X‑15 et droit de l’espace : l’imaginaire technoscientifique dans la doctrine juridique spatiale des années 1950 et 1960

  • X‑15 and Space Law: Technoscientific Imagination in Space Law’s Doctrine in the 1950s and 1960s

Abstracts

Le développement de l’avion supersonique X‑15 interroge les premiers principes posés par les juristes du droit de l’espace : cet « avion‑fusée » perturbe les tentatives d’établir une limite fixe entre espace aérien et espace extra‑atmosphérique, de même qu’il trouble la distinction entre aéronef et astronef. Pour ces juristes imprégnés d’un imaginaire technoscientifique, qu’ils développent d’autant plus qu’ils fréquentent assidûment la communauté astronautique et y développe leur communauté, cet engin incarne le futur de l’exploration spatiale. Il devient dès lors impérieux pour le droit de l’espace d’anticiper les futurs technologiques de la conquête spatiale. La doctrine du droit de l’espace, loin d’être un contre‑discours humaniste aux projets spatiaux, apparait alors comme un avatar de cet imaginaire technoscientifique qui soutient et sous‑tend la conquête spatiale.

The development of the X‑15 supersonic aircraft called into question the first principles laid down by space lawyers: this “rocket plane” disrupted attempts to establish a fixed boundary between airspace and outer space, as well as it disrupted the distinction between aircraft and spacecraft. For these lawyers, impregnated with a techno-scientific imagination, which they developed all the more as they assiduously frequented the astronautical community and developed their community there, the X‑15 embodied the future of space exploration. It was therefore essential for space law to anticipate the technological future of the conquest of space. The doctrine of space law, far from being a humanist counter‑discourse to space projects, appeared to be an avatar of the techno‑scientific imaginary that supported and underpinned the conquest of space.

Outline

Text

Au surplus, la différence existant actuellement entre les modes de propulsion utilisés pour les aéronefs et les astronefs n’est peut‑être que provisoire. Il est possible que, demain, les mêmes engins soient utilisés dans l’espace quels que soient les buts et les moyens envisagés. L’X‑15 qui a établi le record de hauteur en avion n’est‑il pas un avion‑fusée et le Dynar‑Soap en construction n’est‑il pas conçu pour dépasser le plafond des cent kilomètres ?1

Le 8 juin 1959, le X‑15 réalise son premier vol et atteint une altitude de 81 kilomètres à la vitesse de 6 604 km/h2. Cet avion est l’aboutissement des recherches menées par l’armée étasunienne sur les vols supersoniques puis hypersoniques à partir des années 1940. Ce programme est initié plus précisément par le National Advisory Committee for Aeronautics (NACA) en 1954, rejoint par l’United States Air Force et la Navy. Le constructeur North American Aviation est désigné l’année suivante pour développer l’appareil. Le NACA ambitionne alors de réaliser le premier programme de vol piloté hypersonique3.

Fig. 1 : X‑15, Edwards Air Force Base en Californie, 1961

Fig. 1 : X‑15, Edwards Air Force Base en Californie, 1961

Domaine public aux États‑Unis, <https://commons.wikimedia.org/wiki/File:X-15_%282152241592%29.jpg>

L’écho médiatique et culturel du X‑15 dépasse largement le projet initial. Ses prouesses ont lieu alors que la conquête spatiale4 à proprement parler vient de commencer : le satellite Spoutnik a été mis en orbite moins de deux ans auparavant. D’ailleurs, le NACA disparaît au profit d’une nouvelle agence plus large : la National Aeronautics and Space Administration (NASA) en juillet 1958. C’est donc floqué entre autres du logo de l’agence spatiale américaine qu’il prend son envol.

