto Cordeiro... » (p. 800). Ce texte est encore cité par Giancarlo Depretis dans l’introduction à l’édition de l’Entremés de los sordos (Symbolae Pisanae. Studi in onore di Guido Mancini, Pisa, 1989, p. 157). Retour au texte

3 La bibliographie concernant cette question est maintenant considérable. Signalons simplement les ouvrages suivants : La littérature d’auteurs portugais en langue castillane, Arquivos do Centro Cultural Calouste Gulbenkian, vol. XLIV, Lisboa-Paris, 2002. Cultures lusophones et hispanophones : penser la relation, éd. Indigo, Paris, 2010. Sans oublier les divers numéros de Península. Revista de Estudos Ibéricos, publiés par l’Instituto de Estudos Ibéricos, Faculdade de Letras da Universidade do Porto. Retour au texte

4 Dès sa première comedia, composée à propos de l'entrée à Lisbonne de Philippe III, La Entrada del Rey en Portugal, Cordeiro aborde le problèmes des attentes portugaises à l'occasion de ce voyage et met en scène un couple constitué d'une Castillane et d'un Portugais (peut-être comme trace du rêve ibérique?). On n'oubliera pas les deux pièces sur le héros Duarte Pacheco Pereira, ni l'oeuvre sur les Douze d'Angleterre, ou celle intitulée Amar por fuerza de estrella y un Português en Hungría, ou encore l'exploitation du thème d'Inès de Castro... Retour au texte

5 Ces deux textes sont 1) Silva a El-Rey nosso senhor Dom Ioam quarto que Deos guarde felicissimos annos. Por seu menor Vassalo o alferez Iacinto Cordeiro. Em Lisboa. Na oficina de Lourenço de Anveres. 16 p. 2) Triumpho Frances. Recebimento que mandou fazer sua Magestade El-Rey Dom Ioão o quarto de Portugal ao Marquez de Bressè, Embaixador, Capitão General del-Rey de França. Dirigido ao Cristianissimo e poderosissimo Monarcha Luis Decimo Terceiro, Rey de França. Pelo Alferez Iacinto Cordeiro. Em Lisboa na Officina de Lourenço de Anveres. A custa de Lourenço de Queiros, livreiro de Estado de Bragança. Retour au texte

6 Cervantès, Jean Canavaggio, Paris, éd. Mazarine, 1986, p. 74. Retour au texte

7 Edition utilisée : Viaje del Parnaso, Poesías Completas, I. Edición de Vicente Gaos, Madrid, Castalia, 1980. Retour au texte

8 A Madrid, chez Juan González, 1630. L’édition utilisée ici est celle parue dans la Biblioteca de Autores Españoles, T. 38, pp. 184-249. Retour au texte

9 « Tendida en las riberas / Del mar de España dulcemente yace / La célebre Lisboa, / De las tierras iberas / La más ilustre y de más alta loa, / Que mira cuando nace / La luz pitonicida, / Alma del mundo y de los hombres vida. / Miño la lisonjea, / El Tajo la ennoblece, / El Duero la divide, / Mondego la pasea, / Toda nación la vive o la desea, / La India la enriquece, / Y el mar la trae cuanto quiere y pide. » Retour au texte

10 Citation du premier vers de l’églogue XIV, de Diogo Bernardes, « Cantava Alcido hum dia ao som das agoas... » Retour au texte

11 Dans cet ouvrage, Lope de Vega cite deux fois Miguel da Silveira ; d’abord dans la composition « El jardín de Lope de Vega », où il écrit : « La envidia tantos áspides destroza / a los pies de Silveira lusitano, / cuantos laureles y coronas goza » (v.337-339). Puis dans le texte « A don Juan de Arguijo, veinticuatro de Sevilla, Epístola nona. » où il lui consacre ce tercet : « Al docto lusitano, que ennoblece / las castellanas musas; al divino / Silveira, en cuya silva Amor florece » (v.184-186). Retour au texte

12 Pour l’histoire de l’ibérisme culturel, voici ce qu’écrivait de cet auteur - l’une des gloires lusitanes -, le préfacier d’une anthologie espagnole du XVIIIe siècle : « Incluimos y colocamos a Francisco de Saa de Miranda, siendo Portugués en el número de los Poetas Castellanos, no porque nuestra Lengua necesite mendigar Poetas a ninguna, pues en número y calidad puede surtir a otras muchas, sino por la razón de ser Español y de haber compuesto una gran parte de sus poesías en ella, por la qual se pueden sin violencia adoptar los Poetas nacidos en otros Reynos, y mucho más en este autor, cuyas producciones Castellanas no fueron las menos apreciables, pues por su mérito ha sido contado entre los buenos Poetas de su edad. » (Parnaso Español, T. VIII, Madrid, 1774, pp. XXI-XXII). On relève d’ailleurs dans la dernière page citée un éloquent « nuestro Saa... » Retour au texte

