Reflets d’une réussite. Des livrets comiques originaux pour un trio d’acteurs-chanteurs exceptionnel dans les théâtres vénitiens (1794-1814)

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Il Campiello – Études vénitiennes

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Il est admis que le livret d’opéra est un texte qui relève principalement du théâtre, mais qui a ceci de plus qu’il est conçu pour être mis en musique. On considère cette destination musicale comme la contrainte première pour le librettiste – ainsi obligé à user du verbe avec parcimonie, à placer judicieusement les numérosi dans le tissu dramatique, à composer la poésie des airs, à se soucier de la musicalité des mots, à se conformer aux règles de la prosodie alors en vigueur –, surtout à ce stade de l’histoire de l’opéra, où la musique domine la parole a-t-on souvent répété. Encore aujourd’hui, on connaît généralement plus le nom du compositeur que celui du librettiste d’un opéra. Et la critique opératique s’est beaucoup penchée sur les rapports, certes passionnants, entre parole et musique lorsque les partitions subsistent.

Cet intérêt légitime explique peut-être qu’on soit passé trop vite à côté d’autres aspects pourtant tout aussi fondamentaux de cette écriture contrainte. La lecture attentive de plus d’une centaine de livrets comiques en un acte, la plupart farse per musica, produits à Venise entre 1794 et 1814, nous a, en effet, convaincu de la nécessité de mener une étude qui rende justice au travail librettistique d’« écriture pour les acteurs-chanteurs »ii, en particulier pour un trio d’acteurs-chanteurs supérieurs formant une troupe (parmi d’autres troupes et d’autres chanteurs), une compagnie officielleiii sur laquelle l’essentiel du livret (et donc de la représentation) est modelé. La soprano (prima buffa assoluta) Teresa Strinasacchi, les deux basses (buffi caricati) Luigi Rafanelli et Giambattista Brocchi se démarquent en effet de la plupart des autres chanteurs de la farsa par une présence et une activité scéniques et vocales considérables.

La recherche sur l’incidence de l’engagement (par contrat) de ces acteurs sur l’écriture dramatique et sur la nature d’un spectacle qui les épouse et les fait briller, sur les liens qu’ils tissent avec le public, reste très largement lacunaire. On s’est borné à remarquer la théâtralité particulièrement élevée de la farsa per musicaiv parfois en l’interprétant comme l’héritage de la comédie mêlée d’ariettes à la française où le théâtre déclamé tenait une place importante et qui avait eu une fortune en Italie avant l’éclosion de la farsavvers 1795. On a signalé la politique du théâtre vénitien de San Moisèvi, qui consista à engager à partir de 1794, des chanteurs de renom et bien payés - quitte à rogner sur d’autres dépenses du spectacle comme les décors et la durée de la représentation - pour maintenir le public dans cette salle. On a produit un travail relativement approfondi seulement sur le buffo caricato Luigi Rafanellivii, en rappelant que ses capacités d’acteur, de caratterista, furent constamment louées et reconnues comme supérieures à ses compétences vocales plus limitées, sans que ce déséquilibre n’handicape sa réussite dans l’opera buffa.

Ce n’est pas le livret en soi – sa rareté, sa littérarité, son sens profond – qui nous intéressera ici. Il sera plutôt utilisé comme un tissu d’informations à partir desquelles mieux connaître ce que fut le spectacle farsesco joué par le trio-vedette sur lequel reposait l’essentiel de la séduction, de la captation et du plaisir du public. Le livret s’offre à nous comme un document précieux pour déterminer quelles pouvaient être les attentes des spectateurs, quels liens unissaient l’acteur-chanteur à son public, au fil des années ; et aussi pour connaître mieux le métier de librettiste, son statut auctorial complexe face aux multiples contraintes, en premier lieu celle de servir l’acteur-chanteur ‘tout puissant’.

Comment se traduit précisément, dans le texte, la mise en valeur, le statut privilégié de ces acteurs-chanteurs ? Qu’est-ce qui motive le choix de cette écriture pour l’acteur ? Favoriser l’acteur-chanteur, est-ce oublier le spectateur-auditeur ? Comment le livret farsesco est-il composé, lorsque ce sont d’autres chanteurs que le trio vedette ? Quelles conséquences cette écriture pour l’acteur a-t-elle sur l’auctorialité du librettiste ?

1. Le contexte historique, culturel et théâtral

Les dimensions de cet article ne nous permettent que d’évoquer brièvement le contexte théâtral vénitien dans lequel s’inscrivent le travail du librettiste et l’aventure vénitienne du trio. Les vicissitudes politiques – fin de la République de Venise en 1797, dominations française, puis autrichienne, puis de nouveau française –, l’appauvrissement général de la population, l’ouverture du dernier théâtre de la Fenice en 1792, la concurrence croissante entre les théâtres, jugés trop nombreux par le directeur de la Gazzetta veneta : tout ceci fragilise, plus ou moins, tous les théâtres, particulièrement nombreux dans cette ville uniqueviii. Cette situation crée une certaine tension aux saisons les plus importantes : d’automne (d’octobre à Noël) et de carnaval (du 26 décembre à Mardi Gras). Chaque entreprise théâtrale doit donc trouver des stratégies pour attirer et conserver son public, tout en produisant un spectacle moins dispendieux. Les théâtres vénitiens sont pour la plupart la propriété de familles nobles qui les donnent en gestion à un impresario chargé de les faire fonctionner afin d’en tirer le plus de bénéfices. Mais les aléas font que, le plus souvent, les salles cherchent avant tout à ne pas perdre d’argent, à survivre et à éviter la fermeture temporaire ou définitive.

Si l’offre théâtrale (de théâtre déclamé ou chanté) est abondante et de plus en plus variée, sous l’effet notamment des nombreuses traductions en italien de pièces étrangères qui paraissent à partir de 1796 dans l’épais recueil théâtral annoté du Teatro moderno applauditoix, on assiste, entre 1795 et 1815, au boom de la farsa giocosa per musica en un acte. Cette formule de spectacle court et économique, remplace le dramma giocoso en plusieurs actes. La farsa a une durée d’une heure à une heure trente, soit moitié moins que le dramma giocoso, mais on donne deux farse à la suite dans une soirée théâtrale. Elle est lancée par les imprésarios soucieux de redresser les déficits des théâtresx. Il s’agit, au départ, d’un spectacle essentiellement burlesque – et plus tard aussi sérieux, pathétique et larmoyant –, qui convainquit d’abord par son caractère léger, nouveau, répondant au besoin de rire d’une population traumatisée par des bouleversements importantsxi. La réussite du genre, sa circulation dans les théâtres périphériques, sa diffusion hors de Venise, reposèrent souvent sur l’excellence du trio des chanteurs et de quelques autres chanteursxii, parfois sur le génie de la partition musicale (notamment de Giovanni Simone Mayr, plus tardivement de Gioacchino Rossini). La plupart des farse furent données au San Moisè (60%)xiii, au San Benedetto (30%), aux théâtres de San Luca, Sant’Angelo, San Samuele (8 %) et à La Fenice (2%). On produisit au moins 180 farse à Venise, en vingt ans (1795-1815) et presque la moitié fut écrite pour et jouée par ces trois chanteurs.

À la différence du théâtre déclamé, non musical, contemporain – pour lequel les pièces ne sont éditées qu’après une série de représentions, voire jamais –, le livret de farsa est imprimé quelques jours avant la première représentation : il reflète donc le degré maximum de préparation du spectacle avant la première et engage aussi l’entreprise, car ce qui est écrit et lu doit être dit et représenté fidèlement.