Dans les discours des autorités, mais également dans la presse ou dans plusieurs productions cinématographiques et littéraires, le X‑15 n’est pas considéré comme un simple avion : il devient une des modalités futures de l’accès à l’espace. Il représente les prémisses de ces engins qui seraient capables d’évoluer tant sur l’air que dans le vide spatial. Programme militaire, le X‑15 est un avatar du « gouvernement du progrès5 » : dans son ambition modernisatrice, l’État étasunien lance de grands programmes technoscientifiques après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le X‑15 est également inscrit dans les logiques de la guerre froide, qualifiées par Dominique Pestre de technoscientifique et techno‑industrielle6 : les succès de l’appareil sont ceux du modèle nord‑américain contre l’ennemi soviétique. Ces démonstrations technologiques deviennent ainsi l’un des ressorts par lequel l’État impose sa modernité dans les imaginaires7.

En participant des promesses technoscientifiques8 sur le futur de la conquête spatiale, le X‑15 influence les réflexions doctrinales sur le droit international qui devrait accompagner l’Homme dans le cosmos. En effet, dans le domaine spatial, l’activité juridique anticipe les prouesses techniques : non seulement les premiers articles de doctrine consacrés au droit de l’espace ont plusieurs années d’avance sur les réalisations concrètes9, mais le droit lui‑même s’efforce d’encadrer en amont les futures activités spatiales. Ainsi, la première tentative d’encadrement international se déroule à l’Organisation des Nations Unies (ONU) en juillet 1957, soit trois mois avant le lancement de Spoutnik10, tandis que les résolutions onusiennes votées dans les années qui suivent par l’Assemblée générale des Nations Unies interdisent, entre autres choses, l’accaparement des corps célestes avant même que l’Homme ne les ait atteints11. Si les résolutions ne sont que des recommandations, le droit international de l’espace reprend largement ces résolutions : en 1966, le traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra‑atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes (dit « traité de l’espace »), est adopté. Il s’inspire de la résolution 1962 XVIII et anticipe l’installation de l’Homme sur la Lune12.

L’établissement d’un cadre juridique préalable apparaît nécessaire pour les juristes13 : il s’agit d’éviter une situation de vide juridique, dans laquelle règne la force et non le droit. Une anticipation juste et rationnelle du futur de la conquête spatiale apparaît alors fondamentale : il faut établir des règles de droit adaptées à l’exploration à venir. L’évolution des techniques doit être scrutée et anticipée afin que les principes juridiques établis ne se révèlent pas caduques. Pour les juristes tenant d’un encadrement a priori, approche qui apparaît majoritaire14, il faut éviter que des situations de fait établissent un droit coutumier15 à partir des seuls rapports de force, sans possibilité de le corriger par la pratique juridique. À l’heure des armes de destruction massive, ceux‑ci espèrent également conjurer les risques d’escalade militaire et d’apocalypse nucléaire qui pourraient survenir si les États se lançaient dans une course coloniale dans l’espace16.

Dès lors, le X‑15, perçu comme le prototype d’engins à la fois aéronef et astronef, interroge tout particulièrement les premiers principes établis dans la doctrine du droit de l’espace, fruit des réflexions de la communauté de juristes qui s’établit autour de ces questions nouvelles. L’étude de son impact sur la doctrine du droit de l’espace, autrement dit l’étude d’une promesse technoscientifique sur les anticipations produites par cette communauté, offre l’occasion d’approcher son imaginaire social17.

La foi dans l’avenir spatial de l’humanité repose sur la conviction que le progrès technique est inévitable. Selon Barton Beebe, qui s’appuie notamment sur les travaux de Walter A. McDougall18, les années 1950 et 1960 sont alors « l’âge de la science et de la technocratie19 ». En revanche, il analyse les débuts de la doctrine juridique spatiale comme une tentative de conserver « le prestige de la pratique juridique et l’utilité du savoir juridique20 » face aux pouvoirs acquis par les sphères scientifiques et techniques et comme une volonté de devenir « un antidote humaniste et contre‑culturel à la prolifération d’une technologie parfaite21 », parlant même d’une « crise Spoutnik du droit américain22 ». Citant le juriste Seymour Wurfel, B. Beebe poursuit le lien entre contreculture et droit de l’espace en associant les réflexions sur le sujet à la beat génération23.

