Apprendre et périr. La doctrine de l’aviation de bombardement française au prisme des combats

Résumés

Les premiers jours de l’offensive allemande en mai 1940 mettent rapidement en lumière les insuffisances de l’armée de l’Air française, sur laquelle son propre chef d’état-major, le général Joseph Vuillemin, ne se faisait déjà aucune illusion deux ans plus tôt, prophétisant son « anéantissement total au terme du deuxième mois de guerre ». L’aviation de bombardement n’échappe pas au constat, victime comme les autres composantes d’années d’errements doctrinaux, de carences industrielles et de querelles institutionnelles. À l’issue du mois de mai, marqué par de lourdes pertes opérationnelles, le Grand Quartier général de l’Air tente de rectifier l’orientation doctrinale de l’emploi de ses bombardiers, à la lumière des premiers retours d’expérience et aussi de l’apprentissage au contact de l’ennemi.

The first days of the German offensive in May 1940 quickly highlighted the inadequacies of the French Air Force, on which its own chief of staff, General Joseph Vuillemin, had already no illusions two years earlier, anticipating its “total annihilation at the end of the second month of war”. The bombing aviation made no exception, a victim like other components of years of doctrinal errors, industrial deficiencies and institutional quarrels. At the end of May, after heavy operational losses, the Headquarters of the armée de l’Air tried to rectify the doctrinal orientation of the use of its bombers, in the light of the first feedback and also learning in contact with the enemy.

Plan

Texte

Puisque seule l’offensive peut donner la victoire, l’aviation serait-elle appelée à devenir le meilleur outil de guerre offensive et par conséquent, l’instrument essentiel de la Défense nationale1 ?

Général Paul Armengaud, 1932

Introduction

Au milieu des années 1930, la doctrine d’emploi de la nouvelle armée de l’Air française est à l’image de celle de l’armée de Terre : une hybridation d’enseignements stratégiques et surtout tactiques de la Première Guerre mondiale, et de traumatismes émotionnels liés à l’hécatombe sans précédent des tranchées. Les premiers représentent « les fruits vénéneux de la victoire » selon les mots du général André Beaufre2 – témoin de la débâcle de 1940 à l’état-major général – nantis d’une conception d’utilisation des différentes armes en bonne partie figée sur les enseignements de la Grande Guerre. Les seconds sont liés au souvenir des fronts fixes, avec des opérations souvent vouées à l’échec face au mur de feu de l’artillerie et des armes automatiques. De cet ensemble émerge une orientation militaire tournée vers la défensive tactique, articulée autour de la conviction, lors de la prochaine guerre, de tenir sur de solides positions en attendant la mobilisation des ressources industrielles et humaines, avant d’effectuer des offensives stratégiques. La jeune aviation militaire française peine à trouver sa place dans le volet tactique prépondérant, cette arme nouvelle semblant a priori davantage destinée à l’attaque.

Dans les premiers jours de mai 1940, l’aviation de bombardement française ne constitue pas un outil de guerre efficace face à l’imminence de l’offensive à l’Ouest. Les chefs de l’Air vont devoir apprendre de leurs erreurs à l’école de la guerre, et en tirer les leçons. Le maître de cette pédagogie guerrière est impitoyable : c’est la Luftwaffe, l’aviation allemande. Quelle est la doctrine d’emploi des bombardiers français au début de la Seconde Guerre mondiale ? Comment est-elle ajustée en fonction des premiers retours d’expérience ? Pourquoi l’appui tactique direct était-il aussi absent au sein de l’armée de l’Air en 1940 ? Ces questions nourrissent l’objet de cette étude, concentrée sur la dynamique doctrinale du bombardement français de l’orée de la Seconde Guerre mondiale à la défaite de juin 1940, et qui n’a pas pour objet d’exposer les histoires institutionnelles, organisationnelles et opérationnelles de l’aviation lourde – déjà évoquées efficacement dans l’historiographie de ces vingt dernières années3.

Cet article s’organise autour de trois temps avec les origines doctrinales de l’aviation de bombardement française au début de la Seconde Guerre mondiale, le révélateur de son efficacité au prisme des combats de mai et son ajustement subséquent, et les errements doctrinaux sur le rôle de l’aviation d’assaut. Les sources reposent notamment sur les archives Air du Service historique de la Défense, avec les règlements de manœuvre de l’armée de l’Air et les libellés d’instructions particulières du Grand Quartier général de l’Air (GQGA), ainsi que sur les notes et études réalisées à la fin des années 1930 et dans le feu des combats4.

1. La doctrine de bombardement française en 1939 : des ambitions sans moyens?

En matière de bombardement aérien, l’armée française fait partie des nations pionnières. Si les premières frappes opérationnelles à petite échelle remontent aux conflits coloniaux au Maroc (1910), en Libye (1911) et aussi aux Guerres balkaniques (1912), l’aviation militaire prend son véritable envol dès les débuts de la Première Guerre mondiale, avec la possibilité de porter le feu au-delà du front5. Deux escadrilles de bombardement sont créées en 1915, commandées par Maurice Happe, le père de l’aviation lourde française. Armés de moyens de fortune (obus de 90 mm d’artillerie, fléchettes en acier), les bombardiers multiplient les raids sur l’Allemagne sans résultat probant tout en essuyant des pertes importantes, comme sur Oberndorf le 12 octobre 1916 : dix appareils perdus sur 41 engagés6. Dès 1917, les escadrilles de bombardements sont dissoutes, laissant place à la division d’assaut forte de 600 chasseurs et avions d’attaque au sol, appuyant efficacement les offensives alliées finales de 1918. Seuls les Allemands et surtout les Britanniques poursuivent le bombardement stratégique jusqu’à la fin de la guerre, ne signant aucun résultat militaire ou économique, et à peine davantage sur le plan psychologique, avec là-aussi de lourdes pertes7.

Les leçons aéronautiques tirées de la Première Guerre mondiale au début des années 1920 ne manquent pas de questionner, au strict prisme de la rationalité. Malgré ses très médiocres performances, le bombardier lourd est rapidement érigé au statut d’arme miracle, effaçant le rôle pourtant décisif des chasseurs, avions d’attaque au sol et appareils d’observation. Dans cette apologie remarquable de la puissance aérienne stratégique, une figure incontournable revient sans cesse, bien connue dans l’histoire aéronautique : celle de l’Italien Giulio Douhet, objet d’une abondante bibliographie contemporaine8. Dans les faits, cette célébrité s’inscrit dans une dynamique exponentielle largement a posteriori. La pensée de Douhet, synthétisée et publiée en 1921, n’était pas nécessaire pour enflammer les imaginations à travers le monde et déclencher l’élaboration de doctrines militaires. Dès 1918, le père du bombardement stratégique britannique Hugh Trenchard lançait ses avions sur les villes allemandes, et son homologue Américain Billy Mitchell s’attirait les foudres de la Navy en démontrant la capacité de l’aviation lourde à détruire ses bateaux en 1921, tout en militant pour le développement des futures flottes stratégiques des United States Army Air Forces9.

