Stratégies de traduction à l'Eurovision Song Contest (2011-2020) : éléments d'analyse des chansons candidates françaises et italiennes

Plan

Texte

Le Concours Eurovision de la Chanson (ou Eurovision Song Contest, désormais ESC), dont la première édition eut lieu en 1956, est l'un des plus anciens produits culturels d'ambition internationale de l'ère des radio-télécommunications. Il est considéré comme le plus vieux programme télévisuel encore existant. Il a survécu aux différentes révolutions techniques et politiques de l'espace européen1. L'ESC fut imaginé à une période de l'histoire où le culturel au sens large commençait à être officiellement considéré, et employé, comme un outil de soft power. Il s'agit d'un événement a-politique, si l'on se réfère aux raisons officielles de son lancement et aux lignes directrices qui guident sa perpétuation, mais qui a un retentissement diplomatique fort. Creuset des tensions et des collaborations internationales, tribune d'inspiration occidentale offerte à l'échelle globale, lieu d'expérimentation artistique et médiatique par excellence pour les conditions performatives annuelles qui l'accueillent, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit bien d'un concours de chanson où se croisent et s'influencent mutuellement des enjeux divers : géopolitiques (avec un public issu de régions de l'Europe et de la Méditerranée, d'Australie, des Etats-Unis, d'Asie...), artistiques (avec l'intervention de musique, texte, chanson, théâtre, vidéo), commerciaux (les retombées sont d'ordre touristique, économique, discographique, publicitaire), techniques (on peut parler de télévision, radio, scène intermédiale, mondodiffusion), communicationnels (avec des notions d'interprétariat et de traduction, de web, de communication institutionnelle). [Illustration n°1]

Plus spécifiquement, depuis la chute du bloc soviétique, les accords de Maastricht et l'avènement de l'Union européenne, le concours Eurovision a subi plusieurs modifications. On assiste surtout à une expansion conséquente, aussi bien en termes d'audience que de frais de production du spectacle, ou encore du nombre de pays représentés. Cela va de pair avec une anglicisation générale2, liée notamment au développement des enjeux commerciaux d'un événement médiatique au marketing calibré, et au passage du programme à une échelle culturelle globale qui dépasse le strict espace euro-méditerranéen originel. Par ailleurs, pendant des décennies, les artistes avaient l'obligation d'interpréter leur chanson dans l'une des langues officielles du pays qu'ils représentaient. En 1999, cette règle a été supprimée définitivement par l'Union européenne de radio-télévision (UER, créée en 1950, garante de l'organisation du concours). Un peu plus tard, deux controverses (en 2007 et 2008, que nous allons détailler) ont mené à une refonte du système de vote. Et depuis 2009, chaque pays établit, pour la finale, deux classements : une première hiérarchie est guidée par les choix des téléspectateurs ; une seconde liste est donnée par un jury nommé beaucoup plus restreint. La moyenne entre ces deux résultats définit le classement final que chaque pays annonce au terme de la grande soirée musicale. Ce système harmonisé est appliqué aux deux demi-finales depuis 2010. En parallèle, le vote du public a été ouvert a l'ensemble de la soirée en 2011, sapant du même coup l'importance que revêt(ait) l'ordre de passage des concurrents, et instaurant par conséquent une plus grande équité. L'apport croisé de ces dynamiques a influé sur les caractéristiques des chansons qui ont été présentées ces dernières années à l'ESC.

En quoi les stratégies linguistiques appliquées aux chansons candidates, notamment de traduction et d'adaptation culturelle, stratégies qui s'insèrent dans un contexte mondialisé dominé par l'emploi du global english, permettent-elles de rendre compte de ce qui se joue nationalement et internationalement à l'ESC ? Nous allons tenter de dégager certaines lignes d'interprétation en nous focalisant sur les choix spécifiques des délégations française et italienne de la dernière décennie (2011-2020).

Cadrage temporel

L'édition 2007 est fondamentale pour comprendre le format de l'ESC d'aujourd'hui et les évolutions qui s'annoncent. Au tirage au sort des ordres de passage (imposé définitivement en 2006, après avoir été abandonné en 1974), s'ajouta cette année-là le système des jokers, dénommées wildcards, qui permirent à des pays de choisir leur position de passage, et qui furent attribuées à quelques pays (5 en demi-finale, puis 3 en finale)3. L'UER avait aussi décidé d'augmenter encore un peu le nombre de participants du concours : de 40 à 42. Par ailleurs, les résultats de la demi-finale furent critiqués. La qualification de dix pays de l'Est au moment de l'unique tour préliminaire, aux dépens de nombreux pays occidentaux, fit grincer des dents. Cette situation inédite était en partie due au fait que le télévote, qui fut généralisé en 1998 (vote originellement réalisé par téléphone, avant que ne s'ajoutent les systèmes du sms puis du web), avait subi en 2005 un amendement : le classement du public pouvait être pris en compte seulement au-delà d'un seuil national de votants (autrement, un jury national nommé par le diffuseur du pays devait dicter ses choix4).

