Plan

Texte

Le dialecte et la langue non-standard sont indéniablement les mal-aimés des traducteurs (ou les montagnes à gravir pour les plus courageux) qui s’accordent tous à dire que la traduction de la variété linguistique relève de l’exploit, quand elle n’est pas tout simplement inaccessible. Un traducteur qui s’engage à traduire un texte marqué se doit d’envisager sa tâche d’un point de vue socio-culturel et historique avant même de considérer les contraintes linguistiques. Les théoriciens ne sont que trop conscients des inégalités existant entre les langues, de celles qui sont considérées comme dominantes jusqu’à celles des minorités trop souvent ignorées, et les écrits de Lawrence Venuti dénoncent très clairement les tendances ethnocentriques de la traduction littéraire (VENUTI, 1995).

La variété linguistique qui nous intéresse ici est la langue anglaise telle qu’elle est parlée sur l’île irlandaise ; souvent qualifiée d’hiberno-anglais (le préfixe provenant du mot latin Hibernia qui signifie Irlande), elle est définie par Dolan comme suit : « In Ireland, Hiberno-English means that you have two languages in a kind of unruly shotgun marriage together, fighting all the time over the centuries, for syntax, pronunciation, vocabulary, idiom » (AMADOR-MORENO, 2007, 214). L’auteur Roddy Doyle offre une des représentations les plus réalistes de cet hiberno-anglais et se voit aujourd’hui compter parmi les grands noms de la littérature irlandaise : « Like Synge with his Aran Islanders or O’Casey with his slum-dwelling Dubliners, Doyle has the gift of transcribing precisely (and enjoyably) a vernacular dialect » (WHITE, 2001, 9). Si Doyle a permis à une communauté géographique et sociale de s’exprimer en littérature, c’est majoritairement à travers la retranscription aussi fidèle que possible du discours de ses personnages. Etant donné que la parole des protagonistes les inscrit dans un univers reconnaissable, nous proposons, dans le cadre de cet article, d’examiner les résultats des traductions proposées à partir d’exemples tirés d’un corpus de textes composé de cinq œuvres de Roddy Doyle et de leur version française : The Commitments (1988), The Commitments (trad. Isabelle D. Philippe, 1996), The Snapper (1990), The Snapper (trad. Bernard Cohen, 1996), The Van (1991), The Van (trad. Isabelle Py Balibar, 1996), The Woman Who Walked into Doors (1996), La femme qui se cognait dans les portes (trad. Isabelle D. Philippe, 1997), Paula Spencer (2007) et Paula Spencer (trad. Isabelle D. Philippe, 2012)1. Le choix de ce corpus paraît judicieux car, s’il a l’avantage de présenter une homogénéité quant à l’écriture de l’auteur (il est composé d’une trilogie et de deux volumes portant sur le même personnage), trois traducteurs différents se sont chargés de le rendre en français. Par conséquent, l’analyse traductologique offre la possibilité d’examiner les diverses approches, mettant à jour leurs similitudes ou leurs dissemblances, afin d’en tirer des conclusions sur le résultat de chacune.

1. Standardisation

La standardisation a longtemps dominé la traduction des dialectes. Présentée sous le terme de « normalization » dans l’article d’Alexandra Assis Rosa, elle est définie ainsi : « a corresponding change from source text stigmatized or less prestigious literary varieties to the most prestigious variety in the target text : the standard » (ASSIS ROSA, 2012, 87). Cette stratégie prime sur les autres approches employées lors de la traduction littéraire des variétés linguistiques et la contrainte d’adhérer aux normes écrites de la rectitude littéraire est à la fois due à un automatisme profondément implanté dans la pratique traductrice et à une influence du processus de publication, car il serait imprudent de négliger dans notre réflexion la dimension éditoriale de la traduction. Le traducteur se voit dans l’obligation de prendre en compte la place que la littérature source occupe dans la culture cible et plus la langue est minoritaire, et donc méconnue en dehors de la culture source, plus elle tendra à être normalisée en traduction. Massimiliano Morini revient sur sa propre expérience de la traduction en italien de Sunset Song de Lewis Gibbon et évoque les conditions culturelles qui ont déterminé les stratégies appliquées (MORINI, 2006, 123-140). Dans les pays non anglophones, la littérature anglophone est souvent considérée comme un ensemble et on offre peu d’attention à l’origine exacte de la langue, pourtant fondamentale si l’on considère la dimension identitaire. Ainsi, en Italie, la caractéristique écossaise de l’écriture est négligée puisque, aux yeux du lecteur, le texte appartient au genre des œuvres de langue anglaise en général, comme l’explique Morini :

Though Italian readers are generally aware that Walter Scott is a Scottish writer, they will not think of Scottish literature as a separate tradition from English […] literature, but merely as English literature written in Scotland. (MORINI, 2006, 128)

Ritva Leppihalme prend également en compte la valeur du texte source au sein de la communauté littéraire cible et admet qu’un auteur peu connu (ou reconnu) aura tendance à subir plus systématiquement une stratégie standardisante de la part du traducteur (LEPPIHALME, 2000, 247-269). En effet, elle insiste sur l’importance des attentes du lectorat cible et fait remarquer que plus le langage est marqué, plus le public est réduit :

From a distance, the linguistic details that make up the richness of a particular author’s language can be nearly invisible. A translator may want to highlight them only if all other circumstances make the effort worth his or her while, and in that case, the cost will include a reduction in the size of readership if we assume (as, realistically, I think we must) that the majority of general readers would not prioritize linguistic individuality. (LEPPIHALME, 2000, 267)

Cette notion corrobore la théorie insistant sur la place du texte source dans la hiérarchie littéraire, ainsi une œuvre jugée « grand public » sera plus facilement adaptée au contexte cible afin d’atteindre un plus grand nombre de lecteurs et les spécificités linguistiques seront alors les premières à disparaître au profit d’une version standard (et donc plus accessible) de la langue. Dans le cas qui nous intéresse, l’intention de la maison d’édition n’était vraisemblablement pas de s’adresser à un lectorat élitiste spécialiste de la culture irlandaise mais plutôt de profiter du succès commercial des adaptations cinématographiques et de la renommée du lauréat du Man Booker Prize de 1993 pour vendre ses romans en France. Pour justifier cette hypothèse, citons le fait que les éditions Robert Laffont ont choisi de faire traduire la Trilogie de Barrytown par trois traducteurs différents privilégiant le délai de publication au-delà de la cohérence stylistique. Il semblerait donc que la priorité ait été donnée à la vitesse de production, ce qui impliquerait une volonté de vendre rapidement et de toucher le plus grand nombre en diffusant les trois parties d’une même trilogie simultanément. Nous pouvons suggérer que l’accès au grand public ait primé et que la valeur minoritaire de l’origine irlandaise des œuvres a alors disparu au profit d’une généralisation de la littérature anglophone, ce qui entraînerait naturellement une tendance standardisante.

1.1 Grammaire et syntaxe

Le relevé des traductions démontre une impossibilité de transmettre en français les décalages grammaticaux de l’original. Par conséquent, on assiste au gommage des formes marquées par la variété au profit d’un agencement syntaxique neutre qui ne permet pas d’entrevoir un écart avec la norme.