En France aussi, l’influence de Douhet sur l’élaboration de la doctrine de l’aviation militaire fait toujours l’objet de débats parmi les historiens, certains l’estimant marginale10. En 1921, les chefs militaires et politiques français ont déjà largement tiré leurs leçons du conflit. Deux hommes président en particulier à la naissance de l’armée de l’Air française : Paul Painlevé et Philippe Pétain. En 1928, le ministre de la Guerre Painlevé conseille décisivement le président Raymond Poincaré dans la création d’un nouveau ministère de l’Air, dont il obtient le portefeuille en 1930. Painlevé s’appuie l’année suivante sur l’avis de son inspecteur de l’Air, Pétain, pour élaborer les bases d’une armée de l’Air, qui voit le jour en 1933. Ce dernier est un partisan de l’aviation militaire, impressionné par l’efficacité de la division aérienne en 1918 combinée à l’usage des chars. Tacticien dans l’âme, Pétain s’ouvre également à la stratégie en préfaçant en 1935 un ouvrage exposant les doctrines de Giulio Douhet. Il reconnaît l’intérêt de l’aviation lourde, permettant de dépasser les fronts considérés comme imperméables à toute percée décisive. Car Pétain est aussi le maître d’œuvre de l’orientation défensive conférée à l’armée française à l’issue de la Première Guerre mondiale. Héritée des échecs offensifs répétés entre 1914 et 1917, cette tendance prône une solide organisation passive, laborieusement matérialisée à la fin des années 1930 par la ligne Maginot, permettant de contenir les velléités belliqueuses de l’adversaire, tout en laissant le temps à l’industrie de se mobiliser pour fournir ultérieurement les bases d’une offensive appuyée par les blindés et l’aviation11.

Cette orientation défensive générale ne constitue toutefois pas une doctrine opérationnelle, n’imposant pas aux forces armées une position attentiste, et laissant ainsi une place offensive pour l’armée de l’Air. L’hésitation entre une aviation d’appui aux forces terrestres et le bombardement stratégique se retrouvait déjà en 1931, avec la constitution d’un Conseil supérieur de l’Air, placé entre les mains d’aviateurs soucieux de préserver leur indépendance. Les idées de Douhet n’y trouvent pas une place décisive, le Conseil présidant à la constitution d’une aviation hybride, avec le concept du BCR (bombardement, chasse, reconnaissance), déjà bien mis en lumière par Thierry Vivier12. Sur le papier, le BCR réalise la synthèse d’un ensemble de paramètres incluant les héritages techniques et opérationnels de la Première Guerre mondiale, l’incapacité de l’industrie aéronautique à rivaliser avec son homologue allemande, et les désirs de l’armée de Terre de garder sous contrôle la nouvelle armée de l’Air. Les avions du BCR (Bloch 210, Potez 540) sont censés mener des raids offensifs, conquérir la maîtrise de l’air, appuyer au sol et reconnaître. Si ce concept de polyvalence sera repris dans l’idée soixante-dix ans plus tard pour l’avion multi-rôles Rafale, en 1930 l’aviation française n’a ni les moyens, ni les infrastructures, ni la technologie nécessaires pour développer de tels appareils. Les BCR se révèlent lents, vulnérables et inefficaces.

À partir de mars 1938, le lancement du Plan V sous le nouveau ministre de l’Air Guy La Chambre marque une évolution certaine de l’orientation stratégique de l’aviation militaire, à défaut d’une rupture nette, les capacités industrielles ne pouvant suivre13. Suivant l’exemple de la Royal Air Force britannique, priorité est donnée à la chasse, avec 1 086 chasseurs prévus contre 876 appareils de bombardement14. Des appareils compétitifs entrent enfin dans les centres d’essais, tels le chasseur Dewoitine 520, l’avion d’assaut Breguet 690 et le bombardier moyen Amiot 354. Le déclenchement du conflit précipite le renouvellement des appareils de l’armée de l’Air, avec 1 000 appareils modernes livrés jusqu’au printemps dont 500 effectivement pris en compte15, mais pour beaucoup souffrant de défauts de jeunesse inhérents aux matériels trop rapidement poussés en opérations.

Au début de l’année 1940, le Règlement de manœuvre de l’armée de l’Air achève de fixer l’emploi théorique de l’aviation de bombardement française pour la bataille à venir, se démarquant peu des précédentes versions. Comme évoqué par Richard Overy, l’importance du débat public sur le bombardement stratégique durant l’entre-deux-guerres ne se reflète pas dans la doctrine militaire, les bombardiers n’étant pas structurés sous formes d’unités indépendantes, mais dispersés et affectés aux grandes formations terrestres16. Ce document d’état-major général relève d’un exercice de style abstrait, sans véritable ancrage dans les capacités réelles de l’aviation française, avec de vastes orientations pour la conduite des opérations :

  • la lutte contre l’aviation ennemie ;

  • la participation aux opérations terrestres ;

  • la participation aux opérations navales ;

  • les actions de représailles17.

La maîtrise de l’air constitue ainsi à travers la destruction de l’aviation ennemie le socle nécessaire au déroulement des opérations, avec l’appui au sol des troupes terrestres et navales. Les « actions de représailles », désignant le bombardement des civils sur les zones urbaines, n’est considéré que comme un dernier recours, conformément au paradigme fixé dès la Première Guerre mondiale. De manière remarquable, cette hiérarchie des priorités d’emploi de l’aviation correspond largement à celle de la Luftwaffe en vigueur au même moment, codifiée dans Das Luftwaffendienstvorschrift 16, (« le manuel de l’Air n° 16 ») depuis 1935 :

1. Acquisition de la supériorité aérienne ;

2. Appui des troupes au sol ;

3. Appui des forces navales ;

4. Interdiction des lignes de communication ;

5. Opérations stratégiques contre le potentiel militaire ennemi ;

6. Attaques stratégiques contre certaines cibles urbaines, centres de gouvernement et d’administration, et attaques de représailles contre les cités18.

Ce document, aussi célèbre dans l’histoire de la puissance aérienne qu’ambivalent dans son interprétation19, indique une certaine similarité avec le modèle français qui ne dépasse toutefois guère la seule doctrine théorique. D’une part, le modèle français ne hiérarchise pas ses priorités, avec l’objectif chimérique d’être partout en même temps – contrairement à sa rivale. La Luftwaffe représente un outil conçu pour appuyer l’offensive terrestre par le bombardement de théâtre (tactique et opératif), en mesure d’assurer cet objectif avec ses bombardiers bimoteur, tout en conservant la maîtrise aérienne avec ses chasseurs. L’aviation allemande a largement réfréné dès 1936 ses ambitions stratégiques, les coûts de développement des bombardiers lourds s’avérant sans rapport avec le potentiel limité de l’économie nazie. D’autre part, la Luftwaffe est en 1939 composée de quatre Luftflotten (« flottes aériennes ») assignées à autant de corps d’armées, véritables forces de frappes concentrées sur l’effort principal (Schwerpunkt)20. L’organisation de l’armée de l’Air se révèle pour sa part complexe, héritée selon Simon Catros des querelles intestines au haut-commandement Air – notamment entre le chef d’état-major Joseph Vuillemin et Henri Jauneaud, chef de cabinet militaire de Pierre Cot21. Chaque théâtre d’opération dispose de forces aériennes réservées (en majeure partie bombardement) et de coopération (chasse, reconnaissance), constituant autant de zones de forces aériennes aux effectifs éclatés. Les chefs aériens de ces zones reçoivent leurs ordres de l’armée de l’Air en matière d’aviation réservée – sauf pour l’appui au sol rapproché – et de l’échelon supérieur du groupe d’armée terrestre pour les autres missions. Pour achever ce système kafkaïen, des « commandements de forces aériennes » s’interposent aux échelons inférieurs (armée, corps d’armée et division), le tout desservi par des communications dépendant largement du système filaire sans rapport avec une guerre de mouvements. Le général Henri Jauneaud ne prenait ainsi aucun risque en prophétisant peu avant le conflit : « Si une catastrophe militaire susceptible d’entraîner la France aux abîmes doit se produire, c’est assurément dans le domaine de l’organisation que nous la verrons venir22 ».