La polémique sur l'édition 2007, arrivée jusqu'au parlement britannique, fut réfutée par l'UER. Malgré tout, l'organisateur modifia profondément dès 2008 certains aspects du système de vote. On peut comparer les éditions 2007 et 2008 pour mieux les saisir. En 2007, vingt-quatre délégations avaient finalement concouru pour la victoire finale : celles des membres du « Big Four » (France, Allemagne, Royaume Uni, Espagne, toujours qualifiées d'office grâce à la générosité de leur apport financier à l'organisation du concours), les dix qui avaient obtenu le meilleur résultat en finale l'année précédente (ESC 2006) et les représentants des dix pays qualifiés lors de la demi-finale. En revanche, en 2008, deux demi-finales furent définitivement instaurées et les wildcards supprimées. Les télévotes furent d'ailleurs considérés pour 9 des 10 qualifiés des demi-finales. Rappelons qu'ensuite, en 2009, le jury des professionnels fut réintroduit pour la finale, équilibrant ainsi les votes du public (afin de contrer les potentielles stratégies de vote par groupe géographique5). Depuis 2010, ce système de notation à 50% vote du public + 50% vote du jury de professionnels est appliqué dès les demi-finales et, depuis 2011, le vote du public peut être pris en compte dès le début de la soirée (auparavant, le vote était possible seulement après le passage de tous les concurrents, au moment dit de l'entr'acte). L'ensemble de ces éléments structurels justifie la délimitation temporelle de notre étude, à savoir l'analyse des éditions du concours de la dernière décennie (2011-2020)6.

Ce cadrage temporel trouve une ultérieure justification. Comme nous avons pu l'annoncer en introduction, nous avons décidé d'interroger les stratégies de traduction à l'œuvre dans l'ESC. Pour ce faire, nous nous sommes appliqués à circonscrire géographiquement et linguistiquement un premier corpus de travail : nous allons nous focaliser sur les chansons présentées entre 2011 et 2020 par deux délégations nationales, respectivement française et italienne. Cette délimitation n'est pas seulement due à la proximité que nous avons avec les langues italienne et française. En effet, l'Eurovision a été créé sur le modèle du Festival della canzone italiana de Sanremo. Néanmoins, l'Italie, après avoir inspiré le concours, a déserté la compétition au milieu des années 1990 avant de signer son retour dans la compétition en... 20117.

Corpus d'analyse : France et Italie

Nous avons décidé de nous intéresser conjointement aux participations françaises et italiennes de ces dix dernières années pour plusieurs raisons. La France, comme l'Italie, fait partie des pays initiateurs du concours. Tous les deux sont membres du Big Five (ce n'est plus un Big Four depuis le retour des participants italiens en 2011). Certes, l'emballement pour le concours a subi des hauts et des bas des deux côtés des Alpes, et si les diffuseurs français ont toujours présenté un candidat depuis 1956 (à l'exception des édition 1974 et 1982), ce n'est pas le cas de l'Italie (absente en 1981, 1982, 1986, et sur les périodes 1994-1996 et 1998-2010).

Aujourd'hui, France et Italie présentent également des volumes d'audience conséquents et équivalents. L'importance numérique des téléspectateurs français et italiens, considérable eu égard à l'audience internationale totale comptabilisée chaque année, est surtout due à la démographie totale – elle aussi comparable – de ces deux pays. Du point de vue de l'engouement, on perçoit logiquement un regain d'intérêt notable pour le concours depuis une dizaine d'années en Italie. En France, les audiences ont également subi un rebond positif depuis quelques années, preuve en est le retour en 2015 du programme télévisé sur la grille de la chaîne principale du groupe audiovisuel public (en l'occurrence France 2). Enfin, la place à l'international de la langue officielle de ces deux nations est singulière. Pour le dire à grands traits, le français fait partie des langues les plus parlées, baragouinées et appréciées de l'aire diplomatique et donc eurovisionnesque. L'italien jouit quant à lui d'un prestige culturel. Il n'est pas rare aujourd'hui encore d'entendre quelques phrases en italien, et surtout en français lors de la soirée ESC, comme une réminiscence des premières éditions où la francophonie se taillait la part du lion dans l'audimat du concours. Par ailleurs, les concepts de chanson française comme italienne sont en outre reconnus internationalement, et si leur définition fluctue, il n'en demeure pas moins qu'ils sont immédiatement reconductibles à des styles, des interprètes, voire des gagnants du concours même. Enfin, la part de l'utilisation du français et de l'italien au moment du concours défraie chaque année la chronique. Nous entendons par là que les réactions publiques (notamment politiques et journalistiques) sont très vives, en France comme en Italie, au moment de l'annonce de l'emploi de telle ou telle langue au sein du texte de la chanson du candidat national. Ces réactions sont d'ailleurs amplifiées par la comparaison qui est régulièrement faite avec la proportion d'autres langues comme l'anglais8, l'arabe, l'espagnol, ou encore les dialectes et les langues régionales, dans le texte des chansons présentées à l'Eurovision par l'ensemble des délégations participant à la compétition.

