Domenico Sauli (1490-1570) : installation et ascension d’un Génois à la cour de Milan

Domenico Sauli, nato da un’importante famiglia di mercanti e di banchieri in piena ascesa economica e politica a Genova tra il Quattrocento e il Cinquecento, lascia la sua patria per Milano dove avrà alte cariche presso Francesco II Sforza e poi presso Carlo V prima di essere accusato di malversazioni e di essere in seguito escluso dalla corte. Questo studio, che s’interessa particolarmente alle memorie di Domenico Sauli e alle lettere che sono copiate alla fine del documento, intende presentare il percorso emblematico del suo autore che decide di lasciare Genova per installarsi a Milano.

Domenico Sauli, born and raised in a prestigious family of merchants and bankers on full economic and political rise in Genoa between the fifteenth and the sixteenth century, left his city for Milan, where he held high offices first for Francis II Sforza, then for Charles V, before being accused of embezzlement and being banished from the court. The present study, that is interested particularly to the memoir of Domenico Sauli and the letters copied and attached herewith, wishes to present the emblematic course of its author who decides to leave Genoa to settle in Milan.

Domenico Sauli, issu d'une importante famille de marchands et de banquiers en pleine ascension économique et politique à Gênes entre le XVe et le XVIe siècle, quitte sa patrie pour Milan où il assumera de hautes fonctions auprès de Francesco II Sforza puis de Charles Quint avant d’être accusé de malversations et évincé de la cour. Cette étude, qui s’intéresse particulièrement aux Mémoires de Domenico Sauli et aux lettres retranscrites à la suite de ce document, entend présenter le parcours emblématique de son auteur qui décide de quitter Gênes pour s’installer à Milan.

Plan

Texte

Francesco, mon fils, tu m’as demandé il y a quelques jours, de te raconter et t’expliquer, quand il me plairait de le faire, le motif qui m’amena à quitter, il y a de nombreuses années, notre ville et notre demeure de Gênes et me contraignit à habiter à Milan1.

Dès l’incipit du Discours de Domenico Sauli à son fils Francesco dans lequel certains événements singuliers de sa vie sont narrés2, puis tout au long de celui-ci3, Domenico Sauli indique sa volonté d’exposer à son fils aîné les raisons de son départ de la République de Gênes, dont il est originaire, pour le duché de Milan, présentant ainsi l’une de ses motivations d’écriture.

Ce Génois, digne d’intérêt à bien des égards et néanmoins peu connu, décida en effet, et ce malgré son implication dans les activités marchandes, administratives et politiques de sa patrie, de s’établir à Milan, d’abord auprès du duc Francesco II Sforza puis, pour un temps seulement, auprès de l’empereur Charles Quint. Poussé par le gouverneur de Milan, Alfonso III d’Ávalos, marquis del Vasto, pour qui Domenico Sauli représentait un frein, puis un obstacle incontournable à ses ambitions tant économiques que politiques, l’empereur accepta d’ouvrir une enquête sur les activités de Sauli puis, décida, le 13 octobre de la même année, de le suspendre de la présidence du Magistrato delle Entrate Ordinarie4. Malgré les démarches entreprises pour répondre aux accusations qui lui furent faites et retrouver sa position à Milan ou, tout au moins, obtenir réparation du préjudice que constitua la perte de cette fonction, Sauli fut par la suite accusé d’avoir détourné de l’argent dans le cadre d’un contrat qui lui permettait de commercer le sel dans le duché de Milan entre 1527 et 1530 et dut payer une compensation de trente-trois mille écus.

À travers l’étude de ce discours que nous pouvons rapprocher du genre des Mémoires et dans lequel il laisse une trace de ses activités, privées et publiques, retraçant par conséquent les événements qui marquèrent l’histoire de l’Italie entre 1524 et 1546, sous forme de récit, puis entre 1546 et 1561, à travers la copie de dix lettres, ainsi qu’à travers l’étude de nombreux autres documents manuscrits  pour la plupart inédits  et imprimés, nous chercherons à évaluer le caractère emblématique du parcours de Domenico Sauli et son ascension au sein du duché de Milan. Comprendre le départ de la cité de Gênes et l’installation à Milan permet de mieux cerner cette période décisive pour cet homme, au centre des affaires, de la culture et des événements politiques de son temps mais aussi pour l’ensemble des Italiens, contraints de s’adapter aux nombreuses et fréquentes fluctuations politiques que connaissent Gênes et Milan, et plus généralement l’Italie, objets des prétentions hégémoniques de la France et du Saint-Empire romain germanique.

L’étude de cette installation à Milan définira précisément tout d’abord la place qu’occupent Domenico Sauli et sa famille à Gênes et évaluera l’impact des turbulences politiques qui agitent leur patrie au XVIe siècle. Cette étude se penchera ensuite sur les raisons qui poussèrent Domenico Sauli à choisir Milan plutôt qu’un autre des lieux où sa famille ou lui-même commerçaient et examinera enfin les différentes stratégies mises en œuvre en de vue de cette installation ainsi que les liens que Domenico Sauli conservera avec sa patrie d’origine après son installation dans le Milanais.

Dès lors, l’ascension de Domenico Sauli au sein du duché de Milan apparaîtra tout au long de cette réflexion comme le fruit de ses activités marchandes, bancaires et diplomatiques qui revêtent toutes un caractère profondément politique.

1. Domenico Sauli à Gênes

Domenico Sauli naît à Gênes le 24 mars 14905 d’Antonio Sauli et de Geronima Salvago.

Il est issu de deux grandes familles marchandes dont les premières traces à Gênes remontent à la fin du XIIIe siècle et en pleine ascension économique et politique dans cette cité entre le XVe et le XVIe siècle6. Preuve en est notamment donnée en 1481 lorsque Bendinelli I Sauli indique dans son testament sa volonté de faire ériger la basilique de Santa Maria di Carignano immédiatement visible de tous ceux qui arrivent à Gênes7 ou encore en 1528 lorsque ces deux familles prennent la tête de deux des vingt-huit « alberghi »8 de la jeune République oligarchique de Gênes instaurée par Andrea Doria rassemblant ainsi autour d’elles respectivement onze et vingt-six autres anciennes familles génoises.

Domenico Sauli bénéficia inévitablement de la situation florissante dont jouissait sa famille. Dès 1500, alors âgé de dix ans, il est cité dans une liste de personnes destinées à siéger, dans l’avenir, dans les organes politiques de sa cité comme représentant de sa famille et de la faction à laquelle elle appartenait9. En 1505, 1513, 1524 et 1528, il occupa au sein du gouvernement génois les fonctions de conseiller10. En 151811 et/ou en 151912, il fut cette fois nommé ufficiale di mare. Peu après, il présida les organes politiques de la bourse, de la santé et des dépenses publiques13. Enfin, en 1523, il fit partie des Padri del Comune14, une puissante magistrature, créée au XIIIe siècle, dont le rôle était initialement la gestion, la manutention et le développement du port, capital pour l’économie génoise, et dont le champ d’action s’est, au fil des siècles, notablement élargi15.

Par ailleurs, Domenico Sauli s’investit tout naturellement dans des activités commerciales. Dès 1505, nous savons qu’il commerçait à Lyon avec l’accord de son père16. Sa présence, sur cette place, aux côtés de sa famille, est attestée jusqu’en 153117. Entre le 29 septembre 1517 et le 15 novembre 1521, il géra, avec son frère Nicola, son cousin Francesco et d’autres cousins qui ne sont pas nommés, une mine de fer aux alentours de Gênes18. En 1520, mais probablement avant également, Domenico Sauli s’adonna à des activités bancaires, d’abord à Gênes avec son frère Nicola19, puis sur la place lyonnaise20 et probablement ailleurs, notamment à Bruges comme le suggère un acte notarié du 21 janvier 152121.

Enfin, en 1524, Domenico Sauli épousa Tommasina Spinola  issue d’une autre importante famille génoise très impliquée dans la vie économique et politique de la cité et qui, en 1528, tout comme les Sauli et les Salvago, prend la tête d’un des vingt-huit « alberghi » de la République de Gênes22  qui apporta en dot dix mille ducats23.

Cette situation politique, économique et sociale florissante pèsera peu de poids au regard des turbulences de la vie politique génoise et n’empêchera pas Domenico Sauli de quitter Gênes.

L’instabilité qui existe depuis fort longtemps dans Gênes, s’aggrave incontestablement pendant les guerres d’Italie à un moment où cette cité est considérée comme la porte, la clé même, de la péninsule24 et était ainsi surveillée avec une grande attention par la Papauté et par les nombreux États de la péninsule italienne, inquiets pour leur intégrité respective. Antoine-Marie Graziani indique en effet que :

[…] la politique génoise au cours des trois premières décennies du XVIe siècle est extrêmement complexe du fait de la pluralité des forces internes et externes en lutte pour le pouvoir25.

Lorsque la République de Gênes ne fait pas appel à un seigneur étranger, soit des ducs de Milan soit des rois de France, les familles Adorno et Fregoso exercent « un monopole de fait »26 sur la charge de doge. Naturellement, lorsque l’un des partis l’emporte, il monopolise les charges, confisque les biens de l’adversaire et le contraint à quitter la cité.

Plus que l’arrivée au pouvoir de la faction adverse des Fregoso entre 1513 et 1522, plus que le contrôle de Gênes par la France entre 1499 et 1513 puis en 1527, et malgré l’arrivée au pouvoir des Adorno entre 1522 et 1527 auxquels les Sauli sont alliés, c’est surtout l’instabilité politique de sa cité, où l’ascension d’un Génois semble ardue, qui explique en partie le départ opportun de Domenico Sauli. Nous observons d’ailleurs que Sauli continue à occuper des charges politiques à Gênes y compris lorsque cette cité est dirigée par la faction adverse ou par la France27.

Comme de nombreux autres Génois à cette époque28 – pensons notamment aux frères Marino qui, dans la première moitié du XVIe siècle, s’installèrent dans cette cité pour développer leurs affaires, notamment celles liées au sel, et se firent ensuite une place dans l’administration du duché29 –, Domenico Sauli choisit de s’installer à Milan malgré sa présence à Rome – où, il possède déjà une demeure en 152230 – et la position que sa famille avait obtenue auprès des papes.

Ce choix n’était pas inéluctable. Sauli aurait également pu choisir de rejoindre les membres de sa famille avec qui il est en contact et qui se sont installés en Corse (où ils furent par exemple envoyés en qualité d’ambassadeurs31, de commissaires32 et de gouverneurs33), dans le Piémont, à Venise, à Famagouste, en Toscane, à Lyon, à Genève, en Espagne, notamment à Málaga et à Séville, en Angleterre, notamment à Londres, à Anvers, dans les Pays-Bas, en Turquie, dans le royaume de Naples, à Rome et au sein des États Pontificaux34 .

Nous observons en effet dans de nombreux registres de lettres inédits conservés à Gênes, aux Archives Privées des Sauli, que Domenico Sauli – souvent aux côtés de ses frères Nicola et Ottaviano et/ou de son cousin Francesco – échange, entre 1515 et 1527 avec de nombreux membres de sa famille établis en Occident et en Orient mais également avec des membres des familles Adorno et Giustiniani35.

Domenico Sauli aurait également pu choisir, à l’instar d’autres Génois, de s’installer à Lyon, où il est particulièrement actif dès 1505 et au moins jusqu’en 1531, ou plus généralement en France, pour échapper aux représailles des rois de France ou aux conséquences des changements politiques internes de Gênes.

