Un tableau scandaleux : la Cène de Véronèse ou l’éloge de la folie

Résumés

Ce travail porte sur le tableau de Paul Véronèse, Le festin chez Lévi, qui a valu à son auteur une convocation de la part du Saint Office en 1573. En examinant le procès-verbal du tribunal et les particularités iconographiques de cette représentation, j’essaye de démontrer d’abord qu’il s’agit bien d’un dernier repas du Christ et non pas de l’un des banquets auxquels il a participé d’après les Évangiles, ensuite que les éléments constitutifs de cette toile revêtent effectivement un caractère scandaleux et enfin que le Véronèse a volontairement donné le change en se faisant passer pour un benêt auprès de l’Inquisition. Cela m’amène à postuler que, sans faire partie des artistes attirés par les thèses luthériennes, le peintre était toutefois conscient de la portée subversive de son œuvre.

This work focuses on Paul Veronese’s painting The Feast in the House of Levi, which earned its author a summons from the Holy Office in 1573. By examining the minutes of the tribunal and the iconographic features of this representation, I attempt to demonstrate, 1) that it is indeed Christ’s last meal and not one of the banquets in which he participated according to the Gospels; 2) that the constituent elements of this painting are indeed scandalous in nature; and 3) that Veronese deliberately gave the impression of being a simpleton to the Inquisition. This leads me to postulate that, without being one of the artists attracted by Lutheran theses, the painter was nonetheless aware of the subversive scope of his work.

Plan

Texte

p. 1-29

L’article qui suit est la version plus complète et plus aboutie d’un travail intitulé « La Cène de Véronèse ou l’éloge de la folie », qui, pour des raisons éditoriales, a été publié de façon réduite dans les actes du congrès Esclandre. Figures et dynamiques du scandale du Moyen-Âge à nos jours1.

Paolo Veronese, Convito in casa di Levi, Venezia, 1573, Galleria dell’Accademia. Su concessione del Ministero della Cultura.

Paolo Veronese, Convito in casa di Levi, Venezia, 1573, Galleria dell’Accademia. Su concessione del Ministero della Cultura.

La dimension conflictuelle, l’esclandre dans la représentation artistique naît entre autres d’une réception inacceptable pour un contexte ou une période donnée. C’est notamment le cas de la Cène de Paul Véronèse qui a donné lieu à une convocation du peintre par le Saint Office2, ce qui ne s’était jamais produit auparavant dans l’histoire de l’art et des artistes italiens.

En 1573, Paul Véronèse ou Caliari (1528-1588), né à Vérone, d’où son surnom, a déjà pris la succession du Titien, devenu désormais trop âgé, en tant que peintre officiel de la Sérénissime. Un peu avant cette date, il peignit pour le couvent des saints Giovanni et Paolo une Cène qui lui attira les foudres de l’Inquisition. Il fut convoqué en 1573 pour être interrogé sur les détails irrévérencieux qui ornaient son tableau. Le compte rendu de son interrogatoire laisse deviner les soupçons de luthéranisme de l’inquisiteur vis-à-vis d’une œuvre qui tranche sur les représentations habituelles du dernier repas du Christ.

Par la suite la critique s’acharna sur cette œuvre pour tenter de fournir une clé d’interprétation valable et l’historiographie artistique la concernant est plutôt vaste. Dans sa monographie de 1927, Percy H. Osmond parle à ce sujet d’un succès de scandale3. La toile est effectivement scandaleuse par la provocation insidieuse, voire énigmatique, qu’elle porte en elle et elle continue aujourd’hui à étonner à l’instar de la Marie-Madeleine en extase du Caravage par exemple ou encore de la sainte Thérèse du Bernin. En une période où, dans sa dernière session de 1563, le Concile de Trente maintenait « solennellement, contre la critique luthérienne et surtout calviniste, la légitimité des images sur l’autel, telle que l’avait définie le second synode de Nicée » il était toutefois « […] recommandé de veiller à leur valeur d’incitation pieuse et d’enseignement théologique, d’interdire le laisser-aller et la fantaisie irresponsable dont, au cours des siècles, les artistes s’étaient trop souvent montrés capables, et plus particulièrement les modernes4 ».

La position catholique sur les images au lendemain du concile de Trente est donc claire et n’autorise aucune forme de laisser-aller. En examinant les différentes théories qui se sont succédées nous essaierons de voir si, en raison de l’ambiguïté et de la magnificence de sa représentation, Paul Véronèse faisait partie de ces artistes à la fantaisie irresponsable que dénonçaient les autorités ecclésiastiques et si les doutes du frère dominicain qui l’interrogeait étaient fondés.

Le thème du banquet en peinture

Le thème du banquet en peinture rencontre un écho particulier dans la deuxième moitié du XVIe siècle à Venise. Jusqu’à la décennie précédente, sur le territoire de la Sérénissime, on ne comptait guère que les Cènes du Tintoret et de Jacopo Bassano, mais à partir des années 1559-1560, le Véronèse innove avec des représentations monumentales de ce sujet liturgique et rencontre un franc succès. Le nombre des œuvres concerné, presque une vingtaine5, est suffisamment important, en un laps de temps relativement réduit, 1538-1594, pour signaler un phénomène culturel propre à la république vénitienne en cette période précise. Mais il revient à Véronèse d’accentuer l’engouement du public pour cette tendance. Le repas biblique est pour lui un thème de prédilection qui se prête à une décoration grandiose des espaces pour lesquels on le sollicite et à la récupération de mises en scènes théâtrales. L’ensemble de ses quatre tableaux portant sur des banquets6, Les noces de Cana, Le repas chez Simon, Le Banquet de Saint Grégoire le grand et la Cène, offrent tous une même disposition frontale au sein d’une architecture somptueuse qui autorise des effets scénographiques7 :

Le Cene del Signore sono interpretate dal Veronese come banchetti pubblici, come spettacoli teatrali con numerosi partecipanti [...]8.

Les Noces de Cana, par exemple, donnent à voir une scène de théâtre aux dimensions colossales et peuplée d’une multitude de personnages. Le peintre organise une composition majestueuse et abondante, pleine de figures et de menus événements9. On retrouve ce même mélange de peinture religieuse et profane sur fond d’architecture palladienne dans le Repas chez Emmaüs où, à côté de Jésus et des apôtres, figurent aussi les donateurs et leur famille, sans oublier leurs chiens qui faisaient partie des détails pittoresques vraisemblablement empruntés par Véronèse à la tradition picturale vénitienne, notamment aux toiles du Tintoret. Les deux autres festins représentés, même si denses de personnages, ne donnent pas matière à scandale.

Histoire du tableau

Dans le cadre de cette mode picturale, la Cène du Véronèse a une histoire particulière. En effet, le 14 février 1571, un incendie avait dévasté le réfectoire du couvent des dominicains de l’église des saints Jean et Paul (San Zanipolo) à Venise et une toile du Titien représentant La Cène, comme souvent dans ces salles communes, avait été détruite, peut-être par des soldats allemands logés sur place10. On sait que, dès le printemps, les frères cherchèrent les fonds nécessaires pour la reconstruction et qu’ils s’adressèrent au Véronèse, alors considéré comme un des artistes les plus célèbres de la Sérénissime et comme le successeur du Titien. L’historiographie relative à cet épisode nous apprend qu’un moine, nommé Andrea de’ Buoni, alla trouver Véronèse, en le priant de bien vouloir peindre une nouvelle Cène. La légende veut que le peintre ait accepté la commande pour une somme fort modique, ce qui ne l’empêcha aucunement de répondre avec faste à son pieux commanditaire en livrant une toile de 5,91 m sur 13,56 m. En réalité, la commande relevait de l’organisation collégiale du couvent et du prieur en particulier, et c’est bien lui qui fut le premier convoqué par le tribunal de l’Inquisition.

Dans cette Cène, rebaptisée ensuite le Repas chez Lévi, immense toile où la perspective et le décor l’emportent sur l’action, sur un fond de ville fictive (Venise ?) l’artiste imagine une loggia entièrement ouverte avec une avant-scène, un centre et un arrière-plan donnant sur les cieux. Trois grandes arcades soutenues par des colonnes corinthiennes richement décorées délimitent par des pilastres l’espace scénique. Les personnages principaux sont assis sous les arcades dans un décor somptueux, un riche palais d’architecture classique et d’inspiration palladienne, qui contraste avec la simplicité évangélique du dernier repas chez un particulier :

Suivez-le [un homme portant une cruche d’eau] dans la maison où il pénètrera et vous direz au propriétaire de la maison : Le maître te fait dire : où est la salle où je pourrai manger la Pâque avec mes disciples ? »11.

Véronèse place au centre quatre apôtres (Pierre et Jean et sans doute Jacques et André), avec le Christ au milieu et deux personnes vues en partie de dos (Simon-Lévi ou encore l’hôte de la Cène et Judas ?), face au saint groupe. L’organisation scénographique reprend presque intégralement celle du Banquet de Saint Grégoire le grand peint en 1572.

Sur le pilastre supérieur de la balustrade gauche, au premier plan, en haut, se lit « FECIT D COVI MAGNV. LEVI »12, vraisemblablement apposée après le procès, et en bas « A. D. MDLXXIII », qui marque la fin de la composition de l’œuvre, avant ledit procès. Sur le pilastre symétrique de la balustrade droite, on peut lire « LVCA CAP V » (Évangile de Luc, chapitre V), et « DIE. XX. ».