2. Giuseppe Foppaxiv, librettiste comique principal

Ce librettiste prolifique – également auteur de plus de 35 pièces théâtrales –, né et mort à Venise (1760-1845), accompagne quasiment toute la carrière de ces trois chanteurs dans la cité lagunaire, en leur composant au moins 69 livrets. Il est presque constamment engagé par le théâtre de San Moisé, entre 1794 et 1817, théâtre où agit principalement le trio vedette. La stabilité de ce librettiste et de cette troupe dans ce théâtre est particulièrement exceptionnelle, pour ces temps mouvementés. Cela prouve que la collaboration de Foppa avec eux était bonne et fructueuse et que l’entreprise théâtrale cherchait à la pérenniser, en évitant de recourir à d’autres librettistes. Serait-il même exagéré d’avancer que, comme il s’agit de chanteurs importants, respectés et bien payés, ils choisissaient, d’une certaine manière, l’auteur Foppa, ou que, du moins, ils eurent leur mot à direxv quant à la reconduction dans ses fonctions, d’un librettiste qui leur convenait particulièrement ? Cette stabilité des chanteurs ou leur retour dans le même théâtre, même après une absence de plusieurs années, prouve assurément l’attachement affectif de cette troupe à son public, et vice versa (même s’il est vrai que le public se renouvelle, d’année en année). Quelques autres librettistes écrivent pour le trio, dont Gaetano Rossi, lorsque la troupe passe au théâtre de San Samuele, à la seule saison 1800, et que Foppa reste extrêment employé.

Foppa ne semble pas connaître de difficultés à favoriser la théâtralité de ces acteurs-chanteurs. Sa formation au théâtre (non lyrique) commence dès les années 1782. Au début de sa carrière, il écrit bien plus de théâtre parlé que de livrets, surtout des comédies; y compris dans son théâtre plus sérieux, il ménage des passages burlesques, d’où sa prédilection pour la tragicommedia. Il est indéniable qu’il se forge, dans les théâtres non-lyriques, une expérience de la scène qu’il peut mobiliser, mutatis mutandis, dans le théâtre buffo en musique.

Le souci de mettre en valeur l’acteur tout en plaisant au spectateur par des effets spectaculaires est remarqué en 1797 par Antonio Piazza, lequel commente ainsi Don Gusmano, la première pièce publiée de Foppa la même année, mais représentée dès 1788 :

Facendo l’analisi al Don Gusmano, scritto espressamente per il celebre Petronio Zanerini, si vedrà quanto il sg. Giuseppe Foppa sia stato rigoroso osservatore del precetto di servire all’attore procurando egli con doppio merito di servire insieme allo spettacoloso col’incendio d’una casa, col combattimento di molti sgherri e villani, e colla caduta finalmente d’un ponte levatoio da cui si precipita un odiato traditore. Sicuro il detto sg. Foppa per antica e prorpia esperienza del fortunato evento che avrebbe incontrato sulle scene tanto il protagonista della sua tragicommedia, quanto le accennate situazioni spettacolose, dedicossi tutto per favorire completamente sì l’uno che le altre.xvi

Le commentateur distingue quatre classes d’auteurs dramatiques, après quoi il place Foppa dans la catégorie des auteurs pour lesquels ce qui compte le plus est remplir les salles :

quelli che ogni loro studio pongono per chiamar gente al teatro (…). Ordinariamente gli autori di questa classe sono i più fortunati, poiché nulla, o poco almeno, curando eglino i canoni della drammatica, afferrano indistintamente qualunque argomento che vien loro suggerito o dalla storia, o dalla mitologia, o dai romanzi, o dagli aneddoti particolari, lo vestono alla foggia moderna, v’introducono in esso ora la magia dello spettacolo, ora le seducenti idee popolari, ora le circostanze del giorno, e, ciò che più importa pel buon successo, fanno sempre signoreggiare l’attore il più gradito al Pubblico, dimodocché la rappresentazione serve di continuo all’attore, e l’attore quasi mai alla rappresentazione. Quindi ragionevolmente questi autori sono i più premiati, o i più stimolati dagl’impresari e capo-comici, pei quali un componimento scenico ha tanto più merito, quanto è più atto a impinguare le loro casse teatrali.xvii

L’année même où Foppa voit publiée sa première pièce, accompagnée de commentaire élogieux, donc alléchant pour un imprésario, Foppa est engagé et pour de nombreuses années au théâtre de San Moisè en qualité de poeta scritturato, c’est à dire de librettiste attitré.

3. Le théâtre de San Moisè

Les petites dimensions de ce théâtre vénitien aujourd’hui disparu sont la première observation de la plupart des spectateurs étrangers et voyageurs au XVIIIe siècle. Sa scène mesurait 12 mètres de large et 8 de profondeur. La capacité de la salle était de 700 places. En comparaison, le San Benedetto mesurait 21 mètres de large sur 14,5, pour 1900 places ; et la Fenice 2000 places. La petitesse du théâtre San Moisè lui permettait de se remplir plus facilement, là où les salles des grands théâtres, souvent à moitié vides (selon les témoignages contemporains), pouvaient attrister le spectateur. De plus, les places au San Moisè, étaient moins chères que dans les autres théâtres lyriques, ce qui facilitait l’affluence des spectateurs. Enfin, sa bonne situation dans la ville et son chauffage plus performant (vu le modeste volume) étaient d’autres atouts de ce théâtre.

L’exiguité engendre aussi une proximité entre la scène et la salle ce qui permet une vision plus nette des gestes et des visages des acteurs et une meilleure audition des voix. Bref, elle favorise l’attention du public. Certains témoignages attestent d’une grande attention du public même pendant les récitatifs, ce qui vient relativiser l’idée d’un public italien constamment dissipé et distrait. Plus la salle est petite, moins les comportements distraits, déviants ou perturbateurs sembleraient encouragés. Carlo Goldoni signalait à ce propos l’incidence des dimensions de la salle sur la qualité du spectacle, en déplorant que « La salle du Saint-Luc était beaucoup plus vaste ; les actions simples et délicates, les finesses, les plaisanteries, le vrai comique y perdaient beaucoup. »xviii La proximité de la scène au San Moisè peut autoriser et expliquer selon nous la plus grande précision des didascalies des livrets produits à cette époque pour ce théâtre : la vérification entre les gestes annoncés dans le livret et la représentation effective est davantage possible dans les petites salles. Enfin, si le public connaît bien, estime et aime le chanteur vedette, il l’écoute et le regarde d’autant plus.

4. Les chanteurs

Nous pouvons reconstruire le circuit de ces chanteurs, en Italie et en Europe, à partir des livrets datés sur lesquels apparaît leur nom. Giambattista Brocchixix chante à Venise dès 1776, puis à Varsovie, Saint-Pétersbourg, Vienne, Paris, Naples, Venise (de 1793 à 1802), Milan, Rome, avant de revenir à Venise (de fin 1807 à 1810). Il a beaucoup chanté dans les opéras de Paisiello. Pour sa part, Teresa Strinasacchixx (1768 - 1838) étudie à Prague, puis fait ses débuts en 1787 à Vérone et Mantoue, dans Le due contesse de Paisiello ; on la trouve à Chioggia, Trévise et Padoue (en 1791) ; à Volterra (1792-93) ; de nouveau à Prague (1793-1797) où elle chante en tchèque des Singspiels. Entre 1797 et 1801, elle demeure à Venise ; de mai 1801 à l’hiver 1804 à Parisxxi ; puis elle retourne à Venise en 1806 et ce, jusqu’en 1811, année qui marque le terme de sa carrière, à l’âge de 43 ans. Il faut rappeler son grand succès dans Il matrimonio segreto (rôle de Carolina). Luigi Rafanelli (1752-1821), enfin, dont la carrière se déroule sur 41 ans, chanta dans 146 opéras différents, pour 84 rôles originaux, et sur les partitions de 48 compositeurs différents, comme le note Roberto Paissa qui évoque sa « longévité artistique et [son] activité frénétique ».xxii Il arrive à Venise en 1796, après 22 ans de carrière, et y reste jusqu’en 1815 (avec une parenthèse parisienne de 1800 à 1805).

