La fabrique totalitaire du rêve aérien : Italo Balbo hiérarque aviateur

Résumés

De novembre 1926 à novembre 1933, le hiérarque fasciste Italo Balbo est le promoteur de la politique aérienne italienne en qualité de sous-secrétaire d’État puis de ministre de l’Aéronautique. Sous sa houlette, conformément aux directives et au penchant personnel du Duce Mussolini, l’aviation est au cœur de la culture du spectacle que développe le régime. Balbo ne poursuit pas seulement la construction de l’armée de l’air entreprise par son prédécesseur le général Alberto Bonzani, il fonde un véritable culte politique de l’aviation, bâtit un puissant système de propagande qu’il dirige et contrôle pour construire son image de parfait homme nouveau fasciste. Il se distingue en apprenant à piloter et en prenant les commandes non seulement pour de courts trajets dans la péninsule, mais aussi pour de longs périples en Europe et en Méditerranée, ainsi qu’à l’occasion des deux raids transatlantiques qu’il dirige personnellement au début des années 1930. Lorsque la popularité croissante de Balbo et les excès de la propagande qui le glorifient conduisent Mussolini à l’écarter en le nommant gouverneur de Libye, l’outil de propagande qu’il a créé et animé est repris à son compte par le Duce, qui se présente désormais comme le pilote suprême et n’hésite pas à se faire décerner le brevet de pilote militaire en 1937.

From November 1926 to November 1933, fascist leader Italo Balbo, as under-secretary of State and then Minister of Aviation was a key supporter of the Italian aviation policy. Under his leadership, and in accordance with the orders and the personal desires of Mussolini, aviation is placed at the heart of the entertainment culture developed by the regime. Balbo not only carried forward the building of the military aviation fleet begun by his predecessor, General Alberto Bonzani, he also built up a political cult around aviation. This was the result of a powerful system of propaganda, led and controlled by Balbo in order to forge his image of the perfect reborn fascist man. He distinguished himself by learning how to fly a plane and flew not only for short trips across the peninsula but also for long journeys across the European continent and the Mediterranean and, in the early 30’s, by leading two transatlantic raids. By the time Balbo’s excessive propaganda and his increasing popularity led Mussolini to push him aside by naming him governor of Libya, the propaganda machine which he created and led is taken over by the Duce. From now on, he will the one to present himself as supreme pilot and will not hesitate to have a pilot licence granted to him in 1937.

Plan

Texte

En novembre 1926, le duce du fascisme Benito Mussolini confie le sous-secrétariat d’État à l’aéronautique à Italo Balbo1, en remplacement du général de division Alberto Bonzani2. Ce faisant, le maître de l’Italie confère à l’aviation un rôle de premier plan dans la « fabrique des hiérarques »3: elle se trouve désormais au centre de la culture du spectacle et de la propagande à grande échelle que développe le régime. Le nouveau sous-secrétaire d’État, promu ministre en septembre 1929, a pour mission de poursuivre l’édification de l’armée de l’air entreprise par son prédécesseur, tout en établissant un véritable culte politique de l’aviation. Surtout, il se distingue notablement de Bonzani – officier de grande valeur et excellent organisateur, mais personnalité antipathique aux aviateurs, spécimen de la vieille caste militaire « […] toujours sanglé dans son impeccable uniforme de général de l’armée de terre, totalement insensible au charme du vol […] »4 – en apprenant à piloter et en prenant régulièrement les commandes de divers types d’appareils, non seulement pour de courts trajets dans la péninsule, mais aussi pour de longs périples en Europe et en Méditerranée, ainsi qu’à l’occasion des deux raids transatlantiques qu’il dirige personnellement.

1. L’apprentissage du vol

Les sous-secrétaires d’État qui sont aussi pilotes ne sont pas légion : si quelque nation étrangère peut vanter des hommes d’État que le vol passionne, elle n’en compte certes pas qui soient des aviateurs complets5.
[…] S.E. Balbo a toujours aimé le vol et en sentait déjà toute la virile beauté avant de prendre le commandement de l’Aéronautique italienne.
Mais d’autres sans doute se seraient contentés d’avoir volé comme passagers. S.E. Balbo, en revanche, a voulu se rendre réellement maître de ce nouveau moyen donné à l’homme, et a réussi, en bon combattant, à conquérir le brevet de pilote aviateur6.

C’est par ces considérations élogieuses que la rédaction du mensuel L’Ala d’Italia, dans l’éditorial qui ouvre sa première livraison de l’année 1928, salue les débuts aéronautiques de Balbo. Il s’agit en premier lieu d’un raid en Méditerranée auquel il participe en simple passager d’un hydravion SIAI Marchetti S.55 piloté par le capitaine Pier Luigi Penso et le sous-lieutenant Stefano Cagna. Ils sont escortés par un hydravion Dornier-Wal aux commandes duquel ont pris place le colonel Aldo Pellegrini, chef de cabinet du sous-secrétaire d’État, et le sous-lieutenant Danilo Barbicinti, et à bord duquel voyagent un correspondant du quotidien Il Popolo d’Italia, le capitaine Amedeo Mecozzi, chef du bureau de presse du Ministère de l’aéronautique ainsi que le secrétaire fédéral du Parti National Fasciste (PNF) à Ferrare Umberto Klinger, ami personnel de Balbo. Partis de Vigna di Valle, près de Rome, le 24 avril 1927, les deux appareils sont de retour le 7 mai, après avoir fait escale dans les bases aéronavales italiennes en Méditerranée et en Afrique, du Dodécanèse à la Libye en passant par le Giubaland7. Cette tournée d’inspection ne constitue pas, en réalité, la toute première expérience aérienne du futur maréchal de l’air.

Dans son étude pionnière consacrée à Balbo, l’historien Giorgio Rochat8 indique qu’en avril 1926, six mois avant sa nomination au Ministère de l’aéronautique, celui-ci avait pris part à un périple aérien qui le conduisit – en compagnie des équipages de deux hydravions, un appareil Cant 6.ter et un Dornier Wal –, à suivre la tournée de Mussolini en Libye et à prolonger l’écho de ce voyage destiné à exhiber les ambitions impérialistes de l’Italie en visitant les communautés italiennes de Tunisie. L’historien italien note que la rédaction du quotidien milanais Il Corriere della Sera publie à cette occasion un entretien avec Balbo en le présentant de façon à ce que le lecteur pense qu’il a lui-même piloté l’appareil à bord duquel il a voyagé9. S’il est établi qu’à cette époque Balbo n’avait pas encore appris à piloter, il n’est pas sûr, en revanche, qu’il ait pris le baptême de l’air à l’occasion de ce voyage.

Dans un ouvrage paru en 1937, le publiciste Guido Mattioli affirme avoir participé en novembre et en décembre 1923 à deux tentatives – vaines l’une comme l’autre – de liaison Rome-Tripoli sans escale à bord d’un hydravion SIAI S.5310. Parmi les documents dont il présente le fac-similé dans le but de montrer que ces expéditions jouissaient de l’appui des autorités11, on trouve une curieuse lettre autographe de Balbo, datée du 24 octobre 1923, sur papier à en-tête de la MVSN. Celui-ci, alors commandant en chef de la milice, non seulement exprime sa plus vive admiration pour les aviateurs, mais se présente comme un passionné du vol, qu’il déclare avoir commencé à pratiquer avec assiduité. Ce document, dont l’authenticité n’est pas contestable12, vaut la peine d’être cité in extenso :

Cher Mattioli,

Une pensée ? La voici et sincère : depuis quelques mois j’ai la chance répétée de vivre des heures sublimes à bord d’appareils italiens pilotés par des officiers de l’armée de l’air aussi valeureux que chevronnés. J’ai acquis la conviction que l’avenir de l’Italie est dans le ciel, parce que nos aviateurs se sentent les apôtres de leur mission et parce que personne ne peut les dépasser en fait de courage et de virtuosité.

Pour ma part, je nourris une foi et un enthousiasme inextinguible : veuillez me mettre à l’épreuve et m’accueillir à bord lors de vos futures croisières. Je répondrai présent, n’en doutez pas !

Avec le plus affectueux sentiment fasciste,

Votre Italo Balbo13.

La reproduction d’une photographie de Balbo en uniforme de commandant général de la MVSN accompagne ce document. La dédicace – « A Guido Mattioli, avec les souhaits les plus chaleureux pour son vol audacieux » – datée, comme la missive, du 24 octobre 1923, en confirme l’authenticité. Quant à la ferveur admirative qui les caractérise, si elle peut sembler surprenante chez un hiérarque du calibre de Balbo plus enclin au commandement qu’à la flatterie, il convient de considérer qu’à cette époque il n’était pas encore à l’apogée de sa carrière et qu’il s'adressait alors à un personnage qui, bien que dépourvu de toute fonction officielle au sein du régime, était connu, dans les milieux du fascisme et de l’aviation, pour être l’un des conseillers de Mussolini en matière aéronautique, ce que confirment plusieurs indices : sa collaboration au quotidien Il Popolo d’Italia14 mais surtout sa présence dans l’entourage qui accompagne le chef fasciste de Milan à Rome dans la nuit du 28 au 29 octobre 1922, ainsi que dans le cortège de personnalités qui suivent le président du Conseil venu passer en revue les équipages et leurs appareils réunis sur l’aérodrome romain de Centocelle le 4 novembre 192315. Que Balbo ait effectivement songé à participer à une expédition aérienne en compagnie de Mattioli ou qu’il ait cherché à entretenir des relations amicales avec lui dans le but de renforcer sa position au sein du régime en manifestant de l’intérêt, réel ou feint, pour une activité chère à Mussolini, sa carrière aéronautique ne débute véritablement qu’en 1927.