La « catastrophe » ne se limite toutefois pas à la seule chaîne de commandement. Pragmatique dans son aspect général, la doctrine française s’égare rapidement lorsqu’elle affine les missions de l’aviation de bombardement :

- Normalement, [l’aviation de bombardement] prolonge, au-delà de la zone de combat terrestre ou navale et jusqu’à une grande profondeur à l’intérieur du territoire ennemi ou à une grande distance des forces navales, l’action de destruction ou de neutralisation de l’artillerie ;
- Exceptionnellement ou à l’aide de ses formations spécialisées (de bombardement d’assaut ou de bombardement en piqué) joint son feu à celui des autres armes23.

L’aviation de bombardement est ainsi vouée à des missions stratégiques et opératives (appui indirect), mais très peu tactiques (appui direct) des troupes au sol. Il s’agit d’une différence décisive avec les avions lourds de la Luftwaffe, entièrement dédiés au bombardement de théâtre, avec l’appui direct (bombardiers en piqué Junker 87 Stuka) et indirect dédié à l’interdiction (bombardiers moyens Heinkel 111, Junker 88 et Dornier 17)24. L’armée de l’Air fait ainsi pratiquement l’impasse sur la première composante de l’appui aérien, bien que paradoxalement le Règlement de manœuvre liste précisément le spectre des spécialités de l’aviation de bombardement :

  • Bombardement lourd ;

  • Bombardement moyen ;

  • Bombardement léger ;

  • Bombardement d’assaut ;

  • Bombardement en piqué25.

Cette richesse théorique de spécialisations cache en réalité de vastes lacunes. Si l’aviation française dispose de bombardiers lourds (Bloch 131), moyens (LeO 451) et légers (Breguet 693) susceptibles de réaliser des missions stratégiques et d’appui indirect, son « aviation spécialisée » regroupant l’assaut et le piqué a été en bonne partie négligée dans l’entre-deux-guerres, comme évoqué dans la dernière partie de cette étude. Les premières formations de bombardiers d’assaut (en vol rasant) équipées de Breguet 693 et constituées en urgence au printemps 1940 sont embryonnaires et inexpérimentées. L’aviation en piqué n’est pas opérationnelle dans l’armée de l’Air ; seule l’aéronavale possède quelques dizaines de Chance-Vought achetés aux États-Unis et de Loire-Nieuport 41, ce dernier ressemblant singulièrement à son équivalent allemand Junker 87 Stuka, ces deux appareils étant directement inspirés de l’aviation d’assaut aéronavale américaine pionnière en la matière. Pour les situations d’appui direct censées être « exceptionnelles », l’armée de l’Air ne peut compter que sur ses rares Breguet 693. L’essentiel de ces tâches spécialisées ne peut être accompli que par les bombardiers moyens et lourds, imprécis et vulnérables, et non conçus dans cette optique. Le Règlement de manœuvre ne fait lui-même pas mystère de l’incapacité des bombardiers à assurer l’appui direct :

Dans les périodes de crise, le commandement peut être contraint de recourir également à l’aviation de bombardement non spécialisée pour cette dernière mission, mais de telles opérations engagées avec du matériel non adapté à ce genre d’attaque risquent de donner des résultats matériels nullement en rapport avec les effectifs mis en œuvre, d’entraîner des pertes sévères, impossibles à réparer avant longtemps et qui se feront durement sentir dans la suite26.

Ainsi, le concept de « lutte aérienne » de la doctrine d’emploi de l’aviation de bombardement mêle des héritages opérationnels dépassés de 1918, des mutations judicieuses mais trop tardives vers le bombardement de théâtre, des ambitions excédant de loin le potentiel humain et technologique de l’armée de l’Air, et les capacités industrielles limitées de l’économie nationale. Cette hybridation doctrinaire très théorique ne repose sur aucune base concrète, et ne se reflète ainsi que fort peu au niveau opérationnel. De manière générale, celle-ci ne représente nullement un outil offensif ou même défensif à l’orée de la Seconde Guerre mondiale, capable d’effectuer des missions stratégiques, de se mesurer à sa rivale ou d’appuyer les forces terrestres. Ce constat n’a rien d’une évaluation confortable a posteriori, les acteurs du drame à venir en étant eux-mêmes conscients, à commencer par le chef d’état-major de l’armée de l’Air, le général Joseph Vuillemin. Le 26 septembre 1938, ce dernier rendait ainsi compte de manière directe – bien qu’encore trop optimiste – qu’en cas de conflit avec l’Allemagne les missions ne seraient effectuées qu’au prix de grandes difficultés et de lourdes pertes, « entraînant l’anéantissement total de l’armée de l’Air française au terme du deuxième mois de guerre27 ».

2. L’apprentissage par le feu : un ajustement doctrinal pertinent ?

Lorsque les canons du vieux cuirassé Schleswig-Holstein débutent la Seconde Guerre mondiale au large des côtes polonaises à l’aube du 1er septembre 1939, l’armée de l’Air compte 33 groupes de bombardement, contre 23 groupes de chasse et 15 groupes de reconnaissance28. Si la « drôle de guerre » se traduit par une intense activité de la part des chasseurs, les bombardiers ne sont quasiment pas utilisés, conformément à l’orientation défensive de l’armée française et dans l’objectif d’éviter toute provocation suivie de représailles29. Seuls quelques raids psychologiques sont effectués, avec notamment des largages de tracts nocturnes peu impactant sur Munich et Prague. Jusqu’au début de mai 1940, l’effort industriel prodigué par le plan V permet à l’armée de l’Air de disposer de 1 400 appareils opérationnels de qualité fluctuante, depuis les appareils dépassés des années 1920 à ceux du plan V en passant par les ratés du programme BCR, soit 640 chasseurs, 240 bombardiers et 500 appareils de reconnaissance ; la Luftwaffe compte pour sa part 1 200 chasseurs et 1 700 bombardiers modernes30.

L’offensive allemande le 10 mai à l’ouest entraîne comme prévu la manœuvre Dyle-Bréda, avec l’engagement de la 1re armée terrestre et de la British Expeditionnary Force en direction des Pays-Bas. Les unités de chasse et de bombardement de la ZOAE sont déployées en faveur de la ZOAN afin de couvrir l’opération, délaissant le secteur de la Ire armée terrestre dans les Ardennes, qui reçoit le choc des concentrations blindées allemandes. Dès le 12 mai, la preuve est faite de l’impotence du bombardement français. Si les chasseurs sont en mesure de se défendre et infligent dès le premier jour des pertes sévères à la Luftwaffe, les bombardiers doivent opérer dans un ciel maîtrisé par l’adversaire, face à une DCA concentrée autour des points d’attaque. Par ailleurs, les groupes de bombardement se retrouvent engagés en faible nombre dans des missions de bombardement de théâtre, n’étant peu (appui indirect) ou pas (appui direct) prévus à cet effet. Seuls deux exemples suffisent à illustrer ce schéma, répété jusqu’à la fin du mois. Le 12 mai sur le front Dyle-Bréda, 18 Breguet 693 attaquent au ras du sol une colonne de blindés autour de Tongres en Belgique, laissant huit appareils face aux canons automatiques de 20 et 37 mm, sans obtenir de résultats probants31. Pour tenter de stopper la percée qui se dessine sur le front de la Meuse, les groupes de bombardement sont envoyés en appui tactique pour détruire les ponts adverses, le pire objectif possible pour des bombardiers sans dispositif de visée efficace – un constat toujours valable quatre ans plus tard pour les appareils alliés engagés sur la France32. Le 14 mai, après une première tentative avortée de l’Advanced Air Striking Force (31 avions détruits sur 71), l’armée de l’Air ne peut déployer que 6 LeO 451 et 13 Amiot 143 en plein jour, ces derniers tout juste capables de participer à des bombardements opératifs nocturnes. Les appareils se présentent sur un objectif saturé de DCA, et contrôlé par la chasse allemande ; 5 appareils sont abattus et 2 autres s’écrasent à l’atterrissage, sans avoir obtenu de résultat33. Faute d’une coordination déficiente à tous niveaux entre les deux alliés, l’armée de l’Air et la Royal Air Force sont battues séparément34.