La Cène à proprement parler se déroule en hauteur, aussi bien par rapport au reste de la représentation que par rapport à la salle dans laquelle la toile est placée. Autour du Christ et des apôtres, nombre de personnages vêtus à la mode du XVIe siècle s’affairent à diverses tâches et semblent indifférents au dernier repas du Seigneur. Véronèse représente de la sorte un banquet où le Christ, au milieu d’une composition fortement centralisée, dénonce la trahison de Judas13 au sein d’une foule festive comprenant un nain, un perroquet et deux hallebardiers situés sur un escalier de dégagement. Le sujet du tableau se devinerait par le geste de Judas qui détourne brusquement le visage14.

Paolo Veronese, Convito in casa di Levi, Venezia, 1573, Galleria dell’Accademia. Su concessione del Ministero della Cultura.

Paolo Veronese, Convito in casa di Levi, Venezia, 1573, Galleria dell’Accademia. Su concessione del Ministero della Cultura.

Sur l’escalier de droite, un homme tend du pain à une petite fille en guenilles. Simon (ou l’hôte) devrait être la figure vêtue de rouge qui est assise en face du Christ, à sa droite et qui est placé près de Judas, en tout cas près de celui que la critique identifie avec le traître par antonomase. Le personnage corpulent du premier plan renvoie à un écuyer tranchant, tandis que de l’autre côté, dans le gentilhomme vêtu de vert, il faut peut-être reconnaître le maître de cérémonies. taché de sang au sujet duquel Véronèse fut ensuite interrogé par l’Inquisition. Au premier plan comparaît également un chien à la place duquel les commanditaires du tableau et l’inquisiteur auraient voulu voir une Marie-Madeleine.

On sait qu’avec la Contre-Réforme, l’Église accorda de plus en plus d’importance à la valeur didactique des images15. C’en fut donc trop pour l’Inquisition qui, par le truchement du prieur, somma Véronèse de modifier son tableau et de remplacer le chien par la dévote Marie-Madeleine. Choqué, le peintre refusa. Cela lui valut une convocation mémorable auprès du Saint-Office, la déclinaison romaine du tribunal de l’Inquisition, rétabli en 1541.

Véronèse face à l’inquisition

Le procès-verbal de l’interrogatoire du 18 juillet 1573, l’un des rares conservés en la matière et retrouvé au XIXe siècle dans les archives vénitiennes16, étonne encore par l’ingénuité et l’ignorance apparentes du peintre. À la première question du dominicain, Aurelio Schellino, qui porte sur les raisons de sa présence devant le tribunal, le peintre se justifie en invoquant l’esthétique du tableau :

Per quello che mi fu detto dalli Rev.di Padri, cioè il Prior de San Zuane Polo, del quale non so il nome, il qual mi disse che l’era stato qui et che vostre Signorie Ill.me gli haveva dato commission che’l dovesse far far la Maddalena in luogo de un can, et mi ghe risposi, che volentiera haveria fatto quello et altro per honor mio e del quadro ; ma che non sentiva che tal figura della Maddalena podesse zazer che la stesse bene per molte ragioni [...]17.

À la question sur la signification de l’un des aspects les plus controversés de la toile, celui d’une épitaxis malvenue dans une Cène où le Christ offre son sang pour la rédemption des péchés de l’humanité, le peintre répond de façon prosaïque :

L’ho fatto per un servo che, per qualche accidente, li possa esser venuto il sangue del naso18.

Pour la question suivante :

Che significa quegli armati alla Thodesca vestiti con una lambarda per uno in mano ?19

le peintre demande à préciser sa pensée devant le tribunal et se justifie par une citation qui est restée célèbre, peut-être parce que calquée sur la maxime d’Horace : « pictoribus atque poetis quid libet audendi semper fuit aequa potestas20 ».

Nui pittori, si pigliamo licentia, che si pigliano i poeti et i matti, et ho fatto quelli dui alabardieri uno che beve et l’altro che magna appresso una scala morta, i quali sono messi là che possino far qualche officio parendomi conveniente che’l patron della casa che era grande e richo, secondo che mi è stato detto, dovesse haver tal servitori21.

Les motifs qu’il invoque, en réponse aux inquisiteurs qui l’interrogeaient sur cette assemblée irrévérencieuse, se placent tous du point de vue de l’art. L’éloge de la folie que prône Véronèse dans cette revendication implicite de la maxime d’Horace s’accompagne donc apparemment d’un abandon de toute prétention intellectuelle et surtout religieuse.

Paolo Veronese, Convito in casa di Levi, Venezia, 1573, Galleria dell’Accademia. Su concessione del Ministero della Cultura.

Paolo Veronese, Convito in casa di Levi, Venezia, 1573, Galleria dell’Accademia. Su concessione del Ministero della Cultura.

À l’inquisiteur lui demandant si quelqu’un lui avait expressément commandé cette sarabande, le peintre répondit :

La commission fu di ornar il quadro secondo mi paresse, il quale è grande et capace di molte figure22.

À une interrogation portant sur la pertinence de la représentation de cette Cène :

Se gli ornamenti che lui pittore è solito di fare dintorno le pitture o quadri, è solito di fare convenienti et proportionati alla materia et figure principali, o veramente a beneplacito, secondo che li viene in fantasia senza alcuna discrettione et giuditio23.

l’artiste répliqua en mentionnant implicitement les éventuelles limites de son entendement :

Io fazzo le pitture con quella considerazione che è conveniente, che l mio intelletto può capire 24.

Du compte rendu de l’interrogatoire, il ressort donc essentiellement que, au-delà de la revendication du Véronèse de sa liberté à l’instar de celle des poètes et des fous, le peintre se cantonne dans des réponses prudentes, le plus souvent prosaïques et n’offrant nulle prise à d’éventuels soupçons d’hétérodoxie. Il apparaît aussi à la lecture des archives que l’intérêt de l’inquisiteur pour cette avant-scène profane se heurte à l’indifférence apparente du peintre envers tout ce qui ne relève pas de son art et peut-être s’agit-il d’une ligne de défense mûrement réfléchie. Les questions du dominicain se font alors de plus en plus précises et Véronèse peine à fournir des réponses. Dans un contexte déjà litigieux, plusieurs d’entre elles ne convainquent guère. Après avoir insisté sur le caractère uniquement esthétique des personnages secondaires, il tente d’évoquer l’imitation du divin Michel-Ange, dont les fresques du Jugement dernier avaient créé la controverse25, mais se voit aussitôt rudement rabroué au nom de l’adéquation entre la représentation et le sujet traité :

Non sapete voi che depengendo il giuditio universale, nel quale non si presume vestiti, o simil cose, non occorrea dipinger veste e [in] quella figura non vi è cosa se non di spirito, non vi sono buffoni, né cani, né arme, né simili buffonarie 26?

Cela appelle deux remarques, une sur l’attitude du peintre et l’autre sur la réponse de l’inquisiteur, qui ne mentionne aucunement le scandale causé par la nudité des personnages du Jugement dernier, dont il défend plutôt la pertinence. En effet, il est curieux que le Véronèse, au fait de l’émoi qu’avait suscité cette œuvre de Michel-Ange, de la tentative de Paul IV de faire effacer la fresque, de la publication sous le pontificat de Pie IV en 1563 du décret restrictif sur la représentation des saintes images, ait choisi précisément cet exemple pour motiver le traitement de sa Cène. Le Jugement dernier ayant été menacé de destruction27, il ne pouvait pas ignorer qu’il allait au-devant d’une rebuffade, même si, en fin de compte, elle ne fut pas de la teneur attendue28. Cela amène à s’interroger sur le positionnement dogmatique de ce dominicain qui, entre la ligne dure de la Contre-Réforme et les membres plus tolérants de la hiérarchie catholique, semble donc pencher plutôt pour la modération. Quelle qu’ait été sa position, elle ne l’empêche pas de mentionner clairement une éventuelle déviance hérétique.

Non sapete voi che in Alemagna et altri lochi infetti di heresia sogliono con le pitture diverse et piene di scurrilità et simili inventioni diligare, vituperare et far scherno delle cose della S.ta Chiesa Catholica per insegnar mala dottrina alle genti idiote e ignoranti29 ?