Son père, Antonio36, ainsi que d’autres membres de sa famille firent notamment partie des Gênois qui décidèrent de soutenir financièrement l’expédition de Charles VIII en Italie – les trois-quarts de cette aide, soit très exactement cent vingt mille ducats, provenaient directement des Sauli37. Domenico Gioffrè indique à ce propos :

Quand les événements politiques les contraignirent à abandonner les foires, beaucoup de Génois se firent naturaliser et continuèrent à résider en France, échappant ainsi aux conséquences du passage de leur République dans le camp de Charles Quint. D’ailleurs, plusieurs citoyens de la République avaient élu depuis longtemps domicile en France où ils s’étaient réfugiés à la suite des luttes internes de leur patrie dont les péripéties faisaient alterner sur le trône du doge, tantôt les Adorno, tantôt les Fregoso [...]38.

C’est d’ailleurs ce que fit son cousin Francesco39.

Domenico Sauli fit un autre choix, peut-être par rapport à l’instabilité politique de sa patrie, mais bien plus certainement par rapport à des perspectives politiques et économiques plus intéressantes dans le duché de Milan, qui était depuis longtemps une place économique privilégiée, « […] particulièrement commode, sûre et appétissante […] »40 pour les patriciens génois qui voulaient investir.

Et c’est d’ailleurs principalement par ce biais que Domenico Sauli – qui fait le choix, dans son discours, de mettre en avant la voie diplomatique41 – s’installera à Milan où sa famille tenait à développer ses affaires après s’être particulièrement bien implantée à Rome et au sein des États Pontificaux.

Avec les Giustiniani, la famille Sauli est l’une des plus importantes familles de Gênes à soutenir les Adorno, chefs des Popolari gibelins ou Blancs, – ainsi que leur politique filosforzesca42 – et à s’opposer à leurs adversaires, les Fregoso, chefs des guelfes ou Noirs43. Le positionnement des Sauli et les liens qui les unissent au Milanais apparaissent notamment dans la diplomatie. Marco Bologna remarque en effet qu’entre 1495 et 1515, quatre des dix-huit ambassadeurs envoyés par la République de Gênes auprès des ducs de Milan appartiennent à cette famille44. Entre 1448 et 1516, comme nous l’apprennent de nombreux manuscrits inédits des XVIIe et XVIIIe siècles retrouvés à Gênes, ce sont au total treize ambassades auprès des successifs ducs de Milan qui sont confiées aux Sauli45. Comme le rappelle Bologna, l’importance des ambassades des Sauli est significative dans la mesure où

Les rapports avec les dirigeants des États étrangers étaient gérés par les membres de la famille qui avaient été envoyés exprès et qu’on avait placés dans les situations potentiellement les plus favorables et les plus utiles46.

Cette affirmation n’est d’ailleurs pas sans annoncer la place que Domenico Sauli obtint par la suite au sein du duché de Milan.

2. L’installation de Domenico Sauli à Milan

Au début de l’année 1522, Domenico Sauli réussit à signer un important contrat avec Francesco II Sforza dans lequel il s’engageait, en qualité d’administrateur général, à approvisionner le duché de Milan en sel pour une durée de quatre ans et demi, soit du premier juillet 1522 au début de l’année 152747. Pour approvisionner le duché, il achetait le sel à Ibiza48 et assurait son acheminement jusqu’à Milan en passant par Gênes49.

Domenico Sauli ne fut pas le premier de sa famille à commercer le sel. Outre l’implication des Sauli dans le commerce du sel au sein des États Pontificaux, les Sauli auraient également obtenu à cette époque le monopole de la vente de cette précieuse denrée en Lombardie50, en Vénétie51 et en Émilie52 mais Pietro Moiraghi, Orazio Maria Premoli et Francesco Tranquillino Moltedo ne précisent cependant jamais les Sauli qui sont impliqués, les périodes et les sources d’où ils tirent leurs informations. Bologna indique pour sa part que les Sauli furent chargés de la gestion de la taxe du sel dans le duché de Milan au cours des trois premières décennies du XVIe siècle53. Nous savons cependant par une lettre de Francesco II Sforza datée du 17 mai 1464 qu’Accellino Salvago, le grand-père maternel de Domenico Sauli, avait également été chargé de ce commerce dans le duché de Milan dans les années Soixante du XVe siècle54.

Andrea Terreni qui a étudié avec attention la gestion du sel de Domenico Sauli au sein du duché de Milan indique qu’un avenant au premier contrat fut signé le 26 décembre 1522. Cet avenant permit à Domenico Sauli de commercer le sel en provenance de Chypre55 et qui transitait par Venise pour rejoindre Milan56. À moins d’un an de la signature du contrat initial, Domenico Sauli obtenait ainsi l’entière gestion du commerce du sel dans le Milanais. Terreni écrit à ce propos :

L’obtention du monopole du commerce du sel dans le duché de Milan au début des années Vingt représenta indubitablement une formidable conquête économique pour Domenico Sauli et plus généralement pour la famille Sauli57.

Domenico Sauli choisit d’ailleurs de faire intervenir dans ce commerce son frère Medialuce58 et, de façon moins fréquente, ses autres frères Ottaviano59 et Nicola60.

L’attribution de la gestion du commerce du sel fut confirmée par Francesco II Sforza, le 2 décembre 1527, pour une durée indéterminée, après que Domenico Sauli eut négocié à Venise un important accord sur le commerce du sel pour le compte du duc61.

Moins de trois ans après, Domenico Sauli dut cependant renoncer à sa charge d’administrateur général du sel du duché de Milan62. En effet, Ansaldo Grimaldi avait exigé cette charge, des plus lucratives, en contrepartie d’un prêt de cinquante mille écus en faveur du duc de Milan63. Domenico Sauli écrit à Francesco II Sforza le 6 septembre 1530 et lui indique qu’il accède à son souhait de renoncer à la totale gestion du commerce du sel qu’il détenait depuis 152264. Malgré cette apparente volonté de satisfaire son maître, Sauli tenta cependant au début de l’année 1531 de conserver la gestion du commerce du sel en provenance de Venise65. Cette demande fut traitée dans la demeure d’Alessandro Bentivoglio et Domenico Sauli finit par renoncer à sa requête66 laissant ainsi à Ansaldo Grimaldi le monopole du commerce du sel qu’il avait obtenu au début de l’année67.

En 1531, Gerolamo Marinoni68, le président du Magistrato delle Entrate Ordinarie, ordonna la révision des comptes de la gestion du commerce du sel de Domenico Sauli et chargea le maître des entrées Marco Antonio Cagnola69 qui avait une très bonne connaissance de l’administration financière du duché de Milan pour « […] voir et refaire les comptes des entrées et des sorties […] » (« […] vedere et refer li conti del debito et credito […] ») de Domenico et Meliaduce Sauli70. Lorsque Marco Antonio Cagnola eut fini de contrôler les comptes de l’administration du commerce du sel dans le duché de Milan entre 1522 et 1530, il écrivit au président du Magistrato delle Entrate Ordinarie le 12 septembre 1531 et indiqua que la Chambre ducale devait aux frères Sauli une importante somme de cent quatre-vingt-huit mille cinq cent cinquante et une livres, deux sous et six deniers impériaux71. Cette information est de toute importance puisqu’elle prouve l’innocence de Domenico Sauli.

Au-delà du prestigieux et lucratif commerce du sel, Domenico Sauli était également présent économiquement à Milan pour des activités de change. Moiraghi signale, sans préciser ses sources, que Sauli prête de l’argent à Francesco II Sforza lorsque le duché de Milan lui fut rendu en 152172. Il indique ensuite que Sauli « […] secourut financièrement […] » le duc après la bataille de Pavie qui eut lieu dans la nuit du 23 au 24 février 152573. Moltedo fait également état des importantes sommes prêtées par Sauli au duc de Milan sans préciser cependant quand ces prêts furent concédés74. Dans son discours, Domenico Sauli indique à quatre reprises avoir prêté de l’argent au duc de Milan mais n’est jamais totalement précis sur les sommes engagées et les périodes concernées75.

Les compétences financières de Domenico Sauli sont toutefois reconnues par Francesco II Sforza qui accorde une grande confiance à ce Génois76. L’ambassadeur vénitien à Milan, Giovanni Basadonna rapporte d’ailleurs au Sénat de la République de Venise que Domenico Sauli est « […] l’inventore dei denari […] » du duc de Milan dans la mesure où il négocie les meilleurs prêts pour son maître77.

En l’état, il apparaît donc que Domenico Sauli prêta de l’argent au duc de Milan au moins dès 1521 et obtint ensuite, probablement en récompense de ses services financiers, la gestion totale du commerce du sel entre 1522 et 1530.

D’autres intérêts économiques nécessitaient par ailleurs la présence de Domenico Sauli dans le Milanais. Un document inédit, daté du 4 avril 1517, établi à Rome dans la demeure de son cousin Bendinelli II et aujourd’hui conservé aux Archives d’État de Gênes, nous informe que Domenico Sauli, ici associé à Carlo De Fornari, obtint, la gestion de deux abbayes milanaises, à savoir Santa Maria di Ferreto et San Simpliciano78. Nous avons découvert que la gestion de cette dernière abbaye, après avoir été confiée par Bendinelli II Sauli à son frère Stefano79, avait été confiée à Vincenzo et Sebastiano, respectivement le frère et le cousin de Domenico Sauli80.

À ce stade, il apparaît que c’est bien pour des raisons économiques, principalement le commerce du sel et les prêts octroyés à Francesco II Sforza, que Domenico Sauli décida de développer ses affaires au sein du duché de Milan. Son choix, qui ne constituait ni une rupture avec les membres de sa famille ni une rupture avec sa patrie d’origine, lui permit toutefois d’affronter plus sereinement les fluctuations politiques que connaît depuis longtemps et connaîtra au moins jusqu’en 1528 la cité de Gênes81.

3. L’ascension de Domenico Sauli à Milan

Cinq événements significatifs éclairent l’installation progressive et définitive de Domenico Sauli à Milan : chronologiquement, l’acquisition, en 1527, d’un premier fief dans le Milanais ; puis, entre 1530 et 1531, l’acquisition d’une maison à Milan et la venue dans celle-ci de sa famille ; la charge administrative de senatore milite en 1531 ; l’obtention, en 1533, de la citoyenneté milanaise ; un an plus tard, la charge de président du Magistrato delle Entrate Ordinarie et, enfin, l’acquisition d’une chapelle à l’intérieur de l’église dominicaine Santa Maria delle Grazie de Milan.

Le 17 octobre 1527, Francesco II Sforza décida de lui vendre, pour trente-deux mille écus impériaux, le fief de Pozzolo Formigaro, malgré de nombreuses réticences, probablement financières, de la part de la Chambre ducale82. Avec l’obtention de ce premier fief dans le duché de Milan qui restera à ses descendants pendant deux siècles et auquel viendra s’ajouter le 3 septembre 1538 le fief voisin de Cassine83  fiefs aujourd’hui dans la province piémontaise d’Alexandrie  et le 22 avril 1531 des terres d’une grande valeur situées à San Martino Pizzolano dans la province de Lodi84, Domenico Sauli acquit le prestigieux titre de marquis et entre ainsi dans la noblesse milanaise. Il étendit de façon notable les terres de son premier fief, s’employa à rendre plus efficace les « cassine »85  forme septentrionale de « cascina »  qui s’y trouvaient86 et entreprit des travaux dans le but d’améliorer le château87.

