Le 20 octobre 1898, l’Aéro-club de France (AéCF) devenait le premier aéro-club du monde. Il prenait ses quartiers dans les locaux de l’Automobile club de France (ACF) fondé trois ans plus tôt et aujourd’hui encore situé place de la Concorde à Paris. Pour fêter cet anniversaire, les deux associations, en partenariat avec le musée de l’Air et de l’Espace, invitaient à explorer les liens entre automobile et aviation à travers le cœur des machines, ces « moteurs de rêve » que présentaient l’exposition hébergée du 26 mai au 1er juillet 2018 au siège de l’ACF.
1. Une exposition restée relativement confidentielle
Regrettons d’abord le peu de publicité accordé à cette exposition1. Aucun affichage n’a été prévu pour signaler l’entrée de ce couloir, pourtant idéalement situé devant les locaux historiques de l’ACF, le parvis de la Concorde se prêtant évidemment à l’affluence en cette fin de printemps (fig. 1).
(Fig. 1). L’exposition était limitée à un étroit couloir.
Photographie : Damien Accoulon.
Un effort documentaire important avait été consenti par les trois commissaires2 qui avaient réuni de nombreux fac-similés pour ponctuer les huit panneaux que comptaient l’exposition. L’espace restreint ne permettant pas d’accueillir beaucoup d’originaux, n’étaient présentés qu’un moteur sorti des collections du musée de l’Air et deux trophées Gordon Bennett en argent massif, judicieusement mis en regard pour mieux insister sur l’évolution conjointe des deux techniques à travers le sport mécanique avant-guerre (fig. 2).
(Fig. 2). André Aucoc, Coupes Gordon Bennett (AéCF c.1909 ; ACF c.1899-1900).
Photographie : Damien Accoulon.
2. Une première approche d’un sujet à approfondir
Relevant des mêmes sociabilités bourgeoises et érudites, l’Automobile club et l’Aéro-club sont en partie composés des mêmes hommes au tournant du siècle : Santos-Dumont, Deutsch de la Meurthe, Blériot3 et les frères Farman participent à la circulation des initiatives entre ces deux cercles élitistes, voire au chevauchement des prérogatives lorsque l’ACF organise des concours de moteurs d’avions ou le 1er Salon international de l’aéronautique en 1908. Ces puissants lobbys, investis par les industriels, sont aussi des organes normatifs (code de la route en 1905, brevet de pilote d’avion en 1909) qui soutiennent la recherche mécanique (fig. 3).
(Fig. 3). M. Garnier, Projet d’affiche pour le Grand Prix de l’ACF (circuit de Dieppe, 1912 / coll. ACF).
Photographie : Damien Accoulon.
La culture commune des salons, meetings et rallyes souligne ces racines communes qu’entretiennent les frères Michelin ou Gabriel Voisin, alors que les Centraliens ou ingénieurs des Arts et Métiers pensent conjointement les moteurs d’automobiles et d’avions. Ainsi Pierre Joseph Grégoire, ancien de l’École centrale dont les ateliers sont basés à Suresnes puis à Poissy, commence par construire des véhicules automobiles de course et de tourisme avant de s’intéresser à la motorisation des dirigeables (1902) et à l’aviation pour laquelle il met au point en 1909 le premier moteur en ligne inversé refroidi par eau (fig. 4).
(Fig. 4). Moteur Grégoire Gyp type D4 pour avion, 1910 (coll. musée de l’Air et de l’Espace).
Photographie : Damien Accoulon.
Moins fouillée car plus surplombante, la seconde partie de l’exposition tendait des passerelles entre ces origines et notre époque, de la Jamais Contente électrique, première voiture à franchir les 100 km/h en 1899, au Solar Impulse, premier avion solaire à entreprendre le tour du monde en 2015. La motorisation a assurément transformé la manière de se déplacer comme de faire la guerre au xxe siècle, sur terre comme dans les airs, ce que permet toujours de mesurer le musée de l’Air et de l’Espace, descendant du conservatoire de l’Aéronautique inauguré à Chalais-Meudon en 1921.
Il paraissait difficile de réaliser plus dense aperçu en un espace si restreint. Les commissaires de l’exposition sont parvenus en des temps et espaces contraints à mettre en écho les deux transports au prisme de la science mécanique. Cette histoire tirée à grands traits mériterait d’être approfondie sur une surface plus importante et dans une logique possiblement moins institutionnelle, pour explorer davantage encore les passerelles entre ces technologies co-évolutives.