Dès le 16 mai, le général Marcel Têtu est contraint de commencer à replier ses bases aériennes face à la percée allemande à Sedan. Les escadrilles de bombardement, déjà laminées et désorganisées, ne peuvent ni stopper les divisions blindées allemandes se précipitant vers les côtes de la Manche, ni appuyer efficacement les rares contre-attaques à Montcornet, Crécy-sur-Serre et notamment Arras. Le 17 mai, des appareils d’école inaptes au combat sont poussés au front, et la Marine contrainte d’engager ses quelques appareils en piqué LN 411 et Chance-Vought contre des objectifs terrestres35.

L’appui fourni par les bombardiers légers et moyens de la Luftwaffe semble surprendre du côté français, comme si l’appui tactique direct incarnait une nouveauté surgie ex nihilo. Le colonel de l’Air Pierre Paquier, témoin direct du drame et aussi acteur ambivalent de la réhabilitation de l’armée de l’Air française après-guerre36, note à la journée du 28 mai 1940 :

Combinant le plus souvent l’effet de masse et de surprise, l’aviation de bombardement allemande continue d’appuyer la progression des unités blindées. […] Appuyées par les bombardiers, les unités mécanisées ouvrent la brèche et essaient d’en forcer rapidement l’exploitation. Les équipages adverses attaquent, à la mitrailleuse, plusieurs trains dans la région Strasbourg-Sarrebourg. Le commandement allemand continue à marquer sa préférence pour les opérations de jour, très efficaces puisque coûteuses si on les compare aux actions tentées de nuit par l’ennemi. L’aviation de bombardement continue à se manifester comme le complément indispensable du char allemand. Les sections de bombardiers ennemis, précédant les divisions blindées, repèrent nos armes antichars et les neutralisent du feu de leurs mitrailleuses ou le détruisent à la bombe. L’aviation d’assaut adverse tantôt interdit l’arrivée de nos renforts, tantôt entrave la marche de nos troupes en retraite37.

L’efficacité de l’aviation tactique allemande est ici quelque peu surévaluée par Paquier, contribuant d’ailleurs à l’un des mythes de la campagne de France du point de vue de la Luftwaffe. Les études académiques récentes ont montré l’utilisation limitée de l’appui au sol direct par l’aviation allemande, comme notamment lors du passage de la Meuse lors du 13 mai, où un seul point de franchissement des unités blindées allemandes est effectivement bombardé – avec plusieurs heures de décalage38. La disponibilité restreinte des bombardiers en piqué, alliée à leur efficacité plus psychologique qu’effective – un autre mythe par la suite repris pour les chasseurs-bombardiers alliés dans la campagne d’Overlord39 – conduit la Luftwaffe à surtout engager ses appareils dans des missions d’interdictions indirectes, plus économiques et donc efficaces.

L’intense déploiement d’activité de soutien de la Luftwaffe commence néanmoins à servir d’exemple pédagogique pour les aviateurs français à la fin du mois. À partir du 25 mai 1940, le centre de gravité des opérations allemandes se concentre sur Dunkerque, avec une attitude défensive sur la Somme et l’Aisne. Ce relatif et bref répit sur ce dernier front, baptisé par l’armée française « ligne Weygand », laisse le temps au général Marcel Têtu de rédiger une longue Note sur l’appui immédiat des opérations terrestres par les forces aériennes. Trois semaines de combats ont rendu le chef du Commandement des forces aériennes de coopération du Front du Nord-Est remarquablement lucide sur l’utilisation moderne de la puissance aérienne :

Les opérations qui se déroulent depuis le 10 mai ont montré l’efficacité de l’appui que l’aviation de bombardement moderne peut apporter aux opérations terrestres, qu’elles soient offensives ou défensives. Cet appui peut prendre des formes diverses allant du harcèlement de la ligne de combat ennemie, des renforts en mouvement sur le réseau routier ou des réserves stationnées sur les arrières immédiats, jusqu’aux bombardements massifs tendant à neutraliser ou à réduire un dispositif défensif ou offensif. L’infanterie et l’artillerie déployées à découvert, les colonnes de camions et les engins mécaniques sont justiciables de ces attaques. []
Étroitement liée à la manœuvre terrestre et subordonnée à une exploitation rapide du renseignement, leur exécution exige donc pour le commandement aérien chargé de cet appui [] la mise à son entière disposition :
– d
’une aviation de bombardement susceptible d’être déclenchée à son initiative ;
– d’une aviation de chasse qui puisse lui fournir instantanément les missions de couverture ou de protection nécessaires à l’engagement du bombardement ;
– d’un système de transmissions lui permettant de recevoir les renseignements de toutes origines et de les transmettre aussi rapidement que possible à l’aviation de bombardement aux fins d’exploitation immédiate.
Seule une organisation décentralisée à l’échelon de l’armée terrestre permet de remplir ces conditions. Les interventions en appui immédiat peuvent prendre les formes les plus diverses, aussi bien le harcèlement par avions isolés, engagés en noria, recherchant et attaquant après identification les éléments ennemis dans une région donnée, que l’attaque massive d’un objectif ou d’une zone donnée par une action d’ensemble mettant en œuvre des effectifs importants40.

Ces quelques lignes mettent en lumière les leçons apprises au contact de l’adversaire, dans le domaine de l’appui au sol. Pour se mettre à niveau de « l’aviation de bombardement moderne » et intervenir directement dans les opérations à tout moment, l’armée de l’Air a besoin de fluidité et de réactivité, ce qui passe par des systèmes de transmission efficaces, des formations aériennes en prise directe avec les armées terrestres au contact, sans intermédiaires parasites – et aussi des matériels adaptés et des équipages formés. La note du général Têtu remonte jusqu’au Grand Quartier général de l’Air, qui synthétise ce retour d’expérience avec la publication d’une Instruction particulière le même jour, 31 mai 1940 :