Cependant, l’orthodoxie du Véronèse, qui avait déjà œuvré pour nombre de couvents ou églises n’est pas mise en question. Le dominicain qui l’interroge se limite à supposer qu’une tierce personne lui aurait suggéré d’insérer dans ce dernier repas des personnages de luthériens qui tournent en dérision le sacrifice du pain et du vin, en mangeant et buvant sur l’escalier de dégagement. Dans un même ordre d’idée, l’introduction dans la toile d’un personnage de serviteur qui saigne du nez pourrait paraître provocatrice dans une Cène destinée à célébrer le sacrifice du Christ qui donne sa vie, sa chair et son sang pour sauver l’humanité, mais le dominicain ne s’attarde pas sur cette épistaxis profanatoire. Le peintre ne semble pas avoir été personnellement visé. Dûment encadré par les autorités vénitiennes qui faisaient partie du jury, Schellino ne veut pas ou ne peut pas s’en prendre directement à lui, même si, effectivement, la richesse et le caractère profane de cette Cène ne font aucun doute. Le Véronèse s’en justifie par le simple fait qu’une partie de celle-ci, la plus contestée, se déroule à l’avant-plan du tableau et non pas en son centre, qui est placé un peu plus haut par rapport au regard du spectateur. Le sacré est ainsi mis en exergue par rapport aux épisodes marginaux qui occupent en réalité plus de la moitié de l’œuvre et se situe au niveau des fidèles. Une des raisons de cette disposition pourrait résider dans l’emplacement du tableau qui, destiné à orner le réfectoire d’un couvent, devait être exposé en hauteur, au-dessus de la table du prieur. Le centre, surélevé par rapport aux épisodes secondaires correspondrait avec la direction des regards de l’assistance, soit légèrement au-dessus de la table du prieur pour des moines assis. Outre une évidente exigence de théâtralité dans l’étagement des personnages – le Christ reste au centre du tableau et la Cène se déroule dans un lieu élevé – la décision de camper au premier plan les personnages secondaires devrait quand même nous interroger. Même si cet agencement est hérité de la peinture vénitienne du Quattrocento, peut-être de Jacopo Bellini30, jusque-là, toutes les représentations sacrées ou presque mettaient le Christ et ses apôtres en avant. À l’exception notable du Banquet de Saint Grégoire le grand de ce même Véronèse qui, peint l’année précédente, adoptait la même présentation avec une avant-scène, où évoluaient différents personnages, qui faisait fonction de lieu de transition entre le spectateur et l’espace de représentation de l’événement sacré. Véronèse n’a pas été inquiété pour ce banquet, peut-être simplement parce qu’il ne s’agissait pas d’un dernier repas du Christ, mais pourquoi les autorités religieuses se sont-elles intéressées précisément à ce tableau-ci qui s’intégrait pourtant dans une suite de représentations tout aussi fastueuses ? La réponse se trouve vraisemblablement dans le contexte historique de la production picturale en ces années postérieures à la fin du concile de Trente, à savoir le changement de la sensibilité religieuse en cours et les différents courants de pensée d’origine luthérienne qui s’étaient déjà répandus dans la Péninsule.

Quelques éléments à décharge

Pourtant, si l’on insère cette Cène dans l’ensemble de la production religieuse à tonalité profane de Véronèse, de la décoration de Saint Sébastien à Venise jusqu’au tableau incriminé en passant par les Noces de Cana, le Banquet de Saint Grégoire le grand et le Souper chez Emmaüs, cette représentation débridée ne semble guère choquante. Certains des détails qui provoquent l’ire de l’inquisiteur, un chien ou un personnage occupé à se curer les dents, sont déjà présents dans certaines de ces toiles. Pour bien replacer ce dernier élément dans son contexte, il faut se souvenir que :

Avant que les convives ne passent à table, on pose sur la table du pain dans des corbeilles d’argent doré […], des couteaux et, à Venise, des fourchettes qui peuvent servir à piquer des aliments comme à se curer les dents31.

Paolo Veronese, Convito in casa di Levi, Venezia, 1573, Galleria dell’Accademia. Su concessione del Ministero della Cultura.

Paolo Veronese, Convito in casa di Levi, Venezia, 1573, Galleria dell’Accademia. Su concessione del Ministero della Cultura.

Les chiens quant à eux, faisaient partie des détails pittoresques vraisemblablement empruntés à la tradition picturale vénitienne. Quant à l’architecture palladienne, elle figure dans nombre de toiles du peintre, dont celles mentionnées ci-dessus.

La simple dimension de la toile de Véronèse suffirait peut-être à expliquer la nécessité qu’il allégua devant le tribunal de la remplir de maints personnages : « se nel quadro li avanza spacio, io l’adorno di figure, secondo le inventioni »32.

Son ampleur est liée à celle du nouveau réfectoire des dominicains reconstruit et vraisemblablement agrandi après l’incendie de 157133. Bien des peintres, dont le Titien ou le Tintoret, avaient au demeurant recouru à un moment ou à un autre à cette solution picturale, mais c’est sa démesure qui fut reprochée à Véronèse. Si on s’en tient au décompte de Maria Elena Massimi, qui a consacré sa thèse de doctorat au sujet, trente-huit personnes34 sont étrangères au repas. On compte notamment sept serviteurs ou petits garçons noirs, sept figures coiffées d’un turban et deux lansquenets. En raison du caractère particulièrement sacré du sujet représenté, tous ces éléments étaient propices au scandale, même si les Noces de Cana, citées plus haut, ne comportent pas moins de cent trente personnages. Dans un ouvrage relativement récent, André Chastel souligne que cette démesure est sans doute à l’origine de la convocation du peintre par le Saint Office. Il reste à savoir si les dimensions d’un tableau suffisent à elles seules à justifier ses anomalies iconographiques35.

La réponse est dans la question, car on imagine aisément que l’insertion d’un aussi grand nombre d’acteurs dans une composition répond à une autre motivation. D’après certains critiques en effet, ce tableau grandiose contribuerait à une forme de glorification de la puissance vénitienne et il se pourrait que, fort du succès de ses autres repas évangéliques traduits en peinture, Paolo Caliari ait voulu briser certains tabous relevant de conventions dans le domaine des genres pratiqués et des canons établis, tout en traitant le thème sacré avec le décorum requis. L’hypothèse est plausible parce qu’au XVIe siècle, la beauté de la création est censée refléter celle du monde divin. Certains chercheurs considèrent que ce tableau de Véronèse fait écho au luxe des grands banquets vénitiens et accorde au Christ les mêmes honneurs qu’aux personnalités de marque reçues à Venise36. Ce serait donc en toute bonne conscience que l’artiste peignit un banquet fastueux autant à la gloire de Venise et de ses commanditaires qu’à celle du Christ37. C’est la thèse défendue par Irina Smirnova lorsqu’elle rappelle que le culte du Christ, comme celui de la Madone ou de Saint Marc, faisait partie des mythes politiques vénitiens et que le fils de Dieu était considéré comme le protecteur du pouvoir de l’État, incarné par le Doge représentant et symbole de la Sérénissime38. Pour une juste interprétation de ces toiles, elle insiste sur le symbolisme et l’esthétique des banquets publics à Venise et sur l’importance des repas dans le rituel public :

La festività e lo splendore dei grandi banchetti pubblici [...] erano nient’altro che manifestazioni dello splendore della Serenissima. Questi banchetti con centinaia di partecipanti facevano parte permanente dei programmi di varie feste statali [...]. Nel contesto di questo simbolismo è possibile anche la lettura delle Cene veronesiane nella chiave di una manifestazione maestosa dello spirito comunitario della Serenissima, del trionfo della comunità veneziana39.

D’autres critiques lui emboîtent le pas en considérant que, au lendemain ou presque de la victoire de Lépante, au vu du contexte de prestige politique et de grandeur de la Sérénissime, de la propagande de l’État vénitien en ces années-là, il paraîtrait à tout le moins normal que des accents triomphaux résonnent dans la peinture du Véronèse, fût-ce parfois au détriment de la sobriété nécessaire pour traiter le thème du dernier repas du Sauveur. D’après I. Smirnova, il existerait une corrélation entre le triomphe du Christ au moment solennel de l’Eucharistie et celui de Venise qui, après la victoire de Lépante en 1571, s’affirma comme championne de la foi chrétienne contre l’expansionnisme ottoman. On se souvient que le Véronèse peignit dès 1572 une toile commémorative qui est aujourd’hui encore conservée à la Galleria dell’Accademia. La Cène, qui faisait partie de ces œuvres monumentales, rentrerait ainsi dans le cadre de programmes destinés à magnifier aussi la ville de Venise dans le cadre d’une tendance au gigantisme artistique propre aux années 1571-157540. Dans cette optique, on pourrait supposer que l’aspect profane de la peinture proviendrait d’une volonté des religieux de faire étalage de luxe dans une représentation destinée certes à glorifier le Seigneur, mais aussi à impressionner le visiteur. Peut-être les braves (?) moines de saint Jean et saint Paul ont-ils voulu rivaliser de faste avec les Noces de Cana qui avaient été peintes pour le couvent des bénédictins de San Giorgio Maggiore 41 ? Si on suit l’interprétation de M Muraro :

Les responsables des ordres religieux avaient la conviction profonde que ce qui était alors considéré comme les plus grands honneurs, ne pouvaient pas ne pas honorer le Christ42.

Autre élément à décharge et, tout en signifiant au peintre qu’il avait dépassé la mesure, l’inquisiteur le savait fort bien, toute tentative de relier le Véronèse, au spiritualisme43, l’un des mouvements les plus représentatifs de la dissension religieuse du XVIe siècle, se heurte à la réalité des dates. En cette année 1573, les principaux représentants d’une volonté de régénération de l’Église romaine avaient déjà disparu depuis une vingtaine, voire une trentaine d’années. Gaspare Contarini était mort en 1542, Giovanni Matteo Giberti en 1543, Vittoria Colonna en 1547, Marco Antonio Flaminio en 1550, Reginald Pole s’était éteint en 1558, Michel-Ange en 1564, Giulia Gonzaga en 1566 et Piero Carnesecchi avait été exécuté à Rome en 1567. En bref, la plupart des protagonistes du courant réformiste, qui avait marqué la première moitié du siècle étaient décédés44, et on sait qu’à partir de 1542, après l’échec des rencontres de Ratisbonne et l’institution du Saint Office de l’Inquisition romaine le 21 juillet par Paul III, toute velléité de conciliation entre la hiérarchie catholique et les protestants avait désormais pris fin. Cette période d’aspiration à une renovatio de l’Église avait au demeurant été suivie d’une inversion de tendance avec le concile de Trente et l’élection de papes parfois farouchement opposés à tout compromis dogmatique et comptant parmi les zélateurs les plus opiniâtres de la répression envers toute forme de dissidence au sein ou en-dehors de la communauté ecclésiastique. Dès le pontificat de Paul III (1534-1549), puis sous Jules III (1550-1555), l’étau de l’Inquisition s’était déjà resserré autour des spirituels, comme le montrent les procès engagés contre Carnesecchi en 1546, puis contre l’archevêque d’Otranto, Piero Antonio da Capua, l’évêque de Bergame Vittorio Soranzo, le patriarche d’Aquileia Giovanni Grimani et de nombreux valdésiens originaires de Naples. Que l’on songe également à Paul IV (1555-1559), dont le règne avait représenté un véritable cauchemar pour la communauté des spirituels et/ou valdésiens ainsi qu’à Pie V, l’inquisiteur Michele Ghislieri, élu au seuil pontifical en 1566. Last, but not least, le troisième procès intenté contre Piero Carnesecchi se conclut par sa condamnation à mort en octobre 1567.

