Nature de l’espace interplanétaire de Copernic à Laplace : conception, composition et évolution du cosmos et de la matière cosmique

  • About the Nature of the interplanetary space, from Copernicus to Laplace: conception, composition and evolution of the cosmos and cosmic matter

Résumés

La publication, en 1543, du De Revolutionibus est considérée comme une rupture majeure dans l’histoire de l’astronomie et le début de la révolution copernicienne. Mais l’héliocentrisme proposé par Copernic s’inscrit encore largement dans le paradigme scolastique, celui d’un cosmos hérité des savoirs antiques, clos, fini et qui au-delà l’orbe de la Lune est fait et empli d’éther. Mais des observations astronomiques de Tycho Brahe et de Galilée remettent en cause les conceptions du monde supralunaire. De nouvelles théories émergent alors, et les savants s’affrontent quant à la nature de cet espace interplanétaire : totalement vide pour les « vacuistes » ou rempli de tourbillons faits de matière subtile pour les « éthériens » ? Et qu’en est-il de la force de gravitation, de la propagation de la lumière et du son dans l’espace interplanétaire ?

The publication of De Revolutionibus in 1543 is considered as a major break in the history of astronomy, marking the beginning of the Copernican revolution. But the Copernicus’ heliocentric model was still largely dependent on the scholastic paradigm, with a cosmos inherited from ancient knowledge: a closed and limited milieu located beyond the orb of the Moon, made and filled with ether. It was only Tycho Brahe’s and Galileo’s astronomical observations that challenged these old conceptions of the supralunar world. New theories then emerged, and scholars confronted with each other about the nature of this interplanetary space: for some of them, known as “the vacuists”, it was totally empty; for some others, the so-called “etherians”, it was filled with swirls, made of subtle matter… And what about the force of gravitation, the propagation of light and sound in interplanetary space?

Plan

Texte

Comme l’a montré Thomas S. Kuhn1, dans le contexte de la révolution scientifique de l’époque moderne, un nouveau paradigme cosmologique et physique se met en place, bouleversant les conceptions de la nature de l’espace interplanétaire et de la substance emplissant le cosmos : l’éther. Alors qu’émergent le concept de système solaire et un cosmos géocentrique, l’espace dans lequel évoluent les planètes, le monde supralunaire2, considéré comme incorruptible, immuable, est constitué et baigné par une substance cosmique nommée éther.

Avant d’être un élément physique et/ou une matière du milieu cosmologique (le macrocosme supralunaire)3, Æther était une divinité cosmogonique du monde grec, et selon Hésiode, le fils de deux dieux primordiaux : les ténèbres, Érébos, et la nuit, Nyx ; divinité du ciel supérieur, il relève donc à la fois d’une théogonie et d’une cosmogonie4. S’intéresser à l’« éther » s’inscrit dans le long terme de la persistance d’un concept théorique et des évolutions de sa signification, de ses propriétés et fonctions. Cette analyse conduit aussi à appréhender l’éther en tant qu’obstacle épistémologique, et à renouer avec les conceptions de la notion de monde clos (délimité par la sphère des fixes et empli d’éther) et ses évolutions vers un univers infini (où la matière se disperse à l’intérieur d’un espace vide)5.

Dans une perspective diachronique, pour une période fondatrice de la science « classique » bornée par deux figures scientifiques majeures que sont Nicolas Copernic (1473-1543) et Pierre-Simon de Laplace (1749-1827)6, période marquée par l’effervescence intellectuelle du monde européen occidental7, la substance « éther » constitue le noyau notionnel d’une conceptualisation de l’espace interplanétaire que René Descartes, Pierre Gassendi, Christiaan Huygens, Isaac Newton, Leonhard mettent en question, s’interrogeant sur ses permanences et ses évolutions8.

1. Le paradigme : ætherea regio et mundus supralunaris

L’éther et le ciel éthéré de la Renaissance reposent sur un concept que l’on trouve dans la pensée antique, dont les écrits sont redécouverts et étudiés avec vigueur aux xve et xvie siècles9. Dans un cosmos géocentrique/ptoléméen, la Lune marque une frontière entre deux mondes hermétiquement séparés et asymétriques : le monde en-deçà de notre satellite, celui des quatre éléments (feu, air, eau, terre), de la génération, de la corruption, des météores, du monde de la physique sublunaire ; et le monde situé au-delà, le cosmos, espace empli et formé d’éther où se déplacent les astres errants (les planètes observables à l’œil nu : Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne), le Soleil, la Lune et les étoiles fixes.

1.1. Conciliation et enseignement scolastiques : l’éther dans une théologie et une cosmologie chrétiennes

Aux xiie et xiiie siècles, la scolastique, en tant que conception du monde et philosophie, est parvenue à concilier savoirs antiques et christianisme dans un concordisme élaboré par Thomas d’Aquin (1228-1274). Il syncrétise des connaissances scientifiques réhabilitées et qui font autorité (physique d’Aristote et astronomie de Ptolémée) et des croyances qui conservent la primauté (Écritures et dogmes chrétiens)10.

L’astronomie, qui domine aux Quattrocento et Cinquecento, est connue principalement à partir des manuscrits du De Sphæra mundi ou Tractatus de sphæra de Johannes de Sacrobosco11. Le plus ancien exemplaire conservé date de 1240 et rassemble le corpus de référence des savoirs et des techniques astronomiques de l’Occident chrétien. Selon la physique aristotélicienne, « la machine universelle du monde se divise en deux, à savoir la région éthérée (supralunaire) et l’élémentaire (sublunaire)12 ». Autre exemple de cette production, L’image du monde de Gossouin de Metz13 (fig. 1) donne une bonne représentation du cosmos géocentrique et christianisé, tel qu’il était enseigné dans les universités, comme celle de Cracovie où Nicolas Copernic a étudié en 149114.

(Fig. 1). L’image des mondes sub et supralunaires dans le cosmos clos de l’enseignement scolastique. Imago mundi de maître Gossouin de Metz (xiiie siècle), folio 69 v. On pourra voir aussi les folios 40 v, 41 r, 41 v, 58 r, 59 r.

(Fig. 1). L’image des mondes sub et supralunaires dans le cosmos clos de l’enseignement scolastique. Imago mundi de maître Gossouin de Metz (xiiie siècle), folio 69 v. On pourra voir aussi les folios 40 v, 41 r, 41 v, 58 r, 59 r.

Bibliothèque Nationale de France [en ligne] http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84496854/f9.image [consulté le 18/06/2018].

Au centre, un visage figure la Terre. Les quatre premières sphères concentriques sont celles des quatre éléments. Ce premier ensemble correspond au monde sublunaire. À partir de l’orbe de la Lune commence le cosmos ou ciel supralunaire. Les cinq planètes, la Lune et le Soleil, sont enchâssés dans des orbes de « cristal » transparent15 et « flottent » dans un milieu rempli d’éther. Appelée aussi « quintessence », cette matière céleste est supposée incorruptible, immuable et éternelle, car échappant au cycle de la génération et de la corruption du mundus sublunaris ou elementaria regio. La dernière sphère, celle des étoiles fixes, clôt le cosmos, au-delà duquel se trouve le ciel empyrée16.

1.2. La remise en cause du monde supralunaire : un nouveau Mundi ætheri

Parmi les événements astronomiques majeurs qui ont marqué le xviie siècle en Occident, les apparitions de deux météores17, le premier en 1572 suivi d’un autre cinq ans plus tard, occupent une place essentielle dans le processus de remise en cause de la physique et du cosmos aristotélo-ptoléméens. Les observations astrométriques réalisées, montrent que leur position dans le cosmos est incompatible avec les conceptions d’un monde supralunaire incorruptible, celui de l’éther.

Le 11 novembre 1572, Tycho Brahe (1543-1601) observe dans la constellation de Cassiopée un phénomène plus brillant que Vénus18 ! Selon la physique aristotélicienne et le concept quasi dogmatique d’incorruptibilité du monde supralunaire, ce phénomène est un « météore » qui doit se trouver dans le monde corruptible sublunaire. L’extrême brillance du phénomène, conjuguée à son caractère exceptionnel, ne manque pas d’intriguer les astronomes qui l’observent avec les instruments de l’époque, à savoir ceux qui permettent d’en déterminer la position : quadrant, turquet… Or, les mesures de Tycho Brahe montrent que ce « météore » n’a ni la parallaxe19 de la Lune ni celle des planètes. Il est situé dans le monde supposé incorruptible et, au-delà des planètes, dans la sphère des étoiles fixes. De ses observations et réflexions, Tycho Brahe rédige le De nova stella, ouvrage au contenu révolutionnaire qui remet fortement en question les bases physiques du cosmos aristotélo-ptoléméen20.

(Fig. 2). La Nova de Tycho Brahe dans la constellation de Cassiopée. Carte de la constellation de Cassiopée tirée du livre de Tycho Brahe De nova stella (1573) et montrant la position de la supernova (label I).

(Fig. 2). La Nova de Tycho Brahe dans la constellation de Cassiopée. Carte de la constellation de Cassiopée tirée du livre de Tycho Brahe De nova stella (1573) et montrant la position de la supernova (label I).

(Brahe Tychonis, Tychonis Brahe dani, die XXIV octobris A. D. MDCI defuncti, operum primitias De nova stella, Hafniae, I. Ioergensen & soc. [M.A. Hannover], Facsimilé de l’édition originale : 1901. ; Brahe Tychonis [1573] Tychonis Brahe, Dani De noua et nullius aeui memoria prius visa stella, iam pridem anno à nato Christo 1572, Hafniae, Impressit Laurentius Benedictj, typis excuderunt I. Icergensen & soc. [M.A. Hannover], 1901).

Un autre événement remarquable intrigue Tycho Brahe quand, dans le ciel, apparaît un nouveau « météore » ! Il s’agit de la grande comète C/1577 v121 qu’il observe plus d’une vingtaine de fois, du 13 novembre 1577 au 26 janvier 157822. En comparant ses observations à celles réalisées, à Prague, par Tadeáš Hájek dit Hagecius (1525-1600)23, Brahe constate que, depuis deux lieux séparés par plus de 1000 km, la comète est observée dans la même zone du ciel, ce qui n’est pas possible si la comète se trouve en-deçà de l’orbe lunaire. Les mesures de distance qu’il réalise le conduisent à envisager qu’elle se trouve au-delà, au moins trois fois plus loin, donc dans le monde incorruptible de l’éther. La comète serait alors un objet supralunaire qui, en outre, se déplacerait à travers les orbes de cristal dans lesquels les planètes sont enchâssées et flottant dans l’éther… Ces éléments conduisent Tycho Brahe à concevoir un nouveau cosmos géo-héliocentrique qu’il expose dans le De mundi ætheri (1588)24 : dans ce monde qui demeure éthéré (le macrocosme supralunaire), si la Terre est immobile et conserve une position centrale avec la Lune, le Soleil, et les étoiles en rotation ce qui en fait un système géocentrique, le Soleil quant à lui est aussi le centre autour duquel les planètes sont en rotation, constituant un sous-système héliocentrique où se trouvent les comètes25.