À Venise, Foppa compose 80% des livrets chantés par le trio, les vingt autres pour-cent étant l’œuvre de Gaetano Rossi et Giovanni Bertati. Pour les seuls livrets de Foppa, nous trouvons les données suivantes, s’agissant des rôles originaux crées : Brocchi : 47 rôles différents (en 16 ans) ; Raffanelli : 44 ; Strinasacchi : 38. Le trio est réuni dans 28 farse différentes. Brocchi est seul dans 20 farse (ou assimilées – commedia per musica in un atto) ; Strinasacchi dans 3, Rafanelli dans 13 ; enfin Strinasacchi et Rafanelli jouent ensemble dans 5 farse. Pendant la vingtaine d’années considérée, l’activité de ces chanteurs, ainsi que le renouvellement de leurs rôles, apparaîssent donc considérables, d’autant plus que certaines farse pouvaient être jouées plus de 40 fois en une saison de deux mois.

Quand ils arrivent à Venise, ces artistes ont donc déjà une carrière solide et applaudie derrière eux. Ils ont acquis une expérience européenne de la scène et sont rompus à la variété des publics. C’est donc avec un préjugé favorable que le public vénitien les accueille. Les témoignages et commentaires de l’époque sont tous élogieux, tant dans la Gazzetta veneta que dans le Giornale dei teatri. Il arrive que les récensions théâtrales sur le succès d’une farsa s’attardent sur l’excellence de l’acteur-chanteur, mais en citant à peine le librettiste et le compositeur.xxiii

5. Un livret modelé sur le trio

La farsa elle-même, en comportant un nombre réduit de chanteurs (une moyenne de 5, là où le dramma giocoso en comptait davantage), fait que le spectateur voit plus certains personnages, donc certains acteurs, et s’y attache davantage. Surtout que, lorsque le trio est engagé, il est présent dans presque toutes les scènes. Lorsque deux des trois chanteurs sont présents, la dramaturgie les met en valeur tous les deux. Quand l’un des chanteurs se retrouve seul, plusieurs saisons de suite, on lui agrège un autre cast vocal, mais il reste au centre du drame, à tous points de vue.

Les titres des farse reflètent la préséance de ces acteurs-chanteurs. Par exemple, la Strinasacchi est le personnage éponyme de semplice, La sonnambula, L’incognita ou La moglie giudice del marito. Giambattista Brocchi est Martino dans Martino carbonaro, Pasquale dans Le metamorfosi di Pasquale. Rafanelli est le muet de Il muto per astuzia, Monsieur Brusquin de Il signor Bruschinoxxiv. Le duo Rafanelli/Brocchi s’illustre dans Pandolfo e Baloardo, Lo stravagante e il dissipatore. Le duo Strinasacchi/Rafanelli, interprète l’intendante et le laquais dans La gastalda e il lacché.

Les chanteurs du trio bénéficient d’airs bien plus longs et surtout contextualisés. Ainsi dans L’incognita le personnage de Fanni, joué par la Strinasacchi bénéficie d’un air-récit de 27 vers dans lequel elle raconte comment on chercha à attenter à sa vertu et par quel moyen elle se sauvaxxv. On considère qu’un air est long à partir de 18 vers, mais certains peuvent aller jusqu’à 43 vers. Les personnages secondaires se voient, au contraire, attribuer des airs passe-partout, courts (de deux quatrains, généralement), banals, écrits dans une veine métastasienne éculée.xxvi

Du point de vue de la genèse du livret, du travail de composition, on peut distinguer, selon nous, schématiquement, deux types de livrets : le « livret-réduction » – lorsque le librettiste adapte par exemple une comédie en livret d’opéraxxvii – et le « livret original », dont la fabula ne dérive pas d’une œuvre ou d’un auteur précis (même si toute œuvre a des sources). Il est significatif que lorsque le trio est engagé, Foppa opte généralement pour la composition d’un livret original, sur mesure, en délaissant le livret-réduction ou livret-réécriture. 60% des livrets de Foppa sont originaux, mais lorsqu’il travaille pour le trio, ce pourcentage s’élève à 80%. Pour ne pas surcharger notre étude, nous écarterons les livrets-réductions et nous intéresserons aux livrets originaux.

Sur le plan de l’écriture dramatique, le trio réuni assume la quasi totalité de l’action et du comique, qui repose la plupart du temps sur une intrigue que nous appellerons « de type 1 » ou « prématrimoniale ». Repris à la tradition théâtrale comique italienne dont les origines sont lointaines, largement illustré par la comédie improvisée, ce type de drame est centré sur une jeune fille nubile qui réussit, par divers moyens (ruse, concours d’autrui) à épouser l’élu de son cœur, contre la volonté de son père, de son oncle ou de son tuteur qui formait d’autres projets de mariage pour elle. On a donc toujours la présence d’un jeune amoureux (parfois inconstant, rêveur ; généralement obéissant et passif), souvent celle d’un autre promis indésirable (riche, vieux, sot, laid, ou tout à la fois), celle du père ou oncle de la jeune-fille, souvent un marchand relativement avare (figure héritée de Pantalon) et celle d’un autre homme âgé, rappelant la figure traditionnelle du Docteur (parfois médecin, précepteur, poète, ami, adjuvant, oncle de la jeune-fille, parent du jeune-amoureux ou promis repoussant), enfin celle d’un serviteur (rusé ou balourd, voire les deux), et parfois d’une servante. Les figures de la vieille et de la mère de la jeune-fille à marier sont totalement absentes des livrets de Foppa. Il peut y avoir d’autres personnages, secondaires : un frère ou une sœur jeunes, les parents des époux promis ; un vagabond astrologue et parasite. Les personnages secondaires sont associés à la bonne cause, celle de la jeune-fille. À partir de 1807, on voit poindre d’autres types de farse per musica, plus sérieuses, qui alternent avec le type 1 (des farse « à sauvetage », romanesques, sentimentales-larmoyantes, ou judiciaires.)

Les chanteurs se répartissent les rôles principaux : Strinasacchi se stabilise dans le rôle de la jeune-fille à marier et rusée dans 80% des livrets ; dans les autres, elle est aristocrate veuve, mais en état de se remarier, aubergiste indépendante, mère abandonnée avec un jeune enfant à charge. Rafanelli et Brocchi sont pères, tuteurs, oncles (50 %), serviteurs (25%), promis indésirables (15%), ou encore amis-bienfaiteurs, protecteurs, vagabonds (10%). Brocchi interprète des personnages plus négatifs, assumant des rôles d’ « opposant » (au sens où l’entend Greimas) ou d’inférieurs (serviteur). On comprend que l’âge et le type de voix de Rafanelli et Brocchi ne soient pas vraiment compatibles avec la figure du jeune-amoureux, de ce fait secondaire dans les livrets foppiens.

Le librettiste doit donc concevoir une intrigue simple autour de trois personnages. Si l’intrigue peut être banale du point de vue de la situation dramatique initiale (conflit quant au choix de l’époux) et de la fin (mariage heureux), ce qui compte est l’originalité, c’est-à-dire les effets de surprise, le ‘non encore vu’, la richesse et la variété des moments comiques et burlesques. La notion de variation est centrale dans l’écriture des rôles. Par exemple, les procédés pour dissuader le prétendant indésirable doivent être différents de farsa en farsa. Le travestissement/déguisement d’un personnage à la dernière scène devient quasiment rituel, mais doit varier à chaque nouvelle farsa.