Pour toutes ces raisons, il n’est pas logique de supposer que Véronèse, employé par un couvent de dominicains, ait pu faire partie des spirituels au même titre que Flaminio ou Giulia Gonzaga ou Carnesecchi, ou même Michel-Ange. Peut-être tout au plus, comme beaucoup, a-t-il nourri des sympathies pour ce courant, en tout cas dans les années où il peint la Cène chez Lévi. Peut-être, tout au plus, s’est-il trouvé mêlé à une dispute interne aux dominicains entre frères apostats ou suspectés d’adhérer à des idées luthériennes et l’inquisiteur lui-même, appartenant à ce même ordre mais fervent défenseur de la Réforme catholique, auquel cas son seul tort aurait consisté à suivre à la lettre la volonté de ses commanditaires.

Pour la plupart des critiques d’art, le peintre s’est essentiellement fait le champion de la liberté d’expression poétique des artistes. Quoi qu’il en soit, abusé ou convaincu (peut-être), le tribunal ne condamna pas Véronèse mais lui demanda néanmoins de « corriger et amender » la toile à ses frais. En réalité, il se contenta d’effacer les gouttes de sang qui tachaient la balustrade de l’escalier de gauche et de changer le titre qui, de La Dernière Cène, devint Le Repas chez Lévi, en référence à un épisode de l’Evangile selon Saint Luc dans lequel Saint Matthieu (dont le nom hébreu est Lévi) donne un grand festin chez lui. Le tableau que nous pouvons encore admirer aujourd’hui porte en effet l’inscription : « FECIT D. COVI MAGNU. LEVI – LUCAE CAP V », qui apparaît comme une justification après les démêlés de son auteur avec l’Inquisition et qui ne fut très vraisemblablement apposée que plusieurs mois après la conclusion du travail.

Une autre lecture des faits

La compréhension de cet épisode passe également par l’adoption du point de vue de la Sainte Inquisition. De fait, certaines des interrogations de l’inquisiteur sont au demeurant aussi celles du spectateur moderne. Comment se fait-il que la Cène comporte autant d’éléments atypiques et surtout aussi peu de personnages identifiables, car on ne reconnaît guère que le Christ, Saint Jean et saint Pierre et peut-être les apôtres André et Jacques ? Même Judas n’est défini que par sa position de l’autre côté de la table et par son mouvement qui le détourne du Christ. La réaction de l’Église apparaît d’autant plus motivée si on considère que, contrairement à ce que Véronèse a essayé de faire accroire, le tableau est bel et bien un Cenaculum magnum, et non pas un Repas chez Simon, transformé après son audition en un Repas chez Lévi45. Il a été suggéré à ce sujet que le Véronèse ayant eu vent des griefs de l’Inquisition à son égard, aurait peint la figure vêtue d’écarlate brodé d’hermine afin de transformer sa Cène en Repas chez Simon : « Des analyses d’ordre technique ont montré que cette figure ajoutée après coup cache un jeune serviteur qui retenait beaucoup moins l’attention »46. Cela supposerait que le tableau avait été modifié avant la convocation de juillet 157347, ce qui est probable, car les Évangiles ne confondent nullement ces deux repas du Christ48. En outre, la thèse selon laquelle le Véronèse aurait dès le début peint un Repas chez Simon ne résiste pas à l’analyse, d’abord parce que la toile était destinée à remplacer une Cène du Titien, ensuite parce que le personnage de la Madeleine est fondamental dans un Repas chez Simon49 (et figure bien au premier plan de son œuvre de 1560 tout comme au centre de la composition du réfectoire des servites de Venise entre 1570 et 1575) et enfin parce que, si tel avait été le cas, Simon ou Lévi peu importe, il n’y aurait eu ni scandale, ni saisine de l’Inquisition.

Véronèse ayant peint autour du fils de Dieu et des apôtres une foule de personnages qui s’affairent dans l’indifférence la plus complète et mettent à mal la gravité du thème évangélique dans une atmosphère de ripaille, ces éléments choquent donc suffisamment pour motiver la convocation du peintre afin qu’il se justifie pour avoir introduit dans la représentation du dernier repas du Seigneur des personnages et des détails qui n’étaient pas « convenienti e proportionati » à la tradition canonique. Ainsi, le nain vêtu comme un bouffon, ivre de surcroît et porteur d’un perroquet, symbole de luxure, serait apparemment plus à sa place dans un banquet mondain que dans un épisode crucial de l’histoire du Christ. De même, les nombreux serviteurs enturbannés, les jeunes domestiques noirs, témoins du métissage culturel de la Sérénissime, ne sont guère mentionnés dans les Évangiles. Le participant au banquet qui se cure les dents, tout comme le serviteur dont le nez saigne, dans un épisode qui relate la transformation du corps et du sang du Christ, manquent pour le moins étonnamment de congruité au vu de la gravité du moment représenté.

Comme le chien au premier plan à la place duquel les dominicains auraient voulu voir une Marie-Madeleine, ils constituent autant d’éléments très profanes qui détonent sur la thématique religieuse. Dans ce même ordre d’idée, les soldats habillés à la « tudesque » ne sont pas sans rappeler les lansquenets à l’origine de l’incendie qui avait détruit le réfectoire50 ou pire encore ceux qui, en 1527, avaient dévasté la capitale de la chrétienté pour la punir de ses péchés. À moins que le Véronèse ne suggère ici que « les lansquenets à la solde de la république avaient […] été parfois accusés de divulguer l’hérésie luthérienne à Venise même »51. Dans tous les cas, si on reliait ces figures au sac de Rome, la lecture du tableau s’en trouverait fortement orientée vers une attaque à la richesse de l’Église, à son ambition de pouvoir temporel, voire au dévoiement du message de paupérisme du Christ. Une telle hypothèse serait corroborée par la gestuelle de l’apôtre Pierre, fondateur de l’Église, qui découpe l’agneau à la place de Jésus. Il met littéralement les mains dans le plat, ce qui renverrait éventuellement aux nombreux intérêts temporels de l’institution ecclésiastique. De nombreux critiques ont voulu voir dans cette usurpation de fonctions, une allusion possible aux intérêts temporels de la papauté et aux biens de l’Église.

Le contexte historique et religieux de la production picturale en ces années postérieures à la fin du concile de Trente, à savoir le changement de la sensibilité religieuse en cours et les différents courants de pensée qui, venus d’Allemagne et de France, parcouraient alors la Péninsule, autorise cette hypothèse. Après la Réforme suscitée par les écrits du moine augustinien Martin Luther en 1517 et la réaction de l’Église qui s’ensuivit dès le début des années 1520, puis les travaux du concile de Trente de 1545 à 1563, en une époque où la diffusion de courants de pensée hétérodoxes était connue de tous, nul ne pouvait faire abstraction de la crise qui touchait l’Église, encore moins en des villes où des intellectuels « jusqu’aux cordonniers et autres très modestes artisans », tout le monde débattait des problèmes de la foi52. On sait également que, dès la diffusion de la Réforme, Venise constitua un important centre de dissension religieuse en raison à la fois de sa proximité avec les pays touchés par le luthéranisme, de son commerce avec l’Allemagne et la Suisse, de l’accueil qu’elle fournissait aux exilés, de ses liens avec l’université de Padoue et de l’importance de son activité éditoriale53.

Un artiste du calibre de Paul Véronèse, peintre officiel de la Sérénissime, ami de plusieurs hommes de lettres de renom, en un moment où Grégoire XIII, qui venait tout juste d’accéder au seuil pontifical en 1572, avait encore renforcé l’autorité de l’Inquisition, ne pouvait aucunement méconnaître un phénomène aussi diffus que la diffusion des thèses réformées, surtout au vu de la propagation de l’anabaptisme à Venise et dans toute la Vénétie54. On se souvient aussi de l’engagement de nombreux hommes de lettres et éditeurs en faveur de la Réforme ou de ses différentes manifestations en Italie55. D’autres artistes, et non des moindres, ont vraisemblablement adhéré aux thèses hétérodoxes qui se répandaient dans la Péninsule. Que l’on songe à Pontormo, par exemple, ou à Michel-Ange, qui dans ses fresques proclama la suprématie sur terre de l’Église romaine mais partagea les idéaux des spirituels. Michel-Ange qui, dès 1539, fut l’ami de cœur de Vittoria Colonna, notoirement en rapport avec plusieurs des ecclésiastiques favorables à une réforme de l’Église tels que Gaspare Contarini, Bernardino Ochino, Pietro Bembo et Giovanni Morone ainsi qu’avec Juan de Valdés, sans oublier le cardinal anglais Reginald Pole et le cercle de réformateurs qui fréquentaient sa demeure, dont Marcantonio Flaminio, Alvise Priuli et Pietro Carnesecchi. Plus proches encore de Véronèse lui-même, pendant les années 1567 à 1576, nombre de dominicains de San Zanipolo (Saint Jean et Paul), donc le couvent même qui avait commandité la Cène, avaient été inhumés sans leur habit de moine parce que devenus apostats selon un catalogue mortuaire de l’ordre en question56.