Au terme du xvie siècle et dans les premières décennies du siècle suivant, l’éther, la physique et le cosmos scolastiques sont certes remis en question, mais ils demeurent encore largement admis et enseignés. Giordano Bruno (1548-1600), dans De l’infinito, Universo e Mondi (1584) écrit :

Ainsi déployai-je dans l’air mes ailes confiantes,

sans craindre de heurter cristal ni verre ;

je fends les cieux, et dans l’infini m’élance.

Et tandis que de mon globe je fonds sur les autres,

et plus avant pénètre dans le champ éthéré…26

Johan Kepler (1571-1630), dans Somnium (1634) relate lui aussi un voyage fictif où Duracotus et Fiolxhilde se rendent vers la Lune : « À une distance que cinquante mille milles allemands dans les hauteurs de l’éther se trouve l’île de Levania27. » Dans Mysterium comsographicum et Harmonices mundi, Kepler reprend une relation, que l’on trouve notamment dans les écrits de Philolaüs, entre les cinq éléments et les polyèdres réguliers : terre/cube, feu/tétraèdre, air/octaèdre, eau/icosaèdre. Un cinquième élément, comprenant les corps célestes, correspond au dodécaèdre, figure géométrique de 12 faces pentagonales égales28. Si Kepler s’éloigne de l’hypothèse des orbes solides, il s’interroge sur les « routes éthérées » des planètes, c’est-à-dire la cause et le support des mouvements. Kepler se range au final à l’hypothèse d’un modèle magnétique, où le Soleil agit comme un immense aimant. Mais, en reprenant le schéma de Thomas S. Kuhn, les anomalies s’accumulent et le paradigme est contesté, ne pouvant permettre d’expliquer des phénomènes observés (rétrogradation des planètes supérieures, nova, comète…) aboutissant à une phase de crise29.

2. Ruptures et évolutions : mécanisme, atomisme et vide

Après les mesures de Tycho Brahe des années 1570, les observations réalisées à partir des années 1610 abondent contre le concept aristotélico-ptoléméen d’un macrocosme constitué d’éther, immuable et incorruptible, ce qui, concomitamment, se caractérise par l’émergence de nouvelles hypothèses quant au milieu interplanétaire et à l’existence ou non d’un « éther ». Dans la complexité du xviie siècle, où le mécanisme s’affirme en expliquant par des lois les mouvements matériels, des obstacles épistémologiques sont surmontés et de nouveaux paradigmes émergent et s’affrontent (cartésianisme et newtonianisme). Dans ce contexte, la question de la nature de l’espace interplanétaire se combine fortement à celles de l’atomisme et du vide. Ce processus aboutit à une distinction nette entre l’atmosphère (l’air)30 et l’espace cosmique/interplanétaire constitué d’éther, concept qui évolue vers la notion de matière et de milieu31.

2.1. Évolutions du concept d’éther et du milieu interplanétaire

En 1609, Galileo Galilei (1564-1652) utilise pour la première fois une lunette d’approche, qui ne grossit que six fois les objets, pour observer les corps célestes : la Lune, le Soleil, les cinq planètes ou encore la Voie lactée. Il découvre un ciel jusque-là regardé à l’œil nu. Les observations qu’il effectue bouleversent profondément les conceptions de son temps et il publie ses découvertes dans le Messager Céleste (Sidereus Nuncius, 1610), ouvrage dans lequel il remet en cause le macrocosme supralunaire : Vénus présente des phases et un éclairement variable, la planète est en rotation autour du Soleil32 ; la Lune n’est pas un astre lisse qui reflète la surface terrestre, mais un corps dont la surface présente un relief33. En 1610, remarquant également sur la surface du Soleil des taches sombres, il constate que ce dernier n’est pas non plus incorruptible34. Si Galilée s’est intéressé à la question du vide dans les corps, pour ce qui est de l’espace interplanétaire il ne semble pas qu’il ait considéré qu’il soit vide35.

2.2. Éther et mécanisme : un cosmos plein ou vide ?

Quand paraît, en 1662, l’Histoire comique des États et Empires du Soleil36, Dyrcona parcourt le cosmos et constate :

Mon voyage s’accourcissait toujours, mais pour lors avec beaucoup de lenteur, à cause de la sérénité de l’éther qui se raréfiait à proportion que je m’approchais de la source du jour ; car comme la matière en cet étage est fort déliée pour le grand vide dont elle est pleine, et que cette matière est par conséquent fort paresseuse à cause du vide qui n’a point d’action, cet air ne pouvait produire, en passant par le trou le ma boîte, qu’un petit vent à peine capable de la soutenir37.

En ce mitan du xviie siècle, l’éther aristotélico-ptoléméen demeure présent dans la pensée occidentale alors que de nouvelles hypothèses et concepts se développent ou émergent38. La physique cartésienne est une première tentative pour élaborer un nouveau cosmos. René Descartes (1596-1650) énonce une cosmogonie et une physique qui sont supposées reposer sur un cosmos plein d’éther, matière subtile et corpusculaire qui, dans un cosmos formé de « tourbillons », se différencie en trois « éléments »39 :

- Le premier est constitué de billes, qui forment la matière spatiale. Quand Dieu, démiurge du cosmos cartésien, met l’Univers en branle, les parties originelles érodent leurs angles et deviennent des billes de différentes tailles qui constituent la matière interstellaire, celle qui se trouve entre les astres, c’est-à-dire l’espace « plein ».

- Le second élément, ce sont les raclures qui constituent la matière des étoiles. Formées elles aussi comme les billes, elles se distinguent par des caractères différents. Elles sont fines et informes, moins imposantes que les billes, elles sont animées d’une plus grande vitesse et, plus fluides, se faufilent entre les billes et l’espace.

- Le troisième élément ce sont les cannelures, qui sont la matière des comètes et des planètes. Moins rapides que les précédentes, des raclures sont animées d’un faible mouvement et ont alors la capacité de se souder en chaînes pour former des cannelures. Les cannelures peuvent se retrouver dans la matière stellaire en suivant le trajet des raclures. Dès lors elles produisent des taches à la surface des étoiles, comme sur le Soleil, et provoquent leur dégénérescence en comètes ou planètes.

Dans le mouvement de tourbillons générés par Dieu, les billes se différencient les unes des autres, et les plus massives sont poussées vers l’extérieur, alors que les raclures, plus fluides, sont pressées vers le centre du tourbillon. Les raclures s’agrègent au centre du tourbillon et il se forme une étoile. La sphère stellaire est en rotation, ce qui provoque une pression plus forte à l’équateur qu’aux pôles. Ceci a pour effet de permettre aux raclures de converger vers l’étoile par les pôles, et inversement l’étoile « distille » la matière vers les autres tourbillons par l’équateur. Le Soleil est une de ces étoiles faites de raclures et sa sphère d’influence constitue le « premier ciel ».

L’atomisme qui se développe à l’époque moderne renoue tout particulièrement avec la pensée et les textes antiques de Démocrite, Leucippe, Épicure pour le monde grec et Lucrèce pour Rome, et est développé principalement par Pierre Gassendi (1592-1655)40. Au xviie siècle, cette doctrine, qui relève d’un matérialisme mécaniste, remet en question les cinq éléments de la physique aristotélicienne et notamment le cinquième élément : l’éther ! Mais si pour les tenants de cette théorie, l’éther n’existe pas de fait, la question se pose de savoir de quoi sont formées les planètes (constituées d’éléments de matière, indivisibles et homogènes, comme l’énoncent des savants de l’Antiquité ?) et aussi quelle est la nature du milieu dans lequel elles se trouvent : un cosmos plein (plus ou moins) d’atomes ou un cosmos vide, comme le pensent les atomistes anciens ?

L’on connaît la célèbre formule dogmatique attribuée à Aristote selon laquelle « la nature a horreur du vide ». À partir du xviie siècle, les expériences d’Evangelista Torricelli (1608-1647), de Robert Boyle (1627-1691) et de Blaise Pascal (1623-1662), ont montré la possibilité de « tubes à vide », et donc de l’existence jusqu’alors réfutée de ce dernier41. Outre le problème du vide dans les corps, la question du vide42 se pose aussi à propos de l’espace interplanétaire où, pour certains savants, l’élément « éther » disparaît. Les tenants du vide interplanétaire, ou « vacuistes », s’opposent alors aux partisans d’un cosmos plein, les « éthériens ». Ainsi Gassendi conçoit-il un cosmos vide et aussi infini, alors que pour Descartes l’extension de l’espace fait qu’il a nécessairement aussi de la substance (la « matière subtile ») qui peut néanmoins être raréfiée à l’extrême dans un « quasi-vide »43.

2.3. Un milieu éthéré porteur de la lumière

Pour des savants, la lumière est un phénomène vibratoire/ondulatoire et, concomitamment au déclin de l’éther aristotélo-ptoléméen, un nouvel éther émerge avec ces théories : la lumière se propagerait par des oscillations longitudinales, dans un milieu-support qui en serait constitué44. Cette théorie est tout particulièrement développée par les jésuites Francesco Maria Grimaldi (1618-1663) et Ignace Gaston Pardies (1636-1674)45. Elle est aussi défendue par Robert Hooke (1635-1703) ainsi que par Christiaan Huygens (1629-1695), qui l’énonce, dès 1678 dans le cadre d’une physique cartésienne et la développe dans le Traité de la lumière46.

Si dans la physique cartésienne, la question de la nature de l’espace interplanétaire se traduit par l’hypothèse des tourbillons, il semble que pour Isaac Newton (1643-1727) ce point ne se pose pas avec une telle acuité et notamment pour la question fondamentale de la mécanique céleste : la force de gravitation47. Néanmoins, dans cette mécanique, un éther qui baignerait le cosmos n’est pas totalement absent48. Ce point, par contre, occupe une place significative dans la propagation de la lumière. En 1704, Newton publie Opticks49, ouvrage dans lequel il rassemble les expériences menées depuis 1672 sur la lumière et énonce à ce sujet une théorie corpusculaire50.

3. Milieu subtil, air pur, feu stellaire ou fluide ?

Quand les retours des expéditions en Équateur (1735-1745) et en Laponie (1736-1737) conclurent définitivement la question de la forme de la Terre et la querelle entre cartésiens et newtoniens par la victoire de ces derniers51, l’idée et les théories d’un éther cosmique connaissent une phase de déclin relatif, au vu des débats qui ont animé le siècle précédent52. À la différence de Dycorna, Micromégas, dans son voyage depuis Sirius et en compagnie du secrétaire de l’Académie de Saturne, traverse notre système solaire sans ressentir l’effet d’une matière subtile interplanétaire53. Pour autant il ne s’agit que d’un voyage philosophique et l’idée d’un éther cosmique n’a pas totalement disparu54.