C’est également en 1527 que Domenico Sauli situe dans son discours son entrée officielle au service du duc de Milan. Il explique en effet que Francesco II Sforza, à qui il continuait d’apporter son aide depuis Venise, où il se trouvait depuis l’arrestation de Girolamo Morone, lui propose de le prendre officiellement à son service88. Sauli relate la manière dont il fut approché et les personnalités que Sforza avait mandatées pour lui « [offrir] [l]es conditions utiles et honnêtes […] » et lui « […] donner les plus hautes fonctions qu’il était en mesure de [lui] donner dans l’État de Milan […] » – il se réfère ici à l’obtention du fief de Pozzolo Formigaro et à sa future nomination à la tête du Magistrato delle Entrate Ordinarie. Il fut d’abord approché à deux reprises par Benedetto da Corte que le duc de Milan avait envoyé en ambassade à Venise de 1526 à 1529. Originaire de Padoue, il fut l’un des secrétaires du duc de Milan et le maître de maison de son épouse Christine de Danemark. Sauli fut ensuite approché par Giovanni Battista Speciano. Originaire de Crémone, il fut l’un des secrétaires de Morone puis fut nommé par le duc de Milan capitaine de justice et senatore togato en 153189 et devint enfin seigneur de Bra en 1543. Domenico Sauli indique accepter la proposition du duc pour deux motifs – le premier est qu’il n’est pas en mesure de retourner à Gênes (« Ayant alors des difficultés à retourner à Gênes à cause du gouvernement que j’ai déjà présenté […] ») et le deuxième est qu’il avait « […] également de grands intérêts économiques dans l’État de Milan et, en particulier, avec la Chambre » – et partir le rejoindre à Lodi (« […] le duc me demanda dans ses lettres de le rejoindre à Lodi […] »).

Domenico Sauli, qui avait déjà – si l’on se fie aux affirmations de Bandello90 – une demeure milanaise91, acheta le 3 octobre 153092, la maison de Gerolamo Rabia, située immédiatement à gauche en sortant de l’église Saint-Sépulcre, et y fit venir l’année suivante sa famille93. Cet événement représente souvent un élément essentiel pour obtenir la citoyenneté.

Très certainement favorisé pour sa fidélité au duc ainsi que pour la « familiarité », que nous entendrons dans le sens d’une grande intimité née de rapports constants, qu’il entretenait avec lui, mais aussi grâce à son influence à la cour milanaise, Domenico Sauli devint, le premier mars 1531, l’un des neuf senatori militi94. Cette charge perpétuelle, qui ne donnait pas droit à une rémunération mais la possibilité de voter au Sénat, avait une grande valeur honori­fique puisque réservée aux évêques du diocèse et aux membres des principales familles de l’aristocratie du duché de Milan95. Cette nomination, exceptionnelle puisque Domenico Sauli n’appartenait à aucune de ces catégories, doit être envisagée comme le couronnement de l’ascension de ce Génois à Milan96.

Le 30 août 1534, Domenico Sauli fut nommé président du Magistrato delle Entrate Ordinarie, également appelé Magistrato Ordinario, accédant ainsi à l’une des fonctions les plus importantes de l’administration civile du duché de Milan97. Depuis 1392, l’administration des finances du duché de Milan était confiée à deux organes : le Magistrato delle Entrate Ordinarie qui s’occupait des recettes fiscales, des dépenses de l’état et des taxes et le Magistrato delle Entrate Straordinarie qui s’occupait des possessions du duc, des fiefs, des régalia, des condamnations pécuniaires et des droits de l’eau98.

Domenico Sauli obtint ensuite, le 6 octobre 1533, pour lui et pour sa descendance, la citoyenneté milanaise, qui sera entérinée par le Sénat de Milan le 30 janvier 153499. La concession de la citoyenneté, qui était dans le duché de Milan une prérogative étatique100, découlait très certainement de l’intervention directe et explicite du duc, preuve de sa bonne disposition à l’égard de Sauli et en compensation des importants services prêtés à la couronne, tant économiques que diplomatiques. Uberto Foglietta déclarera même en 1564 que le duc de Milan ne savait rien faire sans le conseil de Domenico Sauli101.

L’installation de Domenico Sauli à Milan apparaît également dans son implication dans la vie culturelle de la cité. En 1541, Domenico Sauli fit l’acquisition de la cinquième chapelle à droite en entrant à l’intérieur de l’église dominicaine Santa Maria delle Grazie de Milan102. Il veillait ainsi à établir à Milan un tombeau familial qui figurait par ailleurs auprès des autres grandes familles de la ville. Domenico Sauli choisit également de dédier cette chapelle à saint Dominique103 – la chapelle était effectivement dédiée à saint Thomas104 par ses précédents propriétaires, Giovanni Rusca et son fils Pietro105 ; elle ne sera cédée par les Sauli qu’en 1756 à la famille Borri106. Le choix de l’église Santa Maria delle Grazie n’est pas anodin comme le suggère Séverin Duc :

Les ducheschi [c’est-à-dire « […] les loyalistes sforzesques et/ou tenants d’un régime ducal autochtone […] »107] sont soutenus par les dominicains de Santa Maria delle Grazie qui bénéficient de l’immunité et qui font de leur monastère un isolat de résistance sforzesque au cœur de Milan108.

Signe de son enracinement social et culturel à Milan, cette chapelle se trouvait à côté de celle de la confrérie de la Santa Corona créée en 1497 et dont la première demeure fut, jusqu’en 1581, l’église milanaise Saint-Sépulcre. L’immédiate proximité du domicile de Sauli avec celui de cette confrérie et la contiguïté de sa chapelle, à l’intérieur du Panthéon des Sforza, avec celle de cette même confrérie ne sont nullement des coïncidences et dénotent la volonté de Domenico Sauli de s’insérer dans la société milanaise109. En 1577, cette confrérie fera également l’acquisition de la maison de Domenico Sauli qui avait été entre temps vendue par celui-ci.

Très rapidement, après l’achat de cette chapelle, Domenico Sauli veilla à la faire décorer avec faste. Rossana Sacchi, qui remarque par ailleurs que les paiements réguliers que Domenico Sauli effectuait aux Dominicains cessèrent en 1545110, estime en l’occurrence qu’il s’agissait pour lui de justifier publiquement sa présence à Milan111.

Les grands moments qui scandent la vie familiale de Domenico Sauli montrent également l’insertion de celui-ci dans le Milanais.

Dans son discours, le récit de la naissance et du baptême de son fils aîné lui permet de signaler les personnes importantes du duché de Milan qui prennent part aux festivités qui sont organisées112 et que le duc de Milan est le parrain de son fils113  ou pour le moins l’un des parrains de son fils. Ce choix est en effet loin d’être anodin et semble dénoter le désir de l’auteur de rapprocher sa famille de la haute noblesse milanaise dont il fait partie depuis 1527. Ces événements de la sphère privée lui donnent même un prétexte pour indiquer à ses lecteurs qu’il fait preuve d’une grande hospitalité fortement appréciée par ses invités114.

De même, Domenico Sauli choisit avec le plus grand soin les époux de ses deux premières filles : Lucia qui épouse en 1538 Annibale Visconti, comte de Saliceto, un descendant de la branche principale de la famille Visconti et Cornelia qui épouse entre le 6 mars 1556 et l’année 1560, Alessandro Brivio, un noble milanais.

Si dans le cas précis de la naissance de son fils aîné l’auteur signalait seulement la présence du duc de Milan et du cardinal Marino Ascanio Caracciolo, les personnes qu’il évoque lors du mariage de sa fille, cinq ans plus tard, sont bien plus nombreuses115, comme si en l’espace de peu de temps sa position sociale s’était encore améliorée.

L’évocation de ces événements familiaux permet à l’auteur de rappeler l’importance de ses activités professionnelles qui font de lui une personnalité de premier ordre et souligne de fait l’ascension sociale et l’enracinement de l’auteur au sein du duché de Milan. Ces événements ne semblent jamais totalement dissociés de la vie politique puisque, lors du mariage de Lucia, le marquis del Vasto propose au nouveau gendre de l’auteur de se joindre à lui dans la guerre qui oppose le Saint-Empire romain germanique au royaume de France. Sauli présente d’ailleurs cette proposition comme un honneur octroyé grâce à lui116.

Enfin, le fait que la dernière fille de Domenico Sauli, Paola, entre, probablement entre le 12 février 1556 et l’année 1561, au couvent dominicain de San Lazzaro117 de Milan118  parfois situé, de façon erronée, à Gênes119  où elle prononcera ses vœux et recevra le nom de Sœur Paola Antonia, n’est-il pas, là encore, à prendre en considération ?

Ainsi, après avoir servi le duc de Milan de façon secrète et privée, Domenico Sauli choisit, tant pour des raisons économiques que politiques, de se mettre à son service officiellement en 1527. De ce point de vue, l’acquisition d’un premier fief dans le Milanais et l’obtention du titre de marquis marque l’installation définitive de Domenico Sauli à Milan et une importante étapes de son ascension progressive et, comme nous le savons, temporaire dans le duché de Milan.

4. Les liens de Domenico Sauli avec sa patrie d’origine après son installation à Milan

L’installation et l’ascension de Domenico Sauli à Milan ne l’éloignèrent nullement des membres de sa famille qui étendit à partir de Gênes son rayon d’action, diversifia ses activités mais conserva son unité et développa une stratégie politique et économique commune, ce qui permit à ses membres d’accéder à des charges prestigieuses mais également lucratives et utiles à l’ensemble du système et de ses acteurs.

Une lettre du 27 octobre 1526 que Domenico Sauli adresse depuis Venise au cardinal Giovanni Battista Sanga nous informe par exemple que Sauli est toujours en contact avec ses parents restés à Gênes et avec qui il continue à négocier  il est ici impliqué dans un négoce avec son frère Geronimo et d’autres Génois alliés à sa famille, en l’occurrence Stefano Giustiniano et les enfants de celui-ci120.

Les activités commerciales que Domenico Sauli assume à Lyon, aux côtés de sa famille et d’autres Génois, sont attestées, comme nous l’avons vu précédemment, jusqu’en 1531, soit quatre années après son installation officielle à Milan121.

Par ailleurs, nous retrouvons, dans les registres de lettres de la branche génoise de sa famille aujourd’hui conservés à Gênes, dans Archives Privées des Sauli, un nombre important de lettres envoyées en 1527 à Domenico Sauli, parfois aussi à son frère Ottaviano, par leur cousin Sebastiano, sans compter les associés qui appartenaient sans nul doute à la branche génoise des Sauli et aux familles avec lesquelles ils étaient alliés122.

Alors que les affaires familiales perdurent irrémédiablement malgré l’installation de Domenico Sauli à Milan, celui-ci renforce sa position à Gênes grâce au mariage de son fils aîné, Francesco, qu’il marie, peu de temps avant le 27 juin 1567, avec Bianca Invrea, dont la famille est alliée aux Doria123. Cette politique matrimoniale va d’ailleurs se poursuivre au cours des générations successives puisqu’en 1600 est célébrée l’union de Tommasina Sauli, la fille de Francesco, avec son cousin, Paolo Sauli124.

En outre, Domenico Sauli a en 1528 la possibilité de rendre à Gênes, sa patrie, un éminent service : craignant que le conte de Saint-Pol, au service de la France, réussisse, avec l’appui militaire de Milan, à reprendre Gênes dont a été chassé Théodore Trivulce, Andrea Doria envoie à Milan Ottaviano Sauli, le frère de Domenico, afin qu’ils persuadent ensemble le duc de Milan de ne pas aider les Français125. Cette mission qui est attestée historiquement126 – Giuseppe Oreste indique en effet qu’Ottaviano fut envoyé à Milan, le 21 septembre 1528, auprès de Francesco II Sforza, du provéditeur de l’armée vénitienne et de son frère Domenico127 ; il ajoute que le choix de l’agent est très certainement une conséquence de la position qu’occupait alors à Milan Domenico Sauli128 – est un succès. Dans son discours, Domenico Sauli raconte par ailleurs, à l’occasion de ce récit centré sur Gênes et sur l’instauration de sa nouvelle République – une présentation dans laquelle l’auteur met en avant le rôle central qu’il assuma (« […] per mano mia […] al duca fu facil cosa il persuader […] »)129 mais également le dévouement et l’inquiétude qu’il manifesta toujours envers sa patrie d’origine130 –, que son frère Ottaviano fut arrêté par les Français alors qu’il retournait à Gênes et qu’il fut ensuite libéré grâce aux importants réseaux de son frère Domenico131, un épisode qui n’est signalé dans aucune autre source. L’ambassade d’Ottaviano Sauli montre donc bien que l’installation définitive à Milan de Domenico Sauli ne correspond ni à une rupture avec la branche génoise de sa famille ni à une rupture avec sa patrie d’origine.