En France, la question linguistique de la chanson qui concourt à l'Eurovision n'est pas l'apanage des partis d'extrême droite. Il y va de l'intégrité de la nation dans sa représentation à l'étranger et moultes personnalités publiques ont à cœur, chaque année, de prendre part au débat9. Dernièrement, c'est dans l'opposition langue anglaise/française dans le texte de la chanson que les débats se sont focalisés10. En Italie, le processus d'omologazione théorisé par Pasolini, est observable via la présence croissante, et peut-être moins polémique qu'en France, de termes anglais dans le langage courant italien. Malgré tout, ces derniers temps, dans un contexte de résurgence du combat autour de l'identité nationale et de la mondialisation, les souverainistes ont vu dans la défense de la langue italienne à l'Eurovision un nouveau cheval de bataille politique, une tribune à travers laquelle exposer des positions plus larges sur des thèmes de société clivants : migration, relations internationales, instruction... En tout état de cause, à travers le positionnement linguistique et les réactions qu'il engendre, le contexte musical pop de l'Eurovision, largement dominé par la langue anglaise, permet de sonder les sensibilités nationales à certaines questions. D'une part, il s'agit donc, chaque année, dans chacun des pays (en particulier ceux qui nous concernent, la France et l'Italie), pour les délégations nationales à l'ESC mais aussi pour les acteurs du débat public, de justifier tel ou tel positionnement linguistique au concours, dans des contextes qui demandent des explications qui outrepassent tout autant le cadre international de l'ESC que celui, national, dans lequel il est reçu (le choix d'une langue pour une chanson ne répond pas uniquement à la question « quelle langue faudrait-il donc choisir pour gagner ? »). La chanson envoyée par une délégation étant censée représenter un pays, elle draine avec elle la représentation qu'une nation a d'elle-même, avec ses traditions culturelles et ses points de friction. D'autre part, en réponse à ces positionnements, des stratégies d'adéquation (traduction, adaptation) ou de contournement linguistique sont imaginées et mises en œuvre au cœur de la performance scénique et chantée. Parce qu'elles sont révélatrices des enjeux politiques qui se nouent derrière leur ostensible technicité, ces dernières se situent précisément au cœur de nos considérations.

Les concours des années 2010

Voici un tableau qui récapitule les classements obtenus par l'Italie et la France de 2011 à 2019. Figurent aussi les pays vainqueurs.

Année / Points obtenus

Vainqueur

Italie

France

2011

Azerbaidjan

2 sur 25

15 sur 25

2012

Suède

9 sur 26

22 sur 26

2013

Danemark

7 sur 26

23 sur 26

2014

Autriche

21 sur 26

26 sur 26

2015

Suède

3 sur 26

25 sur 26

2016

Ukraine

16 sur 26

6 sur 26

2017

Portugal

6 sur 26

12 sur 26

2018

Israel

5 sur 26

13 sur 26

2019

Pays Bas

2 sur 26

16 sur 26

2020

Annulé

Annulé

Annulé

Moyenne

7,9 ème

17,6 ème

L'Italie peut faire valoir une position moyenne de 7,9ème, tandis que la France, même si elle a gagné en régularité ces dernières années, affiche un rang moyen de 17,6. Surtout, l'Italie est montée trois fois sur le podium. À noter une variété extrême dans les délégations victorieuses, même si une tendance d'Europe de l'Ouest se dégage nettement, ce qui n'était pas le cas au cours de la décennie précédente avec notamment les victoires de l'Estonie, de la Lettonie, de la Turquie, de l'Ukraine (entre 2001 et 2004), puis de la Serbie et de la Russie (2007 et 2008)11.

Voyons maintenant quelles langues furent utilisées lors de l'interprétation des chansons françaises et italiennes. Nous avons aussi fait figurer dans ce tableau des données relatives aux chansons arrivées aux trois premières places des neuf éditions.

Année / Langue

Vainqueur

2ème

3ème

France

Italie

2011

Azerbaidjan

anglais

Italie

italien/anglais

Suède

anglais

15

corse

2

italien/anglais

2012

Suède

anglais

Russie

oudmourte/anglais

Serbie

anglais

22

français/anglais

9

anglais/italien

2013

Danemark

anglais

Azebaidjan

anglais

Ukraine

anglais

23

français

7

italien

2014

Autriche

anglais

Pays-Bas

anglais

Suède

anglais

26

français

21

italien

2015

Suède

anglais

Russie

anglais

Italie

italien

25

français

3

italien

2016

Ukraine

anglais/tatar de crimée

Australie

anglais

Russie

anglais

6

français/anglais

16

italien/anglais

2017

Portugal

portugais

Bulgarie

anglais

Moldavie

anglais

12

français/anglais

6

italien
(+ quelques mots en grec ancien, anglais, français, pali et sanskrit).

2018

Israël

anglais

Chypre

anglais

Autriche

anglais

13

français

5

italien

2019

Pays-Bas

anglais

Italie

italien

Russie

anglais

16

français/anglais

2

italien
(+ quelques vers en arabe)

2020

(concours annulé)

(concours annulé)

(concours annulé)

français/anglais

italien

Moyenne

Anglais (8/10)

anglais/tatar (1/10)

portugais (1/10)

Anglais (7/10)

oudmourte/anglais (1/10)

italien/anglais (1/10)

italien (1/10)

anglais (9/10)

italien (1/10)

français (4/10)

français/anglais (5/10)

corse (1/10)

italien (5/10)

italien/anglais (2/10)

anglais/italien (1/10)

italien + qq mots autres (2/10)

Les résultats sont édifiants : l'anglais a été utilisé de manière exclusive pour 8 chansons lauréates sur 10 (9 fois sur 10 pour les seconds, et 7 fois sur 10 pour les troisièmes). L'anglais a aussi été intégré dans de nombreuses autres chansons. De leur côté, le français et l'italien n'ont été employés de manière exclusive que dans la moitié des chansons nationales respectives (utilisation dite « native »), et presque aussi souvent mélangées à l'anglais. À cet égard, France et Italie sont encore comparables. Une autre donnée surgit lorsqu'on compare toutes les chansons proposées en finale à l'ESC entre 2011 et 2019 : en neuf éditions, le français n'a été utilisé que trois fois par d'autres délégations (Lituanie en 2011, Autriche en 2016, Danemark en 2019), et l'italien deux fois (Croatie en 2017, Estonie en 2018)12. Là aussi, la rareté de ces emplois place la France et l'Italie sur un plan équivalent.