Les Modernes entendant par l’Éther un fluide très rare, ou une matière au-dessus de l’atmosphère, et qui le pénètre ; infiniment plus subtile que l’air que nous respirons ; d’une étendue immense, dans laquelle les corps célestes sont portés ; qui remplit tous les espaces où ils font leur cour, et se laisse traverser sans aucune résistance sensible. L’existence d’un tel fluide est généralement reconnue, quoique plusieurs auteurs, parmi les Modernes mêmes, différent sur sa nature. Les uns le supposent être une sorte d’air plus pur que celui qui environne notre globe ; d’autres soutiennent, avec M. Hombergh, que c’est une substance d’une nature approchante de celle du feu, qui émane du Soleil, et de toutes les autres étoiles fixes ; et d’autres enfin en font un fluide d’une nature particulière, sui generis, dont toutes les parties sont d’une petitesse qui excède même celle de la lumière, et ils disent que cette excessive petitesse de ses parties peut contribuer à la grandeur de la force par laquelle ces parties peuvent tendre à s’éloigner les unes des autres, et contribuer à produire cette force de pression et d’écartement, qui est, selon eux, la cause de la plupart des phénomènes qui arrivent dans la Nature, et qui, par la subtilité extrême de ses parties, pénètre intimement tous les corps et ce dernier sentiment est celui de M. Newton, de Locke et de leurs sectateurs55.

3.1. Les « éthériens » : permanences d’un élément éther cosmique ancien ?

L’oratorien Joseph-Étienne Bertier (1702-1783)56, dans la seconde moitié du xviiie siècle, à l’instar de Fontenelle, se range encore parmi les ardents cartésiens, quitte à se livrer à de la fraude scientifique57. Dans les années 1760-1770, il défend, avec vigueur, l’idée d’un éther cosmique dans un débat opposant les partisans d’un cosmos vide soumis à l’attraction, autrement dit une force s’exerçant hors de tout contact matériel (newtoniens, « attractionnaires » et « vacuistes ») et ceux défendant l’idée d’un cosmos plein soumis à l’impulsion par la pression qu’exercent les corps matériels les uns sur les autres (cartésiens, « impulsionnaires » et « éthériens »)58. Celui qui fut surnommé le « père aux tourbillons », dans la Physique des Comètes (1760), soutient qu’il existe des comètes « surlunaires » ou supérieures et des comètes sublunaires ou inférieures qui « sont des tourbillons d’éther », mais aussi :

Que la Terre, la Lune et les autres planètes sont emportées autour du Soleil par un fluide ou éther plus dense que ne le prétendent les Newtoniens ; que le flux et le reflux de la mer et quantité d’autres phénomènes sont des effet de la pression de ce fluide par les Planètes, qui sont à son égard ce que font à l’eau de nos rivières des bateaux qui ont moins de vitesse que le courant ; enfin que les lois du mouvement étant pour les corps célestes comme pour les terrestres, il se forme nécessairement des tourbillons dans le fluide céleste lorsqu’il est pressé entre plusieurs Planètes, quand elles sont près les unes des autres, comme il s’en forme dans nos rivières, lorsqu’elles sont pressées par des bateaux59.

Dans la Physique du ciel (1763), malgré un prologue dédicatoire « à Messieurs de l’Académie royale des sciences », dans lequel Bertier affirme être impartial et laisser le lecteur libre de son jugement, le contenu est à nouveau une ardente diatribe contre les attractionnaires et les vacuistes60. Néanmoins dans cette seconde moitié du xviiie siècle les doublons de Bertier attractionnaires/vacuistes et éthériens/impulsionnaires ne recouvrent pas la diversité des opinions : si les cartésiens déclinent et deviennent ultra-minoritaires dans un monde savant et dans des institutions scientifiques très largement acquis à un cosmos et à la physique de Newton, pour autant les attractionnaires/newtoniens ne sont pas majoritairement des vacuistes ; au contraire beaucoup, et sans nul doute plus que la majorité, sont des éthériens à l’instar de Clairaut ou de Young.

3.2. L’éther dans un cosmos newtonien : gravitation, vibration, électricité et magnétisme

Quand le newtonien Alexis Clairaut (1713-1765) calcule, selon les lois de la gravitation universelle, le retour précis de la comète qu’Edmund Halley (1656-1742) avait observée en 1681-1682 et dont il avait prédit le retour périodique, il ne nie pas l’existence d’un éther et cherche à déterminer son action de résistance dans l’orbite cométaire61. Clairaut affirme :

L’altération de la moyenne distance de notre Comète n’est pas trois fois plus grande que celle d’une Planète sans excentricité dont la révolution serait de 75 ½ ans, c’est à dire que l’altération périodique de cette Comète causée par la résistance de l’éther est moins de 3 x 75 ½ fois l’altération de l’année due à la même cause, ce qui ne peut jamais produire qu’un très petit nombre de minutes, vu l’excessive petitesse du changement que la révolution annuelle a pu souffrir62.

Néanmoins, à l’instar de Jean Le Rond d’Alembert (1717-1783), les newtoniens s’émancipent du concept d’un éther gravitationnel :

Attraction ou puissance attractive, se dit plus particulièrement, dans la philosophie Newtonienne, d’une puissance ou principe, en vertu duquel toutes les parties, soit d’un même corps, soit de corps différents, tendent les unes vers les autres ; ou pour parler plus exactement, l’attraction est l’effet d’une puissance, par laquelle chaque particule de matière tend vers une autre particule63.

Les travaux et découvertes concernant l’électricité conduisent des savants, à l’instar de l’abbé Nollet (1700-1770)64, Benjamin Franklin (1706-1790)65, Leonhard Euler (1707-1783)66 ou encore Jean-Paul Marat (1743-1793)67, à expliquer de manière analogique la circulation du fluide électrique par l’existence d’un éther présent dans l’air et constitué de particules extrêmement subtiles :

Feu Électrique, Fluide Électrique, ou Matière Électrique ; on entend sous ces différentes dénominations, ce fluide très-subtil, très-mobile, qui se trouve répandu dans tous les corps, qui pénètre avec la plus grande facilité la plupart des milieux ; enfin qui cause immédiatement tous les phénomènes de l’électricité, comme l’attraction et la répulsion des corps légers, l’explosion de l’étincelle, les émanations lumineuses, etc.

Les Physiciens sont partagés sur la nature du fluide électrique : les uns considérant ses propriétés singulières et différentes de celles de tous les autres fluides connus, le distinguent absolument des autres, et en font une espèce particulière ; ainsi que les propriétés de l’aimant, qui paraissent bornées à cette pierre et aux corps aimantés, ont fait donner le nom de magnétique au fluide subtil qui les produit : d’autres trouvent dans le feu électrique beaucoup des propriétés du feu élémentaire, dont la présence échauffe, agite, et raréfie les corps, qui les pénètre tous par sa grande subtilité, dans lesquels il éprouve cependant différents degrés de résistance ; qui se fixe et se concentre dans quelques-uns, d’où il ne cesse de lancer pendant quelque tems des émanations lumineuses : d’autres enfin veulent que le feu électrique soit l’éther des anciens ; cet agent universel, que les philosophes grecs regardaient comme l’instrument de toutes les opérations de la nature, et dont le mouvement variable à l’infini leur paraissait agiter tout le reste de la matière68.

Des savants du xviiie siècle s’interrogent aussi quant à l’existence d’un éther support du magnétisme comme Euler dans les Lettres… à une princesse d’Allemagne :

[Le] magnétisme ne saurait être expliqué sans supposer un tourbillon rapidement agité, qui pénètre les corps magnétiques. La matière qui constitue ces tourbillons est aussi beaucoup plus subtile que l’éther, et traverse librement les pores des aimants qui sont impénétrables à l’éther même. Or cette matière magnétique est répandue et mêlée dans l’éther comme l’éther avec l’air grossier, ou ainsi qu’il occupe et remplit les pores de l’air, on peut dire que la matière magnétique est renfermée dans les pores mêmes de l’éther69.

3.3. L’éther de l’Encyclopédie

La place fondamentale qu’occupe l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (1751-1772) permet de faire le point sur les conceptions de l’éther dans la pensée et les savoirs des Lumières. L’article « Éther » a été rédigé par d’Alembert (1717-1783), acquis à la physique newtonienne. Après avoir rappelé les définitions courantes du mot, l’auteur fait état de la grande perplexité du monde savant à ce sujet :

Plusieurs philosophes ne sauraient concevoir que la plus grande partie de l’Univers soit entièrement vide ; c’est pourquoi ils le remplissent d’une sorte de matière appelée éther. Quelques-uns conçoivent cet éther comme un corps d’un genre particulier, destiné uniquement à remplir les vides qui se trouvent entre les corps célestes ; et par cette raison ils le bornent aux régions qui sont au-dessus de notre atmosphère. D’autres le font d’une nature si subtile, qu’il pénètre l’air et les autres corps, et occupe leurs pores et leurs intervalles. D’autres nient l’existence de cette matière différente de l’air, et croient que l’air lui-même, par son extrême ténuité et par cette expansion immense dont il est capable, peut se répandre jusque dans les intervalles des étoiles, et être la seule matière qui s’y trouve.

L’éther ne tombant pas sous les sens et étant employé uniquement ou en faveur d’une hypothèse, ou pour expliquer quelques phénomènes réels ou imaginaires, les Physiciens se donnent la liberté de l’imaginer à leur fantaisie. Quelques-uns croient qu’il est de la même nature que les autres corps, et qu’il en est seulement distingué par sa ténuité et par les autres propriétés qui en résultent ; et c’est-là l’éther prétendu philosophique. D’autres prétendent qu’il est d’une espèce différente des corps ordinaires, et qu’il est comme un cinquième élément, d’une nature plus pure, plus subtile, et plus spiritueuse que les substances qui sont autour de la terre, et dont aussi il n’a pas les propriétés, comme la gravité, etc. Telle est l’idée ancienne et commune que, l’on avait de l’éther, ou de la matière éthérée.

Le terme d’éther se trouvant donc embarrassé par une si grande variété d’idées, et étant appliqué arbitrairement à tant de différentes choses, plusieurs philosophes modernes ont pris le parti de l’abandonner, et de lui en substituer d’autres qui exprimassent quelque chose de plus précis70.

La suite de l’article est intéressante, non seulement par l’exposé des théories en présence (celles des cartésiens et des newtoniens essentiellement), mais encore parce que d’Alembert accompagne son texte de renvois à d’autres articles de l’Encyclopédie. On peut regrouper ces derniers en trois thématiques principales : le milieu subtil ou éthéré c’est-à-dire les espaces supposés de l’éther (air et espace interplanétaire), les qualités et forces « portées » par l’éther, et enfin la nature physique de cet espace.