Pourtant, les juristes n’emploient pas le terme d’humaniste ni ne se revendiquent d’une contre‑culture hostile à la science et la technique. Surtout, les anticipations sur le futur des appareils spatiaux pourraient témoigner au contraire de leur perméabilité à l’imaginaire technoscientifique24, ce que reconnaît en partie B. Beebe en soulignant la « tentation technocratique » qui a pu toucher certains auteurs25. Cet imaginaire, autrement qualifié d’« idéologie du progrès26 », repose sur l’impératif de modernisation : le progrès technique doit améliorer les conditions d’existence des sociétés humaines. Il repose sur une vision optimiste de la technique, dont la puissance croissante permettrait à l’Homme de se rendre maître de la nature27.

Or, cet imaginaire est un construit : « intermédiaires, […] analystes influents, […] porteurs d’intérêts et […] “organisations de promesses” (promissory organizations) […]28 », mais aussi les États29 sont les auteurs de cette idéologie du progrès. Ainsi, plutôt que d’associer les débuts de la doctrine du droit de l’espace à une contreculture humaniste30, cet article souhaite étudier la part de l’imaginaire technoscientifique dans la doctrine du droit de l’espace31, en s’appuyant sur la place qu’y occupent la promesse technoscientifique du X‑15 et les anticipations qu’elle suscite. Les textes des juristes dans les années 1950 et 1960, articles ou communications retranscrites, permettent d’étudier cet imaginaire à l’œuvre. L’étude des juristes en tant que groupe social entretenant des relations étroites avec le milieu astronautique, lequel alimente le marché des attentes de la conquête spatiale, et formé par plusieurs décennies de droit aérien, forment deux axes explicatifs à cette perméabilité, nécessaires à la compréhension de la réception du X‑15 dans la doctrine.

1. Cadres méthodologiques

Cette étude s’inscrit dans un travail de Thèse en cours dédié à l’étude de la communauté épistémique32 des juristes du droit de l’espace, depuis ses origines jusqu’à la fin des années 1960. La délimitation du corpus se fonde premièrement sur l’identification d’un corpus doctrinal du droit de l’espace à travers ouvrages, articles et communications. En partant notamment des revues de droit, il est possible de recenser les parutions et d’analyser la structuration intellectuelle de cette branche juridique en construction33, à l’échelle mondiale, ainsi que des espaces de discussion de la doctrine à travers les comptes rendus d’événements et les présentations et citations d’organisations.

À travers les carrières des juristes, plusieurs champs apparaissent offrant à la fois des espaces de production et d’expression de la doctrine, ainsi que des légitimations différenciées des paroles, influençant les sujets d’étude et les intérêts défendus. Le champ universitaire34 est l’un des plus importants puisqu’il reste le lieu principal de formation et d’expression, à travers les nombreuses revues et événements qu’il propose. Le champ diplomatique35 et celui des organisations internationales signalent la reconnaissance par les autorités des juristes qui y participent, et leur permettent de mettre en valeur un rôle dans l’élaboration du droit positif. L’astronautique36 apparait comme l’un des espaces privilégiés au début de la conquête spatiale, dans lequel se développe des réflexions sur des sujets rarement abordés ailleurs, alors que le champ militaire37, dans lequel évoluent plusieurs juristes, conduit ses membres à défendre les intérêts stratégiques nationaux. Le champ juridique regroupe les nombreuses organisations juridiques, qui fonctionnent comme autant d’espaces de sociabilité entre juristes de façon large (à l’image des associations dédiés à une branche du droit), voire spécifiquement entre professionnels (notamment les associations rattachées à un barreau). Les pratiques professionnelles en revanche peuvent diverger, de la pratique du droit devant les tribunaux, au conseil juridique ou encore aux postes de direction, sans que ces professions ne les empêchent de se retrouver dans les nombreuses organisations du champ juridique.