Une farsa est tenue de comporter au moins deux grands moments comiques, l’un au milieu, l’autre à la fin. Le dénouement, surtout, s’efforce d’être original, surprenant, spectaculaire et soigné : c’est la dernière impression que le spectacle laisse sur le spectateur. Les ressorts du comique ne sont pas toujours fort cohérents ou réalistes. Ils apparaissent souvent incongrus, extravagants – au sens premier du terme, où l’intrigue s’égare dans le rire pour le rire – mais ils sont admis par le public dès lors qu’ils provoquent le rire. On rencontre parfois de longues scènes très théâtrales, sans numéros. Il s’agit d’un théâtre d’intrattenimento. Le spectateur ne doute pas du dénouement heureux et de qui épousera qui, d’autant plus qu’il aura pu lire le livret – chose qui n’est pas toujours possible pour le théâtre parlé. Il s’intéresse donc moins au sens, à la morale, au message du drame, qu’aux prestations théâtrales et vocales des acteurs-chanteurs, aux trouvailles burlesques de Foppa ou des acteurs-chanteurs eux-mêmes. Toute farsa re-propose des ressorts comiques déjà éprouvés précédemment, et en même temps apparaît donc comme un laboratoire où sont constamment expérimentées et sélectionnées de nouvelles idées théâtrales.

Le plus intéressant est le comique qui naît de la co-présence, de l’interaction entre ces acteurs-chanteurs. Au carnaval 1808, par exemple, le trio est de nouveau réuni, après plusieurs années de séparation. La farsa intitulée Pandolfo e Baloardo (San Moisè, 26 décembre 1807, musique d’Orlandi), plus riche en comique que la moyenne, semble célébrer ainsi leur réunion et répondre à l’attente du public. C’est une farsa de la maturité de l’auteur et des acteurs. Vu les limites de cet article, plutôt que de puiser dans plusieurs farse des exemples du jeu comique et de numéros (pour lesquels il faudrait expliquer la situation théâtrale), nous choisissons d’illustrer notre propos avec le résumé de scènes choisies de cette seule farsa que nous estimons représentative du genre de théâtralité comique à laquelle se prêtaient ces acteurs dans la plupart des autres farse.

Les personnages de cette farsa sont le tuteur Pandolfo (Luigi Rafanelli), Argentina (Teresa Strinasacchi), sa pupille et le Docteur Baloardo (Giambattista Brocchi), ancien précepteur de Lisandro. S’y ajoutent Lisandro (Giuseppe Ambrogetti), neveu de Pandolfo, Lauretta (Carolina Gerbini), femme de chambre chez Pandolfo et Fongo (Luigi Pieromaldi), serviteur de Pandolfo. L’essentiel de l’action et du comique reposent en fait sur les trois premiers personnages cités.

À la scène 4, on entend crier Pandolfo. Le serviteur accourt, avec des fioles et des médicaments. Baloardo arrive et demande ce qui se passe. Pandolfo, encore en chemise de nuit, avec son bonnet de nuit et ses pantoufles est soutenu par un serviteur. Il souffre, dit-il, depuis le matin d’une « sévère migraine : je vois tout en double, deux vous, deux moi, deux ciels, deux cours… »xxviii Il appelle son majordome « Fongo ! Fongo ! (Fongo entre) et voilà deux Fongo ! »xxix Il réclame de la rhubarbe pour son intestin et accuse son neveu de lui faire une mauvaise bile. S’engage un dialogue plaisant où Pandolfo contredit systématiquement chaque assertion de Baloardo, quitte à se contredire lui-même. Quand on lui répond, il proteste qu’on parle trop fort et qu’on lui brise les tympans. Il réclame un sédatif au serviteur. Il s’assied en face de Baloardo et semble lui tendre la main. Baloardo la lui tend, mais en fait Pandolfo veut saisir un beignet rond, l’attrape et le mange. Baloardo a vraiment faim, mais le plat est hors de sa portée et il prend son mal en patience. Pandolfo réclame ensuite une infusion. Il commence à parler de ses richesses, de ses biens, qu’il voudrait laisser à… mais ne finit sa phrase et demande à Baloardo de passer de l’autre côté : son autre oreille entend mieux. Le précepteur se déplace donc. Il reprend le fil de son discours, en disant qu’il a l’intention, en effet, de déshériter son neveu, pour donner ses biens à… mais « passez donc de l’autre côté », et ainsi de suite. À la fin, pour sa digestion, il choisit de parler en marchant. C’est à Baloardo qu’il léguera sa fortune, lâche-t-il, enfin. À cette nouvelle, le précepteur est tellement joyeux qu’il danse et fait chanceler son partenaire tout déséquilibré. Pandolfo ajoute qu’il lui cède sa pupille. L’enthousiasme de Baloardo est à son comble et il manque de faire tomber le tuteur. Cette scène montre déjà une accumulation de ressorts comiques variés entre jeux de langages et mouvements constants sur la scène.

Au début de la scène 5, Baloardo se frotte les mains en songeant au legs ainsi qu’à son union avec Argentina. Justement, la voilà. Elle fait montre d’une grande candeur, de prime abord, en répondant, avec sa mine simplette, timorée et ingénue « oui M’sieur », à plusieurs reprises. Elle lui fait savoir qu’elle a eu de nombreux revers de fortune. Il lui baise la main et veut qu’elle s’ouvre à lui. Elle change de ton. Dès l’âge de quinze ans, elle eut déjà trente amants « autour d’elle ». Cependant, ajoute-t-elle, elle n’en aima qu’un seul, mais avec une virulence inouïe, dit-elle avec une chaleur presque indécente et des manières quasiment obscènes, qui surprennent désagréablement un honnête homme comme Baloardo qui la croyait immaculée. À la fin, cet amant est reparti, dit-elle. Baloardo en déduit que le cœur d’Argentina est libre, mais elle rétorque que, s’il revenait, cet amant ombrageux qui a « l’épée et le cœur guerrier et ardent »xxx pourrait se montrer redoutable. Pendant toute la scène, Argentina ponctue ses propos de rires, de pleurs, de soupirs, sur un ton tour-à-tour enthousiaste, furieux, fougueux, sérieux et tendre, suggérant par-là à Baloardo une psychologie instable, une âme d’actrice, une personnalité factice et manipulatrice (et en même temps au spectateur l’ampleur de son savoir-faire). Dans son air final, long et frappant, elle dit que, pour se soustraire à ses prétendants, elle sait aussi bien faire la prima donna seria que la comédienne ou la danseuse, et le démontre en jouant des extraits d’opéra (de Merope), de comédie et en dansant :

Signor mio cos’avete ?

Dell’onor mio forse temete ?... Ah guai

(con furore.

Ah guai a voi se il sospettaste mai !

(teneramente) Ma nò, che voi giustizia mi rendete…

(con fuoco) E assai bene la pensate…

(teneramete) Poiché… quì signor mio, quì a me badate.

E ver che un vago oggetto

Nell’alma ho impresso ognora,

Ma onore io serbo in petto,

Ma in sen virtù mi stà.

Onde sottrarmi dal seduttore

Fò delle cose da immortalarmi.

Recito il tragico come una Merope,

Ed un esempio eccovi quà.

Figlio, senti, oh istante, oh pena !

Veggo il ferro che lo svena,

Veggo il sangue, veggo l’ombra,

Che mi viene a funestar.

Deh m’aspetta ombra diletta,

Che di Lete il varco estremo

Teco bramo anch’io penar.

Poi passo al comico da Smeraldina,

Ed or vedere vel faccio quà.

Baroncelo de Tonin

Ti me tocchi proprio el cuor :

E per ti museto belo

Và ponzendome l’amor.

E de quà e de là ec.

Poi fò attitudini da ballerina

Ed una prova ven offro or quà.

Ecco un stupore… (eseguisce.

Ecco un amore…

Ecco un dispetto…

Insomma a tutte l’ore

Io vivo in movimento,

Ma fido al caro sposo

Il core ognor saràxxxi.