L’espace supposé de l’éther s’étend au-delà de l’atmosphère terrestre, qui est désormais identifiée comme un milieu spécifique constitué par l’air71, dans le milieu interplanétaire nommé ciel72 ou encore cosmos. La limite entre monde sublunaire et monde supralunaire est ainsi remplacée par la limite supérieure de l’atmosphère, qui est encore très mal définie, mais au-delà de laquelle se trouvent la Lune, les planètes73, sans oublier tous les corps célestes, comme les nébuleuses, dont les 110 cataloguées par Charles Messier (1730-1817) et observées grâce à des instruments de plus en plus puissants.

Pour d’Alembert la chaleur, le feu, la pesanteur et la gravité, renvoient aussi au concept d’éther. La chaleur, pour certains savants (cartésiens et mécanistes), serait de nature corpusculaire et consisterait en « une propriété particulière d’un certain corps immuable appelé feu74 » ; ce feu serait proche du concept d’un éther calorifère, à l’instar de l’éther luminifère75. Pour les newtoniens, la pesanteur (ou gravité) est une force qui ne nécessite aucun éther comme hypothèse ou support76, ce que les cartésiens dénonçaient comme une régression par un retour aux principes occultes de la physique aristotélicienne.

Enfin, en regard de la question des résistances qu’opposerait un éther très subtil aux planètes et comètes en mouvement, en affectant leur orbite et leur vitesse, l’hypothèse du vide sidéral, « espace destitué de toute matière »77 , prend beaucoup de poids :

Les mouvements des planètes et des comètes démontrent le vide. Les cieux, dit M. Newton, ne sont point remplis de milieux fluides, à moins que ces milieux ne soient extrêmement rares : c’est ce qui est prouvé par les mouvements réguliers et constants des planètes et des comètes qui vont en tout sens au-travers des cieux. Il s’ensuit évidemment de-là que les espaces célestes sont privés de toute résistance sensible et par conséquent de toute matière sensible ; car la résistance des milieux fluides vient en partie de l’attrition des parties du milieu, et en partie de la force de la matière qu’on nomme sa force d’inertie. [...] Donc pour assurer les mouvements réguliers et durables des planètes et des comètes, il est absolument nécessaire que les cieux soient vuides de toute matière, excepté peut-être quelques vapeurs ou exhalaisons qui viennent des atmosphères de la Terre, des planètes et des comètes, et les rayons de lumière78.

En 1782, quand paraît le troisième tome de l’Histoire de l’astronomie moderne, Jean-Sylvain Bailly (1736-1793) s’interroge : si « les espaces célestes où les astres se meuvent, sont-ils entièrement vides de matière et si l’éther les remplit, ce fluide, quelque rare qu’il soit, ne peut-il résister au mouvement79 ? » Car pour lui la question de l’éther renvoie à la question fondamentale du vide et à l’action/transmission de la gravitation ! Le saut épistémologique d’un espace interplanétaire totalement vide n’est donc pas franchi à la fin du siècle des Lumières, d’autant que le concept d’un éther luminifère se développe et que Thomas Young (1773-1829) défend sa théorie ondulatoire, entre 1800 et 1802, dans les Philosophical Transactions de la Royal Society80.

Conclusion

À la lecture de la Mécanique céleste de Pierre-Simon Laplace, Napoléon Bonaparte aurait interrogé l’auteur sur la présence de Dieu dans son système et l’astronome lui aurait répondu qu’il n’avait pas besoin de cette hypothèse ! Quoi qu’il soit de la véracité de cette anecdote81, il aurait pu aussi répondre cela à propos de l’éther. Dans la cosmologie qu’il développe, le système solaire se serait formé à partir d’une nébuleuse primitive, constituée d’une masse de gaz incandescent qui, par rotation et refroidissement, aurait donné naissance au Soleil et aux planètes. Point de divinité ou d’élément éther dans cette cosmologie82 ! C’est pourquoi à la suite de Jacques Merleau-Ponty nous pouvons qualifier Laplace de « héros de la science “normale”83 », reprenant un concept de Thomas S. Kuhn pour qui « la science normale désigne la recherche solidement fondée sur un ou plusieurs accomplissements scientifiques passés, accomplissements que tel groupe de scientifiques considère comme suffisants pour fournir le point de départ d’autres travaux84 ». Mais Laplace n’est pas représentatif de l’ensemble du monde savant.

L’éther théogonique (le dieu primordial d’Hésiode), initial, a évolué vers un éther théologique dans un paradigme thomiste qui voulait concilier des savoirs aristotélico-ptoléméens et le dogme chrétien (un éther immuable et incorruptible du monde supralunaire au-delà duquel se trouve le monde éternel et divin de l’Empyrée). C’est dans cet éther que, pour Copernic et ses contemporains, « baignaient » la Lune, le Soleil et les cinq planètes. Dans le contexte de la révolution astronomique, si certains savants conçoivent un cosmos vide, ils sont minoritaires. Pour la majorité l’éther cosmologique « baigne » désormais un système héliocentrique régi par la gravitation universelle et dans lequel se trouve une Terre décentrée et en rotation autour du Soleil. L’éther évolue en une matière subtile que l’on trouve dans les tourbillons de Descartes, puis il devient le support de la lumière, de l’électricité, du magnétisme ou encore du son85.

En 1884, James C. Maxwell (1831-1879) (ré)unifie les différents éthers dans un éther électromagnétique86 et jusqu’au début du xxe siècle, les scientifiques sont convaincus de l’existence d’un milieu éthéré ou d’une substance éther emplissant l’espace87.

Notes

1 Kuhn Thomas, La structure des révolutions scientifiques, Champs Flammarion, Paris, 1983. Retour au texte

2 Le monde supralunaire, nommé aussi cosmos, univers ou encore ciel, englobe l’espace où évoluent les planètes et la sphères des fixes. Il correspond au macrocosme, monde au-delà de l’orbe de la Lune qui est considéré comme une limite physique faite d’un « cristal » pur et transparent renfermant le monde sublunaire, le mundus sublunaris quatuor elementa complenctens. « Ciel. Subst. masc. Région éthérée au dessus de l’élémentaire, dans laquelle se meuvent tous les astres. » Voir Furetière Antoine, Dictionnaire universel, Arnout et Reinier Leers, La Haye-Rotterdam, 1690, t. 1. Retour au texte

3 C’est à Aristote que l’on doit l’éther comme un des cinq éléments de la physique ou quintessence, que l’on retrouve dans la pensée et les savoirs occidentaux. Par la suite, Cicéron rappelle que pour les stoïciens, l’éther est un « feu céleste […] qui est le dernier et le plus élevé de tous les êtres, qui s’étend de tous côtés, qui fait l’extrémité de tout, qui ceint et embrasse tout », mais que « subtil, transparent, d’une chaleur toujours égale, [il] ne paraît pas d’une nature propre à retenir les astres, ni à les entraîner violemment ». Voir Cicéron, De la Nature des dieux (I, XV ; trad. abbé d’Olivet, J-V. Leclerc, M-L. Crouslé), in Œuvres complètes, Garnier, Paris, s. d., t. xviii, p. 303. Ibid. (II, XXI), p. 381 ; ibid., Les Belles Lettres, Paris, 2009. Retour au texte

4 « Avant toutes choses fut Khaos, et puis Gaia au large sein, siège toujours solide de tous les Immortels qui habitent les sommets du neigeux Olympos et le Tartaros sombre dans les profondeurs de la terre spacieuse, et puis Érôs, le plus beau d’entre les Dieux Immortels, qui rompt les forces, et qui de tous les Dieux et de tous les hommes dompte l’intelligence et la sagesse dans leur poitrine. Et de Khaos naquirent Érébos et la noire Nyx. Et, de Nyx, Aithèr et Hèmérè naquirent, car elle les conçut, s’étant unie d’amour à Érébos. Et, d’abord, Gaia enfanta son égal en grandeur, l’Ouranos étoilé, afin qu’il la couvrit tout entière et qu’il fût une demeure sûre pour les Dieux heureux. » Voir Hésiode, Théogonie (trad. C. M. R. Leconte de Lisle), A. Lemerre éditeur, Paris, s.d. (1869 ?), p. 7. Retour au texte

5 Koyré Alexandre, Études d’histoire de la pensée scientifique, Gallimard, Paris, 1985 ; Du monde clos à l’univers infini, Gallimard, Paris, 1962 ; La Révolution astronomique, Copernic, Kepler, Borelli, Vrin, Paris, 2016. Retour au texte

6 Ce bornage s’inscrit à la suite de la journée d’étude « Astronomie nouvelle et constitution d’un nouvel objet théorique : le système solaire (de Copernic à Laplace) », Univ. Toulouse Jean-Jaurès, 14 déc. 2017. Le De revolutionibus orbium cœlestium (1453) de Copernic ainsi que l’Exposition du système du monde (1796) et le Traité de mécanique céleste (1799-1804) de Laplace sont en outre et à plusieurs titres des œuvres majeures dans l’évolution des savoirs et de la pensée scientifiques. Le premier marque le début d’une révolution scientifique par la remise en cause du paradigme aristotélico-ptoléméen et le second relève d’une science « normale ». Voir Kuhn Thomas, La structure… op. cit., pp. 60 et s. Retour au texte

7 Voir Taton René (dir.), Histoire générale des sciences : La science antique et médiévale, t. 1, PUF, Paris 1966 ; La science moderne, t. 2, PUF, Paris, 1958 ; Ullmo Jean, La pensée scientifique moderne, Flammarion, Paris, 1969 ; Cantor Geoffrey N., Hodge Michael J. S. (dir.), Conceptions of Ether: Studies in the History of Ether Theories, 1740-1900, Cambridge University Press, 1981 ; Grant Edward, Much Ado about Nothing Theories of Space and Vacuum from the Middle Ages to the Scientific Revolution, Cambridge University Press, 1981 ; Cohen Ierome Bernard, Les origines de la physique moderne, Seuil, Paris 1993 ; Paty Michel, « Le vide matériel ou la matière crée l’espace », in Diner Simon, Gunzig Edgard (dir.), Univers du tout et du rien, Éd. de l’Université Libre de Bruxelles/Complexe, 1988, pp. 22-44 ; Grant Edward, The Foundations of Modern Science in the Middle Ages, Cambridge University Press, 1996 ; Pinet Patrice, « La philosophie de la matière de Galilée à Newton », Revue d’histoire de la pharmacie, n° 341, 2004, pp. 67-82 ; Rossi Paolo, Aux origines de la science moderne, Seuil, Paris, 2004 ; Seidengart Jean, Dieu, l’univers et la sphère infinie, Albin Michel, Paris, 2006 ; Schrœder Prosper, La loi de la gravitation universelle, Newton, Euler et Laplace, le cheminement scientifique vers une science normale, Springer-Verlag, Paris, 2007 ; Jardine Nicholas, Segonds Alain Philippe, La Guerre des Astronomes, Les Belles Lettres, Paris, 2008, 2 vol. ; Lerner Michel-Pierre, Le Monde des sphères, I. Genèse et triomphe d’une représentation cosmique, II. La fin du cosmos classique, Les Belles Lettres, Paris, 2008 ; Gaukroger Stephen, The Emergence of a Scientific Culture: Science and the Shaping of Modernity 1210-1685, Clarendon Press, Oxford, 2009 ; Schaffer Simon, La fabrique des sciences modernes, Seuil, Paris, 2014 ; Grant Edward, A History of Natural Philosophy from the Ancient World to the Nineteenth Century, Cambridge University Press, 2017 ; Van Damme Stéphane (dir.), Histoire des sciences et des savoirs – 1. De la Renaissance aux Lumières, Seuil, Paris, 2015 ; Blay Michel, Critique de l’histoire des sciences, CNRS éditions, Paris, 2017. Retour au texte