Bien loin d’être étanches, ces champs s’interpénètrent et de nombreux juristes participent ou jouent des rôles dans plusieurs d’entre eux, soit en même temps soit dans la durée, du fait/au gré d’une longue carrière38. Une communauté du droit de l’espace se dessine néanmoins par la création et l’existence de nombreux espaces de sociabilité spécifiques à cette nouvelle branche du droit, que ce soit des colloques, des séminaires, des journées d’études, tenus dans des universités, des sociétés savantes ou encore des associations d’astronautique, ouvrant à des relations professionnelles ou personnelles39. L’aspect communautaire est également un projet : celui de la création d’un Institut international de droit de l’espace, porté par la Fédération astronautique internationale (FAI)40, mais également d’établissements de formation à l’image de l’Institut de droit aérien et spatial de l’Université McGill, à Montréal, et des nombreux comités dédiés au sujet au sein d’une myriade d’organisations juridiques.

Identifier ainsi des champs distincts permet de souligner les modes de fonctionnements et sociabilités différents. Pour autant, un champ donné n’est pas statique et ses caractéristiques peuvent évoluer. Il en est ainsi notamment de l’astronautique. Résultant de l’initiative des promoteurs de la conquête spatiale dès la période de l’entre‑deux‑guerres41, ce champ est dominé par la Fédération astronautique internationale (FAI) à partir des années 1950. Or, celle‑ci entend devenir une organisation internationale intégrée au système onusien lors de la décennie suivante et elle milite pour l’obtention d’une place parmi les organisations reconnues par le Comité pour l’utilisation pacifique de l’espace extra‑atmosphérique : autrement dit, depuis le champ astronautique, la FAI espère intégrer le cercle des organisations internationales, ce qui aurait conféré à ses dirigeants un statut autre ayant pour conséquence de modifier les règles sociales à l’intérieur même du champ astronautique.

À ces champs se superposent des traditions juridiques nationales qui peuvent conduire à des oppositions doctrinales, selon les auteurs eux‑mêmes : le monde anglo‑saxon, fondé sur la common law, s’oppose ainsi à la tradition continentale européenne du droit romano‑germanique42. Pour autant, ces distinctions ne sont pas strictes.

2. Le X-15 contre les limites naturalistes

Le X‑15 est l’appareil de tous les records. Deux vols dépassent les 100 kilomètres d’altitude : le pilote Joseph A. Walker (1921‑1966) atteint plus de 105 kilomètres d’altitude le 19 juillet 1963, et frôle les 108 kilomètres un mois plus tard, le 22 août 43. Ses succès sont tels que le Département de la Défense étasunien récompense cinq pilotes militaires du titre d’astronautes, pour avoir dépassé une altitude de 80 kilomètres44.

Ces succès posent difficulté aux juristes qui ont précédemment opté pour une distinction entre l’espace aérien et l’espace extra‑atmosphérique. En effet, l’espace aérien relève en droit international de la souveraineté de l’État sous‑jacent selon la convention de Paris de 1919, puis la convention sur l’aviation civile internationale, dite « convention de Chicago », de 1944. Cette souveraineté est confirmée par le droit national, qui a même précédé les accords internationaux : le Royaume‑Uni ratifie l’Aerial Act en mai 1911, suivi par l’Autriche en février 191345, tandis que la France et l’Allemagne en convenaient en juillet 1913, suite à un échange de lettres entre l’ambassadeur de France à Berlin et le secrétaire d’État aux affaires étrangères46.

Or, l’extension de la souveraineté étatique dans l’espace apparaît comme impossible et non souhaitable par la majorité des juristes. Elle serait impossible car une telle extension de la souveraineté créerait des cônes de souveraineté absurdes puisque les corps célestes, en mouvement, y entreraient puis en sortiraient successivement et sans arrêt47. Elle serait impraticable en raison de l’incapacité des États à contrôler réellement l’étendue de leur territoire souverain48. Enfin, elle ne serait pas souhaitable car les juristes privilégient un régime de liberté dans l’espace. À l’image de la haute mer49, la position majoritaire défend l’absence d’appropriation étatique dans l’espace au profit d’un libre accès50.