La présente Instruction a pour objet d’indiquer le sens dans lequel devra être recherché un meilleur rendement du genre d’opérations en cause. Les délais d’intervention de l’aviation de bombardement résultent de la nécessité de centraliser à un échelon de commandement assez élevé (GA terrestre, ZOA) la conduite des opérations d’appui immédiat.
Ces délais semblent pouvoir être réduits par :
– Une préparation très poussée, faite à l’échelon ZOA, des opérations d’appui immédiat ; préparation qui doit comporter en particulier l’établissement, pour chaque journée, d’un programme d’appui immédiat [] les formations de chasse et de bombardement devant, à chaque période de la journée, être tenues prêtes à intervenir dans un délai déterminé.
Une préparation minutieuse, faite dans le sens indiqué ci-dessus, doit donner à l’exécution le maximum d’automaticité.
L’utilisation de la radio pour la transmission simultanée, par les forces aériennes d’armées, des demandes d’appui.
Une protection de chasse suffisante doit être obtenue []
La réduction des délais de transmissions et de décision devra permettre de maintenir en situation d’attente, et non d’alerte, les unités devant intervenir. La centralisation à l’échelon ZOA de la conduite des opérations d’appui immédiat doit permettre de répartir, par roulement, entre un nombre assez grand d’unités, cette mission d’attente en vue d’attaques éventuelles.
La présente Instruction, qui ne saurait prétendre fixer d’une façon définitive le mécanisme de déclenchement des opérations d’appui immédiat à exécution par l’aviation de bombardement, n’a pour but que d’indiquer le sens dans lequel une solution doit être recherchée. Il appartient aux commandants de ZOA d’adapter à chaque situation particulière l’application de ces principes, en ne perdant pas de vue le but à atteindre : obtenir une intervention efficace et rapide de l’aviation de bombardement ; économiser nos forces41.

En trois semaines d’apprentissage meurtrier, le GQGA tente avec cette Instruction particulière de rattraper des années de carences en matière de puissance aérienne. Centralisation et rationalisation du commandement, liaisons radio instantanées sol/air, appui tactique disponible à tout moment, souplesse et réactivité : c’est là le modèle mis en œuvre au même moment par la Wehrmacht – mais que l’armée de l’Air est incapable d’appliquer. Si l’ajustement doctrinal du GQGA s’avère judicieux, le matériel, les hommes, les renforts et le temps font défaut. Quatre jours après la parution de l’Instruction particulière, la poche de Dunkerque tombe, et l’offensive finale de la campagne de France s’engage le 5 juin.

Pour la dernière phase de la campagne de France, l’armée de l’Air dispose de manière a priori paradoxale de 2 348 appareils dont 1 084 chasseurs et 519 bombardiers, soit 376 de plus qu’au 10 mai. Ces bénéfices tardifs du plan V sont cependant largement annulés par les nécessaires délais de prise en compte d’appareils récents et parfois inaptes ; dans les faits moins de 30 % des appareils sont opérationnels au début de juin42. Si l’issue des batailles de l’Aisne, de la Somme et de l’Ailette pour percer la « ligne Weygand » ne laisse guère planer de doutes, les combats n’en demeurent pas moins indécis durant plusieurs jours. La Wehrmacht n’a plus l’effet de surprise, et l’aviation de bombardement française fait en sorte d’appliquer l’Instruction 27 avec ses maigres moyens inadaptés. Paquier évoque ce réajustement doctrinaire précipité :

5 juin : Nos bombardiers, à l’image des bombardiers ennemis, mènent désormais leurs actions en fonction de la manœuvre terrestre. C’est donc la bataille au sol qui impose à nos expéditions de bombardement :
- l’objectif ;
- l’importance des moyens à consentir ;
- les délais d’intervention.
Au cours de la journée du 5 juin notre aviation de bombardement effectue 126 sorties, engageant la totalité de ses moyens en appui immédiat de la bataille en cours, harcelant les passages de la Somme, bombardant sans répit les rassemblements ennemis signalés au sud de Péronne et dans la région d’Amiens43.

Reprenant à leur compte les méthodes d’appui direct de la Luftwaffe, les forces réservées françaises participent, efficacement selon Paquier, aux échec initiaux de la Wehrmacht – mais les forces terrestres ont également tiré des leçons utiles, de même que l’artillerie lourde se montre au moins aussi efficace que l’aviation – contrainte d’appliquer une bataille de positions. Les Breguet 693, ces avions d’assaut conçus à l’origine comme chasseurs lourds et peu adaptés à leur mission, attaquent les ponts sur l’Aisne, l’Ailette et la Somme, puis les formations blindées tentant de se faufiler entre les positions françaises. Face à l’écrasante supériorité adverse, la bataille est perdue le 10 juin. Les divisions blindées allemandes finissent par percer et se précipiter vers la Bretagne, Paris et la vallée du Rhône. L’armée de l’Air jette inutilement l’ensemble de ses avions dans l’agonie nationale, avec ses chasseurs Dewoitine 520 neufs opérant en appui direct contre les pointes adverses – les survivants sont par la suite intégrés à l’armée de l’Air de Vichy, principalement en métropole et en Afrique du Nord44.

De manière révélatrice, lorsque la campagne s’achève le 22 juin 1940, les Breguet 693 des GB 18 et 19 ont effectué le plus grand nombre de sorties offensives parmi les unités de bombardement françaises, avec près de 500 missions45. Ces groupes ont perdu 47 appareils sur les 106 délivrés aux bases aériennes, sur un total édifiant de 254 avions produits46. Sur l’ensemble de la campagne, l’appui tactique n’a cessé d’être la première utilisation des forces de bombardement, devant l’appui opératif, ne laissant quasiment aucune place au bombardement stratégique, pourtant omniprésent dans les réflexions d’avant-guerre. À l’issue de ce désastre opérationnel et doctrinal, une question s’impose. Pourquoi l’appui « immédiat », pour reprendre l’appellation d’époque, a-t-il été à ce point négligé ?

3. Le bombardier « d’assaut », une arme de défense ?

L’orientation défensive impulsée à la stratégie militaire française depuis la fin de la Première Guerre mondiale n’a pas favorisé l’émancipation de l’aviation de bombardement française, exceptée sa composante stratégique avec les bombardiers lourds, perçue et tolérée comme le moyen de dépasser les fronts figés et de porter le feu chez l’ennemi. Paradoxalement, même pensée comme une arme polyvalente au début des années 1930 avec le concept chimérique du BCR, puis largement assujettie aux armées terrestres à la fin de la décennie, l’armée de l’Air n’a jamais été en mesure d’assurer un appui-feu efficace. Son « aviation spécialisée » en est encore au début de l’année 1940 au stade embryonnaire, avec une aviation en piqué inexistante et des appareils d’assaut en sous-effectifs et non conçus pour leur emploi. Même les bombardiers moyens destinés à l’appui indirect ne peuvent espérer mener à bien leurs missions, du fait de leur état suranné (Bloch 210, Farman 222, Amiot 143) ou trop récent (LeO 451, Amiot 354). À l’issue d’une tournée de visites des écoles du bombardement, le général de corps aérien Albert Pastier, inspecteur de l’aviation de bombardement, décrit sans ambages la situation au mois de mars 1940 :

Il m’a paru utile, après avoir achevé la visite des quatre centres d’instruction de bombardement de la métropole, de reprendre les constatations les plus importantes que j’ai pu faire sur la situation actuelle et les possibilités de ces Centres47. Aucun centre ne dispose des cadres nécessaires et ne dispose de matériel d’instruction moderne48 (avions, armement, viseurs, matériel de transmissions) []. J’ai pu me rendre compte, au cours de mes visites, que les cadres n’étaient pas au courant des enseignements de la guerre49.