L’intérêt que Domenico Sauli porte à Gênes apparaît par ailleurs nettement dans les lettres qu’il adresse au gouvernement génois, avec qui il reste en contact, au moins jusqu’en 1531132.

De la même façon, Gênes et ses membres les plus influents continuèrent à estimer leur concitoyen installé à Milan. Si un écrit anonyme composé en 1536-1537 nous apprend notamment que Domenico Sauli et son cousin Francesco faisaient partie des Génois – et des Sauli – sur lesquels les Adorno pouvaient compter133, les nombreuses intercessions qu’Andrea Doria adresse à Charles Quint et à l’un de ses plus importants secrétaires, en faveur de Domenico Sauli, établissent irrémédiablement la preuve que les liens entre celui-ci et Gênes restent intacts après son installation à Milan. En 1542, les 10 mars134 et 8 juin135, Andrea Doria écrivit au secrétaire de Charles Quint, Francisco de Los Cobos y Molina pour prendre la défense de Sauli qui avait récemment perdu la présidence du Magistrato delle Entrate Ordinarie. Entre 1546 et 1547, Andrea Doria écrivit directement à l’empereur à trois reprises pour appuyer son concitoyen qui demandait alors la révision de son procès : les deux premières lettres sont datées du 8 mai136 et 28 août137 et lui sont entièrement consacrées ; la troisième est datée du 27 novembre138. En 1547, c’est au tour de Ceva Doria, ambassadeur de la République de Gênes auprès de Charles Quint, d’intervenir pour prendre la défense de Sauli139. Il adresse de Gênes, le 15 janvier, une lettre à Nicolas Perrenot de Granvelle dans laquelle nous apprenons que le gendre de Domenico Sauli, Annibale Visconti, a décidé de rejoindre l’empereur pour prendre la défense de son beau-père140. Nous apprenons par ailleurs que les parents et les proches de Domenico Sauli sollicitent l’intervention de cet ambassadeur et l’aide de Charles Quint141. Le 14 février142, cet ambassadeur écrit aux seigneurs de la République de Gênes, d’Ulm, en Allemagne et leur indique que Nicolas Perrenot de Granvelle veut un exemplaire du mémoire dans lequel Domenico Sauli présente sa défense afin de déterminer ce qu’il est en mesure de faire pour lui143. Les intercessions d’Andrea et Ceva Doria ont probablement permis à Sauli d’être entendu par Charles Quint qui rappelle à Ferdinand Ier de Gonzague, le 7 octobre 1547, d’accéder à la demande de Domenico Sauli de payer la compensation qui lui est réclamée en biens immobiliers estimés à leur juste valeur.

En somme, l’installation de Domenico Sauli à Milan au service du duc Francesco II Sforza et son maintien dans ce duché après son annexion à l’Espagne en 1535 ne constituent ni une rupture avec les membres de sa famille, ni une rupture avec sa patrie d’origine mais reflètent au contraire la volonté des Sauli, unis autour d’un groupe familial, d’étendre leur empire dans la péninsule italienne et de s’associer lorsque cela s’avère utile.

5. Conclusion

En définitive, le parcours de Domenico Sauli de Gênes à Milan est doublement emblématique, premièrement, par le caractère ordinaire de son départ de Gênes pour un ailleurs, dans son cas Milan, puis, par le caractère singulier de son ascension au sein de ce duché où il s’installe durablement au cours de la deuxième décennie du XVIe siècle.

En effet, après s’être mis au service de Francesco II Sforza, principalement grâce à la banque et au commerce du sel, Sauli franchit très rapidement les marches du pouvoir à Milan acquérant, en 1527, fief et titre de noblesse, établissant ensuite entre 1530 et 1531 sa demeure à proximité du Château des Sforza, devenant en 1531 senatore milite, obtenant en 1533, pour lui et ses descendants, la citoyenneté milanaise et accédant enfin en 1534 à la présidence de l’une des plus importantes administrations civiles du duché.

Homme public, socialement et politiquement investi dans les milieux qu’il fréquente, économiquement actif à très grande échelle, Sauli était incontestablement un homme de réseaux. Tout au long de la période prise en considération dans cette étude, il s’appuie largement sur ses relations économiques, politiques et culturelles tant pour permettre son ascension à Milan (nous pensons ici à la présence commerciale de sa famille à Milan, à son mécénat, au choix du parrain de son fils aîné, ainsi qu’aux stratégies matrimoniales qu’il négocie pour ses enfants) que pour conserver sa place à Gênes et s’assurer, en ces temps particulièrement instables, le soutien de ses concitoyens.

Fin lettré, Domenico Sauli connaissait parfaitement l’absolue nécessité de s’adapter aux fluctuations politiques, à l’arrivée d’un nouveau maître (c’est ce qu’il fera avec brio avec l’annexion du duché de Milan par Charles Quint en 1535), et plus généralement aux événements, comme Paolo da Certaldo, notaire opérant pour le compte des grandes compagnies florentines et ami de Boccace le rappelait déjà au XIVe siècle dans le Libro dei buoni costumi :

Prendre des mesures avant l’événement est une excellente chose, les prendre après ne présente que peu d’intérêt. Sois toujours avisé, examine le passé et le présent et les circonstances qui peuvent raisonnablement se présenter à toi [...]144.

Origine : Images à partir des documents de D. Sauli ; prop. CAER Université Aix-Marseille

Origine : Images à partir des documents de D. Sauli ; prop. CAER Université Aix-Marseille

Note de fin

1  Bibliothèque Universitaire de Gênes, ms. E. II. 29, ff. Ir-LXLr, f. Ir, manuscrit inédit dont nous noterons dorénavant seulement les feuillets : « Tu mi dimandasti un di questi dì, Francesco figliuo mio, che piacendomi io fossi contento di farti intendere, et narrarti la causa che mi condusse ad abbandonar tanti anni fa, l’habitatione della città et casa nostra di Genova et mi ridusse ad habitar a Milano ».

2  Ibidem : « Ragionamento di Domenico Sauli a Francesco suo figliuolo nel quale si narrano alcuni particolari avenimenti della vita sua ».

3  XXIv, XXIv et XXXIIv-XXXIIIr.

4  Séverin Duc traduit en français cette charge en président du Magistrat des entrées ordinaires [Séverin DUC, « Les élites lombardes face à l’effondrement du duché de Milan (ca. 1500-ca. 1540) », in Élites et crises du XVIe au XXIe siècle, Paris, Armand Colin, 2014, pp. 99-112, p. 106].

5  Certains envisagent qu’il soit né en 1491 (Vito VITALE, « Sauli », in Dizionario biografico degli italiani, 1936, en ligne ou encore Carlo VECCE, « Bernardino Dardano, un poeta italiano », in Studi in memoria di Antonio Possenti, Macerata, Istituti editoriali e poligrafici internazionali, pp. 559-573, p. 573).

6  SCORZA Angelo, Le famiglie nobili genovesi, Genova, Frilli, 2009 [1924], pp. 190-191 et 193-195.

7  Marco BOLOGNA, L’archivio della famiglia Sauli di Genova, Genova, Società Ligure di Storia Patria, 2000, p. 11.

8  Antoine-Marie Graziani indique qu’il s’agit d’« […] un groupe de familles nobles unies par des liens de parenté ou d’intérêt » et ajoute que « Chaque albergo est à la tête de groupes complexes où une famille importante agrège des familles apparentées et des personnes de moindre importance liées à elle par des intérêts politiques ou économiques » (GRAZIANI Antoire-Marie, Histoire de Gênes, Paris, Fayard, 2009, pp. 179-180).

9  Archives d’État de Gênes – dorénavant abrégées ASGE –, ms. nobiltà 518, ff. CXIIr-CXIVv, f. CXIIv. ASGE, ms. nobiltà 520, pp. 475-480, p. 477. ASGE, ms. biblioteca 170, ff. DCCCXIXr-DCCCXXIIIv, f. DCCCXXr.

10  Archives Durazzo Giustiniani de Gênes – dorénavant abrégées ADGG –, Archives Privées des Sauli, ms. carte d’amministrazione 364. À ce propos, v. Marco BOLOGNA, op. cit., p. 167.

11  Pietro MOIRAGHI, Il beato Alessandro Sauli vescovo di Pavia : cenni storico-biografici, Pavie, Tipografia del Privato Istituto Artigianelli, 1893, p. 7. Orazio Maria PREMOLI, Domenico Sauli, Pavia, Tipografia Caio Rossetti, 1905, p. 4.

12  Francesco Tranquillino MOLTEDO, Vita di s. Alessandro Sauli della congregazione de’ Barnabiti vescovo di Aleria poi di Pavia, Napoli, Pei Tipi di Michele D’Auria, 1904, p. 31.

13  Ibidem.

14  Ibidem. Pietro MOIRAGHI, op. cit., p. 7.

15  À ce propos, v. Sistema Informatico Unificato per le Soprintendenze Archivistiche (SIUSA) et Sistema Archivistico Nazionale (SAN), « Padri del Comune », en ligne.

16  ASGE, notai antichi, 1126, II, f. CCXXIII, acte notarié de Gerolamo Loggia, 29 octobre 1505.

17  De nombreux actes notariés signalent effectivement les activités de Domenico Sauli sur la place de Lyon : à savoir un acte de Geronimo Loggia du 29 octobre 1505 (ibidem) ; cinq autres d’Antonio Pastarino des 6 octobre 1520 (ASGE, notai antichi, 1331, f. CCLXXXIV), 21 janvier 1521 (ASGE, notai antichi, 1332, f. XVII), 2 mars 1521 (ASGE, notai antichi, 1332, f. CCXXXVIbis), 8 avril 1521 (ASGE, notai antichi, 1332, f. CCCLXV) et 6 février 1522 (ASGE, notai antichi, 1333, f. XCVI) et deux autres de Stefano Saoli Carega du 26 juillet 1527 (ASGE, notai antichi, 2007, f. CDLXXX) et 25 mars 1531 (ASGE, notai antichi, 2009, f. CXXIIbis). À ce propos, v. Domenico GIOFFRÈ, Gênes et les foires de changes de Lyon à Besançon, Paris, S.E.V.P.E.N., 1960, pp. 134 ; 207-212 ; 223 ; 233-234 où nous trouvons Domenico Sauli avec Anfreono Sauli dans l’acte du 29 octobre 1505 ; avec Paolo Sauli dans les quatre actes compris entre le 6 octobre 1520 et le 8 avril 1521  une firme domiciliée à Lyon de Domenico et Paolo Sauli nous est par ailleurs connue entre 1519 et 1521 (ibidem, p. 33)  ; avec Francesco Sauli dans l’acte du 6 février 1522 ; avec ses frères dans l’acte du 26 juillet 1527 et enfin avec Ottaviano dans l’acte du 25 mars 1531.