Le 23 juin, à l’aérodrome de Centocelle, après trois semaines d’apprentissage accéléré sous la houlette du lieutenant Ezio Guerra, il obtient en effet le brevet de pilote en présence du duce et du général Armando Armani, chef d’état-major de l’armée de l’air16. Sur une photographie prise à cette occasion17, on voit Mussolini remettre à Balbo – encore revêtu de sa combinaison de vol et coiffé d’un casque de cuir surmonté de lunettes d’aviateur – l’aigle de métal, insigne réservé aux titulaires du brevet. Cet authentique adoubement marque l’entrée du sous-secrétaire d’État dans les rangs de l’aristocratie du ciel sous le patronage direct de celui qui en est le grand-maître. Dès lors, l’activité aérienne de Balbo devient l’un des plus puissants vecteurs de la propagande aéronautique du régime, de laquelle il est tout à la fois « le prophète, l’impresario et le personnage principal »18. Il serait vain de retracer la totalité de ses périples aériens. Quelques mentions significatives suffiront à illustrer avec quel talent et avec quelle assiduité il s’emploie à exercer, dans le domaine aérien, la pédagogie totalitaire fondée sur « le bon exemple des chefs »19.

2. Le pilote Balbo, modèle de l’homme nouveau fasciste

Moins d’une semaine après avoir obtenu le brevet, aux commandes d’un appareil FIAT R.22, Balbo s’envole pour Londres à la tête d’une patrouille de l’armée de l’air afin de représenter l’Italie au meeting aérien qui se tient annuellement à l’aérodrome de Hendon. Ce premier voyage du nouveau pilote est minutieusement suivi par la presse. Le quotidien turinois La Stampa l’annonce dès le 26 juin, avant d’en décrire toutes les étapes20. Parti de l’aérodrome romain de Centocelle dans la matinée du 28 juin, Balbo atterrit au Bourget en fin d’après-midi après une brève escale technique à Dijon21. Le récit de son arrivée – légèrement retardée par le mauvais temps – à l’aérodrome londonien de Croydon dans l’après-midi du 29 campe en première page du journal. Sous le titre « Balbo parvient à Londres sous la pluie et dans le vent », l’envoyé spécial Marcello Prati présente le trajet et l’atterrissage réalisés dans des conditions atmosphériques difficiles comme une preuve éclatante de la bravoure, de la dextérité et de la trempe de Balbo :

La pluie et le vent surpuissant qui faisaient rage aujourd’hui et qui cinglaient les falaises de l’Angleterre méridionale n’empêchèrent pas le général22 Balbo d’aborder l’aérodrome de Croydon à l’heure prévue […]. Piloté de main experte, l’appareil FIAT R22 défia sans hésitation le temps typiquement anglais et quand le sous-secrétaire à l’aviation et son assistant Guerra qui l’accompagnait bondirent de leur siège sur l’herbe de l’aérodrome trempé de pluie, ils semblaient aussi frais qu’au retour d’un bref vol d’agrément […].

Le public anglais, pour sa part, ne tarit pas d’éloges pour ce jeune sous-ministre qui a voulu et qui a su prendre les commandes ni plus ni moins que l’un des plus éprouvés des aviateurs sur lesquels s’étend son autorité, et a volé de Rome à Londres en un clin d’œil, en trouvant même le temps pour une escale officielle à Paris23. Ce vol revêt indubitablement des aspects qui frappent l’imagination du grand public britannique. Aucun ministre ou vice-ministre ni en Angleterre ni d’aucune autre nationalité ne s’était jusque-là aventuré dans le domaine du ciel24.

Quelques jours plus tard et toujours en première page du journal, Prati rend un nouvel hommage aux qualités de pilote du sous-secrétaire d’État en affirmant qu’invité par des officiers anglais à examiner plusieurs modèles d’avions de tourisme de fabrication britannique

Balbo en avait enfourché un, le faisant décoller sans la moindre hésitation et, durant une bonne demi-heure d’évolutions, avait poussé le petit appareil à son rendement maximal. Les spectateurs en conclurent bientôt que cet homme politique aviateur, lequel ne cache pas qu’il est un novice de la carlingue, a vraiment commencé sa carrière aérienne là où de nombreux aviateurs chevronnés l’ont conclue et qu’il est en mesure de partir d’un instant à l’autre sur n’importe quelle machine sans l’avoir jamais essayée auparavant25.

La chronique du retour de Balbo – lequel fait d’abord étape à Berlin le 7 juillet, puis à Vienne le 8, avant de regagner Rome le lendemain – est plus sobre, mais les louanges ad personam, plus discrètes, n’en sont pas absentes. Son appareil, dans le ciel de l’aérodrome de Tempelhof, semble « léger et de la plus grande élégance » au correspondant berlinois de La Stampa26. Son collègue de Vienne écrit quant à lui : « Nous nous sommes retrouvés sur le terrain d’Aspern pour voir atterrir […] le premier sous-secrétaire d’État à l’aviation qui, aux commandes d’un appareil, a déjà fait un tour en Europe pour étudier un peu les choses par lui-même »27.

Pour l’auteur de ces lignes, Balbo incarne à la perfection l’homme nouveau typiquement fasciste, le chef énergique calqué sur le modèle mussolinien, antinomique du bureaucrate sédentaire et du politicien poltron que la guerre d’abord, la révolution fasciste ensuite, auraient mis hors d’état de nuire. C’est la même idée que formule quelques mois plus tard Nino Carlassare dans les colonnes du mensuel L’Ala d’Italia en traçant un premier bilan de l’action de Balbo au sous-secrétariat à l’aéronautique :

Par l’exemple du vol, il a conquis le droit de regarder en face la réalité sans hésitations. Et puisque le vol, en aviation, enseigne plus que ne saurait enseigner la tranquille existence auprès d’un encrier, […] Balbo a beaucoup volé et les résultats obtenus dans tous les domaines de l’organisation aérienne nationale prouvent justement la vérité de notre affirmation28.

« L’admirable exemple de Balbo »29 domine la propagande aéronautique du temps non seulement parce qu’il est particulièrement habile dans ses relations avec le monde du journalisme, mais aussi et surtout en raison de son application quasi-professionnelle à l’art du pilotage. Non content d’avoir obtenu le brevet en juin 1927, il se soumet en effet à diverses épreuves conduisant à la délivrance de la licence militaire de vol sur différents types d’appareils en service dans les unités de l’armée de l’air. En juillet 1930, sur la base aérienne de Sarzana, dans le Nord-Ouest de la Toscane, il est habilité au pilotage de deux avions de reconnaissance30 et d’un appareil de chasse31. C’est sur l’aérodrome romain de Centocelle qu’il obtient ensuite trois autres licences d’août à novembre 193032. A l’expertise professionnelle utile à l’affirmation de son autorité sur les aviateurs qu’il commande, Balbo associe indéniablement le courage de s’exposer personnellement aux risques inhérents à la pratique régulière du vol, vertu éminemment fasciste qui, grâce aux louanges réitérées de la presse, renforce l’ascendant qu’il exerce sur le grand public toujours prompt à s’enflammer au récit d’aventures aériennes. Deux authentiques morceaux de bravoure de la propagande dédiée à la geste aérienne du hiérarque illustrent bien cette fascination.

Le premier, qui n’occupe pas moins de deux colonnes à la une de La Stampa du 29 juin 1928, s’adresse au vaste public du quotidien. L’envoyé spécial Ernesto Quadrone y fait le récit du voyage qui conduit Balbo, à la tête d’une patrouille de vingt-trois officiers aviateurs à bord de douze appareils biplaces de reconnaissance – six FIAT R.22 et six Ansaldo A.120 – de Rome à Londres pour assister, comme l’année précédente, au meeting aérien de Hendon. Se fondant sur les informations recueillies auprès des pilotes à leur descente d’avion, il présente leur périple – mille six cents kilomètres parcourus en neuf heures, y compris les escales de ravitaillement – comme un authentique exploit en raison des conditions atmosphériques rencontrées sur le trajet. Le brouillard les a contraints d’abord à suivre la ligne ferroviaire Rome-Pise en rase-mottes « à dix mètres en plein au-dessus du sol pour en apercevoir les rails ». Puis, pour éviter un amas nuageux impénétrable au-dessus des Alpes, ils ont dû grimper à quatre mille mètres d’altitude et affronter là de violentes rafales de vent glacial pour ne pas courir le risque de s’écraser contre les parois du massif montagneux. Pour finir, ils ont traversé la Manche en vol aveugle dans un épais banc de brouillard. Ce récit haut en couleurs est accompagné d’un commentaire dans lequel la rédaction du quotidien turinois rend un nouvel hommage aux dons et à l’engagement personnel de Balbo :

[…] cette entreprise se déroule sous la conduite d’Italo Balbo, lequel donne à ses subordonnés un magnifique exemple d’activité et de passion, en mettant en pratique l’idée que tous ceux qui ont l’honneur d’appartenir à l’armée de l’air doivent voler : des généraux aux plus modestes élèves. La fonction de sous-secrétaire d’Etat, que Balbo remplit de façon si honorable et si louable, ne l’empêche pas de se porter en vol dans les cieux d’au-delà des Alpes, suscitant ainsi l’admiration des milieux aériens étrangers pour cette activité typiquement et profondément fasciste33.

Quelques mois plus tard, c’est le mensuel L’Ala d’Italia qui publie à son tour un éloge hyperbolique de l’ancien « as » de Ferrare sous le titre « Un atterrissage mouvementé de S.E. Balbo ». D’après l’auteur anonyme du papier, le 28 janvier 1929 en début d’après-midi, Balbo décolle de l’aérodrome romain de Centocelle à bord d’un appareil Ansaldo A.120 dans le but d’inspecter divers terrains d’aviation dans le nord du pays. Contraint par l’épaisseur des nuages à prendre de l’altitude pour franchir les Apennins, il survole ensuite la mer adriatique particulièrement houleuse, avant qu’une bourrasque de grésil ne l’oblige à effectuer un atterrissage de fortune entre la plage et la ligne de ressac dans les environs de Rimini :

La manœuvre rendue encore plus difficile par la nécessité de ne pas renverser quelques groupes de pêcheurs qui ramassaient des coquillages [sic] a été parfaitement exécutée, digne des dons raffinés de pilote, désormais bien connus, du sous-secrétaire d’Etat à l’aéronautique […].

Ce nouvel épisode […] confirme une fois de plus les qualités d’adresse et de décision de ce jeune hiérarque et aviateur et sert d’exemple à ceux qui s’adonnent à la science aéronautique34.