8 Dans d’autres civilisations et savoirs, comme dans la philosophie chinoise du Hong fan, on retrouve une cosmogonie et une cosmologie où il existe un élément qui renvoie au concept d’éther. Retour au texte

9 Ainsi, dans la dédicace au pape Paul III du De Revolutionibus, qu’Andreas Osiander (1498-1552) réalisa, les Anciens sont convoqués (Pythagoriciens, Lysias,…). Voir Boyancé Pierre, « Note sur l’éther chez les Pythagoriciens, Platon et Aristote », Revue des études grecques, 1967, pp. 202-209. Voir notamment : Platon, Épinomis (984b), in Œuvres complètes (trad. L. Robin), Gallimard-La Pléiade, Paris, 1969, t. II, pp. 1150-1151 ; Aristote, Physique, GF Flammarion, Paris, 2000 ; Traité du ciel, GF Flammarion, Paris, 2004 ; Météorologiques, GF Flammarion, Paris, 2008. Retour au texte

Ces savoirs aristotélico-ptoléméens, qui perdurent au haut-Moyen Âge, sont aussi rassemblés et traduits par les savants arabo-musulmans dont les textes se diffusent dans l’Occident médiéval à travers les nombreuses versions de la Physique, du Traité du Ciel, des Météorologiques et de l’Almageste. Voir Djebbar Ahmed, Une histoire de la science arabe, Le Seuil, Paris, 2001. Jean-Sylvain Bailly consacre une notice biographique à l’astronome arabo-musulman Alhazen (Ibn al-Haytham, 965-1039) et écrit à son propos : « Alhazen a très bien prouvé par ces phénomènes que l’espace au-delà de l’atmosphère, ce qu’il nommait la substance du ciel, et que nous nommons aujourd’hui l’éther, est composé d’une matière plus rare que l’air ». Histoire de l’astronomie moderne depuis la fondation de l’École d’Alexandrie, jusqu’à l’époque de mdccxxx, de Bure, nlle éd., Paris, 1785, pp. 238-239. Alhazen a aussi traité de la question de la réfraction, à l’instar de Ptolémée.

10 Ce champ de la physique scolastique ne peut être approfondi dans les limites de cet article ; nous renvoyons dans une perspective historiographique à Salman Dominique, « La conception scolastique de la physique », Revue Philosophique de Louvain, n° 49, 1936, pp. 27-50 ; Taton René (dir.), Histoire générale des sciences… op. cit,, tome 1. Retour au texte

11 John of Hollywood dit aussi Jean de Halifax (fin xiie-milieu xiiie siècle) enseigna les mathématiques et l’astronomie à l’université de Paris. Le De Sphæra mundi fut imprimé pour la première fois en 1472, à Ferrare. Retour au texte

12 « Universalis autem mundi machina in duo dividitur, in ætheream scilicet, et elementarem regionem. » Voir Sacrobosco Johannes, De Sphæra, P. Tinghium, Lugduni, 1578, p. 26. Retour au texte

13 Gossouin [alias Gautier] de Metz, Le mirouer du monde de Metz, Genève, François Buffereau, 1517 [en ligne] http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k70421g.pdf [consulté le 18/06/2018]. Voir aussi Prior Oliver Herbert, L’image du monde de maître Gossouin, thèse de doctorat, Faculté des Lettres de l’Université de Lausanne, 1913 [en ligne] http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5436588q [consulté le 18/06/2018] Retour au texte

14 À l’époque où Copernic fréquente l’université Jagellonne, y enseigne Albert Brudzewski (1445-1497), qui est une figure majeure de l’astronomie du xve siècle. Intellectuellement Copernic fut aussi influencé par Domenico Maria Novara (1454-1504) de Ferrare qui, comme l’affirme Kuhn, eut une forte inclination pour le néo-platonisme dont les tenants dénonçaient la complexité du système géocentrique. Celui-ci, pour sauver les apparences, intégra des équants, déférents et épicycles Quant à l’éther, il en est fait mention dans le De Revolutionibus orbium cœlestium : « Averroès dans sa paraphrase de Ptolémée se rappelle avoir vu quelque chose de noirâtre lorsqu’il observa la conjonction du Soleil et de Mercure qu’il avait calculée. Ils jugent néanmoins que ces deux astres se meuvent au-dessous du cercle solaire. Mais combien ce raisonnement est faible et peu sûr est clair de ce que, tandis que la distance la plus petite de la Lune est, selon Ptolémée, de 38 parts allant du centre de la Terre à sa superficie, cependant nous ne savons pas que dans tout cet espace il y eût autre chose que de l’air, et, si l’on veut encore, ce qu’on appelle l’élément igné. En plus de quoi, le diamètre du cercle de Vénus, grâce auquel elle s’éloigne du Soleil vers les deux côtés d’à peu près 45°, aurait dû être six fois plus grand que la distance du centre de la Terre à son abside la plus proche, ainsi qu’il sera démontré en son lieu. Que diront-ils donc qu’est contenu dans tout cet espace, d’autant plus grand qu’il contient la Terre, l’air, l’éther, la Lune et Mercure et, qui, en plus de cela, s’il tournait autour de la Terre immobile, embrasserait cet énorme épicycle de Vénus ? », in Des révolutions des orbes célestes (trad. A. Koyré), Librairie Félix Alcan, Paris, 1934 (rééd. Diderot, Paris, 1998). Version numérisée par Jean-Marie Tremblay, Université du Québec, Chicoutimi, [en ligne] http://classiques.uqac.ca/collection_sciences_nature/copernic_nicolas/revolutions/revolutions_orbes_celestes.html [consulté le 18/06/2018]. Voir aussi Copernic Nicolas, De Revolutionibus orbium cœlestium (trad. M-P. Lerner, A. P. Segonds, J-P. Verdet), Les Belles Lettres, Paris, 2015. Retour au texte

15 Lerner Michel-Pierre, Le Monde des sphères… op. cit., 1999. Retour au texte

16 « Empyrée. adj. et s. M, C’est le plus haut des cieux où les Bienheureux jouissent de la vision de Dieu, qu’on nomme autrement le Paradis. Le Ciel empyrée, ou absolument l’Empyrée. Ce mot est dérivé du Grec pyr, qui signifie feu, à cause de sa splendeur et de sa lumière. » Voir Furetière Antoine, Dictionnaire universel… op. cit.,t. 1. Retour au texte

17 Les « météores » sont à l’époque de Tycho Brahe, et dans le paradigme de la physique aristotélicienne, les phénomènes qui apparaissent dans le ciel ; plus ou moins fugaces, ils sont supposés se produire dans le monde sublunaire corruptible : ce sont les nuages, la foudre mais aussi les comètes et tous les corps ou phénomènes lumineux nouveaux. Au xviiie siècle la notion de météore évolue et s’applique au « corps ou apparence d’un corps qui paroît pendant quelque temps dans l’atmosphère, et qui est formée de matieres qui y nagent […] 1°. les météores ignés, composés d’une matiere sulphureuse qui prend feu ; tels sont les éclairs, le tonnerre, les feux follets, les étoiles tombantes, & d’autres qui paroissent dans l’air. 2°. Les météores aériens, qui sont formés d’exhalaisons. 3°. Les météores aqueux qui sont composés de vapeurs, ou de particules aqueuses ; tels sont les nuages, les arcs-en-ciel, la grêle, la neige, la pluie, la rosée, & d’autres semblables ». D’Alembert Jean Le Rond, « MÉTÉORE, s. m. (Physiq.) », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Briasson, David, Le Breton et Durand, Paris, 1751-1780, vol. 10, p. 444. Retour au texte

18 Vénus, dans le ciel nocturne, est l’astre le plus brillant après la Lune. Ici il s’agit de la Nova de Tycho, ou SN 1572. Elle a été aussi observée par des astronomes contemporains, entre autres Wolfgang Schuller, John Dee, Thomas Digges et Francesco Maurolico, mais Brahe l’étudie et la décrit avec force détails dans le De nova et nullius ævi memoria prius visa Stella, iam pridem Anno à nato Christo 1572, mense Novembrj primùm Constecta, contemplatio mathematica, Impressit Laurentius Benediciti, Hafniæ, 1573. Johan Kepler, en 1604, observe à son tour une nova dans la constellation d’Ophiucus (Serpentaire) et rédige le De stella nova in pede Serpentarii, Paulus Sessius, Praguæ, 1606.Voir Stephenson Francis Richard, Green David A., Historical Supernovae and their Remnants, Oxford University Press, 2002 ; Krause Oliver, « Tycho Brahe’s 1572 Supernova as a Standard Type Ia as Revealed by its Light-echo spectrum », Nature, vol. 456, no 7222, 2008, pp. 617–619. Retour au texte

19 La parallaxe est une mesure de triangulation qui permet, en déterminant l’angle d’un corps céleste, de calculer sa distance. Retour au texte

20 « Mais on a vu des comètes qui, étant plus élevées qu’on ne croyait autrefois, briseraient tout le cristal des cieux par où elles passent, et casseraient tout l’univers ; et il a fallu se résoudre à faire les cieux d’une matière fluide, telle que l’air ». Voir Fontenelle Bernard Le Bouyer de, Entretiens sur la pluralité des mondes : Premier soir, Garnier-Flammarion, Paris, 1998, p. 69. Retour au texte

21 Hellman Clarisse Doris, The Comet of 1577: its Place in the History of Astronomy, Columbia University Press, 1944, AMPS Press, New-York, 1971 ; Westman Robert S., « The Comet and the Cosmos: Kepler, Mästlin, and the Copernican Hypothesis », in Dobrzycki Jerzy (éd.), The Reception of Copernicus Heliocentric Theory, Proceedings of a Symposium Organized by the Nicolas Copernicus Committee of the International Union of the History and Philosophy of Science, Springer, Torun (Poland), 1973, pp. 7-30. Retour au texte