Après le départ d’Argentina, Baloardo reste désappointé : « Merope, Smeraldina, la danseuse…/ qui ? comment ? Quoi ? J’étais à l’opéra ou à la comédie ? »xxxii Baloardo est décidé à renoncer à Argentina, danseuse équivoque avec son ami « à l’épée ardente… »xxxiii

La scène 8 oppose Pandolfo et le neveu. Dans un récitatif haché, l’oncle veut savoir si le neveu a changé d’avis et s’il accepte l’épouse âgée qui lui est proposée. « Non », « je te déshérite », « peu m’importe », « je suspens ton argent », « peu m’importe », « je te chasse de la maison », « peu m’importe », « tu ne te mets pas en colère ? » « non » « alors, je me mets en colère, moi ! », « Que fais-tu encore là, avec les yeux grand ouverts? » « Quand je veux voir, je les garde ouverts » « Et que veux-tu donc voir ? » « Quel effet peut bien produire en vous la colère opposée à l’hypocondrie»xxxiv. L’air de Lisandro, qui suit, décrit en temps réel (et suscite du même coup) les gestes et manifestations diverses de la colère de Pandolfo. Cette redondance entre parole et geste, met du même coup à distance, isole le geste théâtral, pour mieux le mettre en évidence. Lisandro adopte une position de spectateur, avec cette distanciation :

Pandolfo :

E chi t’ha detto, (furiosamente)

Che ipocondrico e in collera son io ?

Lisandro :

S’anche m’inganno, è un bell’inganno il mio.

O come a maraviglia

Quì fate la commedia !

Inarco già le ciglia

D’altissimo stupor.

Quel pallidume in viso…

(Pandoldo eseguisce quanto si dice da Lisandro)

Quel digrinare i denti…

Quel singolar sorriso…

Quei forti pestamenti…

Quel corrermi dappresso…

Quel muover strano d’occhi,

Farebbe dire ai sciocchi,

Che siete ora ipocodrico,

Che siete ora collerico ;

Eppur tranquillo e placido

Adesso è il vostro cor.

O come a maraviglia

Voi fate la commedia !

Se foste in teatro

Fareste un gran furorxxxv

La scène 11 accorde aussi une importance aux lazzi, ici dupliqués. Pandolfo demande à Argentina si elle est prête à obéir en tout à son tuteur. Oui. Donc l’héritage ira à Baloardo, qu’Argentina épousera. Mais Argentina, dans le dos de Pandolfo, adopte des gestes (lazzi) extravagants pour que Baloardo soit conforté dans sa décision de ne pas l’épouser. Il informe donc Pandolfo que l’épouse proposée ne lui convient point. Pour se justifier, il veut lui montrer ce que fait Argentina, mais celle-ci suspend aussitôt son petit jeu et reprend une attitude normale. Baloardo finit par imiter Argentina (de nouveaux lazzi) pour que Pandolfo comprenne, mais ce dernier le prend pour un fou ! Les didascalies précisent bien qu’ « Argentina, au début de la strettexxxvi fait voir différentes attitudes, qui sont imitées par Balordo pour faire voir à Pandolfo la réalité de la chose, mais Pandolfo suppose qu’il est devenu fou »xxxvii.

La scène 15 prépare la scène finale. Argentina s’approche de Baloardo, se dit décidée à abandonner ses extravagances et disposée à l’épouser. Baloardo s’en félicite. Argentina, avec ruse, dit que son tuteur ne souhaite plus qu’elle l’épouse. Baloardo s’emporte. Elle dit que la solution est toute trouvée : Baloardo n’a qu’à enfiler l’armure et prendre les armes anciennes qui sont dans l’autre pièce et inspirer la crainte au tuteur. « Fort bien, mais finissons la bouteille ». Baloardo est ivre à présent, sautille, danse et chante. Argentina l’accompagne dans la danse.

Dans la scène finale, Argentina voit au loin Pandolfo occupé à lire le billet de Baloardo dans lequel il est question des extravagances d’Argentina. Elle s’avance, Pandolfo lui tend le billet, elle fait mine d’être anéantie à sa lecture : « mes jambes ne me soutiennent plus/je défaille… je m’évanouis… ah… (elle s’appuie sur l’accoudoir d’un fauteuil). »xxxviii Pandolfo, si impressionné, fait de même, s’appuie sur un accoudoir. Argentina soutient que Baloardo a écrit ce billet sous l’emprise de l’alcool, car c’est un ivrogne… Pandolfo ne veut le croire. Mais soudain, Pandolfo entend : « Aux armes… aux armes…, guerre, guerre ». Apeuré, il se cache et se met en observation. Oui, c’est bien Baloardo derrière l’armure, qui, comme un fou, avec sa lance fait des mouvements offensifs dans toutes les directions, et chante les premiers vers du Roland furieux de l’Arioste « I cavalier, l’arme, gli amor… ». Pandolfo s’avance timidement, Baloardo aviné le voit et le poursuit. Pandolfo appelle à l’aide. Baloardo menace tout le monde, sans conséquence. Lisandro demande la main d’Argentina. Pandolfo la lui accorde. Pandolfo dit à Baloardo : « maintenant, va épouser ta grand-mère ! »xxxix. Les jeunes mariés avouent qu’ils ont joué un tour à Baloardo. Pandolfo est mécontent du procédé.

On notera trois points : d’abord, l’effort de Foppa et des acteurs chanteurs pour rendre le spectacle très visuel, ici grâce à la dansexl (deux fois), à la répétition de gestes (s’appuyer deux fois sur l’accoudoir, singer un autre personnage) qui stimulent la mémoire du spectateur (sur le « presque même » ou le « déjà vu »), le déguisement final particulièrement spectaculaire et mouvementé ; ensuite la volonté de rupture avec le caractère traditionnellement statique des airs dont le nombre est déjà fortement réduit par rapport au dramma giocoso goldonien précédent. Il se passe beaucoup de choses sur scène pendant l’exécution de certains airsxli et des ensembles. Chez Goldoni, librettiste antérieur à Foppa, c’était déjà un peu le cas dans les finali d’atto. Cette densité drammatico-musicale n’est pas seulement due à la brièveté de la farsa qui oblige à continuer l’action pendant les airs, elle est aussi là pour garantir, selon nous, une offre comique continue et une intensité du spectacle qui mêle la vue et l’ouïe. On pourrait aussi interpréter l’importance des éléments visuels (gestes, déplacements, mimiques, regards, jeux de lumière et d’obscurité) comme une compensation de la médiocrité (au sens premier du terme) de l’accompagnement musical. Foppa bouscule les airs, prend certaines libertés (admises par le compositeur, qui y voit peut-être l’avantage d’être stimulé dans sa composition) qui sont à l’image de la liberté de ces acteurs-chanteurs ; enfin le recours très fréquent au théâtre dans le théâtre (comme dans l’air d’Argentina), la farsa étant une comédie-cadre constituée de micro-comédies qui en font paradoxalement l’intérêt principal.

6. Un livret encomiastique

Par endroits, le livret flatte, célèbre l’acteur-chanteur derrière le personnage. Rappelons la réaction méta-théâtrale de Pandolfo après l’air d’Argentina (cité plus haut). Le tuteur s’avoue fasciné par l’illusion théâtrale : « étais-je à l’opéra, ou à la comédie ? » Le premier extrait enchâssé dans l’air d’Argentina est tiré de Merope de Mattia Butturini et Sebastiano Nasolini (San Benedetto, 1796). Or c’est la célèbre et acclamée Elizabeth Billington (1769-1818) qui chanta le rôle-titre à Venise puis dans d’autres métropoles européennes (dont Londres en 1802). On peut suggérer que la Strinasacchi, bien que soprano buffa, se mesure ici à la grande Billington, qui brille dans l’opéra séria (réputé supérieur à l’opera buffa). Elle se célèbre elle-même, en disant qu’elle « fait [sur scène] des choses qui l’immortalisent ». « Je vis à chaque instant en mouvement », dit-elle, comme si elle avait « le diable au corps ».xlii

Si Foppa bannit la langue vénitienne de ses livrets comiques, deux exceptions sont faites pour la Strinasacchi, dans son air de Pandolfo e Baloardo, et lorsqu’elle déclare vouloir « se détacher de certains usages »xliii et gratifie son public « bien-aimé », selon ses mots, d’un air-toast en vénitien, au milieu de la scène 14 de Il muto per astuzia (1799), rompant ainsi avec l’illusion théâtrale chère à d’Aubignac, puis à Diderot et son image du quatrième mur. Un lien personnel lie le public à l’artiste, par delà les conventions et la logique de l’intrigue.