La flagornerie la plus outrancière et le récit de style épique emprunté à la tradition des évocations de voyages d’aventure pourraient suffire à impressionner le public. Les « intellectuels fonctionnaires »35 de la propagande y ajoutent pourtant un troisième ingrédient : le mensonge par omission. S’il indique que son héros voyageait à bord d’un avion Ansaldo A.120, dont les connaisseurs n’ignorent pas qu’il s’agit d’un appareil biplace, le rédacteur de L’Ala d’Italia se garde en revanche de mentionner la présence d’un compagnon de vol, alors qu’il est impensable que Balbo ait pu entreprendre un aussi long trajet sans qu’un assistant choisi parmi les pilotes les plus expérimentés se trouvât à ses côtés : l’artifice permet d’attribuer au hiérarque tout le mérite de la manœuvre. Quant à l’envoyé spécial et à la rédaction de La Stampa, ils donnent à croire au lecteur que la patrouille commandée par Balbo a franchi d’un seul trait la distance qui sépare Rome de Londres, alors que compte tenu de l’autonomie de vol des appareils utilisés pour la circonstance – quatre heures et demie pour l’Ansaldo A.120, six heures pour le FIAT R.2236 – plusieurs escales techniques s’imposaient assurément.

3. L’aristocratie du ciel

L’habileté, la fréquence et l’emphase avec lesquelles la propagande présente Balbo comme la plus pure incarnation des vertus de l’aristocratie du ciel laissent en définitive bien peu de place à l’évocation des activités aériennes des autres hiérarques, qui s’efforcent pourtant de se distinguer dans ce domaine afin de plaire au maître de l’Italie. Tout au plus trouve-t-on quelques rares mentions dans les revues spécialisées. En juillet 1929, L’Ala d’Italia signale par exemple que le chef de cabinet du Ministère des affaires étrangères Giorgio Mameli a obtenu le brevet de pilote de deuxième degré sur l’aérodrome de Centocelle en présence de Balbo, du sous-secrétaire d’État aux affaires étrangères Dino Grandi et d’un public composé de hauts fonctionnaires collègues de l’aviateur37. L’année suivante, c’est le jeune sous-secrétaire d’État à l’aéronautique Raffaello Riccardi38 – qui seconde Balbo depuis que Mussolini a conféré à celui-ci le rang de ministre en septembre 1929 – qui reçoit les félicitations de la rédaction du mensuel après avoir obtenu à son tour le brevet de pilote le 26 juin 193039. Dans le même numéro, la rédaction signale également que le 5 juillet, le duc Marcello Visconti di Modrone, podestat de Milan, a pour sa part obtenu le brevet de deuxième degré en présence d’un parterre composé d’ingénieurs de la firme aéronautique lombarde Breda et d’officiers de l’armée de l’air40. Quelques mois plus tard, L’Ala d’Italia consacre un article au député de Vicence Alberto Garelli à l’occasion de l’obtention par celui-ci de la licence de pilotage de deuxième degré le 19 octobre 193041. Ancien combattant titulaire de trois décorations, ancien membre des escouades fascistes et fondateur du fascio local, directeur du journal Vedetta fascista, secrétaire fédéral du PNF de la province de janvier 1926 à mars 1929, chef du bureau de presse du parti d’octobre 1929 à octobre 1930, ce notable à la carrière politique bien remplie est aussi un sportif et un homme d’affaires accompli : ancien joueur et capitaine du club de football de Vicence, ancien membre du conseil de la fédération italienne de football, il préside l’Union cycliste italienne, mais aussi l’Aéro-club de sa ville et la Società Aerea Mediterranea42. Le cas du député de Vicence n’est pas unique, comme le montre le texte d’un télégramme adressé par Mussolini à son collègue Roberto Forni, élu de la circonscription piémontaise de Novare, le 2 novembre 1927 :

Recevez mes plus vives félicitations pour l’obtention du brevet de pilote aviateur. Il est plus que jamais nécessaire de voler. Tous les députés fascistes jeunes et qui n’ont pas froid aux yeux devraient suivre votre exemple. C’est ainsi, et non avec les bisbilles insignifiantes que l’on prépare les esprits et les armes pour l’Italie et pour le Fascisme43.

C’est bien cette conception vitaliste de l’aviation, considéré par le duce comme source de régénération spirituelle et physique du peuple italien et, en premier lieu, de l’élite qui l’encadre, le dirige et lui impose le style et l’idéologie fascistes, qui conduit Mussolini, ancien journaliste, lecteur attentif d’une gamme étendue de publications et organisateur inflexible des moyens de contrôle de l’information44, à tolérer – sinon à encourager – la glorification du pilote Balbo. Entreprise doublement utile : d’une part pour mener à bien la fascisation de l’armée de l’air, d’autre part pour exploiter à des fins pédagogiques le retentissement des gestes spectaculaires du hiérarque devenu aviateur.

4. Le système Balbo : « la pentarchie journalistique »45

Le développement d’une solide culture et d’une bonne propagande aéronautique dans l’Italie fasciste, où le travail s’organise dans tous les domaines sur la base d’intentions et en fonction de buts homogènes, ne peut que dépendre d’une presse conforme aux grands critères et aux grandes directives imprimées par le Duce non seulement à l’aviation mais à toutes les activités du pays46.

C’est en ces termes que la nouvelle direction de L’Ala d’Italia justifie l’acquisition du périodique par l’Aéro-club d’Italie. Cet organisme public, que préside depuis le 1er août 1931 le député Marcello Diaz47 – fils du maréchal Armando Diaz –, est en effet un instrument crucial de la stratégie centralisatrice que Balbo met en œuvre après sa nomination au sous-secrétariat d’État à l’aéronautique en novembre 1926, afin de procéder, conformément à la volonté mussolinienne, à l’anéantissement de la faction turbulente dont Longoni, Aldo Finzi et Antonio Locatelli se sont faits les porte-parole, mais aussi pour imposer le plus rapidement possible sa propre autorité à un monde auquel il n’est pas moins étranger que son prédécesseur Alberto Bonzani.

C’est dans ce double but qu’il nomme des commissaires extraordinaires à la tête des sections de l’Aéro-club au début de l’année 192948, décide en septembre 1929 la création d’escadrilles, contrôlées par ces sections, destinées à l’entraînement des personnels navigants réservistes de l’armée de l’air49 et autorise la parution d’une revue hebdomadaire de l’Aéro-club intitulée Le vie dell’aria, dont le premier numéro sort le 28 mars 1929. Ce nouveau périodique remplit une fonction essentiellement administrative puisque comme l’indique son sous-titre, il « publie les actes officiels de l’Aéro-club Royal d’Italie ».

Mais la gamme de publications sur lesquelles le sous-secrétaire d’État, devenu ministre en septembre 1929, étend son emprise ne se borne pas à ces deux périodiques. Il contrôle aussi la Rivista aeronautica, mensuel officiel de l’armée de l’air italienne fondé en juillet 1925 : non seulement il choisit le directeur parmi les officiers d’active de l’armée de l’air, mais il vérifie personnellement le contenu de chaque livraison, comme le montre le compte-rendu des débats parlementaires du 22 mars 1928 relatifs à l’examen du budget de son ministère pour l’exercice 1928-1929, qui porte la trace d’un vif échange verbal l’opposant au député Antonio Bassi, lequel a pris la parole pour réfuter la thèse de l’inutilité de l’aviation auxiliaire de l’armée de terre, idée soutenue par le général Giulio Douhet – théoricien de la maîtrise de l’air50 – dans un article paru dans la revue. Ce document est particulièrement précieux, parce qu’en revendiquant publiquement son ingérence dans la ligne éditoriale du mensuel, Balbo révèle par là-même la nature profondément autoritaire de son intervention dans le domaine de la propagande :

Balbo, sous-secrétaire d’État à l’aéronautique : Tu as mal lu !

Bassi : Non, j’ai fort bien lu. L’article est signé de Douhet.

Balbo […] : C’est un auteur très qualifié.

Bassi : C’est lui qui le dit !

Balbo […] : Mais tu n’as pas compris ! Tu as compris opérations de l’armée de coopération, et non de l’escadrille auxiliaire…

Bassi : Mais je rapporte sa pensée.

Balbo […] : Les appareils auxiliaires sont ceux qui ne trouvent pas place dans l’armée de l’air, composée seulement d’appareils de chasse et d’appareils de bombardement.

Bassi : Je te prie de lire cet article !

Balbo […] : Je l’ai lu avant de le publier, parce que c’est moi qui suis le directeur de cette Revue. Tu as mal lu !51

De l’aveu même de Balbo, son rôle, loin de se limiter à une supervision hiérarchique purement formelle de la publication que patronne son ministère, consiste donc en un contrôle préalable du contenu des articles qui ne sauraient par conséquent paraître sans son placet personnel. Censeur omniprésent, c’est lui qui dicte la ligne éditoriale jusque dans les moindres détails, parce qu’il estime que la direction politique, militaire et technique de l’aviation que lui a confiée Mussolini ne serait pas complète s’il n’avait pas aussi, simultanément, la maîtrise totale de la propagande dans ce domaine. Or le contrôle exercé sur des publications officielles – Rivista aeronautica et Le vie dell’aria – ne comblent pas pleinement cette ambition. Pour la satisfaire, Balbo doit étendre son influence à l’ensemble de la presse écrite, spécialement à la presse quotidienne que lit un public beaucoup plus vaste et bien plus varié que celui des périodiques spécialisés. Il dispose pour cela de plusieurs atouts.

C’est en premier lieu son expérience personnelle du journalisme. Habile à user de Il Corriere padano – quotidien qu’il a fondé à Ferrare en avril 1925 et dont il a confié la direction à son fidèle second Nello Quilici – dans le double but de consolider le contrôle qu’il exerce sur son fief provincial et de promouvoir son image de hiérarque au plan national, il se veut profond connaisseur des rouages internes d’une rédaction, mais aussi des techniques de fabrication d’un journal, comme en témoigne le récit de sa visite au siège du New York Times le 21 juillet 1933, lors de l’escale new-yorkaise de la croisière aérienne transatlantique organisée pour célébrer le dixième anniversaire de la révolution fasciste : « […] je m’assieds devant une linotype : je fais la démonstration que je suis capable aussi de composer sur la prodigieuse machine à laquelle ne manque que le cerveau pour qu’on la définisse pensante »52.