22 Il réalise des mesures astrométriques depuis l’île de Hven au Danemark, où il fait édifier l’observatoire d’Uraniborg. Les observations de Tycho Brahe nous sont en outre parvenues à travers ses notes et esquisses. Un faisceau d’éléments indique aussi que Brahe envisage que la comète se déplace à proximité de Vénus. Retour au texte

23 Smolka Josef, « Correspondence Between Tycho Brahe and Thaddeus Hagecius – the Beginnings », Acta Historica Astronomiæ, vol. 16, 2002, pp. 224-236. Retour au texte

24 De mundi ætherei recentioribus phænomenis liber secundus, qui est de illustri stella caudata ab elapso fere tiente novembris anni 1577 usque in finem januarii sequentis conspecta, Uraniborg, 1588, p. 189. Retour au texte

25 Pour ce qui est des comètes, ce n’est qu’au xviie siècle que des astronomes, notamment Kepler (De cometis libelli tres, astronomicus, physicus, astrologicus, et cometarumphysiologia nova et paradoxo, 1619), Cassini et Halley, élaborent une théorie nouvelle dans un système solaire elliptique et soumis à la force de gravité. Retour au texte

26 E per l’eterio campo oltre penetro… Voir Bruno Giordano, De l’infini, de l’univers et des mondes (trad. J-P. Cavaillé), Les Belles Lettres, Paris, 1995, pp. 54-55. « L’esprit humain s’était senti longtemps à l’aise et protégé dans le cosmos aristotélicien : un cosmos limité, bien clos. Au centre la Terre, immobile ; autour d’elle, les sphères d’éther rigide supportant les astres et les entraînant dans leur ronde éternelle : coquille protectrice au-delà de laquelle il n’y avait rien, rien de matériel, rien qui relevât de la physique. Pour Aristote, en-dehors du cosmos, plus d’espace, plus de temps. Mais pour les penseurs chrétiens, au-delà du cosmos se trouve l’Empyrée, le royaume de Dieu qui ne relève plus du temps ni de l’espace. » Voir Tuzet Hélène, « Le cosmos baroque de Giordano Bruno », Actes des journées internationales d'étude du Baroque, 1974, p. 5 [en ligne] http://journals.openedition.org/baroque/446 [consulté le 18/06/2018]. Retour au texte

27 Somnium seu opus posthumum des astronomia Lunari, Francfort, S. Silesiorum, 1634. Le voyage vers la Lune y est décrit comme éprouvant à cause du froid et de l’absence d’air pour respirer. De ce point vue, Kepler remet en cause la démarcation des mondes sub et supralunaires. Retour au texte

28 Prodomus dissertationum cosmographicum continens Mysterium Cosmographicum de admirabili proportione orbium coelestium… (Tübingen, 1596), E. Kememperi, Francfort, 1621. Voir notamment « L’architecture de la Création » [pp. 26-27] de l’édition de 1621 ; Harmonices Mundi, G. Tampachii et I. Plancus, Linz, 1619. Les faces du dodécaèdre sont des pentagones (5 sommets). Cette correspondance mathématique entre douze et cinq fera florès chez les humanistes pythagoriciens et des astronomes/astrologues. Robert Fludd (1574-1637) imagine une conception harmonique de l’univers où il attribue une quinte au ciel éthéré. Voir Basilico Brenda « L’Harmonia mundana au xviie siècle. Les critiques de Marin Mersenne adressées au monocorde du monde de Robert Fludd », L’Atelier du Centre de recherches historiques, 2017 [en ligne ] http://journals.openedition.org/acrh/7910 [consulté le 18/06/2018]. Retour au texte

29 Paracelse (v. 1493-1541) remet également en question l’éther scolastique dans un système qui est aussi macrocosmique, cosmologique et physique. Paracelse conserve le concept de Quinta Essentia/cinquième essence qui serait l’« élément prédestiné ». Voir Lakatos Imre, Worral John, Zahar Elie (éd.), Proofs and Refutations, Cambridge University Press, London, 1976 ; Currie Gregory, Lakatos Imre, Worral John (éd.), Philosophical Papers, Cambridge University Press, London, 1978 : The Methodology of scientific Research Programmes (vol. 1) ; Mathematics, science and epistemology (vol. 2) ; Kahn Didier, Le fixe et le volatil. Chimie et alchimie de Paracelse à Lavoisier, CNRS éditions, Paris, 2016. Retour au texte

30 Au xviie siècle, la limite supérieure de l’atmosphère se substitue désormais à l’orbe de la Lune en tant que démarcation entre l’espace terrestre avec son enveloppe d’air/atmosphère et l’espace interplanétaire/cosmos qui se trouve au-delà de l’atmosphère terrestre. Notre planète, dans le décentrement héliocentrique, devient un corps du système solaire qui, à l’instar des autres planètes et de leurs satellites, se trouve dans le cosmos/l’espace ou milieu interplanétaire. Retour au texte

31 « Au-delà de l’air est la matière céleste, incomparablement plus pure, plus subtile, et même plus agitée qu’il ne l’est », Fontenelle Bernard Le Bouyer de, Entretiens sur la pluralité… op. cit., p. 78. Retour au texte

32 Élément qui, avec l’observation d’un système lunaire jovien, contribue à convaincre Galilée que le cosmos est héliocentrique, modèle qui n’est pas compatible avec l’organisation duelle et hiérarchisée d’un monde sublunaire et d’un monde supralunaire : la Terre et la Lune sont en orbite autour du Soleil, entre les orbites de Vénus et de Mars. Retour au texte

33 La Lune ne constitue plus la limite supposée entre les deux mondes. Retour au texte

34 Galilée publie ses remarques seulement trois ans plus tard dans l’Istoria e dimostrazione intorno alle macchie solari, Giacomo Mascardi, Roma, 1613. La primauté de cette découverte et de l’affirmation que ce sont bien des phénomènes à la surface de l’étoile est au moins le fait de quatre astronomes : Galilée, Thomas Harriot, Christoph Scheiner et Johann Fabricius. Voir Dame Bernard, « Galilée et les taches solaires (1610-1613) », Revue d’histoire des sciences, 1966, pp. 307-370). Par la suite, l’observation de la grande tache rouge (1664-1665) par Robert Hooke et Giovanni-Domenico Cassini, et celle des bandes de Jupiter montrent que cette planète n’est pas non plus un corps parfaitement lisse et uniforme comme supposé. Retour au texte

35 Grant Edward, A History of Natural Philosophyop. cit., pp. 62-65. Retour au texte

36 Dans ce récit de voyage fictif et fantaisiste, dont le titre fut donné par l’éditeur du texte posthume et dont l’adjectif comique renvoie à un genre littéraire qui se démarque de genres plus codifiés comme les histoires tragiques ou les romans, Cyrano de Bergerac se réfère néanmoins aux connaissances scientifiques de son époque comme les théories de Galilée et celles qui concernent le milieu interplanétaire dans lequel évolue son personnage romanesque appelé Dycorna. En 1638, paraissait The Man in the Moone (sic) de Francis Goodwin et traduit en français en 1648 (L’homme dans la lune ou le voyage chymérique fait au monde la lune, à Paris chez F. Piot), ouvrage qui, comme Lucien de Samosate, est une référence utilisée par Cyrano de Bergerac. Retour au texte

37 Cyrano de Bergerac Savinien, Les États et Empires de la Lune et du Soleil (éd. M. Alcover), H. Champion, Paris, 2004 [1662], p. 229. Retour au texte

38 Lenoble Robert, « Du Cosmos à l’Univers », in Taton René (dir.), Histoire générale des sciences. La science moderne… op. cit., t. 2, pp. 196-205. Retour au texte

39 Voir principalement Descartes René, Les principes de la philosophie (1644), in Œuvres philosophiques (éd. F. Alquié), Classiques Garnier, Paris, 2010, t. I, ch. III-IV, et Le monde ou le traité de la lumière (1664), in Œuvres (éd. C. Adam, P. Tannery), Vrin, Paris, 1996, t. XI, ch. IV-X ; ainsi que Auger Léon, « La controverse entre Morin et Descartes sur la matière subtile », Revue d’histoire des sciences, t. 3, n° 3, 1950, pp. 255-262. Retour au texte

40 Gassendi Pierre, Opera omnia…, L. Anisson & J. B. Devenet, Lugdunum, 1658. « Atome. Subts. Masc.. Petit corps de toutes sortes de figures qui entre en la composition de tous les autres corps. Leucippe et Démocrite ont été les premiers Philosophes qui ont établi la doctrine des atomes, qui a été depuis renouvelée par Épicure et Lucrèce, et fort bien expliquée en nos jours par l’illustre Gassendi, et Bernier son Traducteur et Abréviateur. Ce mot vient du Grec atomos, qui signifie indivisible. » Furetière Antoine, Dictionnaire universel… op. cit., t. 1. Cette question de l’atomisme ne saurait et ne pourrait être abordée ici de manière exhaustive. Voir KoyrÉ Alexandre, « Gassendi et la science de son temps », Actes du Congrès du Tricentenaire de Pierre Gassendi, Digne, 1957, pp. 173-190 ; Cariou Marie, L’atomisme. Gassendi, Leibniz, Bergson et Lucrèce, Aubier Montaigne, Paris, 1978. Salem Jean (dir.), L’atomisme aux XVIIe et XVIIIe siècles, Travaux de la journée d”études du Centre d’Histoire des Systèmes de Pensée Moderne, 26 octobre 1997, Publications de la Sorbonne, Paris, 1999. Clericuzio Antonio, « L’atomisme de Gassendi et la philosophie corpusculaire de Boyle », in Murr Sylvie (dir.), Gassendi et l’Europe, Actes du colloque international de Paris, Vrin, 1997, pp. 227-235 ; Pinet Patrice, « L’atomisme de Gassendi et la philosophie corpusculaire de Boyle », Revue d’Histoire de la pharmacie, n° 341, 2004, pp. 67-82 ; Paganini Gianni, « Le lieu du néant. Gassendi et l’hypothèse de l’annihilatio mundi », Dix-septième siècle, 2006-4, n° 233, pp. 587-600. Retour au texte

41 Pascal Blaise, Traités de l’équilibre des liqueurs et de la pesanteur de la masse de l’air, chez Guillaume Desprez, Paris, 1663. Voir Magnard Pierre, « Pascal et le sens du vide », Baroque, 1987 [en ligne] http://journals.openedition.org/baroque/580 [consulté le 18/06/2018] Retour au texte

Jouslin Olivier, « Sciences et baroque : la polémique sur le vide entre Blaise Pascal et Étienne Noël (8 octobre 1647-été 1648) », Études Épistémè, n° 9, 2006, pp. 345-373.