En comparaison, les artistes espagnols (l'espagnol est une autre langue forte de l'espace mondial) ont chanté 7 fois en espagnol exclusivement, 2 fois dans un mélange d'anglais et d’espagnol et une seule fois en anglais pour une 19,7ème place en moyenne. À l'inverse, les candidats russes ont quant à eux utilisé l'anglais 8 fois exclusivement, obtenant en moyenne une très honorable 7,6ème place sur neuf éditions (l'édition 2017 n'a pas été comptabilisée dans notre calcul puisque la Russie n'était pas présente au concours à Kiev ; en revanche, pour l'édition 2018 nous avons appliqué une 27ème place – c'est à dire dernier classé lors de la finale moins une place – puisque le représentant n'a pas dépassé le stade de la demi-finale). Il paraît clair que les nouvelles règles du concours ont poussé les délégations à adopter plus largement l'anglais pour leurs chansons13.

Voici un compte rendu publié en 2019 par le quotidien Le Monde à l'approche du concours. Il nous éclaire sur l'impact de l'utilisation des langues nationales officielles lors du concours, et sur la proportion grandissante de chansons anglophones :

Ainsi, les grands pays d’Europe occidentale (France, Espagne, Italie, Portugal et Luxembourg) sont ceux qui chantent le plus dans leur propre langue (accompagnés évidemment de l’Irlande et du Royaume-Uni qui chantent naturellement en anglais). Un second bloc, celui des pays des Balkans, se démarque aussi, avec une part de 60 % à 70 % de langue native dans leurs chansons. Mais au-delà, la proportion des chansons en langue native se situe au-dessous des 50 %, comme en Europe centrale, en Scandinavie, ou en Europe de l’Est (Russie, Biélorussie, Lettonie et Lituanie, formant quasiment un « quatuor balai »).

Le cas des pays nordiques est intéressant, puisque même s’ils affichent une proportion supérieure aux pays d’Europe de l’Est, ils n’ont, en réalité, plus chanté qu’en anglais après 1965 et la prestation d’Ingvar Wixell (sauf une fois chacun pour la Norvège, la Finlande et l’Islande). L’Allemagne n’a également plus chanté en allemand depuis 1998 et la dernière année d’application de ladite règle des langues officielles.14

Bien entendu, le choix des langues d'interprétation n'est qu'un des multiples aspects qui participent de l'efficacité générale d'une chanson en vue d'une victoire. Mais il est fort dans le contexte d'un concours international, et même global, tel que l'Eurovision.

Nous allons désormais laisser de côté les chansons françaises ou italiennes entièrement natives pour nous concentrer sur les chansons traduites au moins partiellement en anglais, afin de nous focaliser sur quelques cas limites qui rendent compte de stratégies claires d'adaptation.

Stratégies françaises

Année

Artiste

Titre

Langue(s)

Classement

2011

Amaury Vassili

Sognu [Je rêve]15

corse

15

2012

Anggun

Echo (You and I)

français, anglais

22

2013

Amandine Bourgeois

L'Enfer et moi

français

23

2014

Twin Twin

Moustache

français, espagnol

26

2015

Lisa Angell

N'oubliez pas

français

25

2016

Amir

J'ai cherché

français, anglais

6

2017

Alma

Requiem

français, anglais

12

2018

Madame Monsieur

Mercy

français

13

2019

Bilal Hassani

Roi

français, anglais

16

2020

Tom Leeb

Mon alliée [The Best In Me]

français, anglais

(concours annulé)

Pour la France, le début des années 2010 a été marqué par plusieurs déconvenues. Prenant la suite de Patricia Kaas (2009, 8ème place) et Jessy Matador (2010, 12ème place), Amaury Vassili a fait chou blanc en 2011 ; en 2012 la star internationale Anggun, pire encore ; idem en 2013 pour Amandine Bourgeois, bien qu'elle fût tout juste auréolée d'un succès dans le télécrochet La Nouvelle Star. Les Twin Twin terminèrent avec 2 points au compteur en 2014. Leur chanson entrainante Moustache, qui est pourtant très appréciée des aficionados encore aujourd'hui, a eu le mérite de provoquer un électrochoc au sein de la délégation française. Celle-ci reçut un nouveau revers l'année suivante avec le score plus que décevant de Lisa Angell (25ème, malgré une campagne d'appui plus conséquente que pour ses prédécesseurs). Ce résultat poussa France TV (à la tête de la délégation française depuis 1983) à repenser en profondeur la stratégie de sélection des chansons16 et, par la même occasion, à réfléchir aux conditions linguistiques de leur interprétation.