Lors de l’utilisation des « perfectifs incomplets2 » (HICKEY, 2005, 44), une traduction littérale est inconcevable puisqu’elle entraînerait une incompréhension totale en langue cible. La normalisation de la construction syntaxique au profit d’expressions plus naturelles en français standard apparaît comme la seule solution acceptable :

TS

D’yeh expect me to cough up every time the man thinks Leslie done somethin’? (p. 96)

Tu voudrais que j’allonge du fric à chaque fois qu’il « pense » que Leslie a fait quoi que ce soit ? (p. 259)

TV

I seen yeh, said Jimmy Sr, again. (p. 111)

Je vous ai vues, point. (p. 286)

PS

I seen you drinking Coke. (p. 99)

Je t’ai vue boire du Coca. (p. 189)

La rigidité de la langue française est notoire et n’encourage pas la création de formes grammaticales non reconnues. Cette hypothèse est confirmée par les exemples de l’inversion à la forme interrogative indirecte typique de l’hiberno-anglais3. La traduction a été systématiquement standardisée dans le texte cible pour donner à la phrase une construction syntaxiquement acceptable :

TS

She remembered Jackie was asking her was she alright. (p. 29)

Elle se rappelait que Jackie lui avait demandé si elle allait bien. (p. 69)

TWW

I asked Jack was she in his class. (p. 82)

J’ai demandé à Jack si elle était dans sa classe. (p. 146)

PS

She wonders have they remembered. (p. 15)

Elle se demande s’ils y ont pensé. (p. 24)

L’examen de ces divers extraits met en avant les obstacles que posent les détournements de la grammaire et de la construction syntaxique par la langue non-standard lorsque celle-ci doit être rendue dans une langue dont la rigidité est notoire. Evoquons ici l’existence en hiberno-anglais d’une variété de formes pour le pronom sujet de la deuxième personne du pluriel « you » (HICKEY, 2005, 270-271), que l’on retrouve sous la plume de Doyle en tant que « ye », « yis » et « youse »4. Comment rendre en français cette subtilité lorsque seul le pronom « vous » est à la disposition du traducteur ? Il semble inconcevable d’inventer un nouveau pronom et la tendance standardisante qui en découle paraît inévitable, comme le prouvent les extraits ci-dessous où le pronom a quasi-systématiquement5 été remplacé par le pronom pluriel « vous » en traduction :

TC

—Wha’ tracks are yis doin’? Jimmy asked. (p. 13)

- Et sur quel morceau vous travaillez ? demanda Jimmy. (p. 15)

—Fuck up, youse, said Jimmy. —Tha’ was years ago. We were all fuckin’ eejits then. (p. 52)

- Vos gueules, vous deux, trancha Jimmy. C’était il y a des années. On était tous des petits cons à l’époque. (p. 123)

TS

D’yis know wha’ they had me doin’ today, do yis? Yis won’t believe this. (p. 63)

- Vous savez ce qu’ils m’ont fait faire aujourd’hui ? Je vous le donne en mille. Vous ne devinerez jamais. (p. 162)

—Fuck off, youse, said Bimbo. (p. 41)

- Oh, allez vous faire foutre ! dit Bimbo. (p. 99)

TV

—I’ll have to leave yis now, I’m afraid, he told them. — We’re a bit understaffed in the kitchen. (p. 134)

- Il faut que je vous quitte maintenant. On manque un peu de personnel aux cuisines. (p. 347)

—Will youse go with Billy, lads? he asked Muggah McCarthy and Pat Conlon. (p. 19)

- Vous voulez pas aller avec Billy, les gars ? demanda-t-il à Muggah McCarthy et à Pat Conlon. (p. 39)

TWW

—Now Father O’Hanlon has a few words he wants to say to yis. (p. 112)

- A présent, le père O’Hanlon veut vous dire quelques mots. (p. 205)

PS

What’s it like for them? Are yis not freezing? (p. 39)

Comment vivent-elles ça ? Vous ne gelez pas ? (p. 70)

Il est évident qu’il s’agit ici d’un manque essentiel d’équivalence dynamique issu d’un vide grammatical en langue française puisque seul « vous » existe pour indiquer la deuxième personne du pluriel, or l’invention de tournures grammaticales n’est pas encouragée en littérature de langue française, comme le remarque Françoise Wuilmart : « en français il faut être poète ou avoir la bénédiction de l’Académie pour se livrer au moindre bouleversement linguistique » (WUILMART, 2007, 133).

1.2 Dialecte visuel

Le dialecte visuel fournit une transcription phonétique de la variété linguistique employée par les personnages. La difficulté de la traduction de la langue non-standard est intimement liée à l’écart présent entre cette dernière et la « norme » qui se manifeste non seulement à travers la grammaire et le lexique, mais est également présente dans l’orthographe. Par conséquent, la variété linguistique peut être marquée par une divergence graphique, en particulier dans le cas de la recréation littéraire des accents. Cette pratique, dite du « dialecte visuel » (KRAPP, 1925), permet à l’auteur de faire parler ses personnages de façon à ce que le lecteur puisse entendre la langue et reconnaître à l’oreille une variété qui apparaît déjà sous la forme syntaxique. Le dialecte visuel, qui « désigne ainsi toute déviance vis-à-vis des conventions orthographiques d’une langue donnée, déviance qui a pour but de représenter une transcription de la langue orale » (LOOCK, 2012, 41), fait partie intégrante de la construction écrite de la variété linguistique. S’il offre une dimension de plus à la fidélité de la production littéraire du discours, le dialecte visuel représente en revanche un obstacle phénoménal au moment de la traduction. Cette transcription quasi-phonétique du langage étant fondée sur la prononciation, comment la reproduire dans une langue autre ? Pis encore, lorsque la langue cible est le français puisqu’il n’offre que peu d’écart par rapport à d’autres formes linguistiques plus souples : le dialecte visuel « représente un réel défi pour le traducteur, notamment lorsqu’il s’agit de traduire vers le français, langue réputée normative, bien plus frileuse que l’anglais au regard du respect de la norme » (LOOCK, 2012, 40). La souplesse orthographique de la langue anglaise, en effet, offre une palette riche d’options :

Few languages display such a tenuous relationship between sound and orthographic representation as there is in English, hence, the use of eye dialect sensu stricto may not be feasible in the target language. (BRETT, 2009, 50)

Le discours en langue cible des personnages de notre corpus n’offre pas d’indications particulières de leur façon de s’exprimer, hormis un unique exemple, exploité à deux reprises dans la traduction de TS, de la tentative de représentation en français de l’éventail de façons de se saluer :

Hiyis, she said when she got there.

—Oh, howyeh, Sharon.

Hiyeh, Sharon.

Howyeh, Sharon.

Hiyis, said Sharon. (TS p. 12)

- Sa-lut, dit-elle en arrivant à leur portée.

- Oh, saluuuut, Sharon.

- Saaaalut, Sharon.

- Sa-lut, répéta Sharon. (p. 23)

Hiyis, she said.

Hiyeh, Sharon.

—Ah howyeh, Sharon.

Hiyis, said Sharon. (TS p.33)

- Sa-lut, dit-elle.

- Saaaalut, Sharon.

- Oh, saluuuut, Sharon.