42 Sur la question du vide spatial c’est-à-dire de l’espace interplanétaire, voir Paty Michel, « Le vide matériel ou la matière crée l’espace », in Diner Simon, Gunzig Edgard (dir.), Universop. cit. ; Mazauric Simone, Gassendi, Pascal et la querelle du vide, PUF, Paris, 1998 ; « De Torricelli à Pascal », Philosophia Scientiæ, n° 2, 2010, pp. 1-44 ; Rougier Louis, « De Torricelli à Pascal », Philosophia Scientiæ, n° 2, 2010, pp. 45-236 [en ligne] https://www.cairn.info/revue-philosophia-scientiae-2010-2.htm [consulté le 18/06/2018] Retour au texte

43 Descartes René, Principes… op. cit. ; Traité du monde et de la lumière, chez Théodore Girard, Paris, 1664. Retour au texte

44 Ptolémée est aussi l’auteur d’un traité d’optique, où il est question de l’éther qui serait, avec l’air, une cause du phénomène de réfraction, qui est la déviation des rayons lumineux des objets célestes. Voir Lejeune Albert, L’optique de Claude Ptolémée dans la version latine d’après l’arabe de l’émir Eugène de Sicile, Université de Louvain, 1956. Retour au texte

45 Pardies Ignace-Gaston, Œuvres du R. P. Ignace-Gaston Pardies de la Compagnie de Jésus – Du mouvement de la lumière, frères Bruyset, Lyon, 1725. Retour au texte

46 Huygens Christiaan, Traité de la lumière, où sont expliquées les causes de ce qui luy arrive dans la réflexion et dans la réfraction et particulièrement dans l’étrange réfraction du cristal d’Islande, par C. H. D. Z. [Huygens]. Avec un Discours de la cause de la pesanteur, P. Van der Aa, Leiden, 1690. Voir Chareix Fabien, La philosophie naturelle de Christiaan Huygens, Vrin, Paris, 2006. Retour au texte

47 L’hypothèse d’un éther gravitationnel n’est pas fondamentale dans la physique newtonienne. Voir Koyré Alexandre, Études newtoniennes, Gallimard, Paris, 1968 ; Paty Michel, « Le vide matériel ou la matière crée l’espace », in Diner Simon, Gunzig Edgard (dir.), op. cit., p. 12-15. Retour au texte

48 Newton Isaac, Philosophiæ Naturalis Principia Mathematica, Londres, 1687, (3e éd. 1726). Voir Cohen Ierome Bernard, The Newtonian Revolution, University of Cambridge, 1981. Retour au texte

49 Newton Isaac, Opticks: or a Treatise of the Reflexions, Refractions Inflexions and Colours of Light. Also Two Treatises of the Species and Magnitude of Curvilinear Figures, S. Smith & B. Walford, London, 1704. L’ouvrage fut traduit et publié par Jean-Paul Marat en 1787. Retour au texte

50 Cette conception de la lumière repose sur l’existence de particules (des très petits corps), les corpuscules qui constitueraient les rayons de lumière : « Corpuscule, s. m. en Physique, diminutif de corps, terme dont on se sert pour exprimer les particules ou les petites parties des corps naturels. Retour au texte

Tout corps est composé d’une quantité prodigieuse de corpuscules. Ces corpuscules eux-mêmes sont des corps, & sont composés par la même raison d’autres corpuscules plus petits, en sorte que les éléments d’un corps ne paraissent être autre chose que des corps. Mais quels sont les éléments primitifs de la matière ? c’est ce qu’il est difficile de savoir. Aussi l’idée que nous nous formons de la matière & des corps, selon quelques philosophes, est purement de notre imagination, sans qu’il y ait rien hors de nous de semblable à cette idée. Ces difficultés ont fait naître le système des monades de M. Leibnitz.

M. Newton a donné une méthode pour déterminer par la couleur des corps la grosseur des corpuscules qui constituent les particules qui les composent, ou plutôt le rapport de la grosseur des particules d’un corps d’une certaine couleur à celle des particules d’un corps d’une autre couleur. Il ne faut cependant regarder cette méthode que comme conjecturale. » Voir D’Alembert Jean Le Rond, Encyclopédieop. cit., vol. 4, p. 270. Voir aussi dans l’Encyclopédie l’article lumière : « LUMIÈRE, s. f. (Optiq.) est la sensation que la vûe des corps lumineux apporte ou fait éprouver à l’âme, ou bien la propriété des corps qui les rend propres à exciter en nous cette sensation », vol. 9, pp. 772-724.

51 Si les idées de Newton et une figure de la Terre aplatie aux pôles s’imposent en Angleterre, sur le continent, c’est dans la première moitié du xviiie siècle que les théories newtoniennes et cartésiennes connaissent un moment d’affrontement majeur. La France en est sans nul doute le théâtre principal où, dans le camp newtonien, se signalent Voltaire, Émilie du Châtelet ou encore Maupertuis. Sur la question de la figure de la Terre et de la lutte entre newtoniens et cartésiens, voir Sanchez Jean-Christophe, « De la figure de la Terre au siècle des Lumières », Historiens et Géographes, n° 409, janv.-fév. 2010, pp. 253-267. Retour au texte

52 Le xixe siècle, qui est au-delà de notre période d’étude, connut un moment important de relance du débat avec les travaux en optique ondulatoire et en physique électromagnétique, notamment à la suite de l’expérience de Michelson et Morley en 1887. Retour au texte

53 Voltaire, Micromégas, J. Robinson et W. Meyer, Londres, 1752. Retour au texte

54 Voltaire ne néglige pas pour autant les sciences, il est un ardent défenseur du newtonianisme : voir, dans les Lettres philosophiques (1734), la 15e lettre sur le système de l’attraction et 16e lettre sur l’optique de Newton. Regnault Noël, Lettre d’un physicien sur la Philosophie de Neuton, mise à la portée de tout le monde, par M. de Voltaire, 1738 ; Deshayes P-B., Essai de physique sur le système du monde, chez F. Amb. Didot, Paris, 1772 ; Le Ru Véronique, Voltaire newtonien – Le combat d’un philosophe pour la science, Vuibert-adapt, Paris, 2005. Retour au texte

55 Dutens Louis, « De l’Éther ; de l’Air, de la pesanteur et de son élasticité », in Recherches sur les origines des découvertes attribuées aux Modernes, t. 2, Vve Duchesne, Paris, 1761, pp. 3-5. Retour au texte

56 Chabot Hugues, « Joseph-Étienne Bertier (1702-1783) », Notice biographique, 2007 [en ligne] http://dalembert.academie-sciences.fr [consulté le 18/06/2018]. Retour au texte

57 Bertier appartient aux institutions scientifiques majeures du xviii e siècle ; correspondant de l’Académie royale des Sciences à partir de 1748 et membre de la Royal Society en 1768, il soutient dans les années 1770 la frauduleuse affirmation que la pesanteur croîtrait avec l’altitude. Dans sa Physique des corps animés (H.-L. Guérin & L.-F. Delatour, Paris 1755), sur la question de l’électricité et des expériences de l’abbé Nollet, il s’interroge pour savoir si « cette matière est un éther qui remplit les espace célestes et qui emporte les planètes autour du Soleil » (p. 357). Il est enfin l’auteur de Physique du ciel, où l’on confronte sans partialité la Vide avec l’Éther, l’Attraction avec l’Impulsion. Et où sont contenus les Principes de toute la Physique généralement, Imp. royale, Paris, 1763, 3 t. ; Principes physiques, pour servir de suite aux Principes Mathématiques de Newton, Imp. royale, Paris, 1764, 3 t. ; Histoire des premiers temps du monde, prouvé par l’accord de la physique avec la Genèse, Valade, Paris, 1778 ; Histoire des premiers temps du monde, d’accord avec la physique et l’histoire de Moïse, J.-F. Royez, Paris, 1784. Outre les ouvrages de Bertier, notons le Traité des petits tourbillons de la matière subtile, par un prêtre de l’Oratoire, Claude Jombert et Pissot, Paris, 1727. Retour au texte

58 « Lorsqu’on perce les obscurités de Newton, on trouve que rien n’est plus imaginé qu’une gravitation qui agit au travers d’espaces supposés vuides et qu’une attraction dont il suit (en supposant sa force constante en raison inverse des quarrés des distances) que les absides des Planetes doivent détruire l’Univers. D’ailleurs l’attraction est une qualité occulte qui n’a rien de physique. Il faut donc en revenir à l’impulsion Cartésienne, c’est-à-dire que la Lune ne peut avoir part au Flux de la Mer, que par une pression. » Mercure de France, mars 1735, p. 422 ; Physique des comètes, dans le sentiment de l’impulsion et du plein, Imp. royale, Paris, 1760 ; Physique du Ciel, où l’on confronte sans partialité la vuide avec l’éther, l’attraction avec l’impulsion, Paris, Imp. royale, 1763. Retour au texte

59 Ibid., pp. xiv-xv. Retour au texte

60 L’ouvrage est approuvé au nom de l’Académie par les astronomes Joseph Jérôme La Lande (1732-1807) et Jean-Paul Grandjean de Fouchy (1707-1788), secrétaire perpétuel depuis 1744. Retour au texte

61 « Des altérations que la résistance de l’éther pourrait apporter au mouvement des comètes » ; Clairaut Alexis, Recherche sur la comète…, Imp. de l’Académie Impériale des Sciences, Saint-Pétersbourg, 1762, pp. 38-42. Retour au texte

62 Ibid., p. 42. Notons que l’éthérien Bertier s’appuie sur les conclusions du newtonien Clairaut pour s’opposer aux vacuistes et défendre l’existence d’un éther dense : « À ces preuves de l’existence d’un éther dense, nous devons ajouter celle du calcul de M. Clairaut, dont l’autorité doit être de grand poids dans l’esprit de tous les Philosophes, et en particulier des Philosophes Newtoniens : cet illustre Académicien, qui joint à la plus profonde Géométrie une très grande connaissance de la bonne Physique, attribue à la résistance de l’éther une partie de la petite différence qui s’est trouvée entre son calcul et les observations sur la Comète de 1759. » Voir Physique des comètesop. cit., p. 103. Retour au texte

63 D’Alembert Jean Le Rond, « Attraction », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné… op. cit., vol. 1, pp. 846-855. D’Alembert est un des premiers à défendre la gravitation dans des institutions scientifiques (Académie royale des Sciences et Observatoire royal) acquises au cartésianisme. Retour au texte

64 Nollet Jean-Antoine, Essai sur l’électricité des corps, chez les frères Guérin, Paris, 1746. Retour au texte

65 B. Franklin s’inscrit dans la suite des travaux de William Watson (1715-1787) et de son hypothèse d’un « éther électrique, atmosphère qui entoure les corps […] électrisés et s’étend à une distance considérable [et] beaucoup plus subtil que l’air ordinaire ». Cité dans Taton René (dir.), Histoire générale des sciences… op. cit., t. 2, p. 528. Voir « An Account of the Phænomena of Electricy in Vacuo with some Observations Thereupon », Philosophical Transactions of the Royal Society of London, n° 47, 1752, pp. 362-376. Franklin Benjamin, Experiments and Observations on Electricity, D. Henry, London, 1769. Audouze Jean, Moi, Benjamin Franklin citoyen du monde, homme des Lumières, Dunod, Paris, 2013. Retour au texte