18  ADGG, Archives Privées des Sauli, ms. scritture contabili, 691. À ce propos, v. Marco BOLOGNA, op. cit., pp. 269-270.

19  ASGE, notai antichi, 1287, f. CCCLXXIII, acte notarié de Giovanni Costa, 20 novembre 1520.

20  Deux actes notariés d’Antonio Pastarino des 6 octobre 1520 (ASGE, notai antichi, 1331, f. CCLXXXIV) et 2 mars 1521 (ASGE, notai antichi, 1332, f. CCXXXVIbis) signalent les lettres de change émises par Domenico Sauli. À ce propos, v. Domenico GIOFFRÈ, op. cit., pp. 207-210.

21  Dans l’acte notarié de Geronimo Loggia du 21 janvier 1521 (ASGE, notai antichi, 1332, f. XVII), nous apprenons en effet que Paolo et Domenico Sauli, qui sont associés à Rafaelle Giusura, doivent recouvrer des fonds à Lyon qui partiront ensuite à Bruges par l’intermédiaire de Benedetto Fornari, Leonardo Spinola, Bartolomeo da Passano et de leurs différents associés.

22  Angelo SCORZA, op. cit., pp. 205-209.

23  Giacomo MARTINI, « Domenico Sauli il primo marchese di Pozzolo Formigaro », in Il Popolo. Il settimanale di informazione della diocesi di Tortona, 24 septembre 2014, p. 11. Sur ce mariage, v. Orazio Maria PREMOLI, Domenico Sauli cit., pp. 4 et 12 et Filippo LOVISON, « Domenico Sauli », in Dizionario biografico degli italiani, 2017, en ligne  ce dernier estime cependant que le mariage de Domenico Sauli date de 1517.

24  Comme nous le rappelle Federico Chabod, ce sont en effet les termes que Ferdinand Ier de Gonzague utilise dans une lettre qu’il adresse au gouverneur d’Alexandrie, Gonzalo Rodrigo de Salamanca (Federico CHABOD, Storia di Milano nell’epoca di Carlo V, Torino, Einaudi, 1961 [1934], p. 214). L’idée de « porte » est ensuite reprise par Philippe II dans une lettre du 6 décembre 1554 qu’il adresse au vice-roi de Sicile, Juan de Vega y Enríquez de Acuña (ibidem). Détenir Gênes permettait également à Charles Quint de s’assurer le soutien de Florence (ibidem, p. 129). La situation géographique de Gênes et la puissance économique et maritime qu’elle n’avait cessé de développer depuis le Xe siècle attiraient inéluctablement les convoitises de la France mais aussi de l’Espagne et du Saint-Empire romain germanique, qui se confondaient entre le 28 juin 1519 et le 24 février 1558 sous le règne de Charles Quint.

25  Antoine-Marie GRAZIANI, op. cit., p. 276.

26  Ibidem, p. 306.

27  Du 26 octobre 1499 au 20 juin 1513, si l’on excepte la révolte des « cappette » et le gouvernement de Paolo da Novi entre le 10 et le 27 avril 1507, Gênes est sous le contrôle de Louis XII ; du 29 juin 1512 au 25 mai 1513, Gênes est dirigée par Giano Fregoso ; puis, pendant 22 jours, Antoniotto Adorno, allié à Louis XII, gouverne Gênes ; du 20 juin 1513 au 7 septembre 1515, Gênes est dirigée par Ottaviano Fregoso, alors allié à Charles Quint ; du 20 novembre 1515 au 31 mai 1522, Gênes est dirigée par Ottaviano Fregoso, alors allié à François Ier ; du 31 mai 1522 au début du mois d’août 1527, Gênes est dirigée par Antoniotto Adorno ; et enfin du début du mois d’août 1527 au 12 septembre 1528, Gênes passe sous le contrôle direct de François Ier ; à partir du 12 septembre 1528, Andrea Doria, avec l’accord de Charles Quint, rend la liberté à Gênes.

28  À ce sujet, v. notamment les travaux d’Andrea Terreni qui a étudié la diaspora génoise à Milan pendant la première moitié du XVIe siècle : Andrea TERRENI, « “Sogliono tutti i forestieri, i quali vanno a negotiare nelle città d’altri Dominii, essere favoriti et privilegiati”. La concessione della “civilitas mediolanensis” ai mercanti-banchieri genovesi nel XVI secolo », in Alle frontiere della Lombardia. Politica, guerra e religione nell’età moderna, Milano, Franco Angeli, 2006, pp. 105-122 ; idem, « Le relazioni politiche ed economiche degli hombres de negocios genovesi con le élites milanesi nella seconda metà del Cinquecento », in Génova y la monarquía hispánica (1528-1713), vol. I, Genova, Società Ligure di Storia Patria, 2011, pp. 99‑140 et idem, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento », thèse de doctorat préparée à l’Université de Pise, sous la direction de Madame le Professeur Elena Fasano Guarini, soutenue en 2002 et consultable à la Bibliothèque Nationale Centrale de Florence.

29  À ce propos, v. les travaux de Andrea TERRENI ; BOLOGNA Marco, « De Marini, Tommaso », in Dizionario biografico dei liguri : dalle origini ai nostri giorni, t. V, Genova, Consulta ligure, 1999, pp. 396-407 et Luca CERIOTTI, « Forme antidorali di costruzione del potere nella Milano di Carlo V. L’esperienza dei fratelli Marino », in Carlo V e l’Italia, Roma, Bulzoni Editore, 2000, pp. 167-196.

30  Orazio Maria PREMOLI, Domenico Sauli, cit., pp. 4-5. Giacomo MARTINI, op. cit., p. 11.

31  Cristoforo Sauli fut envoyé en ambassade en Corse en 1513 (ASGE, ms. nobiltà 518, f. CXIIIr).

32  Giuliano Sauli fut l’un des deux commissaires envoyés en Corse en 1561 (Bibliothèque Berio – dorénavant abrégée Berio –, sezione di conservazione, ms. m.r.IX.5.2-5, pp. 1783-1797, p. 1791).

33  Vito VITALE, op. cit.

34  Marco BOLOGNA, op. cit., pp. 15-16 et 20.

35  ADGG, Archives Privées des Sauli, mss. corrispondenza 1543, 1544, 1545, 1552, 1555, 1556, 1557, 1558, 1559, 1560 et 1563. À ce propos, v. Marco BOLOGNA, op. cit., pp. 454, 456-458 et 489.

36  ADGG, Sauli, ms. 364 : « [Nel] 1494 [d]iede a Carlo VIII re di Francia 200 mila scuti a cambio senza sigortà alcuna ». À ce propos, v. Marco BOLOGNA, op. cit., p. 167. Henri-François DELABORDE, L’expédition de Charles VIII en Italie ; histoire diplomatique et militaire, Paris, Firmin-Didot, 1888, p. 375 : « Moyennant un intérêt usuraire de quatorze pour cent pour quatre mois, [Pierre d’Urfé] avait réussi à négocier, [à Gênes], chez le banquier Antoine Sauli, un emprunt de soixante-dix mille francs d’or dont vingt milles payables à Rome »  sur ce point, Delaborde renvoie ses lecteurs à Philippe De Commynes, Matteo Senarega et aux Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane d’Abel Desjardins.

37  Marco BOLOGNA, op. cit., p. 14. Marco Bologna ajoute qu’à la même époque les Sauli négociaient avec le roi de France qui désirait acheter une nouvelle flotte (ibidem). Sur ce prêt, v. Philippe DE COMMYNES, Mémoires, vol. II, Genève, Droz, 2007 [1552], p. 537 ; Richard EHRENBERG, Le siècle des Fugger, Paris, SEVPEN, 1955, pp. 157 et suivantes ; Yvonne LABANDE-MAIFERT, Charles VIII et son milieu (1470-1498) : la jeunesse au pouvoir, Paris, Klincksieck, 1975, p. 223 et Arturo PACINI, I presupposti politici del « Secolo dei Genovesi » : la riforma del 1528, Genova, Società Ligure di Storia Patria, 1990, p. 13.

38  Domenico GIOFFRÈ, op. cit., p. 29. À ce propos, v. Jean-François DUBOST, La France italienne : XVIe-XVIIe siècle, Paris, Aubier, 1997, pp. 478-479 et 484-485.

39  Domenico GIOFFRÈ, op. cit., p. 17.

40  Andrea TERRENI, « Le relazioni politiche ed economiche degli hombres de negocios genovesi con le élites milanesi nella seconda metà del Cinquecento », cit., pp. 103-104.

41  Dans son discours, Domenico Sauli insiste en effet sur la mission diplomatique qui lui fut secrètement confiée par le pape Clément VII, après la défaite française de Pavie, le 24 février 1525, et qui le ramena auprès du duc de Milan : Vr, « Le pape, qui savait que j’étais attaché au duc, me fit savoir qu’il aimerait que j’aille le rejoindre, sous un tout autre prétexte […] » (« [...] mi fece intendere che haverebbe havuto piacere che sotto pretesto di alcun’ altra causa io fossi andato dal duca [...] ») ; Vv, « Je compris le désir et la volonté de Sa Sainteté et des seigneurs de Venise et, puisque je considérais qu’agir ainsi s’accordait avec l’affection que j’avais pour le duc, je rentrai à Gênes sous prétexte de revoir ma famille et après y avoir passé les fêtes de Pâques […] » (« Io inteso il desiderio et voluntà di sua santità et dei signori venetiani parendomi cosi convenirsi all’affettione che io portava al duca, ritornai a Genova sotto pretesto di riveder i mei, et poi di haverci fatte le feste di Pasqua [...] ») et VIv, « Je partis de Rome pour Gênes et, après avoir fêté Pâques, comme je l’ai dit, j’allai à Milan où le duc savait déjà, par les lettres de son ambassadeur à Rome, que je devais venir et que Sa Sainteté m’avait chargé de lui parler de choses importantes » (« Io mi partì da Roma per Genova et fatto la Pasqua, come ho detto, fui a Milano dove il duca per lettere del suo ambasciator di Roma gia sapeva che io haveva da venire et sapeva della comissione ch’io haveva di parlarli per parte di sua santità di cose importanti [...] »). Domenico Sauli explique le choix du pape de lui confier cette mission par le lien affectif  une mission secrète que l’auteur présente comme une choix personnel (les termes employés marquent jamais l’injonction). Il précise presque immédiatement que cette affection est également partagée par Francesco II Sforza qui, informé de sa venue, l’attend à Milan « avec beaucoup d’impatience » [« con gran desirerio » (VIIr)]. Il n’est par ailleurs pas étonnant que le pape choisisse d’envoyer à Milan un marchand dont les activités lui ont déjà permis d’approcher puis de fréquenter Francesco II Sforza. En effet, comme le rappelle Isabella Lazzarini, les acteurs de la diplomatie sont souvent issus, au XVe siècle, du monde marchand (LAZZARINI Isabella, « I circuiti mercantili della diplomazia italiana nel Quattrocento », in Il governo dell’economia : Italia e Penisola iberica nel basso Medioevo, Roma, Viella, pp. 155-177).

42  Marco BOLOGNA, op. cit., p. 14.

43  Ibidem. Antoine-Marie GRAZIANI, op. cit., p. 286. À ce propos, v. Carlo BITOSSI, Il governo dei magnifici patriziato e politica a Genova fra Cinque e Seicento, Genova, Edizioni Culturali Internazionali Genova, 1990.