Le chanteur Amir inaugura la nouvelle manière de procéder. L'artiste symbolise aux yeux des téléspectateurs le renouveau français à l'Eurovision (pour preuve, sa présence sur les plateaux télévisés de programmes musicaux, et la persistance de ses tournées, largement supérieures à celles d'autres nombreux anciens représentants français ESC de la décennie). [Illustration n°2] La 6ème place obtenue par Amir en 2016, comme son charisme et son plurilinguisme de naissance, lui confèrent un statut certain dans le PAF (Parc Audiovisuel Français).

Sa chanson, J'ai cherché, alliait des couplets en français et un refrain très entrainant en anglais. Nous pouvons observer trois moments spécifiques dans la chanson, dont nous reproduisons ici le premier tiers du texte, qui est représentatif de la structure générale.

You, you

J'ai cherché un sens à mon existence
J'y ai laissé mon innocence
J'ai fini le cœur sans défense

J'ai cherché l'amour et la reconnaissance
J'ai payé le prix du silence
Je me blesse et je recommence

Tu m'as comme donné l'envie d'être moi
Donné un sens à mes pourquoi
Tu as tué la peur qui dormait là
Qui dormait là dans mes bras

You
You're the one that's making me strong
I'll be looking, looking for you
Like the melody of my song
You
You're the one that's making me strong
I'll be looking, looking for you
Like the melody of my song

À la suite du premier couplet, un pré-refrain (ici souligné), en langue française, est chanté en solo par l'artiste, dans le registre aigu, sur une rythmique de clap qui augmente sensiblement la tension. Ce pré-refrain est suivi d'un refrain d'autant plus convaincant (ici en italiques) : introduit et accompagné par un onomatopéique « youou », chanté par un chœur déjà entendu en ouverture de chanson, l'artiste se lance avec entrain dans quelques phrases en anglais qui célèbrent tout autant le thème amoureux qui parcourt la chanson que l'amour de la chanson elle-même (littéralement, la mélodie de cette chanson rendrait plus fort quiconque l'écouterait17). La cellule anglophone est ensuite répétée à l'identique. Ce système pré-refrain-refrain est quant à lui repris cinq fois au total sur l'ensemble de la chanson.

Cette méthode du mélange des idiomes, massive dans la chanson et qui donne tout de même la part belle à la langue anglaise, a été considérée efficace par la délégation française. Elle a été imposée à la chanson de l'artiste Alma l'année suivante (2017). La chaîne France 2 avait d'abord jugé bon de matraquer les téléspectateurs avec des extraits de son titre Requiem pendant plusieurs semaines avant l'édition ukrainienne du concours. La chanson était alors intégralement chantée en français. [Illustration n°3] Le soir de la finale, quelle ne fut la surprise des téléspectateurs d'entendre Alma interpréter la partie centrale du refrain (ici en italiques) dans un anglais mal assuré :

Version originale :

Embrasse-moi, dis-moi que tu m'aimes

Fais-moi sourire au beau milieu d'un requiem

Embrasse-moi, dis-moi que tu m'aimes

Fais-moi danser jusqu'à ce que le temps nous reprenne

Ce qu'il a donné

Un an, deux ans, cent ans de bonheur

Puis la vie te cueille comme une fleur

Fais-moi marrer j'en ai besoin

En attendant que sonne l'heure

Un an, deux ans, cent ans à deux

Et puis un jour on est tout seul

On pleure mais on survit quand même

C'est la beauté du requiem

Version de la finale de l'ESC 2017

Embrasse-moi, dis-moi que tu m’aimes

Fais-moi sourire au beau milieu d’un requiem

Embrasse-moi, dis-moi que tu m’aimes

Fais-moi danser jusqu’à ce que le temps nous reprenne

Ce qu’il a donné

Will you take me to paradise?

With you nothing ever dies

You take my smile and make it bright

Before the night erase the light

I won’t go below silver skies

The only dark is in your eyes

On pleure mais on survit quand même

C’est la beauté du requiem

« On pleure mais on survit quand même », dit le refrain. Ce n'est pas le cas de la chanson, ni de l'interprète qui, hélas, sont peu à peu tombés dans l'oubli. Le score décevant obtenu par Alma nous confirme que la seule anglicisation partielle d'une chanson ne peut être garante d'un classement avantageux. Dans le même ordre d'idée le cas du candidat 2018 peut être rapproché. Bilal Hassani fut sélectionné en janvier 2019 via la seconde édition du programme Destination Eurovision (sur France 2). Le titre Roi fut chanté dès sa première interprétation en anglais et français, dans des proportions équivalentes, à cela près qu'à l'inverse de la chanson d'Amir en 2016, Roi commençait directement en anglais18 (et sa structure musicale donnait d'ailleurs beaucoup d'impact à l'entrée in medias res : alors que l'ouverture de J'ai cherché semblait mal assurée, mal coupée, celle de Roi s'organisait progressivement autour de quelques notes de piano qui invitaient à une entrée en scène de la parole). [Illustration n°4]

Le cas français le plus pertinent pour la problématique qui nous occupe est la chanson Mercy, présentée par le groupe Madame Monsieur en 2018. C'est d'abord le titre de la chanson qui a beaucoup interrogé. La polysémie du terme, ou plutôt sa poly-idiomie, a eu un impact considérable. Le terme merci, qu'on pourrait traduire par thank you en anglais, qui fut souvent et par erreur présenté comme le titre original, n'a pas le même sens que le terme quasi homophone mercy qui, en anglais, signifie plutôt pitié, miséricorde, grâce. L'ambition politique du titre (normalement interdite par le règlement du concours Eurovision) a rapidement été étouffée par la délégation française et les interprètes eux-mêmes, par plusieurs déclarations médiatiques. La chanson raconte en effet le sauvetage d'une jeune femme enceinte au milieu de la mer Méditerranée et la naissance d'une petite fille, finalement dénommée Mercy, sur le pont de l'embarcation humanitaire SOS Méditerranée. A l'approche du concours, les polémiques nauséabondes ont culminé avec les prises de position du Front National19. Annoncée comme l'une des favorites, en particulier pour son style électro à la française, la chanson Mercy a finalement terminé à la 13ème place.