Et pourtant, les enseignements de la campagne de Pologne réalisée six mois plus tôt par la Luftwaffe sont disponibles au GQGA en quantité appréciable. Un rapport évoque en particulier « L’influence décisive de la supériorité aérienne sur le développement des opérations » :

Dès les premiers jours, l’aviation allemande, s’assurant la maîtrise de l’air par l’attaque en vol et au sol de l’aviation adverse, a procédé au bombardement systématique des voies ferrées, des quartiers généraux et des points sensibles du territoire (industries de guerre). L’ensemble de l’opération offensive allemande est caractérisé par une série d’engagements prudents suivis d’une attaque très brutale, menés sur un front étroit par une masse d’engins blindés agissant en liaison étroite avec l’artillerie et l’aviation50.

De manière encore plus édifiante, les services de renseignement français disposaient en mars 1940 du rapport secret d’une conférence tenue à Berlin en novembre 1939 sur l’emploi de la Luftwaffe en Pologne.

Appui direct et indirect donné par l’aviation à l’armée de Terre : cet appui fut à partir du 3e jour la mission essentielle de la Luftwaffe et il a duré jusqu’à la fin de la campagne. […] L’immense majorité des vols d’avions et la plus grande partie des dépenses de munitions ont servi à soutenir l’armée de Terre. Ici la considération primordiale s’est imposée qu’il était utile pour la conduite d’ensemble de la guerre d’engager autant que possible les 3 parties de la Wehrmacht dans une seule et même direction. La campagne de Pologne n’a pas confirmé la théorie de Douhet sur une conduite autonome de la guerre aérienne.
Un appui direct à l’armée de Terre a été fourni avant tout par des attaques contre les routes et les voies ferrées […]. Pour soutenir indirectement l’armée de Terre, l’aviation a attaqué des colonnes en marche, des réserves, des positions de soutien, des positions d’artillerie et des ouvrages bétonnés […] Les attaques furent exécutées par des unités de bombardement en piqué et des unités d’avions de bataille.
[…] Le fait que les puissances occidentales sont entrées en guerre au même stade de l’équipement que la Pologne, qu’elles auront les mêmes difficultés que les Polonais dans la fabrication en série des avions, dans la formation du personnel et dans le perfectionnement du matériel aéronautique, autorise la conclusion que l’énorme avance de la Luftwaffe ne pourra pas être neutralisée au cours des semaines et des mois à venir. […] Notre conviction inébranlable est que les puissances occidentales elles-mêmes ne seront jamais en mesure de supporter le poids de l’offensive de notre Luftwaffe51.

L’essentiel est dit dans ce rapport : efficacité du bombardement de théâtre (appui direct et indirect), concentration de l’effort interarmes et interarmées sur le Schwerpunkt, invalidation des thèses de Douhet, et pronostic aussi confiant que réaliste sur l’absence de chances de l’aviation française. Lors des procès de Riom en 1942, organisés par Vichy pour désigner des coupables sur la défaite de 194052, cette référence à la campagne de Pologne revient dans les propos de l’accusé Guy La Chambre. L’ancien ministre de l’Air, nommé en 1938, reporte les torts sur son prédécesseur Pierre Cot (exilé aux États-Unis) et sur les chefs militaires :

Dans la catégorie « bombardiers d’assaut », il n’y avait aucun prototype en gestation, pour la raison que l’état-major n’avait pas cru devoir mettre au concours, en 1936, un appareil de bombardement en piqué. Plus prévoyante, la Marine en avait un, le Loire-Nieuport 41. On envisagea de le commander pour l’armée de Terre, mais il fut reconnu trop lent […]. Mais il y a plus fort ! Pendant la guerre et malgré l’expérience de Pologne, la nécessité de créer une aviation importante de bombardement en piqué n’était pas encore apparue. En février 1940, le commandant en chef des forces aériennes me saisissait de ses nouveaux besoins de ce qui allait être le plan VI, et qui n’a jamais vu le jour, on avait renforcé les dotations en avions de chasse et d’assaut, mais aucun avion de bombardement en piqué n’était réclamé53.

Certes, il est déjà trop tard en 1938 pour rattraper des années de retard. Mais les signaux avertisseurs sur l’emploi renouvelé de la puissance aérienne peuvent se retrouver antérieurement à la campagne de Pologne, notamment lors de la guerre d’Espagne, et même bien avant durant la guerre du Rif au début des années 1920. Arnaud Teyssier a évoqué cette « histoire d’un malentendu » entre l’armée de l’Air et l’aviation d’assaut54. La France ne manquait pas de partisans de cette spécialisation du bombardement dans l’entre-deux-guerres, avec en premier lieu le général Paul Armengaud, avocat de l’appui tactique à l’issue des enseignements du Rif55, puis le général Hebrard chargé en 1938 de l’élaboration d’un Règlement sur l’aviation d’assaut56, en passant par le personnage plus connu de Camille Rougeron, qui dès 1936 proposait de concevoir un bombardier nouveau « directement issu de l’avion de chasse57 », préfigurant de manière remarquable le chasseur-bombardier. Cette même année, l’École supérieure de la guerre consacrait des éléments de doctrine aérienne sur l’aviation d’assaut dans son cours d’aéronautique, impulsé par quelques officiers supérieurs58. Par ailleurs, si la figure de Giulio Douhet domine l’historiographie actuelle du bombardement, l’Italie disposait de sa figure opposée, avec le général Amedeo Mecozzi, théoricien de l’appui indirect et auteur prolifique, pourtant bien moins évoqué59.

Malgré les leçons des combats de la Première Guerre mondiale et des conflits suivants, l’aviation d’assaut est restée peu développée dans l’armée de l’Air jusqu’en 1939, de même que l’aviation en piqué dans l’aéronavale. La responsabilité en revient certes en bonne partie à l’armée de l’Air, soucieuse de préserver son indépendance durement acquise en s’orientant d’abord vers les bombardiers et dans une moindre mesure les chasseurs, et aussi à l’armée de Terre, peu désireuse de dépasser le rôle d’observation essentiellement accordé à l’aviation. Le terme d’aviation « d’assaut » s’est révélé source de craintes et de mésententes, jurant avec les prérogatives des forces terrestres et l’orientation stratégique résolument défensive de l’armée française.

Cependant, bien qu’utile dans le soutien à l’offensive, l’aviation d’assaut s’était déjà révélée au moins autant efficace dans la défense, durant la guerre d’Espagne60. Les campagnes suivantes de la Seconde Guerre mondiale n’ont fait que confirmer la prééminence du chasseur-bombardier dans le bombardement de théâtre, avec des interventions défensives parfois décisives à des contre-attaques et contre-offensives allemandes, comme lors des opérations Lüttich (Normandie, juin 1944) et Wacht am Rhein (Ardennes, décembre 1944).

Conclusion

Au début de l’année 1940, la doctrine de l’aviation de bombardement française est le réceptacle d’un bouillonnement intellectuel et émotionnel délayé par deux grands marqueurs : l’héritage malaisé de la Première Guerre mondiale, et l’indépendance de l’armée de l’Air en 1934. Dans ce vaste chaudron incandescent tourbillonnent les souvenirs liés aux hécatombes des tranchées, les ambitions démesurées d’une jeune armée en quête d’affirmation, et les jalousies des forces terrestres soucieuses de conserver les rênes de l’attelage militaire. Le résultat se solde par une doctrine tentant d’intégrer tous les paramètres, avec la volonté de tout faire et partout, sans hiérarchisation des priorités. Seules les United States Army Air Forces et la Royal Air Force parviendront deux ans plus tard à développer les trois composantes de la puissance aérienne moderne, avec des aviations tactiques et stratégiques, capables de maîtriser le ciel (chasseurs), d’appuyer les forces terrestres (chasseurs-bombardiers, bombardiers moyens) et d’aller porter le feu chez l’ennemi (bombardiers lourds). Dans les années 1930, la France n’avait nullement les ressources nécessaires pour appliquer sa doctrine. Les moyens militaires de son aviation ont de surcroît été dispersés dans des plans industriels successivement voués à l’échec61, une organisation militaire seulement adaptée à une logique de fronts fixes, des personnels navigants trop peu formés, et des appareils inadaptés.