Cependant, la distinction entre espace aérien et espace extra‑atmosphérique implique de déterminer où se trouve la frontière entre les deux domaines. Les propositions varient en fonction des argumentaires. Certains souhaitent s’appuyer sur des données scientifiques : Joseph Kroell et Ming‑Min Peng (1923‑2022)51, qui comptent parmi les premiers à écrire sur le sujet, proposent que la souveraineté étatique cesse avec la gravité terrestre52. Plus nombreux sont ceux limitant la souveraineté à l’atmosphère.

Néanmoins, les positions « naturalistes53 » font long feu car la science de l’époque n’offre pas de certitude sur l’étendue de l’atmosphère et les limites naturelles ne permettent pas de répondre aux enjeux politiques et stratégiques. La priorité des États reste d’assurer leur sécurité face à la menace posée par les satellites et les fusées, tout en préservant la possibilité d’une conquête spatiale qui recourt à des engins orbitant autour de la Terre et devant donc nécessairement survoler de nombreux États.

La limite proposée par Andrew G. Haley (1904‑1966) et Theodor von Kármán (1881‑1963) constitue la position la plus acceptée, en défendant une frontière entre 80 et 100 km d’altitude, soit à la limite entre la portance de l’air et l’altitude d’un satellite recourant à la force centrifuge54. L’argument est à la fois scientifique, puisqu’il s’appuie sur les données naturelles que sont la portance de l’air et l’altitude minimale pour l’évolution en orbite d’un satellite, et politique car elle revient à accepter de fixer la limite de façon conventionnelle et définitive.

Cependant, le X‑15 interroge sur la validité même d’une limite entre espace aérien et espace extra‑atmosphérique. La proposition Haley‑Kármán repose principalement sur une donnée technique : la distinction entre les aéronefs, engins reposant sur l’air, et les astronefs, engins se mouvant en orbite autour de la Terre, qui justifierait d’établir une limite entre deux espaces régis chacun par un droit distinct. L’astronef serait ainsi régi successivement par le droit aérien puis le droit spatial. Toutefois, le X‑15 étant perçu à la fois comme un aéronef et un astronef, la définition d’une limite par la technique de déplacement des engins devient caduque, ce que ne manquent pas de remarquer plusieurs juristes : René H. Mankiewicz (1905‑1993), conseiller juridique de l’Organisation de l’aviation civile internationale, s’interroge sur la pertinence de ces débats en 1962 :

La ligne de démarcation entre l’espace navigable et l’espace extra‑aéronautique ne présentera bientôt aucun intérêt fonctionnel puisque certains types d’aéronefs et d’engins spatiaux seront prochainement en mesure de passer de l’un à l’autre et d’y évoluer sous contrôle direct ou téléguidé55.

Sa position est partagée par de nombreux juristes, qui citent expressément le X‑15. Ainsi, Spencer Beresford, qui pratique le droit dans le champ privé56 mais est également membre des commissions et comités dédiés au droit de l’espace à l’American Rocket Society, à la FAI (organisations astronautiques), à l’American Bar Association et à la Federal Bar Association57 (organisations professionnelles), écrit en 1960 :

A number of flight devices have been conceived that would be difficult to classify as either aircraft or spacecraft. […] The prototype of such vehicles is the X‑15, which has already made a number of successful flights58.

L’un des premiers paradigmes du droit de l’espace, à savoir la distinction entre un espace aérien et un espace extra‑atmosphérique, est ainsi ébranlé par les perspectives offertes par le X‑15, c’est‑à‑dire par la naissance d’appareils faisant fi des limites atmosphériques. La présence de S. Beresford dans plusieurs des espaces de sociabilité du droit de l’espace peut laisser penser que les spéculations sur les futurs de la technique spatiale circulent aisément au sein de ces nombreux comités, dont se dotent aussi bien les organisations astronautiques que professionnelles liées au milieu juridique.