On peut faire un constat : sur la période 2011-2019, les chansons françaises qui ont reçu le meilleur accueil du public de l'ESC étaient chantées dans un mélange de français et d'anglais, et adoptaient généralement un style musical pop assez courant.

Stratégies italiennes

Sur la même période, la délégation italienne a fait preuve d'une créativité que nous pourrions qualifier de plurimodale en termes de choix d'adaptations linguistiques et culturelles au sens large.

Année

Artiste

Titre

Langue(s)

Classement

2011

Raphael Gualazzi

Madness of Love (Follia d'amore)

italien, anglais

2

2012

Nina Zilli

L'amore è femmina

anglais, italien

9

2013

Marco Mengoni

L'essenziale

italien

7

2014

Emma Marrone

La mia città

italien

21

2015

Il Volo

Grande amore

italien

3

2016

Francesca Michielin

No Degree of Separation

italien, anglais

16

2017

Francesco Gabbani

Occidentali's Karma

italien

6

2018

E. Meta & F. Moro

Non mi avete fatto niente

italien

5

2019

Mahmood

Soldi

italien

2

2020

Diodato

Fai rumore

italien

(annulé)

En 2011, Raphael Gualazzi avait traduit partiellement sa chanson. Follia d'amore est ainsi devenue, pour l'Eurovision, Madness of love, avec de longues parties en anglais, soutenues par un style jazzy surprenant, nettement plus proche de la tradition musicale anglophone que de la pop italo-méditerranéenne : le grand retour de l'Italie au concours a été sanctionné par une seconde place.

L'année suivante, Nina Zilli a persisté dans cette voie en donnant davantage de place aux couplets traduits en anglais : une 9ème place, alors que sa prestation fut surtout remarquée pour un autre type d'adaptation sémantique, à savoir une imitation vestimentaire. D'aucuns virent aussi bien dans la musique proposée que dans l'apparence scénique de Zilli une résurgence assumée des caractéristiques multiples de la chanteuse britannique Amy Winehouse, décédée quelques mois plus tôt.

[Illustration n°5] [Illustration n°6]

En Italie, la polémique culturelle et linguistique la plus forte a été soulevée par la participation de Mahmood en 2019. Le chanteur, qui a la double nationalité égyptienne, a été médiatiquement et symboliquement déchu de sa nationalité italienne pour avoir intégré quelques phrases en arabe dans sa chanson. Matteo Salvini, le chef de file de la Ligue du nord, parti xénophobe historique, était alors en position de force dans le gouvernement de coalition qu'il avait mis sur pied avec le Mouvement 5 étoiles. Cette critique de l'italianité du candidat, aussi infondée qu'insensée (d'autant que l'artiste n'est pas vraiment locuteur de langue arabe), était née lors de la finale du festival de Sanremo20. [Illustration n°7] Mahmood avait créé la surprise en détrônant lors de la dernière soirée du concours le malheureux favori, l'artiste Ultimo (l'onomastique fait quelquefois des pieds de nez inattendus). [Illustration n°8] Ultimo avait présenté une chanson d'amour typiquement « à l'italienne » : claviers prépondérants, thème d'amour, seul en scène, envolées dans les aigus. Cette chanson avait été plébiscitée par le public, alors que Mahmood avait plutôt obtenu les faveurs des journalistes et des critiques. Ce dernier remporta le concours sur la ligne d'arrivée. Il est probable que la question linguistique, intimement liée à celle identitaire et donc politique, ait finalement joué en la faveur de l'artiste, même si, à l'échelle du concours Eurovision, c'est surtout le rythme hiphop et RnB très enlevé de la chanson qui lui a permis d'arriver sur le podium.

Traduction du titre et d'une partie de la chanson, adaptation stylistique musicale, scénique ou vestimentaire... On peut remarquer pour ces candidats italiens une tendance à l'imitation de codes très divers, plus proches des traditions britanniques ou anglo-américaines. Terminons notre tour d'horizon avec Non mi avete fatto niente [Vous ne m'avez rien fait], d'Ermal Meta et Fabrizio Moro, chanson présentée à l'édition 2018. Le texte de la chanson est entièrement en italien. Celui-ci évoque les différents attentats perpétrés par les fanatiques à travers le monde (Charlie Hebdo, Bataclan, Barcelone...) et la combativité que lui oppose la cohésion d'un monde civilisé. Les artistes ont associé à l'interprétation un système de surimpression plurilingue lors de la diffusion télévisuelle de l'ESC : en somme, chaque phrase clé de la chanson interprétée en italien était traduite dans une langue étrangère. Quinze langues furent alors employées, à l'écrit, et pas seulement celles des locuteurs de pays concurrents (on put lire une phrase en chinois, par exemple, alors que la Chine ne participe pas au concours et qu'aucun pays régulièrement inscrit à l'ESC ne présente le chinois dans la liste des langues nationales officielles). Cette technique de l'overlay a été choisie afin d'évoquer, à travers la musique et la lecture conjointe du texte traduit, la force universelle d'un message voulant dépasser les frontières culturelles et linguistiques. Il faut, en parallèle souligner la sobriété scénique de la prestation italienne à l'ESC 2018, alors que la scène du concours offre de larges possibilités techniques à chaque délégation. Le duo italien opta en effet pour un dépouillement total du plateau, qui résonnait avec le recueillement implicite inhérent à la tonalité habitée de la chanson. [Illustration n°9] [Illustration n°10] [Illustration n°11]