L’impossibilité dans laquelle Véronèse était d’ignorer les bouleversements religieux en cours au moment où il peignait apparaît ainsi de façon manifeste puisque : « à Venise, on était très au courant des polémiques antipapistes et des satires virulentes qui ne cessaient pas depuis un demi-siècle »57. On peut ajouter à tous ces éléments sa connaissance  ̶ dont témoignent ses biographes  ̶ d’un jeune aristocrate anglais, Sir Philip Sidney, qui appartenait notoirement aux rangs des protestants58. Dans un premier temps, il serait donc tentant d’imaginer que le peintre ait été sensible à l’influence de ces idées et à leur traduction sous forme de spiritualisme dans la Péninsule à l’instar de Michel-Ange. D’autant plus que, apparemment, dans sa jeunesse, Paolo Caliari avait été indirectement (?) en contact avec les idées des spirituels, que ce soit dans la Pala Giustinian ou dans la Conversion de la Madeleine59, ou encore dans sa Transfiguration60. J’ai démontré plus haut que, en réalité, plusieurs années s’étaient écoulées entre l’âge d’or du spiritualisme et la Cène incriminée. Si on suit toutefois cette hypothèse – Piero Carnesecchi, qui fait exception, n’ayant été exécuté que six ans auparavant – il en découle que la lecture que l’inquisiteur, particulièrement au fait de la symbologie luthérienne, faisait de son Cenacolum magnum ne pouvait ignorer l’éventuel message d’indifférence théologique envers les sacrements, la possible dénonciation de la richesse de l’Église et le rappel implicite du châtiment de la Babylone qu’était alors devenue la cité vaticane sous les pontificats népotistes des XVe et XVIe siècles. C’est bien ce que mentionne explicitement le rapport d’interrogatoire et, au vu du soin avec lequel le Véronèse s’est employé à détourner tout doute éventuel sur la signification de sa peinture, la mise en relief des personnages secondaires par rapport au dernier repas du Christ pourrait bien constituer une forme de dédramatisation de l’événement représenté et renverrait alors à son insertion dans une certaine banalité du dogme qui frise l’hétérodoxie.

Cependant, pour comprendre la décoration du réfectoire il faut peut-être chercher aussi du côté des commanditaires et se souvenir de la situation particulière du monastère. À partir de là, M. Gemin suggère que les questions posées par le dominicain auraient été destinées non pas à confondre d’éventuelles sympathies luthériennes du peintre, mais bien plutôt à éviter que les protestants ne s’emparent d’une représentation aussi profane pour nourrir leur polémique contre la richesse de l’Église. Selon lui la colère de l’inquisiteur, dix ans après la dernière session du concile de Trente, n’aurait pas tant été dirigée vers le peintre que vers le couvent des saints Jean et Paul.

Aldilà delle contestazioni dottrinali e dei sospetti d’eresia, forse lo Schellino paventava ancor più il rischio che una “Cena ultima del Signore” così concepita potesse offrire ai riformati appigli per continuare la loro motivata polemica contro Roma-Babilonia61.

Les données extraites par Fogolari et par Gemin de L’Emortuale Fratrum S.S. Jo e Pauli, laissent effectivement supposer que les moines étaient agités par bien plus que quelques ferments d’inquiétude et de contestation. En 1573, ce couvent de dominicains avait déjà derrière lui une longue histoire de factions et de disputes entre conventuels et partisans d’une observance stricte des règles de la vie monacale. Entre la fin du XVe et le dernier tiers du XVIe siècle, ces dissensions avaient impliqué à maintes reprises aussi bien les autorités civiles (la Sérénissime, ses ambassadeurs auprès du Saint Siège) que religieuses (les nonces pontificaux entre autres). Plusieurs textes témoignent de la mauvaise vie de la plupart des moines du couvent qui sont parfois même qualifiés de « delinquenti »62. Lors de l’émanation de la bulle papale nommant le général des dominicains, Vincenzo Giustiniani, responsable de la réforme de tous les couvents en août 1564, celui de saint Jean et saint Paul est spécifiquement concerné :

L’espressione « & precipue domus Sanctorum Johannis, & Pauli Venetiarum » viene ripetuta nel corpo della bolla per ben cinque volte. [...] Nessun altro convento di Venezia o del Dominio viene citato nominalmente63.

Même si le monastère en question n’était en fin de compte vraisemblablement pas un repaire d’hérétiques64, en 1569, une opération de moralisation y était en cours, ce qui éclaire sous un autre jour le contexte religieux qui accompagne la création de la toile de Véronèse, puis les poursuites engagées à son égard. À la lumière de cette situation, il semble donc que le haut clergé continue à tenter de modifier l’institution ecclésiastique de l’intérieur et qu’il y a bien rémanence d’une volonté de changement de l’Église. Cependant, il ne s’agit aucunement de la même que celle qui animait les réformateurs attirés par les lectures « spirituelles » des Évangiles, mais bien d’une moralisation de la vie conventuelle voulue par différents papes, dont Pie V.

Un point de vue complémentaire est proposé par le chercheur britannique Paul H. D. Kaplan qui s’interroge sur les commanditaires, le sujet et le contexte chronologique pour faire observer que cette toile est peinte de surcroît en un moment particulièrement litigieux dans l’histoire des relations entre Venise et le Saint Siège, lorsque la Sérénissime signa une paix séparée avec les Ottomans en faisant ainsi fi des obligations contractées lors de son entrée dans la Sainte Ligue :

Il dipinto  ̶ sostiene Kaplan  ̶ appare col soggetto sbagliato (per implicazioni ideologiche e anomalo trattamento iconografico) in un luogo sbagliato (un convento fortemente sospetto di simpatie eterodosse) al momento sbagliato (giusto quando Venezia ha bisogno di dimostrare al papa che, a dispetto delle scelte politiche, il suo cuore di stato politico e controriformista è puro)65.

Le procès intenté au successeur du Titien s’inscrirait alors dans le cadre d’une réponse politique à la papauté et le positionnement religieux de la Sérénissime expliquerait cette convocation quelque peu surprenante du Véronèse devant la session vénitienne du Saint-Office. En effet, même en cette deuxième moitié du XVIe siècle, Venise ne constituait pas un centre actif de lutte contre l’hérésie et se voulait plutôt relativement autonome vis-à-vis de Rome et du pouvoir pontifical66, si bien qu’elle n’accorda qu’une importance très relative au concile de Trente et que l’application des décrets qui en découlèrent se fit attendre67. Qui plus est, le jury qui interrogea le peintre était composé d’ecclésiastiques certes, mais aussi de personnalités appartenant à l’oligarchie vénitienne68 sensibles à la célébrité du Véronèse, qui avait déjà œuvré pour la République et représenté ou sur le point de représenter la célèbre bataille de Lépante à sa gloire. Le tribunal était présidé par l’archevêque Giovanni Battista Dei et l’inquisiteur en chef appartenait certes à l’ordre des dominicains, mais le second président était le patriarche Trevisani, notoirement attaché aux privilèges de Venise en matière de juridiction ecclésiastique.

Les trois Sages de l’hérésie, Giacomo Foscarini, Niccolò Venier et Alvise Zorzi, étaient là en lieu et place du doge Alvise Mocenigo, chef d’un courant politique ouvertement hostile à la papauté. En dépit de de cet environnement ouvertement favorable à une certaine liberté artistique, le peintre fut convoqué et on lui signifia clairement qu’il avait franchi une limite. Il y avait donc vraisemblablement des bornes aussi à l’indépendance vénitienne par rapport à la curie romaine. Ouvrons ici une parenthèse pour rappeler que, lors de son ascension au seuil pontifical, en janvier 1566, Pie V fit pression sur Cosme de Médicis pour qu’il lui livrât Piero Carnesecchi afin de le soumettre à un troisième et dernier procès. Le seigneur de Florence dut se plier à cette injonction et aucune de ses interventions en faveur de son ancien ami ne put le sauver. Peut-être fut-ce là le prix à payer pour les fresques de Jacopo Pontormo  ̶ aujourd’hui disparues, mais notoirement inspirées par la production de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine ̶ qui avaient transposé en images le catéchisme valdésien dans le chœur de la basilique de Florence entre 1545 et 1556.

Il apparaît pour lors vraisemblable que, conformément à la thèse défendue par P.H.D. Kaplan, l’interrogatoire de Paul Véronèse, accepté par la Sérénissime, ait été dicté par des raisons politiques, comme gage de bonne volonté envers la curie. Cette possibilité est également suggérée par E. Grasman qui souligne la colère de Grégoire XIII contre la Sérénissime lorsqu’il apprit par l’ambassadeur, Paolo Tiepolo, la signature d’un traité de paix entre les Vénitiens et la puissance ottomane. Le même critique fait également observer que quelques semaines seulement avant la convocation de Véronèse, le nonce pontifical Facchinetti, soupçonné d’être trop optimiste dans ses rapports au Vatican, avait été remplacé par un Castagna davantage en odeur de sainteté auprès de l’intransigeante cour pontificale de Grégoire XIII.