44  Marco BOLOGNA, op. cit., p. 14.

45  Gasparo en 1448 (Berio, sezione di conservazione, ms. m.r.IX.5.2-5, p. 1787) ; Bendinelli I en 1464 (ibidem), en 1471 (ASGE, ms. biblioteca 170, f. DCCCXIXv ; ASGE, ms. nobiltà 518, f. CXIIv ; ASGE, ms. nobiltà 520, p. 476 et Berio, sezione di conservazione, ms. m.r.IX.5.2-5, p. 1787) ; Antonio en 1487, 1489 et 1494 (ibidem, p. 1788) ; Pietro en 1488 (ASGE, ms. biblioteca 170, f. DCCCXXr ; ASGE, ms. nobiltà 518, f. CXIIv ; ASGE, ms. nobiltà 520, p. 476 et Berio, sezione di conservazione, ms. m.r.IX.5.2-5, p. 1788) ; Vincenzo en 1494, 1498, 1512 et 1516 (ASGE, ms. biblioteca 170, f. DCCCXXr ; ASGE, ms. nobiltà 518, f. CXIIv ; ASGE, ms. nobiltà 520, p. 476 ; Berio, sezione di conservazione, ms. m.r.IX.5.2-5, p. 1789. BOLOGNA Marco, op. cit., p. 14) et Alessandro en 1494 et 1496 (Berio, sezione di conservazione, ms. m.r.IX.5.2-5, p. 1788 et BOLOGNA Marco, op. cit., p. 14). Vincenzo Sauli fut également choisi pour se rendre, en 1499 (ASGE, ms. nobiltà 518, f. CXIIv ; ASGE, ms. nobiltà 520, pp. 476-477 et Berio, sezione di conservazione, ms. m.r.IX.5.2-5, p. 1789) et 1506 (BOLOGNA Marco, op. cit., p. 14), auprès de Louis XII après que celui-ci eut conquis en 1499 le duché de Milan. Vincenzo avait par ailleurs déjà été envoyé auprès de ce roi en 1496 (ASGE, ms. biblioteca 170, f. DCCCXXr). Les manuscrits signalent également qu’Antonio et Giovanni Battista Sauli firent également de ceux qui jurèrent fidélité à Louis XII en 1511 (ibidem, f. DCCCXXv ; ASGE, ms. nobiltà 518, f. CXIIIr et ASGE, ms. nobiltà 520, p. 477) – Gênes était alors sous domination française (1499-1512) –.

46  Marco BOLOGNA, op. cit., pp. 16-17 : « I rapporti con i governanti degli stati stranieri venivano di regola tenuti dai membri della famiglia che erano stati appositamente inviati e fatti radicare nelle situazioni potenzialmente più favorevoli e proficue ».

47  Archives d’État de Milan – dorénavant abrégées ASMI –, registri ducali, 26, pp. 165 et suivantes. Le contrat autographe était conservé à la Bibliothèque Trivulziana de Milan, sous la cote 173 (Giulio PORRO LAMBERTENGHI, Catalogo dei codici manoscritti della Trivulziana, Torino, Libreria Fratelli Bocca, 1884, p. 260). Il a cependant très certainement été détruit pendant les bombardements de la Seconde Guerre mondiale comme. À propos de ce contrat, v. notamment Pietro VERRI, Storia di Milano, t. II, Milano, Società tipografica de’ classici italiani, 1835 [1783], p. 208 ; Giovanni CAPSONI, Sul clima della bassa Lombardia : ricerche politico-medico-statistiche, Milano, Tipografia P. E. Giusti, 1839, p. 261 ; Giulio PORRO LAMBERTENGHI, « Autobiografia di Domenico Sauli », in Miscellanea della regia deputazione di storia patria, deuxième série, vol. XVII, Torino, Libreria Fratelli Bocca, 1878, pp. 1-54, p. 4 ; Francesco Tranquillino MOLTEDO, op. cit., p. 32 et Orazio Maria PREMOLI, Domenico Sauli, cit., p. 6.

48  Andrea Terreni précise qu’à cette période les Génois s’approvisionnaient en sel à Ibiza. À ce propos, v. notamment Jean-Claude HOCQUET, Il sale e il potere. Dall’anno Mille alla Rivoluzione francese (Le sel et le pouvoir : de l’an mil à la Révolution française, 1984), Genova, Edizioni Culturali Internazionali, 1990, p. 207.

49  Andrea TERRENI, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento », cit., pp. 35-37.

50  Orazio Maria PREMOLI, Domenico Sauli, cit., p. 6.

51  Ibidem. Pietro MOIRAGHI, op. cit., p. 8. Francesco Tranquillino MOLTEDO, op. cit., p. 32.

52  Pietro MOIRAGHI, op. cit., p. 8. Francesco Tranquillino MOLTEDO, op. cit., p. 32.

53  Marco BOLOGNA, op. cit., p. 16.

54  ASMI, Sforzesco, cart. 1514, Milan, 17 mai 1464. À ce propos, v. Andrea TERRENI, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento », cit., p. 22.

55  Andrea Terreni précise qu’à cette période le sel en provenance de Chypre transitait par Venise. À ce propos, v. Jean-Claude HOCQUET, op. cit., pp. 22 et 207.

56  ASMI, registri ducali, 26. À ce propos, v. Andrea TERRENI, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento », cit., pp. 39-40.

57  Ibidem, p. 40.

58  Nous retrouvons notamment Meliaduce Sauli dans un acte notarié de Stefano Seroni daté du 11 juillet 1523 (Archives Historiques et Civiques de Vigevano, articolo 125, §. 1, fasc. 10), dans deux actes notariés de Ercole Dominioni datés du 22 octobre 1528 et du 5 janvier 1529 (ASMI, notarile, 5886) et dans deux actes notariés de Antonio Saredi datés du 16 novembre 1530 et du 19 décembre 1530 (ASMI, notarile, 6694). À ce propos, v. Andrea TERRENI, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento », cit., pp. 40-42.

59  Andrea TERRENI, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento », cit., p. 40.

60  Ibidem. Domenico Sauli indique notamment dans une lettre qu’il adresse au duc de Milan, le 20 août 1526, depuis Venise, que ses frères commercent activement à Milan, notamment avec la l’administration du duché (Giuseppe MÜLLER, Documenti che concernono la vita pubblica di Girolamo Morone, Torino, Stamperia Reale, 1865, pp. 593-604 et en particulier p. 600).

61  ASMI, registri ducali, 95, f. LXVIr-v, Lodi, 2 décembre 1527. À ce propos, v. Andrea TERRENI, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento » cit., p. 43.

62  ASMI, registri ducali, 95, f. CLVIr-v, Vigevano, 15 décembre 1530. À ce propos, v. Andrea TERRENI, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento », cit., p. 43.

63  À ce propos, v. Andrea TERRENI, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento », cit., pp. 44-45 et 67-75.

64  ASMI, Sforzesco, cart. 1427, lettre de Domenico Sauli à Francesco II Sforza, Milan, 6 septembre 1530, retranscrite par Andrea TERRENI, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento », cit., pp. 76-77.

65  Ibidem, p. 77.

66  ASMI, Sforzesco, cart. 1431, Milan, 2 février 1531. À ce propos, v. Andrea TERRENI, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento », cit., p. 78.

67  Andrea TERRENI, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento », cit., p. 46.

68  Franco ARESE, « Le supreme cariche del ducato di Milano », in Archivio Storico Lombardo, vol. XCVII, Milano, Società Storica Lombarda, 1972, pp. 59-156, p. 94.

69  Ibidem.

70  Andrea TERRENI, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento », cit., p. 47.

71  ASGE, ms. 464, f. XLv, lettre de Marco Antonio Cagnola à Gerolamo Marinoni, Milan, 12 septembre 1531. À ce propos, v. Andrea TERRENI, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento », cit., p. 47.

72  Pietro MOIRAGHI, op. cit., pp. 7-8.

73  Ibidem, p. 8.

74  Francesco Tranquillino MOLTEDO, op. cit., p. 32.

75  À ce propos, v. LIXv, « […] le duc me devait plus de quarante mille écus […] » (« [...] io restava creditor del duca di piu di XL mila scudi [...] ») ; les deux suppliques qu’il adresse à l’empereur, la première entre le 7 octobre 1547 et le 21 février 1550, lettre 3, LXIIIr, « […] le duc me devant déjà une somme plus importante que celle que je lui devais […] » (« [...] essendo prima il duca debitor di maggior somma a me che io a lui [...] ») et la seconde entre le 21 février et le 27 juin 1550, lettre 5, LXVIIIr, « En outre, le suppliant avait été contraint de renoncer aux créances et à ses requêtes envers le duc d’un montant supérieur à soixante-dix mille écus dont il est, de droit, créditeur du duc […] » (« Et oltre questo essendo stato astretto detto supplicante a rinontiar alli crediti et pretensione sua contra il detto duca per la somma di piu di 70 millia scudi de quali di ragione è creditor del detto duca si come in favor del detto supplicante ») ; et la supplique qu’il adresse au papa Pie IV entre le 20 janvier 1560 et la fin de cette même année, lettre 8, LXXIXr, « Et, outre le fait qu’à l’occasion du procès il a été prouvé que le duc devait à Sauli plus de quarante mille écus […] » (« Et oltra che per lo detto processo è dedutto et provato che ‘l detto duca era debito al detto Sauli di piu di quaranta millia scudi [...] »), LXXXr/v, « De plus, on l’obligea de force, par des instruments à renoncer à ses droits et aux dettes que le duc avait envers lui qui s’élevaient à plus de quarante mille écus ce dont il protesta aussi secrètement » (« Et oltra di questo gli fu fatto per forza per instrumento rinontiar alle sue ragioni et crediti soprascritti contra ‘l detto duca importanti piu di 40 millia scudi del che ne fece ancora le sue proteste secrete ») et LXXXIIIr, « […] puisque le duc devait à Sauli une somme bien supérieure, somme à laquelle on le força de renoncer, ce qui montre à l’évidence qu’ils savaient que le crédit du dit Sauli envers le duc était réel » (« [...] essendo detto Sauli creditor del detto duca di molto maggior somma ; al qual credito lo hanno fatto rinontiare. Il che dimostra evidentemente che conoscessero esser vero il credito del ditto Sauli verso detto duca »).

76  Andrea TERRENI, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento », cit., p. 103.

77  Ibidem, p. 128. À ce propos, v. ibidem, pp. 67-156.

78  ASGE, archivio segreto, trattati e negoziazioni, 2737N, n° 145.

79  Sergio PAGANO, « I Sauli di Genova e il Papato », in Barnabiti Studi : rivista dei Chierici regolari di San Paolo, vol. XXXIII, Roma, Tipografia Don Bosco, 2016, pp. 7-18, pp. 10-11.

80  ASGE, ms. 489, p. 34, n° 120. ASGE, notai antichi, 1283, f. DCXIV, acte notarié de Giovanni Costa, 24 décembre 1513.

81  Andrea TERRENI, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento », cit., p. 146.

82  ASMI, atti di governo, feudi camerali, parte antica, 471.

83  ASMI, atti di governo, feudi camerali, parte antica, 167.

84  ASMI, registri ducali, 79, pp. 258-262. À ce propos, v. Andrea TERRENI, « Mercanti-banchieri genovesi a Milano nella prima metà del Cinquecento », cit., p. 45.

85  Les cassine, dans le nord de l’Italie, sont l’ensemble des édifices comme les habitations, les étables, les greniers à foin, les espaces destinés à la fabrication des tables de formation pour le papier ou à la fabrication du beurre et les entrepôts, réunis autour d’une cour. À ce propos, v. Vocabolario Treccani, « cascina », en ligne.

86  Giacomo MARTINI, op. cit., p. 11 : « Après avoir pris possession [de Pozzolo Formigaro], il étendit notablement les propriétés terriennes de son fief et rendit les cassine plus efficaces en y apportant de remarquables améliorations » (« Dopo la presa di possesso, ampliò notevolmente le proprietà terriere del feudo e rese più efficienti le “cassine” apportandovi notevoli migliorie »).