Les excellentes relations de Balbo avec les milieux journalistiques constituent son deuxième atout. Ami d’Aldo Borelli – directeur de Il Corriere della Sera, quotidien le plus diffusé du pays – avec lequel il entretient « une étroite relation épistolaire »53 qui se poursuit même après son départ du ministère de l’aéronautique, il a su s’attirer la sympathie des journalistes qu’il entraîne à sa suite lors de ses principaux périples aériens. Certains d’entre eux, particulièrement ceux qu’il a surnommés la « pentarchie journalistique », sont devenus au fil du temps plus que de simples témoins et chroniqueurs, de véritables camarades d’aventure qu’il évoque affectueusement en diverses occasions.

C’est par exemple l’hommage ému rendu à Otello Cavara dans la préface que Balbo rédige pour l’ouvrage collectif que les onze journalistes qui ont suivi la première grande croisière en formation – réalisée en mai-juin 1928 en Méditerranée occidentale – font paraître en 1929. Ancien pilote de guerre et vétéran du journalisme aéronautique, Cavara54 meurt quelques mois après le raid, non sans avoir apporté sa contribution au livre dont, si l’on en croit Balbo, il avait lui-même formulé le projet dès leur retour en Italie.

Par une splendide après-midi d’été du mois de juin – se souvient Balbo – un joyeux groupe était assemblé autour d’une table champêtre à l’écart, dans un petit restaurant à la périphérie de Rome.

La joyeuse brigade était composée d’aviateurs, des Chefs et des journalistes : les onze journalistes qui avaient participé à la mémorable Croisière des 61 hydravions italiens en Méditerranée occidentale :

[…]

Ce jour-là, dans le petit restaurant romain, sous la verte et rustique pergola, quelqu’un qui n’est plus parmi nous, un journaliste racé, un homme de valeur, un travailleur infatigable, toujours teinté de bonté et de gentillesse, sollicité par les camarades, se leva avec son visage limpide et souriant, avec sa manière simple et cordiale et prononça des mots que nous nous rappelons.

Je parle d’Otello Cavara, du cher ami trop tôt disparu, du grand chroniqueur, dont le souvenir est plus vif que jamais dans mon cœur. Le bon Cavara dit avec quel enthousiasme et quelle admiration il avait participé à la première grande démonstration de l’aviation en formation et, interprète de la pensée de ses dix compagnons, il rappela l’importance qu’avaient pour la propagande civile l’entraînement et la participation des journalistes aux grands événements aéronautiques55.

Joyeuse camaraderie, intime complicité et solidarité de caste fondées tout à la fois sur l’expérience partagée d’une aventure perçue comme exceptionnelle et sur l’adhésion commune à une mystique politique ; sentiment d’admiration réciproque – du hiérarque aviateur pour les qualités oratoires et de plume de ses compagnons journalistes, de ceux-ci pour les vertus d’animateur, de chef politique et militaire et d’aviateur du premier –, tels sont les ciments d’une amitié qui sans abolir les distances – chacun, en effet, du sous-secrétaire d’État au journaliste reste à la place que sa fonction lui assigne dans la hiérarchie – autorise le subalterne à pénétrer pour quelques heures ou pour quelques jours dans l’intimité du supérieur, lui donnant ainsi l’illusion flatteuse de toucher aux arcanes du pouvoir et par là-même de participer, ne fût-ce qu’indirectement, à son exercice quotidien.

Quant au supérieur, il ne peut qu’être flatté à son tour d’offrir le spectacle de sa puissance au public élu de ces courtisans dont la plume doit transmettre aux masses toute l’admiration qu’eux-mêmes éprouvent au contact de l’homme qu’ils servent. C’est bien cette relation symbiotique qui fait écrire à Balbo, évoquant l’émotion ressentie après l’amerrissage de la formation qu’il commande à Cartwrigth, sur les côtes du Labrador, le 12 juillet 1933, au terme de la traversée de l’Atlantique Nord : « Voici les journalistes italiens : ils sont bronzés : certains ont une longue barbe : visage d’explorateurs polaires. Certains sont en mer depuis trois mois. De vieux amis. Je les embrasse un par un »56.

A ces témoignages d’amitié s’ajoutent de délicates attentions. C’est l’honneur de voler à bord de l’appareil que pilote Balbo – qui échoit par exemple à Nello Quilici durant les étapes de Shediac à Montréal le 14 juillet 1933, de Montréal à Chicago le lendemain et de Chicago à New York le 19 juillet, ou bien à Luigi Freddi, envoyé spécial de Il Popolo d’Italia, le 25 juillet de New York à Shediac sur la voie du retour57. Ce sont aussi des décorations, qui récompensent certains journalistes au même titre que les personnels navigants militaires ou que les aviateurs civils auteurs d’authentiques exploits.

Le 28 mars 1931, à l’occasion de la célébration du huitième anniversaire de l’armée de l’air, Mussolini procède à la traditionnelle remise de médailles. Parmi les récipiendaires, aux côtés de Balbo et des aviateurs qui, sous ses ordres, ont mené à bien la première croisière transatlantique, se trouvent les membres de la « pentarchie journalistique » chère au ministre de l’aéronautique lesquels se voient décerner la médaille d’argent commémorative d’exploits aéronautiques pour leur participation aux ultimes étapes du raid, de Natal à Rio de Janeiro58. Nul doute que sans l’intervention de Balbo ils n’auraient jamais vécu ces quelques instants de gloire dont la jouissance ne peut que renforcer leur attachement, leur loyauté et leur dévouement à l’égard de leur illustre protecteur.

Pourtant, ni les liens amicaux de Balbo avec ces journalistes, ni sa modeste expérience de la profession ne suffisent à expliquer que le moindre des voyages aériens du hiérarque ait l’honneur des gros titres et bénéficie de récits de style épique. C’est qu’il dispose d’un troisième atout, dont il use pour renforcer les deux autres : sa fonction lui confère l’autorité et lui donne les moyens matériels nécessaires pour planifier minutieusement la couverture médiatique de ses moindres déplacements aériens. Nous touchons là au cœur du système Balbo : le chantre des grands raids en formation est aussi l’habile organisateur de la propagande chorale qui doit les valoriser.

Pas moins de onze journalistes sont invités à suivre la première de ces grandes entreprises : à bord d’un hydravion SIAI Marchetti SM.55 spécialement affrété pour eux, ils participent à toutes les étapes du raid en Méditerranée occidentale en mai-juin 192859. Moins d’un mois après leur retour sur le sol national, les mêmes précédent Balbo à Londres – où ils parviennent au terme d’un trajet en deux étapes, de Rome à Berlin, puis de Berlin à Londres, à bord de deux appareils60 – afin de suivre la visite du sous-secrétaire d’État, à laquelle La Stampa, que représente le journaliste Ernesto Quadrone, consacre six articles du 29 juin au 11 juillet 1928, tous publiés en première page.

Avec le temps, la formidable machine de propagande conçue par Balbo à la mesure de ses ambitions fait figure de système clanique. La « pentarchie journalistique » tend en effet à exercer le monopole de la participation aux exploits aériens du hiérarque : les cinq amis journalistes traversent l’Atlantique sud en bateau afin de prendre part aux étapes continentales de la première grande croisière transatlantique en 1931 (Italie-Brésil), puis trois d’entre eux franchissent l’Atlantique nord en 1932 pour suivre les étapes de la croisière du Décennal (1932-1933) en territoire canadien et américain, de Cartwright – au Labrador – à New-York.

En cette ultime occasion, le système Balbo est à son apogée. En amerrissant dans la rade de Shediac, en Nouvelle-Ecosse, le hiérarque aviateur trouve en effet sur le débarcadère son neveu Lino, son fidèle ami Quilici, le major Guardenghi, responsable du bureau de presse du ministère de l’aéronautique, ainsi que le chef de son secrétariat personnel : « Le bureau de presse et le secrétariat personnel sont au complet et ils auront du travail ! » – note-t-il dans son livre de souvenirs61. Les quatre hommes, qui ont fait le voyage sur un paquebot, s’envolent pour Montréal le lendemain à bord de l’appareil de Balbo. A l’étape suivante, qui mène les équipages à Chicago, le chef du bureau de presse et son homologue du secrétariat personnel voyagent sur un autre hydravion pour faire place à l’ambassadeur d’Italie aux Etats-Unis Augusto Rosso et au colonel Sbernadori, attaché de l’air italien à Washington. Mais Lino Balbo et Nello Quilici restent aux côtés du hiérarque dans l’appareil duquel « [ils] ont organisé une espèce de secrétariat volant, et pendant le vol la machine à écrire fonctionne dans le flotteur de droite »62 – pour ne le quitter qu’à la veille du trajet de retour au-dessus de l’océan. Parvenu à Punta Delgada, aux Açores, le 8 août 1933, Balbo est d’ailleurs contraint d’assurer son propre secrétariat :

Je me retire pour rédiger un rapport pour le Duce et écrire quelques télégrammes pour la presse. Je les tape moi-même à la machine, mais j’ai du mal : je ne suis pas un bon dactylographe. Pezzani m’aide, comme il peut. Je reçois un long télégramme crypté. Nous le décryptons et je réponds : à cette gymnastique-là aussi nous sommes entraînés63.

Ces détails révèlent une ultime caractéristique du système Balbo : le hiérarque exerce un contrôle direct sur l’information, au point que les journalistes dont il aime à s’entourer ne sont en définitive que des exécutants de sa volonté, entièrement dépendants de son bon vouloir pour la collecte et pour la diffusion des nouvelles relatives aux raids dont ils sont pourtant les premiers témoins. Lors des deux premières croisières en Méditerranée occidentale en mai-juin 1928, puis en Méditerranée orientale, de Rome à Odessa, en juin 1929, ce contrôle est limité à une forme de censure préventive. Les journalistes qui accompagnent les équipages assistent à toutes les étapes et informent ponctuellement leurs lecteurs des moindres détails de leur déroulement. Mais ils sont tenus à la discipline militaire que leur a imposée Balbo, lequel leur interdit formellement l’exaltation individuelle des pilotes, exigeant au contraire que soit souligné le primat de la collectivité sur l’individu, du vol en formation sur le vol solitaire, du dévouement à une cause commune sur l’exploit isolé, conformément à la thèse qu’il formulait devant les députés le 23 mars 1928, lors du débat relatif au budget de son ministère64. Le ton péremptoire de ce discours n’admet pas de réplique. Aussi les journalistes qui, deux mois plus tard, s’embarquent pour suivre la croisière en Méditerranée occidentale doivent-ils obtempérer à la consigne formelle de ne pas flatter l’orgueil personnel des pilotes qu’ils côtoient. Mais la tentation de transgresser l’ordre reçu est si forte que les stratagèmes fleurissent. Le 1er juin 1928, La Stampa publie un article dans lequel son envoyé spécial Ernesto Quadrone évoque la soirée qu’il vient de passer en compagnie de Balbo :

Je ne peux malheureusement pas rapporter les détails intéressants de la longue conversation nocturne, durant laquelle ont été évoquées les personnalités de tous les pilotes qui participent à la croisière. Le Sous-secrétaire d’État à l’Aéronautique a formellement interdit de donner des noms et de citer des personnes. Dommage!