Au cours de ses dix dernières participations à l'Eurovision, la délégation française semble avoir pris à bras le corps la question de l'anglicisation générale du concours, cédant à, et participant ainsi de, l'inévitable dimension globale de ce dernier. Néanmoins, si le glissement vers l'emploi de la langue anglaise se confirme nettement, même parmi les délégations les plus rétives au globish21, il paraît insuffisant à garantir une victoire. De son côté, le retour de l'Italie sur la scène de l'ESC a révélé une tendance, plus large et plus variée, à l'adaptation culturelle. L'ensemble des techniques que nous avons répertoriées vont dans le sens d'une acceptation toujours plus grande de la part intermédiale du phénomène Eurovision, qui s'ajoute à son inscription planétaire. Par extension, ce double constat fait surgir la finesse de l'imbrication des codes musicaux, politiques et culturels au sein d'un concours qui se veut tribune de l'écoute entre les nations.

Note de fin

1 Cf. (PAJALA, 2012).

2 Nous renvoyons notamment aux travaux de (PANEA, 2017), et surtout à l'essai de (MOLYNEAUX, 2015).

3 Il semblerait que le fait d'interpréter la chanson le plus tard possible dans la soirée du concours, et donc au plus près du moment du vote international – qui était par le passé possible uniquement après que toutes les chansons avaient été présentées – ait pu influencé les scores des candidats. Chanter parmi les derniers concurrents permettait aux délégations de jouir d'une audience internationale plus importante mais aussi de profiter d'une proximité mémorielle avec le public votant, les premières chansons de la soirée ayant été probablement oubliées au moment de voter au profit des dernières chansons tout juste interprétées.

4 Rappelons que le concours n'oppose pas les nations mais bien des chansons, choisies par des délégations, elles-mêmes mandatées par un diffuseur (radio, TV), qui doit être membre de l'UER (cette affiliation est fondamentale). L'appellation « Eurovision », qui s'est imposée dans le langage courant, prête également à confusion quant à l'appartenance des délégations qui concourent : ces dernières ne sont pas forcément envoyées par des diffuseurs de pays membres de l'Union Européenne. Pour fluidifier nos propos, nous adopterons pour la présente étude le raccourci langagier habituel qui consiste parfois à dire « France » en lieu et place de « chanson interprétée par un·e artiste désigné·e par la délégation mandatée par le principal diffuseur radio/télé français qui est membre de l'UER ».

5 Cf. (SOFRONIS, THANASIS, 2006); (GINSBURGH, NOURY, 2008, 41-52) ; GLEYZE, 2009).

6 La compétition 2020 a été annulée en raison de la crise du Covid-19, bien qu'une soirée spéciale ait fait intervenir la plupart quelques-unes des chansons qui avaient été choisies pour concourir à l'ESC 2020. Nos considérations sur l'année 2020 restent donc ponctuelles et doivent être appréciées d'une manière particulière.

7 L'absence de l'Italie à l'ESC fut due conjointement à des intérêts privés des diffuseurs italiens, à une certaine désaffection du public pour le programme dont les audiences avaient très largement chuté dans la péninsule, et à des tensions entre la délégation italienne et des membres de l'UER suite à l'organisation – considérée comme ratée – du concours en 1991 à Rome.

8 « […] despite the event being multinational it is becoming less and less multilingual. There is what Heller describes as the 'governing Eurovision logic', which dictates that in order to win you must sing in English. [...] 'The fact is, pop music is an Anglophone thing. Pop has to be sung in English, no matter how jingoistic that sounds. You cannot sing pop music in Swedish or Serbo-Croat.' », (MOLYNEAUX, 2015, 1).

9 « The central and most prominent country leading the charge against the increased use of English is France, which over the past few decades has become increasingly wary of the negative effects the rise of English has had on its own language, and has taken measures to counter the effects. These measures include a law being introduced in 1994 to 'counter the increasing use of English'. 'The power associated with English', says Phillipson, 'affects the fate of other languages that have been widely used in international relations, in particular French'. », Ibidem, p. 28. Nous renvoyons plus généralement aux p. 24-30 du travail de MOLYNEAUX, 2015 et particulier le paragraphe intitulé « 3.2 - The Negative Impacts of English ».