87  Ibidem : « Il commença un important travail de restructuration, de réédification du château en remplaçant le vieil escalier en bois, qui reliait la cour à l’étage supérieur, par un grand escalier maçonné, toujours existant. Il construisit une loggia fixe à la place de celle qui était rétractable et qui était adossée à l’imposant corps de l’édifice central qui datait de l’époque des Visconti, c’est-à-dire de la fin du XIVe siècle, construit pour accueillir une garnison de soldats et doté d’un chemin de ronde surélevé. Avec ces interventions, il rendit plus pratique et plus sûre la liaison entre les différentes parties du château, à commencer par l’ancienne petite forteresse résidentielle dont l’entrée fut pourvue d’une splendide porte, aux piliers Renaissance, ce qui achevait l’édification de la tour de l’époque des Sforza, érigée par Bartolomeo Colleoni en 1453. Au-dessus de la petite porte du grand escalier, côté cour, il fit sculpter le blason de la famille symbolisé par l’aigle » (« Iniziò un’importante ristrutturazione (riedificazione) del castello sostituendo la vecchia scala di legno, che dal cortile portava al piano superiore, con lo scalone in muratura tuttora esistente. Costruì una loggia pensile fissa, in luogo di quella retrattile, addossata al massiccio corpo centrale d’epoca viscontea (fine secolo XIV), edificato per alloggiarvi una guarnigione di soldati e dotato di un cammino di ronda sovrastante. Con questi interventi rese più comodo e sicuro il collegamento tra le varie parti del maniero, a cominciare dalla primitiva rocchetta residenziale, il cui ingresso fu arricchito con uno splendido portale dagli stipiti rinascimentali per finire al mastio sforzesco, eretto da Bartolomeo Colleoni nel 1453. Sopra il porticino lato cortile dello scalone fece scolpire lo stemma di famiglia simboleggiato dall’aquila »).

88  XXIIr-XXIIIr : « Benedetto da Corte, gentilhomme extrêmement honnête, qui était alors ambassadeur du duc, dut aller le voir pour certaines affaires et il me demanda de bien vouloir me mettre totalement au service du duc de Milan qui, comme il le savait, le souhaitait vivement et qui m’aurait proposé les honnêtes conditions que je méritais, selon ses propres mots. Ayant alors des difficultés à retourner à Gênes à cause du gouvernement que j’ai déjà présenté et ayant également de grands intérêts économiques dans l’État de Milan et, en particulier, avec la Chambre, je lui répondis que si le duc jugeait que cela lui serait utile, je me soumettrais à ses volontés. L’ambassadeur Corte revint et me répondit, de la part du duc, avec des mots courtois et généreux. Peu après, le duc envoya à Venise son capitaine de justice, et mon grand ami, Giovanni Battista Spetiano pour me reparler de ce dont Corte lui avait parlé et il m’offrit des conditions utiles et honnêtes avec la promesse de me donner les plus hautes fonctions qu’il était en mesure de me donner dans l’État de Milan, ce qu’il fit par la suite. Et c’est ainsi que j’acceptai cette offre tant pour satisfaire le duc que parce que mon esprit aspirait à abandonner ces activités lucratives qui sont nécessaires à tout Gênois, quelle que soit sa classe sociale et auxquelles je me savais mal adapté et peu efficace. Aussi discutai-je ouvertement avec mon ami Spetiano et je le priai de faire connaître au duc mon désir de le servir si j’en étais capable. Spetiano partit satisfait et, quelques jours plus tard, le duc me demanda dans ses lettres de le rejoindre à Lodi où il s’était réfugié avec trois mille soldats italiens tous dévoués à son service grâce auxquels il retenait Antonio da Leyva enfermé à Milan » (« Et accadendo in quel tempo a Benedetto da Corte honestissimo gentilhuomo et che in quel tempo era quivi ambasciator per lo duca doversi partire per andarlo a trovare per alcuni suoi particolari, mi essortò a volermi in tutto dare al duca, percioche sapeva che egli assai lo desiderava et che mi haverebbe fatte quelle honeste conditioni (per dire come egli diceva) ch’io meritava . Io che allhora haveva difficoltà in tornar a Genova stando il governo che di sopra dissi et insieme mi trovava havere molto interesse di negotii mei nello stato di Milano et particolarmente con la camera, li risposi che quando al duca fosse parso che cio fosse di suo servitio ch’io mi sarei accomandato a far la voluntà sua. Il Corte ambasciator ritornò et mi rispose per parte del duca con parole molto cortesi et liberali. Assai presto poi il duca mandò a Vinetia Giovanni Battista Spetiano suo capitan di giustitia et mio grande amico espressamente a ricercarmi di quello che il Corte gli haveva ragionato offerendomi conditioni utili et honeste con promesse di darmi tutti quei gradi maggiori in quello stato che fosse stato in man sua di darmi sì come egli fece poi. Et cosi io accettai questa offerta sì per compiacere al duca come anco per la inclinatione dell’animo ch’io haveva di lasciar quella vita questuosa la quale a qualunque di patria genovese è necessaria sia di qual ordine si voglia ; et alla quale io mi conosceva mal atto et poco industrioso. Et però io ragionai apertamente con lo Spetiano amico mio et lo pregai che facesse intendere quest’animo mio al duca, tutto desideroso di servirlo quando io ne fossi stato idoneo. Si partì lo Spetiano sodisfatto et d’indi a pochi dì il duca per sue lettere mi ricercò ch’io volessi andar da lui a Lodi nel qual luogo egli si era ridotto con tre mila fanti italiani tutti elletti et devoti al suo servitio con li quali egli teneva Antonio da Leyva come rinchiuso in Milano »).

89  ARESE Franco, op. cit., pp. 86 et 110.

90  Matteo BANDELLO, Novelle, Milano, Mondadori, 1942 [1560], pp. 774-780.

91  Orazio Maria PREMOLI, Domenico Sauli, cit., p. 4. Gabriella Ferri Piccaluga estime que Domenico Sauli est présent à Milan au début des années Vingt et réside dans la maison de Gerolamo Rabia, une maison dont Sauli ne fera l’acquisition que bien plus tard (Gabriella FERRI PICCALUGA, « L’iconografia della passione e il dibattito sulle sacre scritture. Il progetto di un sacro monte nella chiesa milanese del Santo Sepolcro nell’età della Controriforma », in Sacri Monti : devozione, arte e cultura della Controriforma, Milano, Jaca Book, 1992, pp. 173-193, p. 184). Rossana Sacchi remarque que Gerolamo Rabia avait déjà loué cette maison au frère de Domenico Sauli, Medialuce, le 2 août 1525, pour une durée de deux années (ASMI, notarile 4397, acte notarié de Stefano Seroni, 2 août 1525). À ce propos, v. Rossana SACCHI, « Su Gaudenzio Ferrari, Tiziano e Giovanni Demio alle Grazie », in Il convento di Santa Maria delle Grazie a Milano : una storia dalla fondazione a metà del Cinquecento, Firenze, Nerbini, 2017, pp. 459-625, p. 468.

92  ASMI, notarile 8076, 3637, acte notarié de Giovanni Giussani, 3 octobre 1530. À ce propos, v. Rossana SACCHI, op. cit., p. 468.

93  À ce propos, v. Orazio Maria PREMOLI, Domenico Sauli, cit., p. 12 ; idem, « Domenico Sauli e i Gesuiti », cit., p. 148 ; Giacomo MARTINI, op. cit., p. 11 ; Filippo LOVISON, op. cit. et Cristina QUATTRINI, « Bernardino Luini nel secondo decennio del Cinquecento », in Rivista dell’Istituto Nazionale d’Archeologia e di Storia dell’Arte, t. XXVII, vol. 59, Pisa e Roma, Fabrizio Serra, 2004, pp. 155-198, p. 194.

94  ASMI, registri ducali, 81, pp. 453-465, Milan, 6 octobre 1533. À ce propos, v. Franco ARESE, op. cit., p. 83.

95  Franco ARESE, op. cit., pp. 67-69.

96  Ibidem, p. 68.

97  ASMI, registri ducali, 193, ff. CXLIXr-v, Milan, 30 août 1534. À ce propos, v. Franco ARESE, op. cit., p. 94.

98  Franco ARESE, op. cit., pp. 70-71.

99  Bibliothèque Universitaire de Stanford, M1997. ASMI, feudi camerali, parte antica, 471bis. ASMI, registri ducali 81, p. 457.

100  Rossella CANCILA, « Integrarsi nel regno : da stranieri a cittadini in Sicilia tra attività mercantile, negozio politico e titolo di nobiltà », in Mediterranea : ricerche storiche, Palermo, Mediterranea, 2014, pp. 259-284, p. 263. Andrea TERRENI, « Sogliono tutti i forestieri, i quali vanno a negotiare nelle città d’altri Dominii, essere favoriti et privilegiati », cit., pp. 105-122.

101  Uberto FOGLIETTA, Elogi degli uomini chiari della Liguria, traduction italienne de Lorenzo Conti, Genova, Presso Vincenzo Canepa Editore, 1860 [1564], pp. 330-331 : « […] che quel principe [Francesco Secondo, Duca di Milano] non sapeva far cosa veruna senza il consiglio di Domenico […] ».

102  Orazio Maria PREMOLI, Domenico Sauli, cit., p. 19. Andrea TERRENI, « Le relazioni politiche ed economiche degli hombres de negocios genovesi con le élites milanesi nella seconda metà del Cinquecento », cit., p. 131. Idem, « Sogliono tutti i forestieri, i quali vanno a negotiare nelle città d’altri Dominii, essere favoriti et privilegiati », cit., pp. 110-112 et 118-119. Rossana SACCHI, op. cit., p. 466.

103  Rossana SACCHI, op. cit., p. 477.

104  Ibidem.

105  Ibidem, p. 466. À ce propos, v. Edoardo ROSSETTI, « “Arca marmorea elevata a terra per Brachia Octo”. Tra sepolture e spazi sacri : problemi di memoria per l’aristocrazia milanese del Rinascimento », in Famiglie e spazi sacri nella Lombardia del Rinascimento, Milano, Scalpendi Editore, 2015, pp. 169-269, p. 222 et Silvana ALDENI, « Il “Libellus Sepulchrorum” e il piano progettuale di Santa Maria delle Grazie », in Arte Lombarda : rivista di storia dell’arte, vol. LXVII, Venezia, Alfieri, 1983, pp. 77-89, p. 83.

106  Rossana SACCHI, op. cit., p. 466.

107  Séverin DUC, La guerre de Milan, Paris, Champ Vallon, 2019, p. 247.

108  Ibidem, p. 248.

109  Ibidem.

110  Rossana SACCHI, op. cit., pp. 479-480. À ce propos, v. Pamela STEWART, Devotion to the Passion in Milanese Confraternities, 1500-1630 : Image, Ritual, Performance, p. 170, thèse de doctorat préparée à l’Université du Michigan, sous la direction de Madame le Professeur Megan Holmes, soutenue en 2015 et disponible en ligne.

111  Rossana SACCHI, op. cit., pp. 472 et 477.

112  XXXIVr-XXXIVv : « Tandis que je m’occupais sans cesse des choses de l’État plus qu’aucun autre ministre et que j’assistais continuellement la personne du duc, le temps passait honnêtement en conversations ininterrompues avec le duc et messire Alessandro. Ceux-ci et le protonotaire Caracciolo, qui fut ensuite cardinal et qui était alors ambassadeur de l’empereur auprès du duc, vinrent pour ton baptême dîner dans ma maison où ils demeurèrent tous avec plaisir et joie » (« Et attendendo io alle cose dello stato continuamente piu che alcun’altro ministro et continuamente assistendo alla persona del duca, passava il tempo assai honestamente in continova conversatione col duca et col signor Alessandro li quali insieme col protonotario Caraciolo che poi fu cardinale et allhora era ambasciator dell’imperadore presso al duca, vennero per lo tuo battesimo a disinar in casa mia dove stettero tutti con allegrezza et consolatione »).