Donc, pas de noms, bien que l’envie d’en donner soit très forte. Je parlerais, bien entendu, en premier lieu de mon jeune pilote. Je ne sais pas si le public a la moindre idée sur le comportement d'un pilote en vol […]. Le pilote a toujours de multiples choses à faire, d’infinis détails desquels s’occuper. J’ai remarqué que mon pilote n’a pas un instant de repos pendant le vol, même quand c’est le copilote qui est aux commandes65.

De l’art de s’autocensurer tout en donnant l’illusion de la transgression : cette illusion, Quadrone l’entretient d’ailleurs jusqu’au bout puisqu’il conclut l’ultime article qu’il consacre au raid – paru au lendemain du retour des équipages dans la rade d’Orbetello, en Toscane – par une vibrante profession d’indépendance – « Peut-être, je le répète, romprai-je la consigne, parce que s’il est facile de dire à un journaliste de se taire, il n’est pas aussi facile de bâillonner l’esprit de quelqu’un qui a joui si intensément » –, aussitôt contredite, cependant, par l’adhésion déclarée à la mystique communautaire fasciste de l’appartenance nationale – « Mais il ne s’agit pas seulement de jouissance esthétique : cela tient aussi à la fierté de s’être senti, en terre étrangère, aussi profondément, religieusement italien66 ».

Pareille alliance des contraires est peut-être, après tout, l’indice d’un reste de pudeur de la part d’un homme de plume embrigadé dans un système qui le contraint, de même que les pilotes réduits à l’exercice anonyme du vol en formation, à effacer son individualité pour se soumettre au carcan de la discipline collective. Du reste, la péroraison d’Ernesto Quadrone vient en contrepoint du discours que Balbo a voulu tenir aux journalistes à la fin du raid – que l’envoyé de La Stampa reproduit dans son article :

Je désire vous adresser un vif éloge. Pour une fois, dans une entreprise, les journalistes n’ont pas fait seulement de la couleur : cette couleur qui a lassé l’Italie nouvelle, et ont été également abandonnées les sempiternelles apologies individuelles des aviateurs. Fort bien ! Les soldats ne sont pas des numéros de café-concert et l’on ne chatouille pas leur vanité à base de belles phrases. Vous avez fait la démonstration que vous avez compris la mission de l’Aviation italienne, qui est anonyme parce qu’elle est riche de héros connus et plus encore de héros inconnus, obscurs, qui accomplissent chaque jour en silence un devoir sublime. L’Aviation italienne n’a pas de nom, ou plutôt elle n’en a qu’un : celui du Duce67.

Mobilisés au service d’une idée qu’ils sont appelés à servir selon une discipline de style militaire, les journalistes ne sont en définitive que des rouages, conscients mais dociles, de la machine de propagande conçue par Balbo, lequel s’arroge le droit de juger souverainement de leur travail, non seulement au terme de l’aventure, mais aussi dès la première étape du voyage – comme le montre la contribution d’Ernesto Quadrone au livre collectif qui paraît quelques mois après le raid. La scène rapportée par le correspondant de La Stampa mérite d’être intégralement reproduite car elle constitue un extraordinaire témoignage sur le fonctionnement concret du système de censure préventive – à mi-chemin entre la farce amicale et le chantage psychologique que seul le détenteur d’une autorité indiscutable peut se permettre d’exercer à l’encontre de ses subalternes –, système despotique dont Balbo paraît avoir usé avec une délectation sadique. Le 28 mai 1928, les équipages font étape à Pollensa, aux Baléares. Dans la soirée, les onze journalistes et l’état-major de la croisière sont attablés en compagnie du hiérarque aviateur :

[Balbo] fit un brindisi en levant un verre plein d’un petit vin blond et traître et nous servit la dernière surprise ; l’une de ces surprises qui donnent la chair de poule…

Nous allions nous lever quand entra, timide et souriant, le chef du bureau télégraphique.

Il portait une pile de télégrammes : les nôtres, ceux que nous avions rédigés mot à mot tout juste après l’amerrissage en provenance de Cagliari, destinés à nos journaux respectifs.

D’un geste de la main, le général appela à lui l’employé, et fit renverser devant lui cette dernière portée et dit d’un ton très sec, en soufflant la fumée de la cigarette qui lui pendait aux lèvres : « voyons ce que vous avez écrit… ».

Dans la pièce s’installa un silence général ; les autorités se calèrent dans leur siège pour se préparer à assister à ce spectacle d’un genre nouveau et certains d’entre nous s’épongèrent le front, non pas tant pour en enlever la sueur qui y perlait, mais presque pour se caresser par ce geste le cerveau et lui dire : « espérons que tu ne m’auras pas trahi ».

Je me souviendrai toujours de l’expression que prirent les visages de mes collègues et qui fut, j’imagine, la mienne.

Même le journaliste qui ne se pique pas d’être un lettré est sujet, comme le lettré, à cette pudeur en vertu de laquelle c’est, je ne dis pas une douleur, mais une torture que de « s’entendre » lire à haute voix.

Italo Balbo, heureusement, ne lut pas à haute voix. Mais sa parole était remplacée par une mimique si évidente que les articles de chacun de nous furent pour ainsi dire scandés, période après période. Ses mains, ses yeux, le mouvement ascendant et descendant de son bouc blond de haut en bas de la page, révélèrent publiquement peut-être mieux qu’il ne l’aurait fait de sa voix, le résultat de notre travail télégraphique.

J’ai appris lorsque j’étais officier la définition du mot « discipline » ; le premier caporal des chasseurs alpins, d’ailleurs interrogé sur sa signification profonde et complexe aurait répondu, de mon temps, à coup sûr : « la discipline est cette sensation de malaise que tout inférieur éprouve face à son supérieur… ».

Nous étions précisément pénétrés de « cette sensation de malaise » pendant qu’Italo Balbo parcourait nos télégrammes lesquels, si dans la ferveur de l’improvisation nous nous étions fait l’illusion qu’ils fussent beaux, à les voir là, sur la table… de dissection, écrits d’une calligraphie déformée par la hâte, nous parurent la chose la plus misérable et la plus mélancolique du monde.

Je revois le visage du pauvre et inoubliable ami Cavara. Le scrupuleux collègue du Corriere della Sera, les mains dans ses beaux cheveux longs et bouclés, les yeux qui paraissaient plus luisants et plus creusés que de coutume, la bouche figée sur l’ébauche d’un sourire qui ne se décidait pas à se dessiner, le menton pointé vers un panier de mandarines qu’il avait, lui si gourmand de fruits, tiré à lui, respirait avec peine.

Otello n’était pas bien sûr que les feuilles que le général était en train de lire fussent justement les siennes et, de temps en temps, il implorait du regard le voisin de gauche du sous-secrétaire d’Etat afin qu’il lui ôta ce doute. Et il pointait l’index de sa main agile et grassouillette au centre de sa poitrine, ou bien il le levait en l’agitant en signe de démenti, d’un petit geste rapide, accompagné de longs soupirs.

Si le général souriait de satisfaction, Cavara souriait et regardait autour de lui comme pour dire : c’est justement mon article. Si le général plissait le front, l’ami cherchait le collègue qui lui paraissait le plus digne ou le plus nécessiteux d’un réconfort et il lui disait d’un regard long et doux : « C’est ton article, courage ».

Michele Intaglietta, plus espiègle, me poussait du coude en me murmurant perfidement à l’oreille : « Maintenant il te recale, mais il y a la session de repêchage ». Moi je pensais que si une « panne » m’avait immobilisé en plein mer, j’aurais été moins malheureux.

Pourtant tout se passa bien pour tous et Italo Balbo, après ce travail qui dura environ une heure, se leva satisfait. « Ce n’est pas mal, dit-il, c’est la première fois que vous faites une correspondance de ce genre et j’ai voulu voir si par hasard vous aviez écrit des bêtises et vous remettre dans le droit chemin ». Chacun de nous avala alors avec satisfaction le verre de vin blanc qu’il n’avait pas pu toucher et partit dormir68.

Tout autant que la scène qu’il décrit, le ton de ce récit révèle admirablement la complexité, l’ambiguïté même de la condition du journaliste en régime totalitaire. Agent plus ou moins enthousiaste, mais parfaitement conscient, d’une propagande dont il partage les principes, il est aussi, simultanément, la victime consentante de la censure inhérente au système duquel il n’est qu’un fragile rouage. C’est en vertu de cette contradiction jamais résolue – si ce n’est, momentanément, par le sommeil dans lequel les journalistes vont se réfugier pour échapper au cauchemar, bien réel, qu’ils viennent de vivre – que le récit oscille constamment entre l’identification aux victimes de la surprise préparée par Balbo et l’admiration pour le chef – « le général » – dont ni les titres à examiner les travaux de professionnels de la plume, ni la sentence qu’il doit émettre à leur sujet ne sauraient être discutés.

Deux ans et demi plus tard, le système Balbo s’est encore durci. Les membres de la « pentarchie journalistique » qui prennent la mer à Savone pour gagner le Brésil ne sont plus sous la surveillance directe de leur patron puisqu’ils ne participent pas aux premières étapes de la croisière aérienne transatlantique, mais l’information leur échappe totalement : Balbo s’en est arrogé le monopole et aucun article ne peut paraître tant que l’Agence Stefani n’a pas diffusé le rapport qu’il adresse au duce au terme de chaque étape69. Ces rapports, les journaux les reproduisent donc, en les accompagnant d’un commentaire qui n’est qu’une paraphrase de circonstance et d’une correspondance de leur envoyé spécial qui, de l’autre rive de l’Atlantique, s’efforce d’entretenir son public par des anecdotes pleines de couleur locale, par des considérations techniques sur les appareils, sur la route qu’ils vont suivre, sur les aléas atmosphériques des contrées qu’ils survolent et par des prévisions relatives à la réussite de l’entreprise. En veut-on la preuve ?