- Sa-lut, répéta Sharon. (p. 77)

Ces deux exemples soulignent que la transcription ne porte pas sur la même unité sémantique : là où l’anglais demande « comment ça va ? » le français salue uniquement. Il aurait été aisé de varier les questions : « Comment ça va ? / Ça va ? / Ça va bien ? / Tu vas bien ? » mais le traducteur a clairement choisi de privilégier l’expression orale démontrant une volonté de ne pas négliger la particularité du texte source. Le choix de la multiplication des voyelles, sans être nécessairement une reproduction fidèle d’un accent spécifique, a l’avantage de signaler un décalage de la norme. Si le lecteur cible ne trouvera pas dans le texte cible un écho à un accent reconnaissable en langue française, il se trouvera néanmoins interpellé à s’interroger sur la présence d’indications phonétiques. Pourtant, l’analyse des autres marqueurs de dialecte visuel présents dans notre corpus a souligné l’incapacité d’avoir systématiquement recours à cette solution. Ainsi, la particularité de l’orthographe « oul’ », qui représente la prononciation hiberno-anglaise de l’adjectif « old » (DOLAN, 2006, 179), a entièrement disparu puisque l’adjectif français « vieux » n’offre pas d’alternatives phonétiques :

TC

He’s a fuckin’ oul’ fella. (p. 37)

Mais merde, c’est un vieux ! (p. 89)

TS

They’d be better company than your oul’ fella annyway, wha’. (p. 11)

En tout cas, ce sera une meilleure compagnie que ton vieux père, non ? (p. 22)

TV

It’s cos they’re afraid their oul’ ones’ll catch them if they drink in the Hikers, Anto told Bimbo and Jimmy Sr. (p. 17)

C’est parce qu’ils ont peur de se faire piquer par leurs vieux s’ils vont au Hikers, cafta Anto. (p. 41)

TWW

I sound like an oul’ one. (p. 17)

Je parle comme une vieille. (p. 23)

PS

They’re young. She’s the oul’ one again. (p. 39)

Elles sont jeunes, Paula est encore la vieille. (p. 70)

Le discours des personnages de Doyle est constamment marqué par sa spécificité phonétique. Tout au long du texte, le langage est reproduit de façon à faire entendre leur accent, comme l’indique l’apocope de la consonne finale que l’on trouve dans « wha’ », « tha’ », « righ’ », ainsi que dans les terminaisons en « -in’ ». La langue qui apparaît dans les textes cibles, en revanche, est normalisée au niveau orthographique :

TC

Is tha’ abou’ righ’, Joey? he asked. (p. 39)

Ça va à peu près, Joey ? demanda-t-il. (p. 94)

TS

—Is tha’ wha’ yis’re callin’ him?

—That’s righ’, said Jimmy Sr. (p. 20)

- C’est comme ça que vous l’appelez ?

- Oui, confirma Jimmy Sr. (p. 43)

TV

Say we go into town, righ’; we go into town an’ we try an’ get into one o’ those disco bars, righ’? (p. 25)

Si par exemple on allait en ville, hein ? On va en ville et on essaye d’entrer dans un de ces fameux bars disco, okay ? (p. 59)

TWW

Fuck off, you, righ’. (p. 36)

Lâche-moi, toi, d’accord ? (p. 53)

Les outils employés par Doyle pour indiquer l’accent de ses personnages ne s’arrêtent pas là ; on trouve également dans l’intégralité de notre corpus l’orthographe « yeh » pour « you », puis dans la Trilogie la prononciation représentative de la région dublinoise est signalée à travers la double consonne de « any » transformant le son vocalique de la première syllabe en « anny » et « annyway », enfin certaines écritures divergentes marquées de syncopes sont parsemées au fil des romans : « oney » (pour « only » TC), « prob’ly » (pour « probably » TS, TV), « def’ny » (pour « definitely » TS, TV), et tant d’autres. La disparition très courante en traduction des marqueurs phonologiques apparaît régulièrement au sein des études traductologiques et notre réflexion sur la question ainsi que les vaines tentatives de solution subséquentes nous forcent à admettre une incapacité à répondre aux exigences du texte source.

1.3 Résultat

La constatation d’Antoine Berman selon laquelle « translation is a powerful centralizing anti-dialectal agent » (ASSIS ROSA, 2012, 88) est illustrée par les exemples présentés ci-dessus. En effet, Alexandra Assis Rosa envisage la langue comme un ensemble de cercles concentriques où chaque couche partant du centre s’éloigne un peu plus du standard, allant de l’oralité au sociolecte, en passant par le géolecte. Lorsque les marqueurs grammaticaux et phonétiques du dialecte de l’hiberno-anglais dublinois sont omis, le texte cible offre une forme neutre qui tend à ramener la langue au centre de la sphère linguistique où le langage est le moins spécifique. Les relevés de notre corpus tendent à corroborer la généralité de cette théorie puisque, sans même s’être concertés, les trois traducteurs ont naturellement appliqué des stratégies similaires pour surmonter l’obstacle posé par la langue non-standard. Le risque de cette homogénéité est un effacement du particulier et de l’étrange au profit du normal et du connu ; le géolecte irlandais avec ses accents, son lexique et sa grammaire disparaît du texte cible pour devenir un français standard, indiscernable géographiquement. Une telle conséquence est particulièrement dommageable dans ce corpus de Doyle où, comme le souligne Lisa McGonigle : « the connection between voice and identity is of paramount importance in this text » (MCGONIGLE, 2005, 169). Les limitations de la traduction des dialectes ou langues non-standard sont évidentes à la lueur des divers exemples et nombreux sont les théoriciens qui soulignent les pertes du texte source dans ce cas précis. Tandis que Gregory Rabassa, traducteur de Gabriel Garcia Marquez, parle d’impossibilité de traduction pour les idiomes locaux ou régionaux (FAWCETT, 1997, 121), Karen Bruneaud-Wheal remarque que « [t]raditionnellement le non-standard (lorsqu’il est mentionné dans les théorisations sur la traduction) est considéré comme étant à la limite de l’intraduisible pour les théoriciens et les traducteurs » (BRUNEAUD-WHEAL, 2010, 5). Même les traducteurs qui se sont sérieusement penchés sur la question pendant leur travail (ce qui n’est pas nécessairement le cas) constatent avec regret que, malgré leurs efforts, le résultat demeure en deçà de leurs attentes : « normalization and simplification seem once again to be the unconscious toll to be paid if a text is to be transferred from one language and culture to another » (MORINI, 2006, 135). De plus, le français, dont la forme est codifiée par l’Académie Française, admet difficilement la distorsion, comme l’explique Karen Bruneaud-Wheal qui estime que la langue anglaise « se prête plus facilement que le français à la création, donc à la variation » (BRUNEAUD-WHEAL, 2010, 13), ce à quoi Annie Brisset ajoute que la traduction des sociolectes en français est compliquée par la présence d’un « vide linguistique dans le système normatif de sa littérature » (BRISSET, 1990, 299). Le risque évident de la normalisation est la disparition d’un élément constitutif du récit, voire même l’introduction d’une nouvelle caractérisation des personnages : « The effect of such linguistic normalisation is to distort the social identity of the characters of Doyle’s text » (HORTON, 1998, 428).

Si la syntaxe réordonnée de façon à être correcte en langue cible va à l’encontre du non-standard qui disparaît entièrement au niveau grammatical, il est en revanche possible d’offrir aux personnages un langage marqué par l’oralité. Cette démarche gomme les spécificités du dialecte sans pour autant le normaliser entièrement ; comme le constate Karen Bruneaud-Wheal : « Il s’agit là d’un processus de standardisation partielle qui faillit à représenter le discours comme ‘autre’, et le ramène, dans un mouvement ‘ethnocentrique’, à un stéréotype local (langue vaguement familière) » (BRUNEAUD-WHEAL, 2010, 12).