13 On sait que Lope de Vega était un admirateur de Camões, qu’il a lu et imité. Plus généralement, voir l’article de Eugenio Asensio « La fortuna de Os Lusíadas en España (1572-1672) » in Estudios portugueses, Paris, Centre Culturel Portugais, 1974, p. 303-324. Retour au texte

14 Rappelons que Lope de Vega composera un sonnet « Sirvió Jacob los siete largos años... ». Ces vers avaient déjà été cités dans une composition précédente du Phénix (« El jardín de Lope de Vega », parue dans La Filomena), dans laquelle Camões était ainsi célébré : « Camões, que ya vio del indio y moro / cuánto su espada obró, cuánto su pluma, dejó a su patria por mayor tesoro, // de tal manera al nieto de la espuma, / deidad impone en voz enternecida, / porque el bronce animado hablar presuma, // que parece que dice a su querida / Raquel que mais servira, se naon fora / pera tan longo amor tan curta a vida » (v. 274-282) Retour au texte

15 Il faut sans doute entendre: « Avec sa Diane, Montemayor mériterait une noble place; mais le temps est passé où le génie avec lequel il a écrit la fable de Pyrame lui aurait valu d’être nommé le plus haut sommet de Partenio (?) ; car il a été pillé ou traduit par Marino. Mais, sans ce guide, où est passée sa douce muse ? » Retour au texte

16 Sur cette question, voir : Dámaso Alonso, En torno a Lope (Marino, Cervantes, Benavente, Góngora, Los Cardenios), Madrid, ed. Gredos, 1972 (« Marino y la Historia de Píramo y Tisbe, de Montemayor », p. 15-29). Rappelons que Lope de Vega, admirateur de Marino, a toujours tenu des propos très ambigus sur Montemayor. Dámaso Alonso pense qu’il faut parler de jalousie : « ¿Qué le pasaba a Lope con Montemayor, muerto cuando el dramaturgo no había nacido aún? No eran sino celos del autor de La Arcadia frente a la Diana. » (op. cit., p. 19) Retour au texte

17 Messagère des Olympiens, cette divinité ailée personnifie le chemin entre le Ciel et la Terre. Retour au texte

18 Voir par exemple : Maria Lucília Gonçalves Pires : « Voyages au Parnasse - Des chemins de la parodie baroque », dans Le baroque littéraire : théorie et pratique, Actes du Colloque tenu à Paris en 1989, Centre Culturel Portugais, Paris, 1990, p. 27-34. Malgré ces quelques pages, il faut bien reconnaître que le sujet demeure entièrement à étudier... Retour au texte

19 C’est bien ce qu’avait fait Lope de Vega dans le prologue au Laurel, en déclarant : « Yo, señor lector, me admiro de cuán aumentada y florida está el arte de escribir versos en España... » (Op. cit., p.186). Retour au texte

20 Triunfo Lusitano, v. 165-177. Retour au texte

21 A partir de maintenant, nous signalerons sous cette forme abrégée le célèbre texte de Francisco Manuel de Melo « Hospital das Letras (Apólogo Dialogal Quarto) », 1657, in Apólogos Dialogais, vol. II, Prefácios e notas do Prof. José Pereira Tavares, 1959, p. 77-267. Retour au texte

22 Il s’agit de la lettre au Dr. Manuel Temudo da Fonseca, vicaire général de Lisbonne, à laquelle nous ferons désormais référence sous la forme abrégée de Carta (Cartas familiares, Sá da Costa, p. 220-240.) Retour au texte

23 Cf. notre article : « Héroïsme lusitanien et comédie espagnole : Los Doce de Inglaterra, de Jacinto Cordeiro », Taíra, Grenoble, 1995, p. 55-87. Retour au texte

Document annexe

Citer cet article

Référence électronique

Christophe Gonzalez, « Jeu et portée des espaces culturels : l’expression de la spécificité portugaise sous la monarchie dualiste : l’Elogio de poetas lusitanos, de Jacinto Cordeiro », Reflexos [En ligne], 2 | 2014, mis en ligne le 18 mai 2022, consulté le 19 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/reflexos/691

Auteur

Christophe Gonzalez

Université Toulouse II Le Mirail

Professeur des Universités

gonzalezchristophe@hotmail.com

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