10 « “Not being able to win the contest since 1977, the French who are known with their commitment to their language tried their chance by a song with lyrics mostly in English, creating a heated debate in the country. Ruling UMP Party lawmaker Gonnat brought the issue to the parliament. … The event garnered extensive space in English press, and The Times defended the view that the French decision means a ‘victory of English’“ (Cumhuriyet Newspaper, 17 April 2008). The above news item with the headline “France’s Eurovision defeat” is one of the news articles which clearly reveal that the ESC is completely a cultural struggle. When “language”, one of the most important elements that form and shape the culture, was left behind by the French, it was assessed by the British as victory, and a cultural defeat by the French. In a contest platform where national identities are represented, presentation by a language other than its own constitutes a problem in countries which did not lose their sensitivities over their traditions. This contradiction which can be expressed as reaching larger masses by a song in English or addressing a more confined mass in its own language, is an outlook of Turkey’s relation which it established with modernity; and it is one of the titles which Eurovision keeps alive the gap which does not (cannot) be closed between tradition and modernity. », (SIVGIN, 2015, 210).

11 Sur les langues employées par ces chansons, voir (PANEA, 2017, 99).

12 À titre de comparaison, en 1956, lors de la première édition du concours, sept chansons furent interprétées en français et deux en italien (quatorze au total).

13 « The most noticeable aspect of Table 1 [which shows the Eurovision languages including semi-finals (1998-2015)] is the huge increase in the use of English as soon as the language rules were relaxed in 1999. The percentage rise from 12 per cent to 52 per cent shows the extreme change that occurred due to the rule alteration. » (MOLYNEAUX, 2015, 22). En réalité, la part d'anglais dans les chansons présentées au concours est même passée de 56% à 86% entre 2011 et 2015, et s'est maintenue à des niveaux similaires depuis.

14 <URL : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/05/12/l-anglais-de-plus-en-plus-present-au-concours-eurovision-de-la-chanson_5297994_4355770.html>

15 Entre crochets figure la traduction du titre donnée par les organisateurs du concours. Les parenthèses simples sont en revanche présentes dans certains titres originels complets (ex : Echo (You and I)).

16 Sans toutefois renoncer au principe de sélection interne – donc sans compétition nationale – en vigueur depuis 2008.

17 Nous renvoyons à SZENDY, 2008, et en particulier au chapitre « Parole, parole, parole (le désir de soi) », p. 24-29.

18 « I am me/And I know I will always be/Je suis free oui, j'invente ma vie/Ne me demandez pas qui je suis/Moi je suis le même depuis tout petit/Et malgré les regards les avis/Je pleure, je sors et je ris//
You put me in a box, want me to be like you/Je suis pas dans les codes, ça dérange beaucoup/At the end of the day you cannot change me, boo!/Alors laisse-moi m'envoler//
I'm not rich but I'm shining bright/I can see my kingdom now/Quand je rêve, je suis un roi/Quand je rêve, je suis un roi/I'm not rich but I'm shining bright/I can see my kingdom now/Quand je rêve, je suis un roi//
And I kno-o-o-ow even tho-o-o-ough/You tried to take me down, you can not break me now/Toutes ces voix,fais comme ci, fais comme ça/Moi je les cala pas, you can never remove my crown//
Who are we?/When we hide, when we fight for free/Only God can judge you and me/Ce qu'on est, on ne l'a pas choisi/On choisit/Son travail, sa coiffure, ses amis/Sa routine, parfois l'amour aussi/Ça passe ou ça casse mais ça regarde qui?//
I'm not rich but i'm shining bright/I can see my kingdom now/Quand je rêve, je suis un roi/Quand je rêve, je suis un roi/I'm not rich but I'm shining bright/I can see my kingdom now/Quand je rêve, je suis un roi//
And I kno-o-o-ow even tho-o-o-ough/You tried to take me down, you can not break me now/Toutes ces voix, fais comme ci, fais comme ça/Moi je les cala pas, you can never remove my crown//
Quand je rêve, je suis un roi » (Source : LyricFind, Paroliers : Bilal Hassani / Emilie Sattonnet / Jean-Karl Lucas / Remi Tobbal, Paroles de Roi © Universal Music Publishing Group).

19 https://www.breizh-info.com/2018/01/30/87854/madame-monsieur-mercy-a-leurovision-reglement ; https://www.ouest-france.fr/ile-de-france/paris-75000/attaque-au-couteau-paris-le-fn-lie-terrorisme-et-la-chanson-mercy-5758631

20 Rappelons que le gagnant du mythique concours de la chanson de Sanremo est, le plus souvent, invité par la suite à représenter l'Italie à l'ESC de la même année. Ce fut le cas pour Mahmood en 2019.

21 « Some authors agree that using a native language instead of English can actually have a positive influence on the overall reception of a performance. Pajala [in « Europe, with Feeling: The Eurovision Song Contest as Entertainment », in Performing the 'New' Europe: Identities, Feelings and Politics in the Eurovision Song Contest, Basingstoke: Palgrave Macmillan, 2013, p. 89] notes that when confronted by a strong performance in a foreign language it is no longer 'necessary to understand the lyrics', but instead the song can be sung by anyone as the feeling has taken precedence over the language. » (MOLYNEAUX, 2015, 10).

Citer cet article

Référence électronique

Stéphane Resche, « Stratégies de traduction à l'Eurovision Song Contest (2011-2020) : éléments d'analyse des chansons candidates françaises et italiennes », La main de Thôt [En ligne], 8 | 2020, mis en ligne le 02 décembre 2020, consulté le 28 mars 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/lamaindethot/848

Auteur

Stéphane Resche

Université Paris-Est Créteil
stephaneresche@gmail.com