Indépendamment des aspects profanes du tableau de Véronèse, les raisons de sa convocation par l’Inquisition seraient donc aussi politiques et liées à la personnalité de l’inquisiteur dominicain. Comme le démontre Grasman, ce dernier aurait vraisemblablement voulu à la fois impressionner le nouveau nonce pontifical, démontrer qu’il n’épargnait personne, ni son propre ordre d’origine, ni le peintre le plus célèbre de Venise et faire preuve de tolérance envers lui en se limitant à demander des modifications.

To summarise, the immediate reason for Veronese’s interrogation was the iconography of his painting, but the underlying reason was that the inquisitor felt the need to prove himself to the newly appointed nuncio69.

Voilà pour l’origine probable de la convocation du Véronèse devant le Saint Office. Mais la question des motivations du tableau reste entière. Tout en reconnaissant la valeur de l’enquête historique et documentaire de E. Grasman, je ne puis partager sa conclusion selon laquelle :

We might even conclude that the crucial dynamics in the entire proccedings had very little to do with Veronese but everything with internal ecclesiastical politics70.

En effet, en une époque où Léonard, Raphaël et le divin Michel-Ange avaient donné leurs lettres de noblesse à une profession qui n’était plus considérée comme relevant d’une activité manuelle, un artiste de la culture et de la notoriété de Véronèse, ne pouvait être assez sot pour ignorer la portée transgressive de son dernier repas du Seigneur. Tout en étant peut-être irréprochable sur le plan dogmatique, il devait avoir conscience de l’impact de son œuvre, de son caractère litigieux. Il n’ignorait pas non plus les fresques ou tableaux déjà existants et avait délibérément choisi de s’éloigner de leur sobriété, alors même qu’il était fort capable de rendre une Cène puisqu’il en avait déjà peint quatre autres pour des réfectoires, une à Vérone, deux à Venise et une à Padoue.

Ce serait donc en toute connaissance de cause qu’il remettait en question les représentations de la Cène telles qu’elles avaient été adoptées par les plus grands artistes italiens de Andrea del Castagno (1419-1457) à Jacopo Bassano (1510-1592), en passant par Domenico Ghirlandaio (1448-1494), Léonard (1452-1519) et Andrea del Sarto (1486-1530). Sa rupture avec la tradition picturale et le dogme rendait nécessaire une mise au point de la part des autorités ecclésiastiques. Ainsi, sa comparution devant elles comme certaines des critiques des inquisiteurs apparaissent tout à fait fondées, ne relèvent pas du seul jeu politique du nonce, mais sont motivées par les nombreux détails mondains, profanes, voire scandaleux de la toile.

Maintenant, si provocation il y eut de la part du peintre, elle fut nécessairement insidieuse, ne serait-ce que pour lui éviter de finir, comme tant d’autres, hommes de lettres, religieux, réformateurs ou simples membres de la société civile, sur le bûcher. Si cette supposition est exacte, Véronèse fut suffisamment habile pour passer officiellement pour un sot aux yeux de la Sainte Inquisition. Il se déroba aux pièges qui lui étaient tendus en feignant la plus grande naïveté et en laissant croire notamment que cette foule de comparses étrangers au récit sacré ne provenait que de sa fantaisie. D’après moi, dans le cadre d’une stratégie délibérée, il s’agissait pour lui de passer pour un inoffensif ingénu auprès du Saint Office. Son éloge de la folie insinua le doute dans l’esprit de ses juges, doute qui fut renforcé par l’excusatio finale dans laquelle le peintre reconnaît ne pas avoir pensé à mal, « […] pensava di far bene. Et che non ho considerato tante cose, pensando di non far disordine nisuno [...]71 ». À partir de là, il semblerait assez vraisemblable qu’il ait cherché à désarçonner ses juges en déplaçant sur le terrain de l’art une brûlante question théologique. Nul doute qu’une telle stratégie de défense n’ait été mûrement réfléchie72.

Bien que manifestement impressionné par cette convocation  ̶ et cette difficulté qu’il a à se défendre étonne si on considère qu’elle était sinon attendue, du moins redoutée puisque le prieur du couvent avait déjà subi le même sort  ̶ sa gêne manifeste devant les questions du frère dominicain, comme son retranchement derrière des considérations purement esthétiques prouvent qu’il fut décontenancé devant pareil interrogatoire. On peut légitimement imaginer que le Véronèse s’était préparé à cet entretien et le caractère évasif, voire timoré de ses réponses, ne traduit sans doute pas seulement une incapacité à se justifier, mais peut-être aussi la crainte de s’être attiré les foudres du Saint Office.

Quoi qu’il en soit, il semble bien que, au-delà d’une forme de naïveté éventuelle, le peintre ait fait preuve d’une réelle habileté à se réfugier derrière une ligne de défense vraisemblablement établie à l’avance et derrière un certain nombre de poncifs sur l’art, théologiquement inoffensifs. D’une certaine manière, il obtint gain de cause, puisque l’Inquisition ne le condamna que de façon formelle, vraisemblablement aussi pour des questions diplomatiques de relation entre la Sérénissime et le Saint-Siège. Peut-être avec l’approbation tacite de ce tribunal inquisitorial, l’œuvre changea simplement de nom pour devenir la représentation d’un bien plus neutre Banquet chez Levi.

Conclusion

Je conclus en reconnaissant ne pas avoir répondu à la question que je me posais sur les raisons de la conception de cette œuvre. Je me limite à présenter, voire à récuser dans certains cas, les différentes hypothèses possibles ou plausibles. À savoir qu’il faut effectivement tenir compte du triomphalisme et de la volonté de domination de la Sérénissime dans les arts vénitiens de la période en question, mais que, au vu de la prééminence de la représentation de la puissance et du luxe de la Sérénissime au détriment de l’orthodoxie, cette version de la Cène pourrait renvoyer à une traduction picturale d’un certain détachement vis-à-vis des rites et des sacrements de l’Église romaine73. Des thèses anabaptistes-antitrinitaires, assez répandues en Vénétie, selon lesquelles la célébration des sacrements était considérée comme chose indifférente pourraient être à l’origine de cette banalisation du dogme. Ces idées, que le Véronèse connaissait pour les avoir entendues et comprises au moins pendant sa jeunesse, auraient été suggérées par une frange des dominicains concernés, dont on sait qu’ils ne mouraient pas (physiquement ou métaphoriquement) en odeur de sainteté. Sans que cela fasse pour cela de lui un hérétique, il est envisageable que l’artiste ait restitué dans son œuvre tout ou partie de ce qu’il voyait et entendait. À partir de là, les anomalies iconographiques de la toile ne correspondraient pas uniquement à des besoins esthétiques ou à une simple situation individuelle, mais restitueraient un climat spirituel qui n’est plus celui des années 1540-1559, mais celui d’une Venise post-tridentine où les prolongements sous-jacents du spiritualisme de la première moitié du siècle se fondent avec l’atmosphère religieuse de son temps, y compris dans ce qu’elle pouvait avoir de contradictoire par rapport au durcissement du contrôle de l’Église sur les différentes productions artistiques dans la Péninsule. Véronèse mettrait alors en avant une nouvelle forme de religiosité caractérisée par une certaine indifférence envers le rituel liturgique.

Même si les quelques hypothèses que j’émets ne sont pas contredites par le contexte, en toute honnêteté, nous n’en saurons sans doute jamais davantage. Y eut-il péché de la part du peintre ? Fut-ce simple péché de vanité par l’étalage d’une trop grande richesse dans la peinture de la Cène, ou volonté de faire réfléchir le spectateur par un subtil prosélytisme en faveur d’une réforme de l’institution ecclésiastique ou encore d’une simple mais insultante et presque hétérodoxe indifférence vis-à-vis du dogme ? La question reste entière. En ce qui concerne celle que nous nous posions au début de ce travail en revanche, il semble certain que, même si le Véronèse s’est trompé sur le degré de tolérance de la Sérénissime, degré qui à ce moment précis de l’histoire des relations entre Venise et le Saint Siège avait changé, il n’appartenait nullement à la catégorie des artistes irresponsables visés par la dernière session du Concile de Trente, mais que c’est ce qu’il a délibérément voulu que l’on croie.