2. Standardisation partielle

Il s’agit alors de créer un nouvel espace linguistique, un entre-deux, qui permettra de véhiculer les éléments étrangers dans un cadre compréhensible dans la culture cible. Ce système met ainsi en avant le décalage du langage par rapport au standard de la langue cible sans pour autant s’attacher à une variété linguistique reconnue. Dans la plupart des cas, étant dans l’impossibilité de trouver au sein de la culture cible un dialecte équivalent, le traducteur a tendance à faire appel aux synonymes présents dans les différents niveaux de langue et c’est souvent la langue familière qui offre une possibilité de rendre le non-standard. En effet, les traducteurs ont communément recours à la méthode de la traduction verticale pour remplacer l’horizontalité de la variété linguistique, en d’autres mots l’écart géographique est rendu par un jeu sur les registres. On constate alors un changement de la voix du personnage qui, en perdant sa spécificité régionale ou sociale, se voit parfois affublé d’une dimension vulgaire, absente dans l’original. Dans ce cas-là, non seulement le contexte est perdu mais la caractérisation du personnage n’est plus la même. Loock cite l’exemple de la traduction française de Forrest Gump de Winston Groom par Nicolas Richard où « la sur-exploitation de l’argot […] fait basculer le personnage dans une langue parfois vulgaire » (LOOCK, 2012, 53).

Nombreux sont les traductologues qui estiment que, dans le cas des langues non-standard, la forme n’est pas prioritaire mais la dimension qu’elle apporte doit être privilégiée, comme le souligne David Horton :

It is widely agreed that (generally speaking) it is not the linguistic form, but the sociolinguistic function of dialectal forms which should be observed (and, ideally, preserved) in the act of translation. (HORTON, 1998, 418)

Il ne s’agit pas alors de s’attacher aux particularités purement linguistiques mais de considérer les associations que le discours marqué évoque chez le lecteur source et d’essayer ensuite de les reproduire chez le lecteur cible. Cette démarche implique une réelle réflexion de la part du traducteur qui devra non seulement être instruit sur le contexte culturel source mais également s’interroger sur l’intention de l’auteur. En effet, la langue nous renseigne aussi bien sur la situation géographique et culturelle que sociale et générationnelle et plus elle est marquée plus les indices sont précis. Dans le cas de notre corpus, la variété non-standard indique autant l’environnement géographique (Dublin), que le contexte sociologique (la classe ouvrière), que la transcription d’un langage familier et ce dernier semble avoir primé sur les deux autres dans la pratique de nos trois traducteurs.

2.1 Oralité

Les traducteurs ont cherché à indiquer la spécificité de l’emploi du « sure » en début de phrase6. Les exemples ci-dessous illustrent une pratique qui tend à rendre un style relâché typique de l’oralité littéraire ; le discours des personnages se veut réaliste, au plus proche de la transcription littérale, avec l’utilisation d’expressions réservées à l’expression orale.

TC

—I s’pose yeh are, said Outspan.

—Fuckin’ sure I am. (p. 14)

- Non, t’as pas tort, concéda Outspan.

- Et comment que j’ai pas tort ! (p. 18)

TS

—These yokes aren’t as nice as they used to be, said Jimmy Sr. —Sure they’re not? (p. 31)

- Ces machins, ils ne sont plus aussi bons qu’avant, dit-il. Hein, j’ai raison ? (p. 73)

TV

Ah sure, said Bimbo. —That’s wha’ they’re supposed to do at her age. She’s lovely. (p. 56)

- Ah ben, sûr. C’est de son âge. Elle est adorable. (p. 140)

PS

—We can’t give them Coke, she tells Paula, after she’s handed over the bottles. —Sure we can’t, Popey? (p. 72)

- On ne peut pas leur donner du Coca, informe-t-elle Paula, après avoir distribué les bouteilles. Hein, qu’on peut pas, Popeye ? (p. 134)

De plus, le texte cible offre au lecteur la dimension réaliste de l’oralité du discours caractéristique du style de Doyle dans l’ensemble du corpus à travers des pratiques courantes en français telles que la négation tronquée avec l’omission de l’adverbe de « ne » :

TS

- I can’t, Sharon told the table. (p. 8)

- Je peux pas, répondit Sharon à la table. (p. 12)

TV

- But it isn’t really smoked cod. (p. 79)

- Mais c’en est pas ! (p. 206)

TWW

- That’s not what you said last night. (p. 38)

C’est pas ce que t’as dit hier soir. (p. 57)

On constate également l’élision de la voyelle du pronom sujet « tu » au profit d’une apostrophe devant une voyelle :

TC

- Tha’ sounds like me arse, said Outspan. – But I’m sure you’re righ’. (p. 10)

- T’y vas un peu fort, déclara Outspan. Mais t’as pas complètement tort. (p. 16)

TS

- You’re stainin’ the carpet. (p. 36)

- T’as fait plein de taches sur le tapis. (p. 86)

TV

- Did yeh stay in a hotel? Jimmy Sr asked him. (p. 27)

- T’as logé à l’hôtel ? lui demanda Jimmy Sr. (p. 65)

TWW

- You’re not to eat any. (p. 107)

T’as pas le droit d’en manger. (p. 195)

PS

- Where were you? (p. 42)

Mais où t’étais ? (p. 76)

Certaines troncations comme « d’acc » ou « d’ac » (pour « d’accord ») ou « déc’ » (pour « déconner »), bien que minoritaires, apparaissent néanmoins et, plus rarement, le pronom relatif « que » est omis :

TC

—Righ’, said Jimmy. —Are yis ready, girls? (p. 34)

- D’acc, dit Jimmy. Vous êtes prêtes, les filles ? (p. 69)

—What’s it to you if she was? said Bernie. (p. 39)

- Qu’est-ce ça peut te faire ? Riposta Bernie. (p. 88)

TS

—Meetin’ the lads, yeh know. See yeh, righ’. (p. 75)

- Je dois retrouver les potes, tu comprends. A plus tard, d’ac ? (p. 199)

TV

—An’ you can sleep with Darren. How’s tha’? (p. 33)

R’marque, tu pourrais dormir avec Darren, qu’est-ce t’en dis ? (p. 81)

PS

- For fuck sake, Ma. Was he good-looking? (p. 43)

Sans déc’, maman. Il était beau ? (p. 78)

Une étude approfondie de la création de l’oralité fait apparaître des démarches plus poussées dans TV que dans les autres œuvres du corpus. En effet, si toutes les traductions se servent des méthodes présentées ci-dessus, Isabelle Py Balibar ajoute dans la sienne des contractions beaucoup plus systématiques allant au-delà de l’élision de la voyelle du « tu ». Ainsi, elle fait régulièrement disparaître le « e » de la première personne du singulier, remplacé par une apostrophe, et propose également une orthographe contractée « r’garde » pour rendre l’omission de la préposition dans l’expression « look it »7 (DOLAN, 2006, 153). Le texte cible regorge des formules « j’viens », « j’vais », « j’sais », « j’veux », « j’dis », « j’te » (et tant d’autres construites sur le même principe) auxquelles vient s’ajouter la troncation de la forme canonique à travers la suppression du pronom sujet dans les phrases commençant par « z’allez » (« vous allez ») et « y a » (« il y a »). La sélection d’exemples proposée ici est non exhaustive car cette tendance se retrouve tout au long du roman :

—Gettin’ locked tonigh’, men? said Anto. (TV p. 19)

- Z’allez être bouclés, ce soir, les gars ? (p. 39)

—There’s loads o’ things he can do, said Jimmy Sr. (TV p. 47)

- Y a des tas de choses qu’il peut faire. (p. 116)

—Home, said Jimmy Sr. —I’m knackered. (TV p. 53)