113  XXXIVv : « Et après le dîner, nous allâmes à l’église de San Sebastiano où tu fus baptisé et, par le duc, tu fus appelé de son nom, Francesco » (« Et dopo il disinare si andò alla chiesa di San Sebastiano dove fosti tu battezato et dal duca col suo nome fosti nominato Francesco »).

114  Ibidem : « […] tous avec plaisir et joie » (« […] tutti con allegrezza et consolatione »).

115  XLVIv : « […] le cardinal, le marquis et de grands seigneurs et gentilshommes du duché accompagnés de leurs épouses » (« […] il cardinale, il marchese et alti signori et gentilhuomini dello stato con le loro mogli »).

116  Ibidem : « Le marquis me tenait alors en grande estime et, en signe de cela, il voulut qu’Annibale, mon gendre, l’accompagne à la guerre avec un bon escadron » (« Il marchese allhora teneva assai buon conto di me et in segno di questo volse haver seco nella guerra Annibal mio genero con una buona provisione »).

117  Rossana Sacchi estime que ce choix est un hommage à Paola Antonia Negri (1508-1555), la cofondatrice des Sœurs angéliques de Saint-Paul (SACCHI Rossana, op. cit., p. 471).

118  À ce propos, v. la présentation de SAITA Eleonora intitulée « Convento di San Domenico e San Lazzaro, domenicane osservanti (1497-1798) » disponible sur le site LombardiaBeniCulturali.

119  RIPPA Paolo Maria, « I Barnabiti al tempo di Alessandro Sauli », in Sant’Alessandro Sauli (1534-1592) Barnabita e Vescovo. Le origini genovesi di una preziosa eredità storico-spirituale, vol. XXIII, Roma, Barnabiti Studi, 2017, pp. 19-94, p. 20.

120  Girolamo RUSCELLI, Delle lettere di principi, le quali o si scrivono da principi, o a principi, o ragionano di principi. Di nuovo ricorrette, et secondo l’ordine de’tempi accommodate, liv. II, Venezia, Apresso Francesco Ziletti, 1581, ff. XVIIr-XVIIIr.

121  Domenico GIOFFRÈ, op. cit., pp. 233-234.

122  ADGG, Archives Privées des Sauli, mss. corrispondenza 1562 et 1566. À ce propos, v. Marco BOLOGNA, op. cit., p. 458.

123  Angelo SCORZA, op. cit., pp. 119-120.

124  Marco BOLOGNA, op. cit., p. 629.

125  XXVIIIv-XXIXr : « Se trouvant ainsi démunis et apprenant que Monseigneur de Saint-Pol était à Alexandrie et ne sachant pas à quel moment et si les troupes du duc, qui étaient très rapides, avaient rejoint Monseigneur de Saint-Pol, les Génois, sur les conseils d’Andrea Doria, décidèrent d’envoyer mon frère Ottaviano auprès du duc afin de lui demander et le prier d’avoir une opinion positive sur cette réforme de la République de Gênes et de croire qu’elle serait tout à son avantage et à son service, ce qui fut démontré par de nombreux arguments qu’il n’est pas nécessaire de répéter ici. Il fut facile de persuader le duc qu’il devait logiquement préférer la République de Gênes libre que contrôlée par les Français ou par l’empereur puisqu’il était informé que, dans l’accord privé avec Andrea Doria, l’empereur avait promis de respecter la liberté de la République de Gênes telle qu’Andrea Doria et les citoyens génois l’avait réformée » (« Onde trovandosi i Genovesi sproveduti et intendendo che monsignor di San Polo era in Alessandria et sapendo di quanto momento fossero state le genti del duca che erano molto espedite se si fossero congionti con monsignor di San Polo, si rissolsero col consiglio di Andrea d’Oria di mandar Ottaviano mio fratello dal duca per mano mia, ricercandolo et pregandolo che volesse haver buona opinione et fede che la riformatione della republica di Genova sarebbe ritornata tutta a beneficio et servitio suo, il che si mostrava per molte ragioni le quali non accade hora replicare. Et al duca fu facil cosa il persuader che di ragione piu gli dovessi piacere la republica di Genova in libertà che soggetta a Francesi o all’imperadore, essendo il duca informato che nell’accordio privato di Andrea d’Oria l’imperadore haveva promesso di conservar in libertà quella repubblica in quel modo che il detto Andrea d’Oria et i cittadini genovesi l’havessero riformata »).

126  Edoardo BERNABÒ BREA, Sulla congiura del conte Giovanni Luigi Fieschi, Genova, Tipografia di Liugi Sambolino, 1863, pp. 124-126. Michele Giuseppe CANALE, Storia civile, commerciale e letteraria dei genovesi dalle origini all’anno 1797, vol. I, Genova, Presso Giovanni Grondona, 1844, pp. 49-50. Massimiliano SPINOLA, « Relazione sui documenti ispano-genovesi dell’archivio di Simancas », in Atti della Società Ligure di Storia Patria, vol. VIII, Genova, Società Ligure di Storia Patria, 1968, pp. 365-402, p. 370. Emanuele CELESIA, La congiura del conte Gianluigi Fieschi, Genova, Tipografia del Regio Istituto Sordo-Muti, 1864, pp. 64-65.

127  Giuseppe ORESTE, Genova e Andrea Doria nella fase critica del conflitto franco-asburgico, Genova, Società Ligure di Storia Patria, 1951, p. 41.

128  Ibidem, p. 40.

129  XXVIIIv-XXIXr.

130  XXXr-v : « Je savais ce qui se tramait et je voyais que la situation de Gênes était périlleuse ; je m’en préoccupais et m’inquiétais. Je me débrouillai, avec toute la diligence dont je pus faire preuve, pour que surgissent des difficultés empêchant les troupes du duc de lever le camp et d’aller combattre à Gênes, sauf quelques enseignes de quelques hommes. Puisque Monseigneur de Saint-Pol marchait vers Gênes avec ses soldats, j’envoyai avec diligence prévenir Gênes que les soldats du duc ne l’accompagneraient pas, si ce n’est trois ou quatre cents fantassins. J’assurai de cela Andrea Doria et les plus éminents citoyens qui en furent grandement soulagés. Et bien qu’ils aient redouté la venue rapide de Monseigneur de Saint-Pol et de dix mille fantassins, après avoir appris cela, ils préparèrent leur défense avec ardeur » (« Io che sapeva quello che si trattava et vedeva il pericolo delle cose di Genova, essendone sollicito et ansio, feci con tutta la diligentia a me possibile in modo che si trovarono delle difficoltà per le quali la gente del duca non si potesse levare et andare a quella impresa eccetto che alcune poche bandere mal fornite di genti. Et perché monsignor di San Polo caminava alla volta di Genova con la sua gente, mandai con diligentia ad avisare a Genova che la gente del duca non sarebbe andata con esso, eccetto che trecento o quattrocento fanti. Et di ciò assicurai Andrea d’Oria et gli altri cittadini principali che ne restarono confortati in tanto che prima stando in gran timore per la presta venuta di monsignor di San Polo con dieci mila fanti, inteso questo, si prepararono alla diffesa arditamente »).

131  XXIXr-v : « Et ainsi, il fut répondu positivement à Ottaviano qui, alors qu’il rentrait chez lui, courant très rapidement les postes, il rencontra à Voghera un capitaine français qui, entendant qu’il était Génois, le fit prisonnier et, le campement des troupes françaises se trouvant dans les environs, il le fit amener dans ses quartiers. En chemin, ils rencontrèrent un capitaine du duc qui logeait également à Voghera avec trois cents fantassins, qui demanda qui était le prisonnier et qui apprit ainsi qu’il venait de chez le duc et que c’était mon frère. Le capitaine du duc était l’un de mes amis et après avoir entendu qu’Ottaviano était ambassadeur et qu’il venait de chez le duc qui détenait la ville, il s’opposa à ce qu’Ottaviano fût détenu, le libéra et le reconduisit en lieu sûr » (« Et cosi fu fatta buona risposta ad Ottaviano, il quale ritornandosene a casa ben espedito correndo le poste s’incontrò in Voghera in un capitano francese, il quale intendendo che egli era genovese lo fece pregione. Et essendo quivi d’intorno allogiata tutta la gente francese lo faceva condurre al suo alloggiamento dove caminando s’incontrò con Ottaviano un capitano del duca che era alloggiato in Voghera con trecento fanti, il quale dimandando chi fosse questo pregione intese che veniva dal duca et che era mio fratello. Il capitano del duca era amico mio et inteso che Ottaviano era ambasciator et che veniva dal duca, havendo quella terra in governo, si oppose perche Ottaviano non fosse pregione et cosi lo liberò et lo ricondusse in luoco sicuro »).

132  ASGE, Archivio Segreto, Litterarum, 1959 (Lodi, 28 octobre 1528) et 1960 (Côme, 14 juin 1531).

133  Emilio PANDIANI, Un anno di storia genovese (giugno 1506-1507) con diario e documenti inediti, Genova, Luigi Sambolino, 1905, p. 204. À ce propos, v. Arturo PACINI, op. cit., p. 167 et Marco BOLOGNA, op. cit., p. 15.

134  Archives Générales de Simancas, Consejo de Estado, Negociación de Génova – dorénavant abrégé AGS, EST, LEG –, 1375, 78, f. CXLVIIr, lettre d’Andrea Doria à Francisco de Los Cobos y Molina, Gênes, 10 mars 1542.

135  AGS, EST, LEG, 1375, 152, f. CCLXXXVIIr, lettre d’Andrea Doria à Francisco de Los Cobos y Molina, Gênes, 8 juin 1542.

136  AGS, EST, LEG, 1378, 160, ff. CCXCIVr-v, lettre d’Andrea Doria à Charles Quint, Gênes, 8 mai 1546.

137  AGS, EST, LEG, 1378, 140, ff. CCLIIr-CCLIIIr, lettre d’Andrea Doria à Charles Quint, Gênes, 28 août 1546.

138  AGS, EST, LEG, 1378, 133, ff. CCXXXIXr-v, lettre d’Andrea Doria à Charles Quint, Gênes, 27 novembre 1546.

139  BERNABÒ BREA Edoardo, op. cit., pp. 46-48.

140  Ibidem, p. 48.

141  Ibidem.

142  Ibidem, pp. 86-88.

143  Ibidem, p. 88.

144  Vittore BRANCA, Mercanti scrittori. Ricordi nella Firenze tra Medioevo e Rinascimento, Milano, Rusconi, 1986, p. 83, §. 346 (« La provedenza dinanzi al caso et al fatto è troppo buona cosa ; e la provedenza di dietro pocho vale. E però sempre sta proveduto, e pensa il tempo passato, e lo tempo presente, e ‘l tempo che ragionevolmente ti può venire a dosso [...] »).

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Ludovic Fina, « Domenico Sauli (1490-1570) : installation et ascension d’un Génois à la cour de Milan », Line@editoriale [En ligne], 12 | 2020, mis en ligne le 07 février 2024, consulté le 28 mars 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/lineaeditoriale/1445

Auteur

Ludovic Fina

Centre Aixois d’Études Romanes (Aix-Marseille Université)

ludovic.fina.ds@gmail.com