Du 14 décembre 1930, lendemain de la prise du commandement de Balbo à Orbetello, au 18 janvier 1931, jour de parution dans la presse d’un article que celui-ci a fait télégraphier à l’agence Stefani – dans lequel il tire les conclusions de l’expérience qu’il vient de vivre –, le quotidien La Stampa consacre seize fois sa première page – entièrement ou partiellement – aux différentes étapes du raid. On y trouve pas moins de neuf communiqués officiels, dont six télégrammes signés de Balbo, quatre desquels flanqués d’un commentaire anonyme redondant. Quant aux correspondances d’Ernesto Quadrone, seules deux d’entre elles décrivent une étape à laquelle il a personnellement assisté – il s’agit des deux dernières, en terre brésilienne, de Port Natal à Salvador de Bahia le 11 janvier 1931, puis de cette dernière localité à Rio de Janeiro le 15 janvier – ; les neuf autres papiers de l’envoyé spécial de La Stampa sont soit des articles de diversion écrits dans l’attente de l’arrivée des équipages italiens, soit des chroniques de l’accueil triomphal qu’ils reçoivent dans les localités brésiliennes où ils font escale.

Les moyens déployés par le quotidien turinois durant l’été 1933 pour couvrir la seconde croisière transatlantique sont beaucoup plus importants, puisqu’il mobilise à cet effet pas moins de six envoyés spéciaux : à l’aller, Enrico Mattei assiste au départ de la rade d’Orbetello en Toscane, Guido Tonella est dépêché en Suisse pour y commenter le survol des Alpes, Paolo Zappa est à Amsterdam, Marcello Prati en Irlande du Nord, Curio Mortari en Islande, d’où la formation doit s’élancer pour franchir l’Atlantique nord, Mario Bassi, enfin, qui remplace pour cette fois Ernesto Quadrone au sein de la « pentarchie journalistique »70, attend l’arrivée des équipages à Cartwright, sur les côtes du Labrador, pour participer avec eux aux quatre étapes prévues en territoire canadien et américain. Au retour71, Marcello Prati a quitté Londonderry pour Valentia et Riccardo Forte est dépêché à Lisbonne, terme de l’avant-dernière étape, avant le retour en Italie. Les informations relatives à l’escale des Açores sont empruntées à l’agence United Press72. Si elle permet de donner au lecteur l’illusion de la variété en multipliant les correspondances, cette pléthore d’envoyés spéciaux ne modifie en rien le caractère monolithique, autocratique et totalitaire du système Balbo. Tous les membres de la rédaction trempent en effet leur plume à la même source, celle des communiqués de l’Agence Stefani.

Conclusion

L’habileté et le charisme de Balbo, sa réussite et sa popularité croissantes, les excès de la propagande relative à sa personne finissent par susciter chez Mussolini une sourde irritation teintée de jalousie qui le conduit à écarter ce rival potentiel en le nommant gouverneur de Libye en novembre 1933. Le duce recentre alors la propagande aéronautique sur sa propre activité d’aviateur73. Pareille décision permet du même coup de tarir l’une des multiples sources d’intrigues et de querelles qui ne cessent d’animer le petit monde des hiérarques – jaloux les uns des autres et des relations plus ou moins privilégiées que chacun d’eux peut entretenir avec le maître du pays – et dont l’écho public ne peut manquer de produire un effet déplorable qui dément l’image de virile camaraderie que le régime prétend donner de lui-même. Car les chefs fascistes utilisent volontiers la presse pour régler leur comptes, comme en témoigne la publication en juillet 1928 par La Stampa d’un télégramme adressé par Balbo – alors à Londres où il assiste au meeting aérien de Hendon –, cinglante réplique à un article paru dans le journal Regime fascista – créature de l’ancien secrétaire général du PNF Roberto Farinacci – dans les colonnes duquel le chef fasciste de Crémone voit un moyen de compenser la perte d’influence consécutive à sa démission forcée de la direction du PNF74.

On m’informe de tes critiques relatives aux vols du Duce. Je m’empresse de disculper l’excellence Sirianni75 qui n’a aucune responsabilité ni ingérence dans cette affaire. La faute est entièrement mienne. C’est à moi seul que doivent être adressées tes réprimandes. Tu devrais pourtant désormais savoir que la volonté précise du Duce ne saurait être modifiée par l’intervention, même affectueuse, de ses plus fidèles collaborateurs. Et tu devrais également savoir qu’il n’est pas possible de passer outre à ses ordres précis. Tu peux donc t’adresser directement à lui, plutôt qu’à ma modeste personne. Si tu veux connaître mon avis personnel, j’ajoute qu’à un vieux vétéran des tranchées de la trempe de Mussolini, on ne peut ôter la joie du modeste risque de voler. Le monde avance et Mussolini le précède. Saluts fraternels. Italo Balbo76.

La nouvelle orientation de la propagande aéronautique consécutive à l’exil de Balbo en Libye rend impossible l’expression publique de telles disputes, puisque seuls les voyages aériens du chef suprême et des membres de son clan doivent désormais être proposés à l’admiration des foules. Les premiers signes de ce nouveau cours se manifestent durant l’année 1934. Le 7 août, La Stampa affirme pour la toute première fois que Mussolini aurait personnellement pris les commandes d’un appareil et la pièce maîtresse de l’Exposition de l’aéronautique italienne, inaugurée en juin à Milan77, est un avion endommagé que l’on présente aux visiteurs comme l’Aviatik à bord duquel le chef fasciste apprenait à piloter au début des années vingt. C’est faire savoir clairement à l’Italie et au monde que Mussolini, et non point Balbo, est le modèle aéronautique de l’homo novus fasciste, ce que confirme le spectacle, soigneusement mis en scène, des pérégrinations aériennes du dictateur jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Cette affirmation radicale de la suprématie mussolinienne s’étend à sa parentèle masculine proche : ses deux fils aînés Vittorio et Bruno, son neveu Vito78, mais aussi son gendre Galeazzo Ciano, tous détenteurs du brevet de pilotage, sont appelés à former autour du chef de famille le premier cercle de l’aristocratie du ciel et, par conséquent, à servir de modèle à toute la jeunesse italienne.

Le système Balbo survit cependant à la disgrâce de son créateur, comme le montre l’analyse de la propagande relative aux opérations aériennes en Éthiopie, aux vols de Mussolini ainsi qu’aux entreprises aériennes de son fils Bruno – ce sont « […] des gros titres, peut-être, mais peu de nouvelles, télégraphiques, dans le style des communiqués de guerre »79, sur lesquelles les journalistes sont contraints de broder pour capturer l’attention du public friand d’éléments pittoresques, lesquels sont absents des communiqués officiels.

C’est là une autre contradiction du système. En voulant imposer à l’information une tournure martiale, volontairement uniforme, sobre et avare de détails captivants, dans le but de forger un homme nouveau soumis à une discipline spartiate et dépourvu d’imagination, la machine de la propagande finit, involontairement, par encourager le recours aux artifices rhétoriques les plus baroques de la part des journalistes contraints, avant et plus encore que leurs lecteurs, à imaginer l’événement auquel ils n’ont pas assisté et qu’ils ont pourtant le devoir de raconter.

Là réside l’une des clés pour comprendre l’échec de la révolution anthropologique que le régime fasciste a voulu opérer. La formidable machine de propagande a manqué le principal objectif qui lui était assigné : l’uniformisation totale de l’information, qui aurait dû conduire à celle des esprits, ne fut jamais pleinement réalisée. Elle le fut d’autant moins dans le domaine aéronautique que « […] le malthusianisme de l’information disparaît et [que] le panorama des publications change sensiblement lorsque le résultat est assuré »80.

C’est que les prolongements livresques sont généralement plus vivants et plus pittoresques que les correspondances de presse qui accompagnent le déroulement des expéditions aériennes, vraisemblablement parce que retombe la tension extrême de la censure et de l’autocensure qui – ne fût-ce qu’en raison de l’anxiété que suscitent les risques d’accident et d’échec – brident même les plumes les plus originales et les plus impavides.

Bibliographie

Publications contemporaines ayant valeur de sources

Presse quotidienne :

La Stampa

Il Popolo d’Italia

Presse mensuelle :

Aeronautica. Rivista mensile internazionale illustrata

L’Ala d’Italia

Rivista aeronautica. Periodico mensile

Livres :

BALBO Italo, Da Roma a Odessa. Sui cieli dell’Egeo e del Mar Nero: note di viaggio, Treves, Milan, 1929, 217 pages.

Idem, Stormi in volo sull’oceano, Mondadori, Milan, 1931, 258 pages (traduction française, Escadrilles au-dessus de l’Atlantique: raid Italie-Brésil, Nouvelles éditions latines, s.l., 1932, 275 pages.

Idem, La centuria alata, Mondadori, Milan, 1934, 392 p. (réédition, Le Balze, Montepulciano, 2005, 308 pages; traduction française, Croisière sur l’Atlantique, Plon, Paris, 1934, 265 pages).

Idem, Stormi d’Italia sul mondo, Mondadori, Milan,1934, 230 pages.

Esposizione dell’aeronautica italiana. Giugno-ottobre 1934, Catalogo ufficiale, Edizioni d’Arte Bestetti, Milan, 1934, 250 pages.

Passeggiate aeree sul Mediterraneo. La trionfale crociera dei 61 idrovolanti italiani sul Mediterraneo occidentale, descritta dai giornalisti che vi parteciparono, Treves, Milan, 1929, IX-217 pages.

MATTIOLI Guido, L’aviazione fascista in A.S. [Africa Settentrionale], Editrice l’Aviazione, Rome, 1937, 418 pages.

Idem, Mussolini aviatore e la sua opera per l’aviazione, Editrice L’Aviazione, Rome, 1937, 250 pages.

REDAELLI Cesare, Iniziando Mussolini alle vie del cielo, publication à compte d’auteur, Milan, 1933, 117 pages.