- J’vais me pieuter. J’suis crevé. (p. 133)

—Oh, here we go, said Jimmy Sr. —Look it. (TV p. 66)

- Oh, r’garde un peu qui vient. (p. 167)

—But there’s no fuckin’ water, Jimmy Sr said again. (TV p. 84)

- Mais, bordel, puisque j’te dis qu’y a pas d’eau ! (p. 212)

Le relâchement du langage à travers une certaine reproduction phonétique a donc été privilégié par les trois traducteurs (et par Isabelle Py Balibar en priorité), démontrant l’intérêt consacré à l’oralité. Or le résultat de cette stratégie est une langue hybride qui n’est ni standard ni dialectale. La voix des personnages n’a plus de résonance spécifique et, par conséquent, n’a plus d’identité. Selon Rohan Anthony Lewis, le traducteur ne cherche pas à s’inspirer d’une langue particulière existant dans la culture cible « mais [d]es possibilités lectales d’une communauté » (LEWIS, 2003, 419). Il ne s’agit pas d’une normalisation complète puisque, nous l’avons vu, certains marqueurs sont maintenus mais la perte de la couleur irlandaise est indéniable. Cette stratégie qui vise à compenser la perte d’identité géographique par une emphase du relâchement lexical est particulièrement propre à la traduction vers le français car la grande richesse de ses registres offre de nombreuses possibilités.

2.2 Registre

Le recours au registre est une stratégie couramment pratiquée en traduction pour parer au manque de dialecte adéquat dans la culture cible. Karen Bruneaud-Wheal constate que la langue non-standard est rendue en version française par « des marqueurs et des tournures typiques de la langue orale, voire familière, notamment » (BRUNEAUD-WHEAL, 2013, 94). L’article de Marion Beaujard tire des conclusions similaires au cours de son analyse de la traduction du roman de Roddy Doyle A Star Called Henry en français : « le traducteur déplace le caractère marqué de la langue en remplaçant des marques régionales par des marques liées au registre » (BEAUJARD, 2013, 138). Le cas de Doyle pose un problème immédiat lorsqu’on s’intéresse à l’usage des registres en traduction puisque le style de l’original est déjà criblé de termes issus du langage familier ou argotique, en plus d’être marqué par la variété linguistique qui, elle-même, offre une palette d’expressions d’ordre sexuel ou scatologique typique de l’anglais dublinois, comme le souligne Hickey (tous les termes cités ci-dessous apparaissent dans notre corpus) :

There can be little doubt that the reputation of vernacular Dubliners for being generally foul-mouthed rests on the large range of words having to do with various intimate bodily functions. […] boner ‘erection’[…] (gob)shite ‘person disapproved of’ […] gooter ‘male organ’ […] jacks ‘toilet’, langer ‘male organ’ (HICKEY, 2005, 141)

Si retrouver la langue familière dans le texte cible n’est donc pas surprenant, en revanche, il semble malheureux de systématiquement surcharger le discours d’expressions vulgaires, voire agressives. Ainsi, tandis qu’il paraît naturel qu’un « bollox » soit un « connard » ou un « enfoiré », ces mêmes termes paraissent trop péjoratifs pour un « eejit »8 (DOLAN, 2006, 89). Curieusement, le choix du simple « idiot » est entièrement délaissé au profit d’une variété de termes plus fleuris les uns que les autres : « con », « taré » dans TC (1 « idiot » sur 6), « dingue », « rat », « triple nœud » dans TS (aucun « idiot » sur 22), « cinglé », « enfoiré » « enculé » dans TV (aucun « idiot » sur 23), « tarée », « demeuré » dans TWW (3 « idiot » sur 10) ou encore « naze », « débile » dans PS (aucun « idiot » sur 9). Ces exemples laissent supposer que la traduction de « eejit » par « idiot » apparaît comme un aplanissement, un gommage, aux yeux du traducteur. Pourtant la perte ne se fera pas au niveau du sens (« eejit » n’est finalement qu’une reproduction de la prononciation hiberno-anglaise de « idiot » en anglais standard) mais bien au niveau de la particularité dialectale. Or, puisque cette dernière est indiquée par des écarts de registre, le lecteur cible comprendra-t-il en lisant « cinglé » ou « taré » qu’il a affaire à une variété linguistique en marge du standard ? Il en va de même pour le mot « garda »9 (DOLAN, 2006, 110) que l’on retrouve sous sa forme plurielle gaélique « gardaí » et sous son orthographe anglicisée « guard ». Celui-ci, simple emprunt de la langue gaélique, n’a rien de familier et correspond à un « policier » ou à « la police » au sens large ; pourtant le terme a été traduit à plusieurs reprises par « flic » dans TS, TV et PS. Là encore, la même question se pose : l’emploi d’un registre familier permet-il de signaler la particularité linguistique ? Jean-Michel Déprats constate, dans une traduction de Synge, que Fouad El Etr choisit un niveau de langue plus relâché et a recours à des termes argotiques pour indiquer le décalage, au détriment du style original :

La langue de Synge n’est pas argotique ou familière et la vulgarité lexicale ne rend pas l’étrangeté de l’idiome utilisé. Car même si les expressions employées étaient – et parfois sont – courantes en Irlande, elles restent bizarres ou inhabituelles par rapport à la langue de base qui est l’anglais. (DEPRATS, 1998, 72)

De même, un lecteur francophone qui lit « flic » relèvera immédiatement la familiarité du terme mais ne sera pas plus informé sur son décalage par rapport à la norme linguistique. Il semble ici préférable de suivre la méthode prônée par Isabelle D. Philippe qui a conservé le terme original aussi bien dans TWW, « un Guard » en introduisant la note explicative : « Nom des policiers irlandais » (p. 11), que dans PS, « les Guards » (p. 144) sans aucune explicitation.

Pourtant, la surenchère de vulgarité paraît évidente dans le cas de la traduction de « messing »10 et « messer »11 (SHARE, 2005, 236). Les trois traducteurs ont choisi d’avoir recours au registre familier, voire grossier, pour rendre ces expressions qui n’ont pourtant rien de vulgaire en version originale. Examinons au cas par cas le résultat de cette démarche sur le texte cible. Les exemples tirés de TC rapportent les propos de Jimmy Junior et ses amis :

TC

Declan Cuffe stared across at Jimmy while he sent his cigarette to the side of his mouth.

—You startin’ somethin’? he said. […]

—Ah, cop on, said Jimmy. —I was only messin’. (p. 14)

Declan Cuffe dévisagea Jimmy en déplaçant sa cigarette vers le coin de sa bouche.

- Tu me cherches ? […]

- Ah, arrête, dit Jimmy. Je déconnais, c’est tout ! (p. 25)

Mickah laid down the rules as each of them passed the table into the hall.

—Anny messin’ an’ I’ll kill yeh, righ’. (p. 50)

Mickah énonçait le règlement au moment où chacun d’eux passait devant la table pour entrer dans la sale.

- A la moindre emmerde, je vous tue, compris ? (p. 127)

L’emploi de termes familiers ici n’a pas de grande incidence sur le texte cible puisque le parler des jeunes du groupe se prête bien à la grossièreté. A l’inverse, dans les extraits issus de TS, le discours de George Burgess et de Darren se voit fortement modifié :

TS

I’m sorry, Jimmy. Really now. On the Bible. I was just messin’ with the lads, yeh know. (p. 55)

Je suis désolé, Jimmy. Non, vraiment. Sur la Bible. Je déconnais avec les potes, c’est tout. (p. 140)

He laughed and rubbed his hands and looked around him, laughing.