66 « La philosophie d’Euler est un cartésianisme tempéré. En adoptant les lois de la gravitation newtonienne, dont lui-même a tant contribué à développer les conséquences mathématiques, il repousse l’hypothèse du vide absolu et de l’action à distance. Il est conduit ainsi à maintenir, sous le nom d’éther, la matière subtile de Descartes, et à s’en servir pour l’explication des phénomènes de lumières et d’électricité. », in Lettres de L. Euler à une princesse d’Allemagne sur divers sujets de physique et de philosophie, t. 1, Hachette, Paris, 1842, Préface de l’éditeur, p. vii. Retour au texte

67 « Recherches sur la cause physique de l’électricité », Histoire de l’Académie royale des Sciences et Belles Lettres, Haude et Spener, Berlin, 1759, pp. 125-159. Retour au texte

68 Le Monnier Louis Guillaume, « Feu électrique, Fluide électrique », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné…, op. cit., 1756, vol. 6, pp. 616. Retour au texte

69 Euler Leonhard, « Lettre CLXXVII », in Lettres de M. Euler à une princesse d’Allemagne sur différentes questions de physique et de philosophie, chez Royez, Paris, t. 3e, 1789, p. 109. « Répulsion  (…) Euler suppose que les corps magnétisables ont deux espèces de pores, les uns assez grands pour donner entrée à l’éther répandu dans toute la nature, les autres trop petits pour introduire l’éther, mais capables de permettre l’entrée et la circulation d’une substance beaucoup plus rare ; enfin, l’éther magnétique. Dans la circulation de l’éther magnétique, de l’un à l’autre pôle, une partie se répand dans l’espace ; mais de l’éther magnétique, contenu dans la masse d’éther répandu dans l’espace, le remplace aussitôt et rétablit la quantité primitive. » Voir « Physique », Encyclopédie méthodique, par une société de gens de lettres, de savants et d’artistes, Vve Agassé, Paris, 1822, t. 4, p. 495. Retour au texte

70 D’Alembert, « Éther », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné…op. cit,, 1756, vol. 6, p. 51. Retour au texte

71 « Air, s. m. est un corps léger, fluide, transparent, capable de compression et de dilatation ; qui couvre le globe terrestre jusqu’à une hauteur considérable. » Diderot Denis, « Air », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné… op. cit., vol. 1, pp. 225-236. L’article atmosphère a été rédigé par d’Alembert : « Atmosphère, s. f. (Phys.) est le nom qu’on donne à l’air qui environne la terre, c’est-à-dire à ce fluide rare et élastique dont la Terre est couverte partout à une hauteur considérable, qui gravite vers le centre de la Terre et pèse sur sa surface, qui est emporté avec la Terre autour du Soleil, et qui en partage le mouvement tant annuel que diurne. » Ibid., pp. 819-822. Retour au texte

72 « Ciel, s. m. (Physiq.) se dit vulgairement de cet orbe assuré et diaphane qui environne la terre que nous habitons, et au-dedans duquel paraissent se mouvoir tous les corps célestes. » D’Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné… op. cit., 1753, vol. 3, pp. 442-443. Retour au texte

73 À la fin du siècle les astronomes ajoutent Uranus, découverte par William Herschel en 1781. Neptune, est observée semble-t-il pour la première fois en 1796 par Lalande puis par John Herschel. Ces planètes ne sont pas observables à l’œil nu et leur découverte bouleverse la connaissance du système solaire. Retour au texte

74 « Chaleur, s. f. (Physiq.) est une des qualités premières des corps, et celle qui est opposée au froid. » Diderot Denis, ibid., 1753, vol. 3, pp. 23-27. Retour au texte

75 « Feu, s. m. (Physiq.) Le caractère le plus essentiel du feu, celui que tout le monde lui reconnaît, est de donner de la chaleur. Ainsi on peut définir en général le feu, la matière qui par son action produit immédiatement la chaleur en nous. Mais le feu est-il une matière particulière ? ou n’est-ce que la matière des corps mise en mouvement ? c’est sur quoi les Philosophes sont partagés. Les scholastiques regardent le feu comme un des quatre éléments ou principes des corps, en quoi ils ne sont pas fort éloignés des principes de la chimie moderne. Le feu, selon Aristote, rassemble les parties homogènes, et sépare les hétérogènes, ce qui n’est pas vrai, du moins en général ; puisque si l’on fait fondre dans un même vase, du suif, de la cire, de la poix, de la résine, le tout s’incorpore ensemble. Selon les Cartésiens, le feu n’est autre chose que le mouvement excité dans les particules des corps par la matière du premier élément dans laquelle ils nagent. » D’Alembert, ibid., 1756, vol. 6, pp. 599-603. Retour au texte

76 Le concept moderne de force en physique est éminemment mathématique et se décline dans l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné en « force d’inertie », « force vive ou force des corps en mouvement (Leibnitz) », « conservation des forces vives (Huygens) », « forces accélératrices », « forces centrales et centrifuges », « force motrice ‘‘cause qui meut un corps’’ ». Ibid., 1757, vol. 7, pp. 110-120. Retour au texte

77 Ibid., 1765, vol. 17, pp. 572-573. Retour au texte

78 D’Alembert, « Éther », ibid., 1756, vol. 6, p. 51 Retour au texte

79 Bailly Jean Sylvain, Histoire de l’astronomie moderne de l’École d’Alexandrie jusqu’à l’époque de m dc lxxii, frères Debure, Paris, 1782, p. 215. Retour au texte

80 Haidar Riad, « Thomas Young et la théorie ondulatoire de la lumière », Bibnum, janvier 2011 [en ligne] http://journals.openedition.org/bibnum/785 [consulté le 18/06/2018]. L’éther luminifère s’impose avec la théorie ondulatoire de la lumière d’Augustin Fresnel (1788-1827). Retour au texte

81 Ce fait que rapporte Victor Hugo se base sur les dires de François Arago. Hawking Stephen, Mlodinow Leonard, Y a-t-il un grand architecte dans l’Univers ?, O. Jacob, Paris, 2011. Retour au texte

82 Laplace Pierre-Simon, Exposition du système du monde, Imp. du Cercle social, Paris, 1796 (2e éd., 1798), 2 tomes ; Traité de mécanique céleste, Duprat, Paris, 1799-1805, 4 t. Retour au texte

83 Merleau-Ponty Jacques, « Laplace un héros de la science "normale" », La Recherche en Histoire des Sciences, Le Seuil, Paris, 1983, pp. 173-192. Retour au texte

84 Kuhn Thomas S., La structure des révolutions… op. cit., p. 29. Retour au texte

85 Baskevitch François, Les représentations de la propagation du son, d’Aristote à l’Encyclopédie, thèse de doctorat en histoire des sciences et des techniques, Université de Nantes, 2008. Retour au texte

86 En 1878, Maxwell est l’auteur de l’article « éther » de la neuvième édition de l’Encyclopædia Britannica : « L’hypothèse d’un éther, écrit Maxwell, a été maintenue par différents penseurs pour des raisons très différentes. Pour ceux qui soutenaient l’existence d’un plein en tant que principe philosophique, l’horreur du vide de la nature était une raison suffisante pour imaginer un éther qui entoure tout, même si tout autre argument devait être contre. » [en ligne] https://en.wikisource.org/wiki/Encyclop%C3%A6dia_Britannica,_Ninth_Edition/Ether [consulté le 18/06/2018 Retour au texte

87 Lodge Olver, Ether and Reality, Cambridge University Press, 2012. La série d’expériences réalisée par Albert A Michelson, en 1881, puis par Edward W Morley et par tous les deux en 1887, remet en question l’existence d’un éther supposé support matériel des vibrations d’ondes électromagnétiques comme la lumière : « Influence of Motion of the Medium on the Velocity of Light », American Journal of Science, 1886, n° 185, pp. 377-386. De nos jours l’espace interplanétaire , qui correspond à la zone sous l’influence du Soleil, est certes dépourvu d’une substance éther qui le remplirait mais il n’est pas totalement vide. Ce milieu que les sondes spatiales ont depuis les années 1960 parcouru, contient des poussières de la nébuleuse solaire et de la désagrégation de corps comme les comètes. Il est notamment traversé par des rayonnements et des particules venant de notre étoile, comme le vent solaire mais aussi de particules cosmiques, certaines venant de l’espace profond. Retour au texte

Illustrations

  • (Fig. 1). L’image des mondes sub et supralunaires dans le cosmos clos de l’enseignement scolastique. Imago mundi de maître Gossouin de Metz (xiiie siècle), folio 69 v. On pourra voir aussi les folios 40 v, 41 r, 41 v, 58 r, 59 r.

    (Fig. 1). L’image des mondes sub et supralunaires dans le cosmos clos de l’enseignement scolastique. Imago mundi de maître Gossouin de Metz (xiiie siècle), folio 69 v. On pourra voir aussi les folios 40 v, 41 r, 41 v, 58 r, 59 r.

    Bibliothèque Nationale de France [en ligne] http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84496854/f9.image [consulté le 18/06/2018].

  • (Fig. 2). La Nova de Tycho Brahe dans la constellation de Cassiopée. Carte de la constellation de Cassiopée tirée du livre de Tycho Brahe De nova stella (1573) et montrant la position de la supernova (label I).

    (Fig. 2). La Nova de Tycho Brahe dans la constellation de Cassiopée. Carte de la constellation de Cassiopée tirée du livre de Tycho Brahe De nova stella (1573) et montrant la position de la supernova (label I).

    (Brahe Tychonis, Tychonis Brahe dani, die XXIV octobris A. D. MDCI defuncti, operum primitias De nova stella, Hafniae, I. Ioergensen & soc. [M.A. Hannover], Facsimilé de l’édition originale : 1901. ; Brahe Tychonis [1573] Tychonis Brahe, Dani De noua et nullius aeui memoria prius visa stella, iam pridem anno à nato Christo 1572, Hafniae, Impressit Laurentius Benedictj, typis excuderunt I. Icergensen & soc. [M.A. Hannover], 1901).

Citer cet article

Référence électronique

Jean-Christophe Sanchez, « Nature de l’espace interplanétaire de Copernic à Laplace : conception, composition et évolution du cosmos et de la matière cosmique », Nacelles [En ligne], 4 | 2018, mis en ligne le 01 juin 2018, consulté le 27 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/485

Auteur

Jean-Christophe Sanchez

Professeur agrégé, Chargé de cours, docteur en histoire moderne

Chercheur associé laboratoire FRAMESPA (UMR 5136)

jc.sanchez@free.fr

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