QUILICI Nello, Aviatoria, Tip. La Nuovissima, Naples, 1934, 279 pages.

Bibliographie

Sur le mythe aéronautique fasciste :

ISNENGHI Mario, « L’Ala fascista », in idem, L’Italia del Fascio, Giunti, Florence, 1996, pp. 233-251.

LEHMANN Éric, Le ali del potere. La propaganda aeronautica nell’Italia fascista, Utet, Turin, 2010, IX-340 pages.

Idem, « Il fallimento dell’aeronautica italiana », in LABANCA Nicola (dir), I bombardamenti aerei sull’Italia. Politica, Stato e società 1939-1945, Il Mulino, Bologne, 2012, pp. 161-176.

Sur Italo Balbo :

LEHMANN Éric, « Realtà e mito di Italo Balbo », in  ISNENGHI Mario, ALBANESE Giulia (dirs), Gli italiani in guerra, Vol. IV/1, Il Ventennio fascista. Dall’impresa di Fiume alla Seconda guerra mondiale (1919-1940), Utet, Turin, 2009, pp. 246-258.

ROCHAT Giorgio, Italo Balbo aviatore e ministro dell’aeronautica 1926-1933, Bovolenta, Ferrare, 1979, XI-226 pages.

Idem, Italo Balbo. Lo squadrista, l’aviatore, il gerarca, Utet, Turin, 2003 (1ère édition 1986), VI-439 pages.

SANTORO Carlo Maria (dir.), Italo Balbo. Aviazione e potere aereo, Aeronautica Militare, Rome, 1998, IV-468 pages.

SEGRÉ G. Claudio, Italo Balbo. Una vita fascista, Il Mulino, Bologne, 2003 (1ère édition 1986), 512 pages.

Notes

1 I. Balbo (1896-1940) : grande figure du fascisme-mouvement, il est à la tête des escouades fascistes de Ferrare et l’un des principaux organisateurs de la Marche sur Rome. Avant d’accéder au ministère de l’aéronautique dont Mussolini détient le portefeuille, il est commandant en chef de la Milice Volontaire pour la Sécurité Nationale (MVSN), puis sous-secrétaire d’État à l’Économie nationale. Retour au texte

2 A. Bonzani (1872-1935), artilleur de formation, collaborateur du généralissime Armando Diaz pendant la guerre, supervisait la politique aérienne depuis juin 1924. Il termine sa carrière comme chef d’état-major de l’armée italienne (février 1929-septembre 1934). Retour au texte

3 LUPO Salvatore, Le fascisme italien. La politique dans un régime totalitaire, Flammarion, Paris, 2003, p. 254 (éd. originale Il fascismo. La politica in un regime totalitario, Donzelli, Rome, 2000). Hiérarque (gerarca) est le titre dont se parent les chefs fascistes parvenus au sommet de l’État et du parti unique. Retour au texte

4 ROCHAT Giorgio, Italo Balbo aviatore e ministro dell’aeronautica, Bovolenta, Ferrare, 1979, p. 29. Retour au texte

5 Notons toutefois qu’en France, le député Pierre-Étienne Flandin (1889-1958), sous-secrétaire d’État à l’Aéronautique et aux Transports aériens (1920-1921), puis plusieurs fois ministre et président du Conseil, avait obtenu le brevet de pilote en 1912 et fait la guerre en 1914 au sein d’une escadrille équipée de biplaces Maurice Farman. Retour au texte

6 « Un anno di attività di volo del Sottosegretario all’Aeronautica », L’Ala d’Italia, 15 janvier 1928, p. 1. Retour au texte

7 Territoire situé au Nord-Ouest du Kenya, limitrophe de la Somalie italienne, cédé par le Royaume-Uni à l’Italie en vertu d’un accord conclu en juillet 1924. Retour au texte

8 ROCHAT Giorgio, Italo Balbo aviatore e ministro dell’aeronautica, Bovolenta, Ferrare, 1979, p. 10. Retour au texte

9 « Le impressioni dell’ onorevole Balbo sul suo volo in Libia e Tunisia », Il Corriere della Sera, 21 avril 1926. Retour au texte

10 MATTIOLI Guido, L’aviazione fascista in A.S. [Africa Settentrionale], Editrice L’Aviazione, Rome, 1937, 418 p. Retour au texte

11 Ce sont : une lettre d’encouragement autographe d’Aldo Finzi, vice-commissaire général de l’Aéronautique et sous-secrétaire d’État à l’Intérieur (10 novembre 1923) ; un texte dactylographié portant les signatures du général Piccio, commandant en chef de l’armée de l’air, du chef de cabinet de Finzi le commandant Eugenio Casagrande et de l’intendant général d’aéronautique Arturo Mercanti (26 octobre 1923) ; un message du gouverneur de Rome Filippo Cremonesi au gouverneur de Tripolitaine Giuseppe Volpi (21 novembre 1923) ; le salut du ministre des colonies Luigi Federzoni au gouverneur, aux soldats, aux fonctionnaires, aux colons et aux chefs indigènes du territoire (26 octobre 1926) ; un message non signé émanant du secrétariat politique du PNF adressé aux « Fascistes de Tripoli » (20 octobre 1923). Retour au texte

12 Le contraire est hautement improbable. Mattioli n’écrit pas dans l’intention d’ajouter un épisode à la geste du hiérarque aviateur. Dans cet ouvrage, comme dans l’ensemble de sa production, il vante ses propres mérites de pionnier du journalisme aérien et de fasciste de la première heure en mettant l’accent sur sa participation à diverses expéditions et en exhibant des pièces qui attestent de sa position dans le monde aéronautique fasciste. Une position certes de second plan, car il n’est pas titulaire du brevet de pilotage et n’exerce aucune fonction officielle, mais il peut compter sur de solides relations amicales nouées avec des aviateurs célèbres (par exemple Umberto Maddalena) et dans les cercles dirigeants du régime. Retour au texte

13 MATTIOLI Guido, L’aviazione fascista in A.S., pp. 346-347. Retour au texte

14 Il y signe par exemple un article intitulé « Il Parlamento e l’aeronautica », qui paraît le 30 mars 1922, p. 2. Retour au texte

15 Une photographie prise à cette occasion le montre dans le sillage immédiat de Mussolini auquel il emboîte le pas à moins de deux mètres de distance. Le cliché figure dans le livre de MATTIOLI Guido, $Mussolini aviatore e la sua opera per l’aviazione, Editrice L’Aviazione, Rome, 1937, 250 p., entre les pages 32 et 33. Retour au texte

16 « Un anno di attività di volo del Sottosegretario all’Aeronautica », L’Ala d’Italia, 15 janvier 1928, p. 2. Retour au texte

17 MATTIOLI Guido, Mussolini aviatore e la sua opera per l’aviazione, op. cit., entre les pages 128 et 129. Retour au texte

18 ISNENGHI Mario, L’Ala fascista, in idem, L’Italia del Fascio, Florence, Giunti, 1996, p. 233. Retour au texte

19 C’est l’expression qu’utilise La Stampa pour mettre en valeur les statistiques relatives aux heures de vol effectuées par les principaux officiers généraux de l’armée de l’air durant l’année 1927, que présente Balbo à la Chambre des députés le 23 mars 1928. A tout seigneur, tout honneur : si l’on excepte Francesco De Pinedo – auteur d’un raid transatlantique de février à juin 1927 –, qui totalise 450 heures de vol, Balbo, avec 296 heures à son actif, devance largement tous les autres dignitaires (« Alati cuori d’Italia », La Stampa, 24 mars 1928, p. 1). Retour au texte

20 Au total, il y consacre huit articles du 26 juin au 9 juillet 1927. Retour au texte

21 « Il volo dell’on. Balbo attraverso l’Europa », La Stampa, 29 juin 1927, p. 2. Retour au texte

22 Balbo a le rang de général de la milice. Retour au texte

23 En réalité, une simple escale technique. Retour au texte

24 « Balbo arriva in volo a londra tra la pioggia e il vento », La Stampa, 30 juin 1927, p. 1. L’affirmation qui clôt l’article est mensongère si l’on pense à P.E. Flandin. Retour au texte

25 « Balbo aviatore ammirato a Londra », La Stampa, 5 juillet 1927, p. 1. Retour au texte

26 « L’on. Balbo a Berlino dopo un regolarissimo volo », La Stampa, 7 juillet 1927, p. 3. Retour au texte

27 « Il volo europeo di Balbo », La Stampa, 9 juillet 1927, p. 3. Retour au texte

28 « Le idee chiare ed i propositi precisi », L’Ala d’Italia, 15 mai 1928, p. 445. Retour au texte

29 « L’aviazione italiana nel cielo europeo. Lo stormo di Balbo da Roma a Londra in 9 ore attraverso la nebbia e sotto la raffica », La Stampa, 29 juin 1928, p. 1. Retour au texte

30 Le 11 juillet 1930, sur FIAT-Ansaldo A.120. Le 15 juillet 1930, sur OFM RO.1. Retour au texte

31 « L’esempio dei capi », Aeronautica, décembre 1930, p. 851. l’Ansaldo AC.3, version italienne du chasseur français Dewoitine D9. Retour au texte

32 Le 24 août 1930, sur appareil de bombardement et de transport trimoteur Caproni CA.101 Le 20 octobre 1930. sur bombardier monomoteur FIAT BR.22. Le 18 novembre 1930, sur appareil de reconnaissance et de bombardement monomoteur Caproni CA.97. Retour au texte

33 « Lo stormo di Balbo da Roma a Londra in 9 ore attraverso la nebbia e sotto la raffica », La Stampa, 29 juin 1928, p. 1. Retour au texte

34 « Un emozionante atterramento di S.E. Balbo », L’Ala d’Italia, janvier-février 1929, p. 54. Retour au texte

35 ISNENGHI Mario, « Intellettuali militanti ed intellettuali funzionari », in idem, L’Italia del Fascio, op. cit., pp. 127-148. Retour au texte

36 Données techniques empruntées à CIVOLI Massimo, Aeroplani. Regia aeronautica. Aeronautica Militare. 1923-2003, Cavallermaggiore, Gribaudo, 2002, pp. 36-37. Retour au texte