Selon nous, la précision des didascalies à l’endroit des acteurs-chanteurs dans ces livrets relève en premier lieu de l’éloge de l’acteur, car si l’utilité du livret se résumait à la compréhension de ce qui est chanté et de l’histoire, le lecteur n’aurait pas besoin des didascalies sur les gestes, expressions des visages, regards, ton etc., pour comprendre l’histoire. Cette précision et cette abondance des didascalies par endroits nous apparaissent comme une volonté de souligner le haut degré de préparation du trio, et l’idée qu’ils sont aussi bien chanteurs qu’acteurs. Dans la scène 8, longue de plus de quatre pages, de Pan per focaccia, Aurelia (Strinasacchi) s’emploie à dissuader Cartapaccio (Rafanelli) de l’épouser. Il semble que Foppa a voulu y rassembler toutes les compétences possibles de l’actrice, comme une anthologie de ce qu’elle sait faire, le tout condensé dans une seule et même scène. Nous avons rassemblé ici les didascalies de la scène 8 concernant Aurelia :

Esce Aurelia che si mette ad osservare Cartapaccio in disparte /ride /mortificandosi all’istante /in aria importante /restando come immobile, per sorpresa /gioviale, si mette a fargli delle riverenze /in aria d’astrazione improvvisa /in aria confidenziale /in aria di gran noia /poi cava un coltellino /in aria languida, lasciandosi cadere su d’una sedia /risentita vivamente /respingendolo /prorompe in ismanie, pianti, singhiozzi, e la finisce con impeto /parte.xliv

Dans la scène 13, elle change complètement d’attitude et se montre parfaitement disposée à épouser Cartapaccio, « en affectant la modestie la plus réservée / en baissant les yeux modestement, et comme si elle rougissait. »xlv Elle est si douée, que Gianotto, scène 12, même s’il n’en saisit pas la cause, croit qu’elle était rééllement en colère « elle était vraiment en colère »xlvi alors qu’elle feignait de l’être.

Peut-être en conformité avec le caractère de la chanteuse, scène 15 de Un perfetto ricambio, il faut noter le ton autoritaire d’Argentina : « C’est le fonds que je veux… le fonds , le fonds !... ». Alessio : « Si tu le veux, je te le donne ». Plus loin : Alessio : « Comme tu voudras ! ». Argentina : « Oui, comme je veux ! »xlvii. Malgré ce ton péremptoire, scène 16, Alessio admire Argentina : « Je vous admire. Je suis rempli de stupeur. »xlviii Argentina reparle de « l’illusion la plus parfaite »xlix (c’est précisément le titre de la farsa Un perfetto ricambio) qu’elle promet. L’admiration se poursuit. Guido : « Oh femme rare au monde / vous avez mon admiration et mon respect »l. À la dernière scène, Guido s’exclame : « Ah, quelle femme, quel cœur sublime. »li Il s’agit du dernier livret pour la Strinasacchi, et ce propos admiratif sonne rétrospectivement comme un adieu ému.

Foppa tâche d’attribuer à cette actrice des rôles toujours édifiants, jamais blâmables (sauf dans quelques livrets-réductions du début, mais là, l’hypotexte qui s’impose n’est pas de Foppa); elle évolue ensuite vers des rôles plus sérieux, touchants, émouvants, comme si l’on cherchait à élever l’actrice à un statut de prima donna seria, avec des rôles qui ne font plus place à la malice, au rire, à la jovialité. Ainsi, le livret foppien est-il ponctué d’allusions élogieuses, plus ou moins discrètes, en faveur de la Strinasacchi, mais aussi de Raffanelli et de Brocchi. Tout n’est pas fait pour faire oublier l’acteur derrière le personnage.

7. Une auctorialité complexe

L’auctorialité recouvre au moins trois aspects, que nous exprimerons de façon succincte ici D’abord, la signature de l’œuvre (l’association d’un nom et d’une œuvre) qui implique une responsabilité juridique de l’auteur et des droits sur la vente des livrets. La plupart des livrets de Foppa portent son nomlii. Et lorsque, dans les récensions théâtrales de la Gazzetta Veneta, on attribue son opéra à un autre ou qu’on omet de citer son nom, à côté des autres contributeurs (chanteurs, compositeurs, peintres...) Foppa le fait rectifier dans la feuille suivante.

L’auctorialité peut s’entendre aussi du point de vue social et symbolique. Comment l’élite intellectuelle, la société savante, la critique considère-t-elle le statut de librettiste ? Le librettiste est-il un auteur digne de ce nom, ou moins qu’un auteur, un simple « fabricateur » (« fabbricatore ») ? Comme tous les librettistes de sa génération, il subit une comparaison impitoyable avec les deux grands auteurs de livrets qui les ont précédés (Métastase et Goldoni), comparaison dont Foppa entend se défaire comme en attestent ses lettres publiées dans la Gazzetta. Le divorce est irrémédiable entre une critique plus que jamais suffisante à l’égard du librettiste qu’est Foppa et la position des imprésarios, compositeurs, chanteurs qui le considèrent comme un bon librettiste, preuve en est l’abondance de sa production et la durée de son activité.

L’auctorialité poétique, enfin, peut-être entendue comme singularité de la plume et de l’oeuvre. Beaucoup de livrets dérivent de textes théâtraux préexistants et qui ont connu le succès. C’est là un des aspects de l’écriture contrainte, même si cela arrange le librettiste face à la cadence de production imposée. En ce sens, le librettiste n’apparaîtrait que comme une seconde main, pauvre en ressources propres et s’épargnant l’effort de l’invention de la fable, des répliques, etc... Mais Foppa insiste beaucoup, dans le paratexte de ses livrets, sur le travail de transposition considérable qui est celui du librettiste-réducteur (composition des numéros, ajustement au nombre de chanteurs différent...). Foppa tâche aussi de taire les sources de ses livrets, quand elles sont étrangères et insère des scènes ‘personnelles’ dans ses livrets dérivés de pièces illustres (La Locandiera, par exemple). On note donc une défense de son auctorialité.

Mais les acteurs-chanteurs entament, d’une certaine manière, l’auctorialité de Foppa. Tout ce qu’écrit Foppa n’est pas voulu et décidé par lui, même si c’est son seul nom qui apparaît sur le frontispice du livret. La présence de certains airs incongrus, hors-sujet, de toute évidence imposés par les chanteurs (et par le manque de temps) montre que Foppa n’a en fait pas l’entière paternité de son texte. En outre, comme le livret comporte de nombreux noms dans les pages suivantes (les noms des chanteurs, danseurs, compositeur, costumiste, peintre des toiles de fond, etc...), il est de ce fait un texte ambigu qui regarde autant vers l’auteur du texte que vers les auteurs du spectacle.