—You’re messin’, said Darren. (p. 97)

Il rit, se frotta les mains, et jeta un coup d’œil à la ronde en continuant à rire.

- Tu te fous de moi, accusa Darren. (p. 260)

Dans le premier exemple, la traduction de la réplique de Burgess le fait s’exprimer comme un adolescent au langage vulgaire alors que le texte source n’indique aucune familiarité. Le deuxième exemple souligne le risque d’un tel transfert : Darren s’adresse à son père qui le fait gentiment marcher mais, tandis qu’en version originale il lui fait simplement remarquer qu’il a vu clair dans son jeu, en version française, en revanche, il est beaucoup plus agressif dans sa réaction. L’emploi de l’expression grossière donne à la réplique de Darren un caractère insolent et très impoli qui transforme l’échange entre père et fils. Cette modification est d’autant plus flagrante dans les extraits tirés de TV où le texte cible offre une expression encore plus vulgaire :

TV

That would have explained the ketchup she now saw on the ceiling.

—Ah no, look —!

—Wha’? ⎯⎯Where? ⎯⎯Jaysis, how did tha’ get up there?

—I don’t know what you two messers are up to —

—We’re not messin’, Veronica, Jimmy Sr assured her. —It’s business. (p. 138)

Ça aurait expliqué qu’elle voyait à présent du ketchup au plafond.

- Oh non, regardez !

- Quoi ?... Où ?... Nom de Dieu, comment c’est allé jusque là-haut ?

- Je sais pas ce que vous fabriquez, mais comme fouteurs de merde

- On fout pas la merde, Veronica, lui assura Jimmy Sr. On monte un truc. (p. 358)

La situation décrite met en scène Veronica qui trouve son mari et leur fils en train de s’entraîner à jongler avec une bouteille de ketchup. Bien que l’on imagine aisément son choc et son énervement, le langage ordurier employé en traduction semble excessif, d’autant plus que Veronica insiste à plusieurs reprises dans TS et TV sur la politesse et reproche aux autres membres de la famille leur grossièreté. Elle apparaît pourtant ici, en version française, comme aussi vulgaire que les autres et l’image de la mère que le texte cible renvoie n’est pas très flatteuse et certainement très différente de la version originale qui ne sous-entend qu’une simple bêtise que l’on reprocherait à des enfants. Ce phénomène se retrouve dans les extraits de PS cités ci-dessous :

PS

—Legend. Babe. She certainly knows her popes. Jesus, Jack, you’re a messer.

She wants to hug him. (p. 118)

- Légende. Canon. Elle connaît à donf ses papes. Seigneur, Jack, tu es chiant !

Elle a envie de le serrer dans ses bras.

She runs. A car honks, twice. She doesn’t look. It’s only some messer. (p. 153)

Elle court. Une auto klaxonne, deux fois. Elle ne regarde pas, ce doit être un chieur. (p. 302)

L’interaction entre Paula et son fils soulignée dans le premier exemple sous-entend, dans le texte source, une certaine connivence et un amusement de la part de Paula vis-à-vis de l’attitude de son fils alors que l’utilisation du registre familier en traduction donne l’illusion d’un reproche fait par la mère à son fils, sans compter une grossièreté que Paula n’a pas dans la version originale. Cette transformation du caractère de la protagoniste se retrouve dans le deuxième exemple où Paula semble porter un jugement bien plus réprobateur en français avec « chieur » (qui signifie qu’il est irritant) qu’avec « messer » (qui veut simplement dire qu’il n’est pas sérieux). Par conséquent, non seulement le langage des personnages se retrouve transformé mais cet abaissement du registre porte également atteinte à leur représentation dans le texte cible.

2.3 Résultat

Bien que le lexique et le registre offrent des possibilités qui n’étaient pas disponibles aux niveaux grammatical et phonétique, les résultats n’apportent une représentation fidèle ni de l’expression, ni de la personnalité des locuteurs. Cette situation illustre pourquoi Karen Bruneaud-Wheal regrette que le registre familier agisse comme un outil de compensation ayant pour résultat la disparition de la spécificité régionale : « [l]’oralité est maintenue, mais elle n’a plus de ‘couleur’ » et déplore « la tendance vulgarisante » (BRUNEAUD-WHEAL, 2013, 106). Cette stratégie qui consiste à « verticaliser » les choix de traduction convient assez bien aux sociolectes où le registre peut indiquer un environnement social particulier mais elle n’apporte rien en termes de localisation géographique. Comme le souligne Marie Sylvine Muller :

Si la fonction du dialecte se réduisait à caractériser l’appartenance sociale des personnages, il n’y aurait aucun inconvénient à traduire leurs propos en n’utilisant que des traits familiers et populaires, et cela présenterait peu de difficultés. (MULLER, 1996, 68)

Pourtant, le style de Doyle indique autant l’appartenance irlandaise en général, dublinoise en particulier, qu’un parler familier. C’est pourquoi cette centralisation, bien que préférable à la tendance présentée précédemment de normalisation, demeure incomplète. Il semble donc essentiel que les traducteurs s’interrogent sur ce que le dialecte apporte en termes d’identification, qu’elle soit culturelle, sociale ou géographique.

3. Compensation

Il est essentiel de tenir compte des éléments sociaux-culturels qui sont rattachés au discours des personnages car selon Åke Persson :

When, as a former teacher at a northside school, Doyle makes his characters in the Trilogy speak in a broad northside sociolect, indicated to a large extent through typographical devices, this sends clear sociocultural signals. (PERSSON, 2003, 51)

Il ne s’agit alors pas ici de privilégier une fidélité à la forme linguistique mais de réfléchir à la valeur des indices sociolinguistiques à la disposition de la langue cible. Or, selon David Horton : « no two dialects can (interlingually) carry the same set of social, ethnological, cultural-stereotypical associations » (HORTON, 1998, 418).

3.1 Argot

Les traductions au sein de notre corpus proposent un éventail de termes issus de l’argot français, défini ainsi par Le Larousse :

Ensemble des mots particuliers qu'adopte un groupe social vivant replié sur lui-même et qui veut se distinguer et/ou se protéger du reste de la société (certains corps de métiers, grandes écoles, prisons, monde de la pègre, etc.)12.

Le choix d’adopter une telle catégorie lexicale démontre donc une décision traductive d’appliquer un transfert de la communauté caractérisée par la langue source vers un groupe reconnaissable dans la culture cible. Selon Antonella Capra, le français argotique offre un moyen de différencier l’expression du langage standard :

Dans l’Hexagone, au quotidien, la langue seconde, celle qui permet un éloignement de la norme, un emploi familial, communautaire ou régional, est l’argot, cette forme d’expression aux frontières souples, qui rentre à part entière dans la langue officielle mais qui conserve un statut marginal, de la même manière que les dialectes. (CAPRA, 2014, 4)

Les exemples suivants prouvent que les trois traducteurs n’ont pas hésité à faire appel à l’argot, quitte à employer des termes sûrement méconnus d’une certaine partie de la population française, afin de marquer le discours des personnages et d’instiller une dimension sociale et communautaire spécifique.

TC

It’d look deadly on the posters. (p. 9)

Ça cracherait sur les affiches. (p. 13)

It’s a poxy programme on RTE. A talent show like. (p. 70)

Une émission naze sur RTE. Un genre de télécrochet. (p. 184)

L’identité communautaire portée par l’argot dans ces deux exemples de TC convient parfaitement au groupe social représenté par Jimmy Junior et ses amis. On retrouve ainsi le parler des jeunes qui se comprennent entre eux.