Les combats de mai ont sans surprise immédiatement mis en lumière les carences de la doctrine aérienne française. L’Instruction du 31 mai rétablit un certain niveau d’efficacité théorique, qui ne saurait certes inverser en quelques jours des carences rigidifiées depuis le début des années 1920. Les brefs combats sur la Somme, l’Aisne et la Loire, évoqués (exagérés) par Paquier et d’autres témoins comme le général Maxime Weygand témoignent cependant d’une tentative de mise en application du bombardement de théâtre durant quelques jours, mais bien trop tardive et trop peu puissante pour endiguer l’inéluctable.

Notes

1 Armangaud Paul, L’Aviation et la puissance offensive de l’instrument de guerre de demain, Gauthier-Villars et Cie, Paris, 1932, p. 3. Retour au texte

2 Beaufre André, Le Drame de 1940, Perrin, Paris, 2020, p. 93. Retour au texte

3 Voir notamment Facon Patrick, L’Armée de l’Air en quête de son identité, La Documentation française, Paris, 2020, 487 pages ; Baughen Greg, The Rise and Fall of the French Air Force, Fonthill Media, Stroud, 2017, 320 pages ; Overy Richard, The Bombing War: Europe, 1939-1945, Penguin, Londres, 2014, 880 pages ; Facon Patrick, Histoire de l’armée de l’Air, Paris, La Documentation française, 2009, 558 pages et Batailles dans le ciel de France. Mai-Juin 1940, Saint-Malo, Pascal Galodé, 2010, 240 pages ; Garraud Philippe, « L’action de l’armée de l’Air en 1939-1940 : facteurs structurels et conjoncturels d’une défaite », Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 202-203, Presses universitaires de France, Paris, 2001/2-3, pp. 7-31 ; Vivier Thierry, La Politique aéronautique militaire de la France. Janvier 1933-Septembre 1939, Paris, L’Harmattan, 1997, 652 pages. Retour au texte

4 Service historique de la Défense (désormais SHD – Vincennes), séries et sous-séries Armée de l’Air (désormais AI) : Aviation de bombardement (AI 1D1), État-Major, inspections et services (AI 1D7), Aviation en Pologne (AI 1D37), 2e corps aérien (AI 2D13), Aviation de bombardement (AI K 16071). Retour au texte

5 De Lespinois Jérôme, « Les transformations de la guerre aérienne », Stratégique, n° 102, Institut de Stratégie Comparée, Paris, 2013/1, p. 349. Retour au texte

6 Krugler Gilles, Le Corsaire de l’Air, Service historique de la Défense, Vincennes, 2005, p. 65. Retour au texte

7 Foucrier Jean-Charles, « La naissance du bombardement stratégique durant la Première Guerre mondiale », colloque L’Aviation militaire au sortir de la Première Guerre mondiale, CERPA-Mairie de Paris, Hôtel de Ville de Paris, 30 octobre 2018. Retour au texte

8 Voir pour l’étude la plus récente le dossier « Giulio Douhet, l’air power et la pensée militaire occidentale », Nacelles, n° 9, Presses universitaires du Midi, Toulouse, automne 2020 [en ligne : http://revues.univ-tlse2.fr/pum/nacelles/] notamment De Lespinois Jérôme, « Douhétisme et antidouhétisme dans l’armée de l’air française au début des années 1930 », in Nacelles, n° 9, automne 2020. Retour au texte

9 Voir Foucrier Jean-Charles, « La naissance du bombardement stratégique… », op. cit. Retour au texte

10 De Lespinois Jérôme, « Douhétisme… », op. cit. Retour au texte

11 De Lespinois Jérôme, « Douhétisme… », op. cit. Retour au texte

12 Vivier Thierry, La Politique aéronautique, op. cit., pp. 53-103. Retour au texte

13 Le révélateur de cette faiblesse industrielle est l’obligation du ministre La Chambre de commander des appareils aux États-Unis, qui équipent en nombre conséquent (794) l’armée française le 10 mai 1940. Voir D’abzac-Epezy Claude, « La France et les marchés d’avions pendant l’entre-deux-guerres », Stratégique, n° 118, Institut de stratégie comparée, Paris, 2018/1, pp. 127-138. Retour au texte

14 Vivier Thierry, La Politique aéronautique, op. cit., p. 444. Retour au texte

15 Garraud Philippe, « L’Action de l’armée de l’Air… », op. cit., p. 10. Retour au texte

16 Overy Richard, « Chapter 1: Strategic Bombardment before 1939: Doctrine, Planning and Operations » in Hall R. Carghill (dir.), Cases Studies in Strategic Bombardment, United State Government, Washington DC, 2020, pp. 11-90. Retour au texte

17 SHD AI K 16071, Documentation technique – Aviation de bombardement, EMAA, Règlement de manœuvre de l’armée de l’Air, 1940. Retour au texte

18 Deichmann Paul, Spearhead for Blitzkrieg, Greenhill, Bedford, 1996, pp. 24-25. Retour au texte

19 Le manuel identifie de manière très générale la mission principale de la Luftwaffe comme « l’attaque sur les sources de la puissance ennemie », inspirée par la volonté originelle du chef de l’armée allemande Hans von Seeckt de promouvoir la puissance aérienne comme arme majeure des futurs conflits. Pour James S. Corum, la doctrine allemande se démarque nettement de ses influences douhétiennes des années 1920 pour se focaliser sur les forces militaires ennemies. Voir notamment Corum James S., « The Development of Strategic Air War Concepts in Interwar Germany, 1919-1939 », Air Power History, vol. 44, n° 4, Air Force Historical Foundation, Clinton, 1997, pp. 18-35, et Dildy Douglas C., « The Air Battle for England », Air Power History, vol. 63, n° 2, Air Force Historical Foundation, Clinton, 2016, pp. 27-40. Retour au texte

20 Overy Richard J., Air Power, Armies and the War in the West, 1940, Boulder, US Air Force Academy, 1990, p. 6. Retour au texte

21 Catros Simon, Sans vouloir intervenir… Les états-majors généraux français – Armée, Marine, Armé de l’Air et Colonies – dans la prise de décision en politique étrangère, 1935-1939, thèse de doctorat, Université Paris-IV Sorbonne, soutenue en 2015, 1 252 pages. Retour au texte

22 Cité par Robineau Lucien, « La conduite de la guerre aérienne contre l’Allemagne, de septembre 1939 à juin 1940 », Revue historique des Armées, Ministère de la Défense, Vincennes, n° 176, septembre 1989, p. 112. Retour au texte

23 SHD AI K 16071, op. cit. Retour au texte

24 Au cours de la Seconde Guerre mondiale les notions de bombardement tactique (appui direct sur la ligne de front, appui indirect ou « opératif » sous forme d’interdiction du champ de bataille) et stratégique (sur le potentiel économique et moral de l’adversaire) sont encore floues et peu codifiées. L’expression contemporaine « bombardement de théâtre » équivalente au bombardement tactique est ici employée par commodité. Retour au texte