On dit généralement que les didascalies sont les instructions de l’auteur à l’acteur, mais pourquoi ne seraient-elles pas aussi, parfois, des idées des acteurs suggérées à l’auteur, au librettiste? Car, si le livret par endroits est très précis, il apparaît ailleurs « troué »liii : une liberté est laissée à l’acteur pour briller et décider que faire. C’est ce que nous invite à penser Il muto per astuzia (1799), écrit pour Rafanelli. L’audace est ici d’avoir imaginé confier le rôle d’un muet, certes faux muet (le tire signifiant Le muet par ruse) au personnage principal d’un spectacle d’opéra où la voix est supposée essentielle. La didascalie de la scène 11 (scène où le faux muet Fosforo/Rafanelli essaie d’intimider Pomolo) montre que le spectacle repose beaucoup sur l’acteur, sur ses idées et « caprices » (au sens que ce terme a en italien d’imagination, d’inventivité – sans connotation morale), en dehors du contrôle du librettiste :

Fosforo comincia i suoi Lazzi del muto, e segue sino alla fine della Farsa ed i Lazzi e le inquietudini a seconda delle circostanze. NB. Si lascia in libertà l’Attore senza precisamente segnare i suddetti lazzi, affinché egli possa secondare il suo genio indipendentemente da una servile esecuzione.liv

Cette note laisse supposer que certains gestes et attitudes de Rafanelli dans les livrets précédents et postérieurs ont pu aussi être suggérés par l’acteur lui-même. On voit les limites du pouvoir et de l’autorité du librettiste sur l’acteur, et surtout la confiance de l’entreprise envers l’acteur. Il n’est pas exclu que Rafanelli lui-même ait voulu ce rôle atypique de muet. Fosforo lui-même, dans cette farsa, dit avoir cette idée de passer pour un muet (scène 3). Peut-être y-avait-il la nécessité de reposer la voix de l’acteur?

Une trentaine de farse de Foppa portent la mention « originale » sur le frontispice (« farsa per musica originale di Giuseppe Foppa »). Plusieurs conditions doivent être rassemblées pour que cette épithète apparaisse. Seules les farse qui comportent un ou plusieurs de ces chanteurs sont qualifiées de farsa originale. Les farse écrites pour un autre ensemble de chanteurs n’ont pas ce privilège. Si la farsa est tirée d’une pièce de théâtre précise et publiée, alors elle est simplement qualifiée de farsa per musica, même si les grands chanteurs y jouent. Si la farsa est d’un autre librettiste, elle n’a pas l’épithète originale. Cependant on a des farse qui remplissent toutes les conditions, mais qui n’ont pas cette mention, qui n’est donc pas automatique. Se dessine donc à Venise comme une hiérarchie entre les librettistes de farse, et entre les chanteurs. Cette originalité double, qui dépend à la fois du librettiste et des chanteurs, montre le caractère pluri-auctorial du livret.

Le librettiste tire toutes les conséquences de la priorité donnée à ces chanteurs. En ce qui le concerne, la réussite est paradoxale : ces farse étant généralement fort applaudies, elles lui apportent une notoriété immédiate et promènent son nom hors de Venise (dans les théâtres où elles sont reprises et jusqu’à Paris). Foppa se vante souvent de la quantité de livrets écrits par lui. Cependant, ses livrets (comme ceux de ses collègues) ne sont que rarement réutilisés (15%) pour accueillir une nouvelle musique, et ce parce que cela coûte moins de reprendre une bonne farsa à une autre saison que de commander et payer une nouvelle partition (avec le risque qu’elle soit moins bien reçue) ; mais surtout, c’est notre hypothèse, ces farse collent tellement à ces chanteurs qu’elles sont difficilement jouables par d’autres chanteurs. Les livrets pour les autres chanteurs présentent au contraire un plus grand équilibre entre les rôles. Il faut ajouter que la mode des farse retombe vite, après 1814. Dans ses Mémoires, Foppa, soucieux de sa postérité, regrette d’avoir trop recherché, pendant son activité, les applaudissements, cause de la piètre qualité de plusieurs de ses textes. Ainsi les juge-t-il en 1840, en priant le lecteur de ces livrets d’une certaine bienveillance.

L’entreprise théâtrale sacrifie tout (dans les limites budgétaires) à la réussite du spectacle, aux applaudissements. Cette réussite a reposé sur divers facteurs d’importance variable : le bon choix de la fabula, la densité comique et burlesque, le rythme dramatique, la morale et la fin non choquantes, la mise en valeur du trio, le bon éclairage et chauffage, le charme des décors, la bonne composition et exécution de la musique, la triple stabilité/fidélité de la troupe, du librettiste et du public ; et plus important que tout, la présence, le tonus scénique et vocal de trois acteurs-chanteurs d’exception. Le théâtre de San Moisè put faire le choix judicieux d’engager et de conserver le plus longtemps possible les meilleures ‘ressources humaines’, avant de fermer à jamais ses portes en 1818.

Note de fin

i Les numéros sont les airs, cavatines, ensembles, strettes, chœurs, finales : tout ce qui ne relève pas du récitatif.

ii Il nous paraît juste d’employer ici le terme double d’‘acteurs-chanteurs’, ou mieux ‘acteurs-chantants’ (pour suivre la formule italienne attori cantanti courante à l’époque), d’abord parce que les qualités actoriales de ces personnes ont été soulignées en leur temps, ensuite pour nous permettre de penser leur présence scénique aussi bien sur le plan de la théâtralité que sur celui de la vocalité et de la musique. Dans le livret d’opéra, on trouve fréquemment le terme Attori suivi du nom des chanteurs.

iii Le librettiste Giuseppe Foppa rappelle dans ses Memorie les noms des trois ‘piliers’ de cette compagnie : « Le théâtre de San Moisè, où agissait l’inégalable compagnie de la Strinasacchi avec Rafanelli et Brocchi. » [Il teatro di San Mosè, ove agiva la insuperabile compagnia della Strinasacchi con Rafanelli e Brocchi,], Foppa Giuseppe, Memorie storiche della vita di Giuseppe Maria Foppa viniziano, già primo protocollista di consiglio di questo I. R. Tribunale criminale, scritte da lui medesimo, Venise, Giuseppe Molinari, 1840, p. 27.

iv On a soutenu, à ce propos, que la farsa per musica occupait « une position intermédiaire entre les instances du théâtre parlé et du théâtre musical » [una condizione intermedia tra le istanze del teatro di parola e del teatro per musica], Verti Roberto, « Indizi su repertorio, geografia e milieu delle farse per musica », p. 606, in I vicini di Mozart, Il teatro musicale tra Sette e Ottocento, Muraro Maria Teresa et Bryant David (dir.), atti del convegno internazionale di studi, Florence, Olschki, 1989. La seconde partie est consacrée justement à La farsa musicale veneziana, 1750-1815.

v Sala Emilio, « Ascendenti francesi della farsa moderna », in I vicini di Mozart, op. cit., p. 555-561.

vi Miggiani Maria Giovanna, « Il teatro di San Moisé, 1793-1818 », in Bollettino del centro rossinano di studi, XXX, 1990.

vii Paissa Roberto, « La carriera di un cantante di farsa : Luigi Rafanelli », in I vicini di Mozart, op. cit., p. 571-573.

viii En 1792, sont actifs les théâtres de San Moisè, de San Benedetto, de San Samuele, de San Cassiano, de San Luca, de Sant’Angelo, de San Giovanni Grisostomo et de la Fenice. Pour une information plus complète, voir : Mancini Franco, Muraro Maria Teresa, Povoledo Elena, I teatri del Veneto, Venise, Corbo e Fiori, 1985-1996.

ix Il teatro moderno applaudito ossia raccolta delle più scelte tragedie, commedie, drammi, farse che godono presentemente del più alto favore sui pubblici teatri, così italiani, come stranieri : corredata di notizie storico-critiche e del Giornale dei teatri di Venezia, Venise, Stella, Venise, 1796-1801.

x C’est en tout cas l’explication que donne quand ? Giuseppe Carpani, contrôleur général des théâtres vénitiens et commentateur de la vie musicale et théâtrale. Cf. Carpani Giuseppe, Le Rossiniane ossia lettere musica-teatrali, p. 27-28.

xi L’année 1797 marque la chute de la République millénaire de Venise, qui s’accompagne d’une perte de son autonomie politique et économique, de pillages et d’une présence étrangère pesante.