TS

Does the dog like sandwiches, does he? Jimmy Sr asked her. (p. 22)

Est-ce que ton clebs aime les sandwichs, dis ? (p. 51)

I’m fuckin’ pissed. (p. 108)

Je suis pétée, putain. (p. 292)

Les extraits de TS proposés ici démontrent que l’argot prend différentes formes, plus ou moins contemporaines, selon le locuteur auquel il est attribué. Ainsi, Jimmy Senior utilise un terme qui correspond à une expression plus ancienne (première transcription de « clebs » dans le Larousse au 19e siècle13) tandis que Sharon, dans le deuxième exemple, emploie un terme beaucoup plus moderne dont la définition du Larousse14 n’offre pas cette utilisation signifiant qu’elle est complètement ivre.

TV

Yeh’d ride your missis on it it’s so clean. (p. 82)

Tu pourrais tringler ta bourgeoise dessus tellement c’est propre. (p. 213)

Your man, look it; don’t let him get past yeh! (p. 106)

Ce taré, fais gaffe ! Le laisse pas te doubler ! (p. 274)

Les exemples tirés de TV mettent au jour un risque de l’usage de l’argot en traduction : le discours glisse indubitablement vers une expression qui n’est pas seulement familière mais également plus agressive. Jimmy Senior, qui s’exprime dans les deux extraits cités, apparaît en français comme un personnage vulgaire quand il parle de « tringler » sa femme et presque violent à l’encontre du conducteur qu’il qualifie de « taré » alors qu’il ne fait que le désigner avec « your man ». L’argot présente donc des avantages dans le cadre de la représentation de l’identité communautaire mais il n’est pas sans conséquences pour ce qui est de celle de l’identité individuelle.

TWW

I thought he was an absolute ride. (p. 53)

Je le trouvais vraiment canon. (p. 85)

I was a good fighter myself; I could crease any young one that ever got in my way. (p. 49)

Moi-même, je savais me battre ; j’étais capable d’éclater n’importe quel gamin qui se mettait en travers de ma route. (p. 79)

Les extraits tirés de TWW illustrent les deux tendances présentées précédemment. Dans le premier exemple, le terme argotique « canon » convient précisément à l’expression d’une jeune femme qui décrit un homme par lequel elle est attirée, sans aucune vulgarité mais indiquant néanmoins un langage socialement marqué. Dans le deuxième exemple, en revanche, l’argot amplifie la brutalité du geste par l’emploi du terme « éclater » qui paraît trop violent pour être utilisé par une adolescente.

PS

She was going to sack him last night, but the bollix wasn’t there. (p. 112)

Elle allait le virer la veille, mais le baltringue n’était pas là. (p. 215)

Same ol’ shite, she says. (p. 105)

La même vieille daube, dit-elle. (p. 202)

Enfin, les exemples de PS démontrent que, lorsque l’argot choisi correspond aux valeurs de l’original, le texte cible se retrouve au plus proche du texte source. Ainsi, dans ces deux extraits, l’emploi des termes argotiques permet d’indiquer un décalage par rapport à la norme (le langage n’est plus standard) et une appartenance sociale particulière du locuteur (les expressions ne sont pas nécessairement connues de tous), tout en restant au même niveau de grossièreté.

En conclusion, l’argot offre la possibilité d’apporter un élément non-standard à la langue cible tant qu’il est choisi avec soin pour ne pas risquer de rendre l’expression vulgaire au point de détourner la caractérisation du personnage source. Cependant, s’il permet d’indiquer la dimension sociologique du discours, il n’en véhicule néanmoins pas les informations spatiales apportées par le géolecte source.

3.2 Verlan

L’argot offre la possibilité d’indiquer l’environnement social mais il demeure limité dans les informations qu’il apporte sur la situation géographique. En effet, l’argot au sens large s’employant dans toutes les régions de France, son utilisation n’indique pas un géolecte spécifique ; or les cas où la langue source et la langue cible partagent une dimension historique ou sociale sont rares. Or, dans le cas des protagonistes de notre corpus, il existe en français une variété linguistique propre aux communautés en marge des grandes villes, en particulier de Paris, sous la forme du verlan. Selon Alena Podhorná-Polická, la création du verlan est « limité[e] géographiquement aux banlieues de l'Ile-de-France » puis les innovations lexicales sont ensuite « absorbées par les jeunes banlieusards d'autres villes comme le signe d'appartenance virtuelle à la ‘culture des rues’ » (PODHORNA-POLICKA, 2006, 47). Les traducteurs de notre corpus ont ainsi naturellement eu parfois recours au verlan comme le prouve l’emploi de « meuf » (verlan de « femme ») dans les exemples mentionnés ci-dessous. Il est d’ailleurs intéressant de relever que la dimension socioculturelle des termes a pris le dessus sur la fidélité au sens car, dans TC, « meuf » traduit aussi bien « mot »15 (DOLAN, 2006, 169) que « brasser »16 (SHARE, 2005, 44) bien que ce dernier ait une valeur beaucoup plus péjorative.

TC

—The chicks?

—Jaysis, Jimmy!

—The brassers, yeh know wha’ I mean. (p. 11)

- Pour les gonzesses ?

- Bon Dieu, Jimmy !

- Les meufs, tu vois ce que je veux dire. (p. 17)

TC

—All tha’ mushy shite abou’ love an’ fields an’ meetin’ mots […] (p. 11)

- Tous ces trucs à la noix sur l’amour, la campagne et les rendez-vous avec les meufs […] (p. 18)

TV

And five cigars for Jimmy Sr from Aoife, his mot. (p. 41)

Avec cinq cigares pour Jimmy Sr offerts par Aoife, sa meuf. (p. 103)

TWW

He was boasting, of course. Only just married and his mot was already pregnant. (p. 132)

Il paradait, bien sûr. Marié depuis peu, et sa meuf était déjà enceinte. (p. 243)

L’introduction dans le texte cible d’un terme issu d’une variété linguistique aussi fortement marquée entraîne une connotation sociale très forte rappelant inévitablement les banlieues parisiennes, lieu d’origine du verlan puisque « [d]epuis les années 70, ce procédé a eu du succès auprès des jeunes adolescents des grands ensembles, uniquement de la périphérie parisienne » (PODHORNA-POLICKA, 2006, 41). Cette association est propice au contexte géographique et social des œuvres originales, puisque les similitudes économiques entre les banlieues nord de Paris et de Dublin s’expliquent par une situation historique analogue de l’implantation de populations ouvrières qui, n’ayant plus les moyens de se loger en ville, ont dû s’installer en périphérie de la capitale (la Révolution industrielle a déplacé les plus pauvres vers le nord et le nord-est des grandes villes). Alena Podhorná-Polická explique que le verlan a une « fonction identitaire » qui « permet aux jeunes de s'intégrer, de s'auto-identifier [sic] entre eux et surtout de s'auto-différencier [sic] par rapport à d'autres jeunes et d'autres générations » (PODHORNA-POLICKA, 2006, 42). Ce raisonnement est probablement à l’origine des choix d’Isabelle D. Philippe pour des termes spécifiques de la région parisienne comme « ouf » ou « kéblo » (tous deux issus du verlan pour signifier « fou » et « bloqué »).

PS

—Will I put the kettle on for you?

—Yeah; thanks.