25 Ibid. Retour au texte

26 SHD AI K 16071, op. cit. Retour au texte

27 Cité par Paquier Pierre, L’Aviation de bombardement française en 1939-1940, Berger-Levrault, Paris, 1948, p. 5. Retour au texte

28 Garaud Philippe, « L’action de l’armée de l’Air… », op. cit., p. 11. Retour au texte

29 Overy Richard, « Chapter 1: Strategic Bombardment… », op. cit., p. 66. Retour au texte

30 Ibid., p. 13. Retour au texte

31 Facon Patrick, Histoire de l’armée de l’Air, op. cit., p. 152. Retour au texte

32 Voir Foucrier Jean-Charles, La Stratégie de la destruction, Vendémiaire, Paris, 2017, 461 pages. Retour au texte

33 Facon Patrick, Histoire de l’armée de l’Air, op. cit., p. 153. Retour au texte

34 Voir Powell Matthew, « Chapter 2: Partners in name only: the Royal Air Force and Armée de l’Air during the Battle of France, 1940 », in Paguet Steven (dir.), Allies in Air Power: A History of Multinational Air Operations, University Press of Kentucky, Lexington, 2021, pp. 31-51. Retour au texte

35 Voir dans ce dossier Bataille Camille, L’Aéronautique navale dans la Bataille de France : un angle mort doctrinal ? Retour au texte

36 Le général de corps aérien Pierre Paquier (1903-1980) est chef du Service historique de l’armée de l’Air à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, puis chef d’état-major de l’Inspection générale de l’armée de l’Air dans les années 1940. Il est l’un des premiers à retracer les combats aériens de la campagne de France en rédigeant un compte-rendu en 1942, publié sous le titre L’Aviation de bombardement française en 1939-1940, Berger Levrault, Paris, 1948. Paquier s’inscrit à ce titre dans le courant de réhabilitation de l’armée de l’Air française après la Seconde Guerre mondiale, nécessitant une certaine prise de distance. Retour au texte

37 Ibid., pp. 108-109. Retour au texte

38 Powell Matthew, « Partners in name only… », op. cit. Retour au texte

39 Voir Zetterling Niklas, Normandy 1944: German Military Organization, Combat Power and Organizational Effectiveness, J. J. Fedorowicz, Winnipeg, 2000, 450 pages. Retour au texte

40 SHD 2D13, Unités et services de l’armée de l’Air – 2e corps aérien, Commandement des forces aériennes de coopération du Front du Nord-Est et inspection de l’aviation de renseignement, Note sur l’appui immédiat des opérations terrestres par les forces aériennes, 31 mai 1940. Retour au texte

41 SHD 1D1, Grand Quartier général Aérien – État-major, inspections et services, Cahier d’ordres généraux et particuliers du GQGA, Instruction particulière n° 27, 31 mai 1940. Retour au texte

42 Facon Patrick, Histoire de l’armée de l’Air, op. cit., pp. 159-160. Retour au texte

43 Paquier Pierre, L’Aviation de bombardement française, op. cit., p. 143. Retour au texte

44 Facon Patrick, Histoire de l’armée de l’Air, op. cit., p. 160 ; D’Abzac-Epezy Claude, L’Armée de l’Air des années noires, Economica, Paris, 1998, 412 pages. Retour au texte

45 Jackson Robert, Air War Over France, Ian Allan, Shepperton, 1974, p. 70. Retour au texte

46 Ibid. Retour au texte

47 Écoles de Caen, Châteauroux, Pau et Toulouse. Retour au texte

48 Souligné dans le texte, et dans la suite de la citation. Retour au texte

49 SHD 1D7, État-Major, inspections et services, GQGA, Inspection de l’aviation de bombardement, 2 mars 1940. Retour au texte

50 SHD 1D37, Aviation en Pologne, Deuxième Bureau Air, La Campagne de Pologne, mars 1940. Retour au texte

51 SHD 1D37, Aviation en Pologne, Deuxième Bureau Air, 1re Armée aérienne, L’emploi de la Luftwaffe en Pologne, 4 mars 1940. Retour au texte

52 Voir Vivier Thierry, « L’armée de l’Air et le problème du réarmement aérien au procès de Riom (1940-1942) », Revue historique des Armées, n° 2, 1990, pp. 92-101. Retour au texte

53 Le Procès – Riom 1942, présenté par Julia Bracher, Omnibus, Paris, 2012, pp. 605-606. Retour au texte

54 Teyssier Arnaud, « L’armée de l’Air et l’aviation d’assaut (1933-1939) histoire d’un malentendu », Revue historique des Armées, n° 174, Ministère de la Défense, Paris, mars 1989, pp. 98-109. Retour au texte

55 Armengaud Paul, Quelques enseignements des campagnes du Rif en matière d’aviation, Berger-Levrault, Paris, 1928 ; Krugler Gilles, « La puissance aérienne dans la guerre du Rif », Revue historique des Armées, n° 268, Ministère de la Défense, Paris, 2012, pp. 32-44. Retour au texte

56 SHD G/83, Général Hebrard, Étude sur l’aviation d’assaut et le bombardement en piqué, 1937, reproduit en 1954. Un document méconnu rédigé en 1937, posant les bases d’une aviation en piqué française jamais concrétisée. Retour au texte

57 Rougeron Camille, L’Aviation de bombardement, Tome 1, Lavauzelle, Paris, 1936, p. 226. Retour au texte

58 Col Mendigal, Col Bergeret et Cmt Carmagnat, Les Forces aériennes dans la bataille terrestre, École supérieure de guerre, Paris, 1936. Retour au texte

59 Parmi les quelques sources secondaires récentes voir De Lespinois Jérôme (dir.), Anthologie mondiale de la stratégie aérienne, La Documentation française, Paris, 2020, pp. 539-555 ; Sganga Rodolfo, Tripodi Paulo G. et Johnson Wray R., « Douhet’s Antagonist: Amedeo Mecozzi’s Alternative Vision of Air Power », Air Power History, vol. 58, n° 2, Air Force Historical Foundation, Clinton, pp. 27-40 ; Manchon Jean-Baptiste, « La campagne d’Éthiopie de la Regia aeronautica (1935-1936) », Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 273, Presses universitaires de France, Paris, 2019/1, pp. 87-109. Retour au texte

60 Voir Rougeron Camille, Les Enseignements aériens de la guerre d’Espagne, Berger-Levrault, Paris, 1939. Retour au texte

61 Sur l’industrie aéronautique française de l’entre-deux-guerres, outre Vivier Thierry, voir Chadeau Emmanuel, De Blériot à Dassault : L’Industrie aéronautique en France (1900-1950), Fayard, Paris, 1987, 552 pages. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Jean-Charles Foucrier, « Apprendre et périr. La doctrine de l’aviation de bombardement française au prisme des combats », Nacelles [En ligne], 10 | 2021, mis en ligne le 10 mai 2021, consulté le 19 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/1227

Auteur

Jean-Charles Foucrier

Chargé de recherche et d’enseignement au bureau Air du Service historique de la Défense à Vincennes. Docteur en histoire contemporaine de Paris-IV Sorbonne. Spécialiste des conflits au xxe siècle, et notamment de la Seconde Guerre mondiale.
jc.foucrier@gmail.com

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