xii Rendons justice aussi à Luigi Ambrogetti, Ferdinando Auletta, Nicola Bassi, Teresa Belloc, Rosa Canzone, les époux Ciccerelli, Francesca Festa, Francesco Marchesi, Antonio Parmalagni, ces chanteurs qu’on met en avant, lorsque le trio est absent, et qui bénéficient de temps en temps d’éloges dans les périodiques.

xiii Ces pourcentages évoquent seulement les premières représentations ; les meilleures farse peuvent être ensuite reprises dans un autre théâtre.

xiv L’étude la plus avancée sur Foppa reste celle de Marco Marica, « La produzione librettistica di Giuseppe Foppa, a Venezia tra la fine della Repubblica e la Restaurazione », p. 351-410, in L’aere è fosco il ciel s’imbruna, Arti e musica a Venezia dalla fine della Repubblica al congresso di Vienna, Passadore Francesco et Rossi Francesco (dir.), atti del convegno internazionale di Studi, Venise, Ed. Fondazione LEVI, 2000.

xv Cette autorité des acteurs est en tout cas réelle dans le théâtre parlé. Dans ses Memorie, Foppa explique que la compagnie Pellandi eut le front de repousser d’abord une de ses pièces (Claudina in Torino) qu’elle estima peu à son goût. Mais après l’échec d’une pièce d’Antonio Sografi, la troupe se rabatit sur sa Claudina qui fut très applaudie.

xvi Foppa, Don Gusmano, in TMA, op. cit., p. 75.

xvii ibid., p. 74-75.

xviii Goldoni Carlo, Mémoires pour servir à l’histoire de sa vie et de son théâtre, Paul Roux (dir.), Paris, Mercure de France, 2003, (Partie II, chapitre XV), p. 345.

xix Les dates de naissance et de mort de cet homme restent inconnues.

xx Cf. Chiavegatti Franco, Gli Strinasacchi, illustri musicisti ostigliesi, Bassi Bruno, 2005.

xxi Fabiano Andrea, Histoire du théâtre italien en France (1752-1815), Paris, CNRS éditions, 2006.

xxii [longevità artistica e frenetica attività.], Paissa Roberto, « La carriera di un cantante », op. cit., p. 567.

xxiii C’est le cas de Giambattista Brocchi, dans la commedia per musica intitulée Lo spazzacamino principe, qui fit fureur en 1794 au San Moisè.

xxiv Dans cette liste, seul ce livret n’est pas original. Il est dérivé de la comédie Le fils par hasard d’Alisan de Chazet. Le changement du titre en Il signor Bruschino montre bien la focalisation sur l’acteur Rafanelli qui joue le rôle du père Bruschino. Ce n’est donc plus le fils qui est mis en valeur dans le livret.

xxv Foppa, L’incognita, scène 5, p. 12-13.

xxvi La longueur de ces airs, avec leur traduction en français, ne nous permet pas de les citer in extenso ici ; l’air de Giravolta (Giambattista Brocchi), dans Dritto e Rovescio, fait de 43 settenari, ou encore celui de la Strinasacchi, dans L’Amico dell’uomo, 34 vers (entre senari et settenari).

xxvii La bottega del caffè de Goldoni (1750) devient la farsa per musica de Foppa La bottega del caffè (1801).

xxviii [ho una fiera emicrania : io vedo tutto in due, due voi, due io, due cieli, due cortili… ], Foppa, Pandolfo e Baloardo, p. 16.

xxix [Fongo ! Fongo ! (Fongo esce) E due Fonghi.], ibid., p. 16.

xxx [l’amico ha spada e cor guerriero e ardente.], ibid., p.

xxxi Foppa, Pandolfo e Baloardo, p. 21-22.

xxxii [Merope ! Smeraldina ! e Ballerina… /che ? come ? cosa ? Sono stato all’opera/oppure alla commedia?], ibib., p. 22. 

xxxiii [Con l’ardente spada], ibid., p. 24.

xxxiv [No/ti diseredo/non importa/Né tu ti sdegni, no ?/no », caro, zio : Ebben mi sdegno io  Or che fai qui con gli occhi spalancati ?/quando voglio veder, gli tengo aperti/E che vuoi tu vedere ?/ qual effetto/produca in voi la collera in contrasto/or colla ipocondria.], ibid., p. 20.

xxxv ibid., p. 21.

xxxvi De l’italien, stretta, morceau musical dans lequel plusieurs voix s’entremêlent et qui termine généralement une scène.

xxxvii [Argentina nel principio della stretta fa varie attitudini, che vengono imitate da baloardo per far vedere a Pandolfo la realtà della cosa, ma Pandolfo lo suppone impazzito.], Foppa, Pandolfo e Baloardo, op. cit., p. 28

xxxviii [le gambe mi traballano…/io svengo…io manco… oimè… (s’appoggia ad un bracciuolo della poltrona).], ibid, p. 30.

xxxix [or va tu a sposar tua nonna.], ibid., p. 38.

xl Dans d’autres farse, il est fait recours à la pantomime : La sonnambula, Il muto per astuzia, Dritto e rovescio.

xli Nous avons l’exemple de ‘l’air interrompu puis repris’, dans I Molinari, lorsque le séducteur doit aller vérifier à la porte si une ancienne maîtresse ne s’approche pas, ou cet air qui change complètement de sens en son milieu en fonction de l’action environnante.

xlii Nous empruntons la formule à Lo Spettatore : « Il est vrai qu’une actrice-chanteuse n’a pas besoin d’un diable aussi furieux qu’une tragédienne du théâtre parlé ; un bon diable lui suffit ; mais il lui en faut quand même un. », [è vero che un’attrice-cantante non ha bisogno di un diavolo così furente come la tragica parlante attrice ; basta a quelle un buon diavolo ; ma pur ce ne vuol uno.], in Lo spettatore, ossia varietà istoriche e letterarie del signor Malte-Brun, Milan, Stella, tome II, 1814, p. 45, Céline Frigau Manning (trad.) in Chanteurs en scène. L'oeil du spectateur au Théâtre-Italien (1815-1848), Paris, Honoré Champion (coll. Romantisme et Modernités), 2014.

xliii [Mi vo’ da certe usanze distaccare], Foppa, Il muto per astuzia, p. 22.

xliv Foppa, Pan per focaccia, p. 13.

xlv [affettando la più riservata modestia /abbassando gli occhi modestamente, ecome arrossendo /con tenerezza un po’ affettata.], Foppa, ibid., p. 24.

xlvi [era proprio andata in collera.], ibid., p. 22.

xlvii [Argentina : Il fondo ! voglio… Il fondo ! Il fondo… Alessio : se’ l vuoi, l’hai nelle mani. Alessio : sì come vuoi… Argentina (a Alessio) : Sì, come voglio !], Foppa, Un perfetto ricambio, p. 18.

xlviii [io v’ammiro, ma son pien di stupore.], ibid., p. 25. 

xlix [ricambio più perfetto.], ibid., p.16.

l [Oh donna rara al mondo / V’ammiro e vi rispetto.], ibid., p. 26.

li [Ah donna, cor sublime.], ibid., p. 26.

lii 10% des farse sont anonymes, mais lorsqu’on réussit à retrouver le nom, par un autre biais, on tombe sur des noms de lettrés ayant peu de rayonnement. On peut donc affirmer que rares sont les livrets de Foppa, sans son nom.

liii Nous faisons référence ici à Anne Ubersfeld.

liv Foppa, Il muto per astuzia, p. 17.

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Jérôme Chaty, « Reflets d’une réussite. Des livrets comiques originaux pour un trio d’acteurs-chanteurs exceptionnel dans les théâtres vénitiens (1794-1814) », Line@editoriale [En ligne], 9 | 2017, mis en ligne le 09 mars 2023, consulté le 23 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/lineaeditoriale/1691

Auteur

Jérôme Chaty

Université de Paris 8 Vincennes-Saint-Denis