37 « Il brevetto di pilota al Capo gabinetto agli Esteri », L’Ala d’Italia, juillet 1929, p. 636. Le titulaire du brevet de deuxième degré peut emmener des passagers et quitter l’espace aérien national, alors que le brevet de premier degré ne permet que de voler seul au-dessus du territoire national. Le brevet de troisième degré est celui des pilotes professionnels. Retour au texte

38 Né en 1890, secrétaire fédéral du PNF de la province de Pesaro dans les Marches de 1921 à 1928, élu député en 1924, il était sous-secrétaire d’État aux communications depuis juillet 1928 (« Dopo la nomina di S.E. Balbo a ministro e di S.E. Riccardi a sottosegretario per l’Aeronautica », L’Ala d’Italia, octobre 1929, p. 909). Retour au texte

39 « Il Sottosegretario all’aeronautica brevettato pilota », L’Ala d’Italia, août 1930, p. 633. Retour au texte

40 « Il brevetto di pilota al podestà di Milano », L’Ala d’Italia, avril 1930, p. 653. Retour au texte

41 « Assertori dell’idea aeronautica. On. Alberto Garelli », L’Ala d’Italia, décembre 1930, p. 985. Retour au texte

42 Compagnie aérienne dont l’État est le principal actionnaire, concessionnaire des lignes en direction de la Sardaigne, de la Sicile, de la Tunisie et de l’Albanie. Retour au texte

43 L’Aviazione negli scritti e nella parola del Duce, Ministero dell’aeronautica, 1937, p. 99. Retour au texte

44 Institué dès la fin de 1922, le bureau de presse de la Présidence du Conseil est remplacé par un sous-secrétariat (1934), puis par un ministère de la Presse et de la propagande (1935) qui prend le nom de ministère de la Culture populaire en 1937. Ces organismes envoient aux préfets, puis directement aux rédactions des journaux à partir de la guerre d’Ethiopie, des directives de plus en plus nombreuses, péremptoires et tatillonnes relatives à la nature et à la présentation des informations qui peuvent ou qui doivent être publiées. Retour au texte

45 C’est l’expression utilisée par Balbo pour désigner le groupe de cinq journalistes qu’il a pris l’habitude d’enrôler comme témoins et commentateurs de ses expéditions aériennes : Nello Quilici, directeur de Il Corriere padano publié à Ferrare, fief politique du hiérarque, Mario Massai de Il Corriere della Sera, Adone Nosari de La Gazzetta del Popolo, Michele Intaglietta et Ernesto Quadrone de La Stampa. Retour au texte

46 L’Ala d’Italia, mars 1932, p. 3. Retour au texte

47 Le texte du décret de nomination de Diaz figure dans le mensuel Aeronautica, août 1921, p. 557. Retour au texte

48 « La riorganizzazione dell’aero-club nel programma di S.E. Balbo », L’Ala d’Italia, avril 1929, p. 277. Retour au texte

49 « L’ordinamento delle squadriglie per gli Aero clubs », L’Ala d’Italia, décembre 1929, p. 1162. Retour au texte

50 LEHMANN Éric, La guerra dell’aria. Giulio Douhet, stratega impolitico, Il Mulino, Bologne, 2013. Retour au texte

51 « La discussione alla Camera sul bilancio dell’Aeronautica per il 1928-1929 », L’Ala d’Italia, mai 1928, p. 431. C’est nous qui soulignons. Retour au texte

52 BALBO Italo, La centuria alata, Mondadori, Milan, 1934, p. 245. Retour au texte

53 BRICCHETTO Enrica, La verità della propaganda. Il “Corriere della sera” e la guerra d’Etiopia, Unicopli, Milan, 2004, p. 148. Retour au texte

54 Il est aussi l’auteur de trois livres : Voli di guerra. Impressioni di un giornalista pilota, Treves, Milan, 1918, 210 p ; Guida del viaggiatore aereo, Studio Editoriale Turistico della Stamperia Bodoniana, Milan-Parme, 1928, 212 p ; Pagine felici, Ceschina, Milan, 1929 (posthume), XI-261 p. Retour au texte

55 BALBO Italo, « A Otello Cavara », préface au livre Passeggiate aeree sul Mediterraneo. La trionfale crociera dei 61 idrovolanti italiani nel Mediterraneo occidentale descritta dai giornalisti che vi parteciparono, Treves, Milan, 1929, pp. VII-VIII. Retour au texte

56 Idem, La centuria alata, op. cit., p. 173. Comme lors de la première croisière transatlantique, les journalistes accrédités pour suivre la seconde ont traversé l’océan en bateau et ne prennent part au raid que pendant les étapes continentales, afin d’éviter une surcharge des hydravions lors du survol de l’Atlantique. Retour au texte

57 Ibid., pp. 184, 197, 250. Retour au texte

58 « Il Duce agli eroi dell’aria », Aeronautica, avril 1931, p. 233. « Gli eroici aviatori d’Italia decorati dal Duce. La cerimonia », La Stampa, 29 mars 1931, p. 2. Une photographie prise par Mario Massai montre ses collègues Intaglietta, Quadrone, Nosari et Quilici en tenue de cérémonie – haut de forme, tight et guêtres blanches – dans la cour de la caserne Cavour le jour de la manifestation (QUILICI Nello, Aviatoria, Edizione La Nuovissima, Naples, 1934, entre les pages 272 et 273). Retour au texte

59 « Le grandi giornate dell’aeronautica italiana », La Stampa, 26 mai 1928, p 1. Retour au texte

60 « Lo stormo di Italo Balbo da Roma a Londra in 9 ore attraverso la nebbia e sotto la raffica », La Stampa, 29 juin 1928, p. 1. « Meraviglie aviatorie nel cielo di Londra », La Stampa, 30 juin 1928, p. 1. Retour au texte

61 BALBO Italbo, La centuria alata, op. cit., p. 182. Retour au texte

62 Ibidem, p. 197. L’hydravion SIAI Marchetti SM.55 a deux gros flotteurs où sont aménagés des habitacles. Retour au texte

63 Ibidem, p. 282. Le hiérarque a voulu que le major du génie aéronautique Pezzani, qui avait supervisé la fabrication des hydravions durant la phase préparatoire du raid, effectuât toutes les étapes en sa compagnie, afin de bénéficier de son expertise technique en cas de dysfonctionnement ou de panne à bord. Retour au texte

64 « La discussione alla Camera sul bilancio dell’Aeronautica per il 1928-1929 », L’Ala d’Italia, 15 mai 1928, p. 443. Retour au texte

65 « La brigata aerea sulle nubi nella quarta tappa », La Stampa, 1er juin 1928, p. 1. Retour au texte

66 « Il volo finale della Crociera dell’alto Mediterraneo allo stagno di Orbetello », La Stampa, 3 juin 1928, p. 2. Retour au texte

67 « Il volo finale della Crociera aerea dall’alto Mediterraneo allo stagno di Orbetello », La Stampa, 3 juin 1928, p. 2. Retour au texte

68 QUADRONE Ernesto, « Le Baleari », Passeggiate aeree sul Mediterraneo, op. cit., pp. 70-72. Retour au texte

69 ISNENGHI Mario, « L’ala fascista », in idem, L’Italia del fascio, op. cit., p. 242. Retour au texte

70 Comme le signale Balbo (La centuria alata, op. cit., p. 48) seuls Adone Nasari, Mario Massai et Nello Quilici sont “en service” à cette occasion. Quadrone et Michele Intaglietta ont dû renoncer à couvrir la croisière du décennal, le premier à cause de la malaria, le second parce qu’il a été appelé à la direction d’un journal italien de Buenos Aires. Retour au texte

71 Deux options avaient été envisagées : la première prévoyant de franchir encore l’Atlantique nord pour amerrir à Valentia, à l’extrémité sud-ouest de l’Irlande, la seconde, finalement retenue pour des raisons météorologiques, consistant à suivre une route plus méridionale pour se poser dans l’archipel portugais des Açores. Retour au texte

72 Nos informations proviennent de la lecture des articles que, du 4 mai au 14 août 1933, La Stampa dédie à la préparation, au déroulement et à la conclusion du raid. Retour au texte

73 Mussolini avait pris des leçons de pilotage de juillet 1920 à 1921, sans toutefois obtenir le brevet de pilote (REDAELLI Cesare, Iniziando Mussolini alle vie del cielo, publication à compte d’auteur, Milan, 1933). Dans les années trente, il prend les commandes de certains types d’appareils en qualité de copilote aux côtés d’aviateurs expérimentés, mais rien ne prouve qu’il fût en mesure d’exécuter les manœuvres les plus délicates, l’atterrissage et le décollage. En 1937, il se fait décerner le brevet de pilote militaire (« Un esempio di vitalità e ardimento. Il Duce consegue il brevetto di pilota aviatore militare », La Stampa, 13 janvier 1937, p. 1). Retour au texte

74 R. Farinacci (1892-1945) alors tombé en disgrâce après avoir dirigé le PNF de février 1925 à mars 1926. Retour au texte

75 L’amiral Giuseppe Sirianni, sous-secrétaire d’État (mai 1925-septembre 1929), puis ministre de la Marine (septembre 1929-novembre 1933). Retour au texte

76 « I voli di Mussolini. Un telegramma di Italo Balbo a Farinacci », La Stampa, 7 juillet 1928, p. 2. Retour au texte

77 Esposizione dell’aeronautica italiana. Giugno-ottobre 1934, Catalogo ufficiale, Edizioni d’Arte Bestetti, Milan, 1934, 250 p. Retour au texte

78 Vittorio Alessandro est né en septembre 1916, Bruno en avril 1918. Le troisième fils, Romano, venu au monde en septembre 1927, est trop jeune pour suivre les traces de son père et de ses aînés. Vito est le fils d’Arnaldo, frère de Mussolini. Retour au texte

79 ISNENGHI Mario, L’ala fascista, in idem, L’Italia del fascio, op. cit., p. 242. Retour au texte

80 Ibid. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Éric Lehmann, « La fabrique totalitaire du rêve aérien : Italo Balbo hiérarque aviateur », Nacelles [En ligne], 6 | 2019, mis en ligne le 30 mai 2019, consulté le 03 mai 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/741

Auteur

Éric Lehmann

Enseignant au Lycée français de Turin ; Docteur en Histoire (Université de Paris X-Nanterre)

lehmann.eric@lgturin.it

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