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Notes

1 D. Bisconti, D. Fabiani, L. Pierdominici, C. Schiavone (a cura di), Esclandre. Figures et dynamiques du scandale du Moyen-Âge à nos jours, in Regards croisés, 2, 2021, p. 167-185 [http://cle.ens-lyon.fr/cle/italien/dernieres-publications/] Retour au texte

2 G. Fogolari, « Il processo dell’Inquisizione a Paolo Veronese », in Archivio Veneto, XVII, 1935, p. 352-386. Retour au texte

3 P. H. Osmond, Paolo Veronese, Londres, 1927. Retour au texte

4 A Chastel, « Débats avec l’Inquisition (1573) », in Chronique de la peinture italienne à la Renaissance 1280-1580, Paris, Editions Vilo, 1983, p. 223. Retour au texte

5 En comptant celles du Tintoret et de Bassano. Retour au texte

6 Pour un récapitulatif de la production du Véronèse en la matière, voir I. Smirnova, « Le cene veronesiane. Problemi iconografici », in M. Gemin (a cura di), Nuovi studi su Paolo Veronese, Venezia, 1990, p. 359-364. Retour au texte

7 Sur les rapprochements possibles entre la peinture vénitienne et la scénographie théâtrale du Cinquecento, voir A. M. Brizio, « La pittura di Paolo Veronese in rapporto con l’opera del Sanmicheli e del Palladio », in Bolletino del Centro Internazionale di studi di Architettura Andrea Palladio, 2, 1960, p. 19-25. Retour au texte

8 I. Smirnova, Idem, p. 360 : « Les Cènes du Seigneur sont interprétées par Véronèse comme des banquets publics, comme des spectacles de théâtre avec de nombreux participants […] ». Retour au texte

9 Les Noces de Cana marquent le début de cette production particulière. Elles furent suivies par le Repas chez Simon en 1570, puis par la Cène (rebaptisée Repas chez Levi) en 1573 et par un autre Repas chez Simon au réfectoire des servites. Retour au texte

10 E. Grasman, « On closer inspection, The interrogation of Paolo Veronese », in Artibus et Historiae, vol. 30, n° 59, 2009, p.131. Retour au texte

11 Luc, XXII, 10. Retour au texte

12 Fecit Domino convivium magnum Levi : Lévi fit pour le Seigneur un grand repas. Retour au texte

13 P. Humfrey, La peinture de la Renaissance à Venise, Paris, Société Nouvelle Adam Biro, 1996, p. 245-46, pour la version française. Retour au texte

14 P. Humfrey, op. cit. p. 246. Retour au texte

15 P. Humfrey, op. cit., p. 242. Retour au texte

16 Et plus précisément dans celles du couvent de San Zanipolo. Cf. G. Fogolari, « Il processo… », p. 354. Retour au texte

17 G. Fogolari, op. cit., p. 369-372 : « Ce qui m’a été dit par les révérends pères, c’est-à-dire le prieur de Saint Jean et Paul, dont je ne connais pas le nom, c’est qu’il était venu ici et que vos Seigneuries Illustrissimes lui avaient donné la consigne de faire faire une Madeleine au lieu d’un chien. Ce à quoi je lui répondu que j’aurais volontiers fait cela et plus encore pour mon honneur et pour celui du tableau, mais qu’il ne me semblait pas que la figure de la Madeleine pourrait convenir ici pour bien des raisons ». Retour au texte

18 Ibidem, p. 371 : « J’ai peint un serviteur, qui pour une raison quelconque, s’était mis à saigner du nez ». Retour au texte

19 Ibidem, p. 371 : « Que signifient ces personnages armés à la tudesque brandissant chacun une hallebarde ? ». Retour au texte

20 Horace, Art Poétique, v. 9-10 : « Les poètes, comme les peintres, ont toujours joui du droit de tout oser ». Retour au texte

21 Ibidem : « Nous les peintres, prenons des libertés tout comme les poètes et les fous. Je les ai peints, ces deux hallebardiers, l’un qui boit et l’autre qui mange, et les ai mis sur un escalier de dégagement pour qu’ils s’occupent de quelque service, puisqu’il convenait au maître de la maison, qui était riche et illustre, selon ce que j’ai entendu dire, d’avoir de tels serviteurs ». Retour au texte

22 Ibidem, p. 373 : « […] on me donna pour consigne d’orner le tableau, qui est grand et peut contenir de nombreux personnages, à ma convenance ». Retour au texte

23 Ibidem : « Avez-vous pour habitude d’orner les peintures ou les tableaux de façon convenable et proportionnée par rapport au sujet et aux principales figures, ou le faites-vous selon votre bon plaisir, selon ce que vous dicte votre imagination, sans considération ni discernement ? ». Retour au texte

24 Ibidem : « Je réalise mes peintures avec l’appréciation qui me semble la plus appropriée, selon ce que mon esprit peut comprendre ». Retour au texte

25 Voir à ce sujet M. Firpo, Gli affreschi di Pontormo a San Lorenzo. Eresia, politica e cultura nella Firenze di Cosimo I, Torino, Einaudi, 1997, p. 60-61. Retour au texte

26 G. Fogolari, op. cit., p. 379 : « Ne savez-vous pas qu’en peignant le jugement universel, dans lequel on n’envisage ni vêtements, ni choses semblables, il n’était nul besoin de peindre des vêtements et […] que dans cette représentation, il n’y a autre chose que d’esprit, il n’y a ni bouffons, ni chiens, ni armes, ni semblables bouffonneries ? ». Retour au texte

27 Les critiques vis-à-vis des nus de la fresque soulignaient notamment l’impiété et l’obscénité de cette peinture. Cf. M. Firpo, op. cit., p. 62. Retour au texte

28 Curieusement, le dominicain Aurelio Schellino le reprend en invoquant la pertinence des nus par rapport au sujet traité alors même que, pendant des années, la fresque avait suscité le scandale en raison de ces mêmes nus. Retour au texte

29 G. Fogolari, op. cit., p. 373 : « Ne savez-vous pas qu’en Allemagne et en autres lieux infectés par l’hérésie, par des peintures singulières et pleines d’obscénités et autres absurdités, on a coutume de blâmer, de vitupérer et de se moquer des choses de la Sainte Église Catholique pour enseigner une fausse doctrine au peuple idiot et ignorant ? ». Retour au texte

30 I. Smirnova, op. cit., p. 362. Retour au texte

31 M. Viallon, « Véronèse : noces et banquets », in Le Boire et le Manger au XVIe siècle, Actes du XIe colloque du Puy-en-Velay, 2004, p. 10. Retour au texte

32 G. Fogolari, op. cit., p. 372 : « S’il reste de la place dans le tableau, je l’orne de personnages selon mon imagination ». Retour au texte

33 Ibidem, p. 361-362. Retour au texte

34 M. E. Massimi, « La Cena in casa di Levi di Paolo Veronese. Iconografia, contesto, significato », tesi di dottorato in Storia dell’Arte, a.a. 2001-2002, Tutore Augusto Gentili, Università Ca’ Foscari, Venezia, p. 68. Retour au texte

35 Ibidem, p. 43. Retour au texte

36 M. Muraro, « La Cène de Véronèse : les figures, l’interrogatoire, l’histoire », in Symboles de la Renaissance, III, Arts et Langage, Presses de l’École Normale Supérieure, Paris, 1990, p. 213. Version française traduite par D. Arasse de M. Muraro, La Cena di Paolo Veronese, nuove interpretazioni, Lezioni di Storia dell’arte, Università di Padova, Facoltà di Magistero, anno accademico 1980-81, Venezia, Bib. Marciana, Misc. A 4831. Retour au texte

37 I. Smirnova, op. cit., p. 360. Retour au texte

38 Ibidem, p. 360. Retour au texte

39 Ibidem, p. 360-361 : « Le caractère festif et la splendeur des grands banquets publics n’étaient rien d’autre que des manifestations de la splendeur de la Sérénissime. Ces banquets avec des centaines de participants faisaient partie, de façon permanente, des programmes des différentes fêtes de l’État vénitien. Dans le contexte de ce symbolisme, on peut lire les Cènes de Véronèse comme autant de manifestations majestueuses de l’esprit communautaire de la Sérénissime, du triomphe de la communauté vénitienne ». Retour au texte

40 M. Muraro, p. 196. Retour au texte

41 Ibidem, p. 189. Retour au texte

42 Ibidem, p. 214. Retour au texte

43 Je résume sous le terme nécessairement impropre de « spiritualisme » les différentes mouvances de l’inquiétude religieuse qui se manifesta en Italie dès les années 1520 et jusqu’à la fin du XVIe siècle ou presque. En réalité, la situation est bien plus complexe et mobile en fonction des zones géographiques et des périodes considérées. Cette dissension religieuse englobe des mouvements aussi divers que l’anabaptisme, le millénarisme, le valdésianisme, le nicodémisme et d’autres encore, mais mon propos ici n’est pas de retracer une histoire de la question religieuse du XVIe siècle. Pour cela, je renvoie aux ouvrages de D. Cantimori, de M. Firpo et de C. Ginzburg, pour ne citer que les plus connus. Retour au texte

44 On peut exclure le cardinal Morone, mort en 1580, qui souffrit cependant pendant toute sa carrière, et en particulier lors du règne de Paul IV, des accusations portées contre lui, du procès qui lui fut intenté et des soupçons du Saint Office qui durèrent jusqu’à sa mort. Retour au texte

45 C’est la thèse défendue par b.t d’argaville, « Inquisition and Metamorphosis, Paolo Veronese and the “Ultima cena”, in RACAR (Revue d’art canadienne/Canadian Art Review), vol. 16, n° 1, p. 43-48, selon lequel le tableau aurait subi plusieurs modifications. Retour au texte

46 P. Humfrey, op. cit., p. 246. Voir aussi B. T. D’argaville, op. cit., p. 45, selon qui la figure vêtue d’écarlate serait issue d’une révision du tableau qui fit l’objet de remaniements bien plus amples que de simples repentirs, avec notamment l’adjonction du personnage de Simon, le collecteur de taxes. Dans la version définitive il devint Lévi, afin de mieux faire accroire à l’Inquisition qu’il s’agissait bien d’un Repas chez Simon. Retour au texte

47 B. T. D’argaville, op. cit., p. 43-48. Retour au texte

48 Ibidem, p. 47, le critique soutient qu’il s’agit bien d’un dernier Repas chez Simon, tout en reconnaissant que le seul passage possible qui se prête à l’interprétation picturale qu’en fait Véronèse est celui qui se trouve notamment dans Luc, 22-14-18, juste avant l’institution de l’Eucharistie, donc dans le dernier repas du Sauveur. Retour au texte