—This is mad, says Paula. —I can’t cope with it. Pretending. I’m sorry I hit you. I’m sorry. (pp. 104-105)

- J’allume la bouilloire pour toi ?

Ouais, merci.

- C’est ouf, répète Paula. Je ne peux pas lutter, je fais semblant. Je suis désolée de t’avoir frappée. (pp. 200-201)

PS

—Are all these yours?

—No, says Paula. —Some of them.

—Have you no good stuff?

—Like what?

—Stop being thick. The 70s. (p. 133)

- Ils sont tous à toi ?

- Non. Quelques-uns seulement.

- Tu n’as pas de bonne musique ?

- Comme quoi ?

- Arrête de jouer la kéblo ! Celle des années soixante-dix. (p. 260)

Puisque, comme l’exprime Alena Podhorná-Polická, « [l]e verlan se manifeste […] comme une sorte de signe linguistique du mouvement des ‘banlieues’ » (PODHORNA-POLICKA, 2006, 42), son utilisation permet d’ancrer les personnages dans un environnement géographique et socio-économique particulier qui s’approche autant que possible de la culture source. Néanmoins, il est rare de se trouver en situation d’analogie complète : « regional or class-based accents, and all the stereotypes they evoke, are unlikely to have exact counterparts in other languages » (BRETT, 2009, 50). Effectivement, les connotations culturelles associées au verlan viennent inévitablement colorer l’image des personnages ; le Jimmy qui parle de « meuf » n’est plus tout à fait le Jimmy qui disait « mot ». Si les situations économiques des banlieues nord de Paris et de Dublin se ressemblent, leur évolution n’est pas la même. Ainsi, tandis que l’immigration a joué un rôle essentiel dans l’élaboration de la société française, elle est encore quasiment inconnue en Irlande à l’époque de la Trilogie et de TWW (dans PS seulement, la nouvelle société multiculturelle irlandaise commence à émerger). C’est pourquoi certains termes issus de l’immigration en France peuvent paraître incongrus dans la bouche de Dublinois de la fin des années 1980, comme « bled » par exemple que l’on trouve dans TS :

—Yeh can go for a swim with the Pope, said Yvonne.

They laughed.

—Cos there’ll be fuck all else to do there, Yvonne finished. (TS p. 13)

- Là-bas, tu pourras piquer une tête avec le pape, dit Yvonne.

Rires.

- Vu qu’il n’y a rien d’autre à foutre dans ce bled, ajouta-t-elle. (p. 24)

Même s’il est aujourd’hui compris comme faisant référence à un « village […] généralement sans attrait17 », le mot « bled » est teinté de la connotation due à son origine maghrébine (« blad » signifie « pays » en arabe du Maghreb) qui le lie incontestablement à l’histoire de la colonisation française. Par conséquent, cet exemple met à jour l’incidence de l’introduction de termes fortement ancrés dans la culture cible. Comme le souligne Brett, « the translator risks transferring the text onto a sociolinguistic plane distant from that of the original » (BRETT, 2009, 51) car le danger de transposer le discours au sein d’un contexte entièrement étranger, avec ses propres valeurs et connotations, n’est pas négligeable.

3.3 Résultat

Après avoir détecté les techniques appliquées par nos trois traducteurs, notre analyse a relevé une tendance dominante : la centralisation du dialecte au profit d’une langue marquée par le registre. Les spécificités non-standard de l’original disparaissent au profit d’un régiolecte présent de façon ténue par l’utilisation du verlan mais principalement une variété linguistique indiquant l’oralité du discours. La normalisation n’est pas totale mais suffit à atténuer l’aspect non-standard du texte cible qui ne rend pas compte de toute la richesse des constructions originales. La solution proposée ici applique le principe de la création d’un entre-deux linguistique décrit comme suit par David Horton : « an option somewhere in between indicating significant deviation from standard norms without attempting to suggest a specific and identifiable language variety » (HORTON, 1998, 418). Il s’agit ici de marquer l’étrangeté de la langue sans employer une forme aisément reconnaissable. Cependant le traducteur n’étant pas auteur, ses libertés face à la norme sont grandement amoindries, d’autant plus dans le cas de la langue française. Selon Loock, « tout choix particulier qui l’amènerait à s’écarter de la norme risquerait de lui être reproché » étant donné « qu’il faut être un auteur bien établi comme Balzac ou Queneau pour avoir le droit de s’écarter des normes établies et rigides » (LOOCK, 2012, 55). Par conséquent, les traductions de notre corpus ne permettent pas au lecteur francophone d’être conscient de la « langue d’Irlande » puisque la langue cible le laisse dans l’illusion que l’anglais traduit est standard. La valeur didactique de la traduction est donc incomplète car elle ne promeut pas la découverte du dialecte hiberno-anglais, caractéristique globalement inconnue d’une grande majorité de la population francophone qui, bien que généralement consciente de par l’enseignement qu’il existe des différences entre l’anglais américain et l’anglais britannique, estime que les Irlandais parlent anglais au même titre que les Anglais. Le texte cible bénéficierait alors certainement d’un véritable péritexte mettant au jour les spécificités dialectales de l’écriture source.

Notes

1 Dans le but de faciliter l’écriture, nous avons attribué les abréviations suivantes aux cinq romans : The CommitmentsTC ; The SnapperTS ; The VanTV ; The Woman Who Walked into DoorsTWW ; Paula SpencerPS Retour au texte

2 Lorsque la forme au participé passé du verbe est employée sans auxiliaire et se supplante ainsi au prétérite Retour au texte

3 Indirect questions are normally introduced in Standard English by ‘if’ or ‘whether’. Hiberno-English speakers avoid the use of these conjunctions, and indirect questions retain the reverse word-order of the original questions Retour au texte

4 plural of you, common in HE Retour au texte

5 A certaines occasions, la pluralité des pronoms « yis » et « youse » n’a pas été relevée et la traduction erronée en « tu » a été choisie : 6 cas dans TC (pp. 28, 101, 111, 130, 131, 163), 1 dans TS (p. 154), 3 dans TV (pp. 20, 38, 177) et 1 dans PS (p. 283). Retour au texte

6 a common emphatic opening to sentences Retour au texte

7 to draw attention: see here Retour au texte

8 a silly person < E idiot, but less pejorative than SE ‘idiot’ Retour au texte

9 a member of the Garda Síochána [national police force] Retour au texte

10 [e]ngaging in purposeless activity Retour au texte

11 [s]eriously incompetent and/or irresponsible individual Retour au texte

12 Argot dans Dictionnaire Larousse en ligne. Disponible sur : Retour au texte

http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/argot/5198 (consulté le 21/06/2017).

13 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. Clebs. [en ligne] Disponible sur : http://cnrtl.fr/definition/CLEBS (consulté le 05/12/2017). Retour au texte

14 Péter dans Dictionnaire Larousse en ligne. Disponible sur : Retour au texte

http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/péter/59935 (consulté le 05/12/2017).

15 a girl, a female companion Retour au texte

16 hussy, woman of equivocal sexual morals Retour au texte

17 Bled dans Dictionnaire Larousse en ligne. Disponible sur : Retour au texte

http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/bled/9799 (consulté le 03/08/2018).

Citer cet article

Référence électronique

Marie Blom, « « La traduction du non-standard : une crise identitaire », version originale en français », La main de Thôt [En ligne], 10 | 2022, mis en ligne le 25 novembre 2022, consulté le 19 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/lamaindethot/1048

Auteur

Marie Blom

National University of Ireland Galway

marie.blom@nuigalway.ie