49 Évangile selon Saint Luc, 7, 39-40. P. Humfrey, op. cit., fait la même observation. Retour au texte

50 G. Fogolari, op. cit., p. 356. Retour au texte

51 M. Muraro, op. cit., p. 198. Le critique va plus loin dans son analyse en ajoutant que « Les inquisiteurs étaient donc en droit de soupçonner, dans le soldat qui mange et qui boit, une allusion à la communion sous les deux espèces du pain et du vin, que les catholiques observants ne pratiquent pas, le fait que ce soldat tourne le dos à la Cène pouvant confirmer qu’il s’agit d’un hérétique ». Retour au texte

52 A. Prosperi, Tribunali della coscienza, Inquisitori, confessori, missionari, Torino, Einaudi, 1996, p. 121 et n. 14 : « Molti disputavano delle cose della fede catholica, insino alli calzolari et altri vilissimi artefici et dicevano di cose di heresia » ; C Dionisotti, « La letteratura italiana nell’età del Concilio di Trento », in Il concilio di Trento e la Riforma tridentina, Atti del Convegno storico internazionale (Trento, 2-6 settembre 1963), Roma, 1965, p. 317-43, republié dans Geografia e storia della letteratura italiana, Torino, Einaudi, 1967, p. 234 : « Anche è vero che intorno al 1540, la moda era che, come già di Platone o del Petrarca, tutti discoressero indocti doctique della giustificazione e della grazia » ; P. Lopez, Il movimento valdesiano a Napoli ; Mario Galeota e le sue vicende col Sant’ Uffizio, Napoli, Fiorentino, 1976, p.19-20 : « Argomenti centralissimi della teologia cattolica, quali la giustificazione per la sola fede, la grazia, la predestinazione […] erano ampiamente e variamente dibattuti fra i più diversi ambienti, ecclesiastici o no ». Retour au texte

53 M. Firpo, « Venice’s Hidden Enemies: Italian Heretics in a Renaissance City », in John Martin, The Journal of modern history, 1996-03, Vol. 68 (1), p. 218-221. Retour au texte

54 D. Cantimori, Eretici italiani del Cinquecento, Firenze, Sansoni, 1967, chap. VI et VII. Retour au texte

55 G. Gonnet, « Les débuts de la Réforme en Italie », in Revue de l’histoire des religions, tome 199 ; n° 1, 1982, p. 37-65 : « Vu le morcellement politique de l’Italie, la Réforme dans la péninsule manqua d’unité, produisant ainsi un grand nombre de positions doctrinales très différentes, allant de l’orthodoxie luthérienne ou calviniste à l’anabaptisme, à l’antitrinitarisme, au millénarisme, à l’unitarisme, etc. ». Retour au texte

56 Le document est nommé Emortuale fratrum Conventi S.S. Jo et Pauli ab anno 1500 usque 1739. Il est rédigé par le frère dominicain Urbano Urbani et conservé à la bibliothèque du Musée Correr, Venezia, BMC, Cod. Cicogna 822. Si on s’en tient aux opinions défendues aussi bien par P. H. D. Kaplan, « Veronese and the Inquisition, the geopolitical context », in Suspended license. Censorship and the visual arts (dir. E.C. Childs), Seattle-London 1997, p. 85-124, chap. I, note 91, que par M. E. Massimi, op. cit., p. 204, ces décès sont cependant à interpréter de façon métaphorique puisque celui qui apostasie quitte la vraie vie. Retour au texte

57 A. Chastel, « Débats avec l’Inquisition (1573) », in Chroniques de la peinture italienne à la Renaissance (1280-1580), Paris, Vilo, 1983, p. 220. Retour au texte

58 P. H. Osmond, Paolo Veronese, His career and work, London, 1927, p. 68-70. Retour au texte

59 Paolo Veronese. Dall’immagine al silenzio, Tesi di dottorato di Francesco Trentini Matr. 955240, Settore scientifico-disciplinare di afferenza: [L-ART/02] Storia dell’arte moderna; Coordinatore del dottorato Tutore del dottorando prof. Annapaola Zaccaria, prof. Augusto Gentili, p. 41 : « La frequentazione dei contesti più aggiornati e impegnati sul piano della riforma interna alla Chiesa di Roma era iniziata in modo del tutto imprevisto per Paolo qualche anno prima. Tra il 1545 e il 1546, non è chiaro se a Roma o a Venezia, il giovane allora solo diciottenne, ma già maturo sotto il profilo artistico e intellettuale, viene infatti coinvolto dal vecchio cardinale Marino Grimani, non senza la mediazione di Giovanni Battista Ponchini, in una raffinatissima rilettura della storia tutta apocrifa della conversione della Maddalena » [http://dspace.unive.it/handle/10579/979]. Retour au texte

60 Idem, p. 8 : « Il IV capitolo, interamente dedicato alla Trasfigurazione dipinta da Paolo Veronese tra il 1555 e il 1556, è pensato come pendant del precedente, ma come una variazione sul tema, giacché l’immagine supporta questa volta l’ingresso nella sfera mistica “al modo valdesiano”. L’opera non manca di risentire del mutato clima religioso, cosicché la via mistica viene declinata per la prima volta in chiave fortemente conflittuale. Tutta orchestrata su motivi tratti dagli scritti di Marcantonio Flaminio – una frequentazione non episodica per il committente o i committenti – la pala tocca il tema della visione raffigurando la morte della corporeità animale necessaria alla liberazione dell’occhio interiore ». Retour au texte

61 M. Gemin, « Riflessioni iconografiche sulla Cena in casa di Levi », in Nuovi studi su Paolo Veronese, M. Gemin (a cura di), Venezia, 1990, p. 368 : « Au-delà des contestations doctrinales et des soupçons d’hérésie, peut-être Schellino craignait-il encore davantage le risque qu’un “Dernier repas du Seigneur” ainsi conçu pût offrir aux réformés des justifications à poursuivre leur polémique contre Rome-Babylone ». Retour au texte

62 Pour une étude détaillée de l’histoire mouvementée du couvent, voir M. E. Massimi, op. cit., p. 94-107. Retour au texte

63 M. E. Massimi, op. cit., p. 134 : « L’expression « & precipue domus Sanctorum Johannis, & Pauli Venetiarum » est répétée par cinq fois dans le corps de la bulle. [...] Aucun autre couvent de Venise ou de son territoire n’est cité nommément ». Retour au texte

64 E. Grasman, op. cit., p. 130 : « In the letters Fachinetti [nonce pontifical] wrote during his office in Venice, he does indeed occasionnally refer to heresy among months, but never in connection with Dominicans, nor with the brethren at the monastery of ths SS. Giovanni e Paolo ». Retour au texte

65 M. E. Massimi, op. cit, p. 50 : « Le tableau – affirme Kaplan – naît avec un mauvais sujet (en raison de ses implications idéologiques et de son traitement iconographique insolite) au mauvais endroit (un couvent fortement soupçonné de sympathies hétérodoxes) au mauvais moment (précisément lorsque Venise a besoin de démontrer au pape que, en dépit de ses choix politiques, son cœur d’État politique et contre-réformiste est pur). Retour au texte

66 E. Grasman, op. cit., p. 130. Retour au texte

67 A. Niero, « Riforma cattolica e concilio di Trento a Venezia », in Cultura e società nel Rinascimento tra riforme e manierismi, Venezia, 1984, p. 87-90. Retour au texte

68 G. Fogolari, op. cit., p. 365. Retour au texte

69 E. Grasman, op. cit., p. 132 : « Pour résumer, la raison première de l’interrogatoire du Véronèse résidait dans les détails de son tableau, mais la raison sous-jacente était que l’inquisiteur éprouvait le besoin de se confronter au nonce nouvellement nommé ». Retour au texte

70 Ibidem, p. 132 : « Nous pouvons donc en conclure que la dynamique essentielle de toute la procédure n’a pas grand-chose à voir avec Véronèse, mais tout avec la politique interne à l’Église ». Retour au texte

71 G. Fogolari, op. cit., p. 380 : « […] je pensais bien faire. Je n’ai pas considéré tout cela, ni pensé à créer le moindre désordre […] ». Retour au texte

72 C’est ce qu’envisage, de façon au demeurant fort logique, M. Muraro, op. cit., p. 185-221. Retour au texte

73 Idem, p. 193. Retour au texte

Illustrations

  • Paolo Veronese, Convito in casa di Levi, Venezia, 1573, Galleria dell’Accademia. Su concessione del Ministero della Cultura.

  • Paolo Veronese, Convito in casa di Levi, Venezia, 1573, Galleria dell’Accademia. Su concessione del Ministero della Cultura.

  • Paolo Veronese, Convito in casa di Levi, Venezia, 1573, Galleria dell’Accademia. Su concessione del Ministero della Cultura.

  • Paolo Veronese, Convito in casa di Levi, Venezia, 1573, Galleria dell’Accademia. Su concessione del Ministero della Cultura.

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Référence électronique

Dominique Fratani, « Un tableau scandaleux : la Cène de Véronèse ou l’éloge de la folie », Line@editoriale [En ligne],  | 2024, mis en ligne le 28 mars 2024, consulté le 01 mai 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/lineaeditoriale/2179

Auteur

Dominique Fratani

dominique.fratani@u-bordeaux-montaigne.fr

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