3. Un avion-fusée contre les positions fonctionnalistes

Les difficultés à déterminer une limite claire entre les deux espaces avaient déjà contribué à l’émergence de positions dites « fonctionnalistes » au sein de la doctrine du droit de l’espace59. Plutôt que de définir une altitude séparant les deux domaines, certains auteurs préconisent d’adapter le droit aux types d’appareils. Il convient alors de définir précisément ce qu’est un aéronef et ce qu’est un astronef, afin d’appliquer, au premier, le droit aérien et, au second, le droit de l’espace. Dès lors, une fusée, en tant qu’astronef, se verrait appliquer le droit de l’espace même en étant dans l’espace aérien, et un aéronef se verrait appliquer le droit aérien peu importe l’altitude à laquelle il évoluerait.

Parmi les partisans du fonctionnalisme, une position majoritaire se dégage pour définir les appareils en fonction de leur modalité de déplacement. Le Yougoslave Michel Smirnoff60 présente ainsi un projet sur les normes du droit de l’espace lors du 2nd Colloque sur le droit de l’espace de 1959 et propose :

Le cosmos commence là où cesse la possibilité de voler pour les avions à pistons et à hélices ainsi que pour les avions à réaction qui reçoivent le support dans l’atmosphère par les réactions de l’air61.

Cependant, le X‑15 mine également les positions fonctionnalistes en apparaissant, selon les mots de Franz B. Schick62, comme un appareil « aussi bien aéronef que véhicule spatial 63 ». Le vocabulaire l’entourant dans la presse est d’ailleurs éloquent : on parle d’avion‑fusée, soit très précisément un mélange entre deux engins que les juristes tentent de définir séparément. Or, « une nouvelle technologie existe [d’abord] parce qu’on la nomme64 ».

Des deux côtés de l’Atlantique tout comme en Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), l’avènement de ces appareils participe à l’horizon d’attente médiatique de la conquête spatiale. Cité par Le Monde65, le journal Moscou‑Soir évoque le “racketoplane” qui « serait aussi, selon l’opinion du journal soviétique, l’agent de liaison idéal entre la Terre et les Spoutniks et futures stations spatiales artificielles. » Dans le New York Times, le X‑15 est présenté comme un appareil spatial : un article du 16 octobre 195866 parle même d’un rocket ship [vaisseau fusée], et non plus seulement d’un rocket‑plane  [avion‑fusée].

L’association de l’engin à la conquête spatiale est également le résultat de la communication du gouvernement étasunien comme de la NASA. Dès 1956, son programme bénéficie d’une première Conférence on the Progress of the X15 Project [Conférence sur les progrès du Projet X‑15], à destination du secteur industriel et du grand public67. Le 15 octobre 1958, sa première démonstration est l’occasion pour la NASA, qui n’a alors que deux semaines d’existence et qui vient de remplacer la NACA, d’organiser une cérémonie importante. Les militaires se succèdent à la tribune, en présence des six futurs pilotes du X‑15 et de nombreux élus politiques dont le vice‑Président : Richard Nixon. Ce dernier exploite alors les succès de l’engin pour défendre l’ascendant de son pays dans la course à l’espace, déclarant qu’ils sont ainsi parvenus à “recaptured the U.S. lead in space” [« les États‑Unis ont regagné la première place dans l’espace »]68. Il s’agit alors pour le gouvernement étasunien de combattre l’ascendant pris par l’URSS à l’occasion de ses « premières » dans l’espace. Même les militaires cèdent à cette ambition : le Brigadier Général John C. Cooper (1887‑1967), s’il souligne d’abord la distance entre le X‑15 et l’imagination de la presse, considère cependant ce programme comme “the first major breakthrough in sustained piloted space flight” [« comme une percée majeure sur le chemin d’un vol spatial piloté de longue durée69 »]. La cérémonie est un succès, puisque la presse se fait largement l’écho de l’ambition spatiale attribuée au X‑1570.

Le Département d’État participe également à cette interprétation de l’appareil en contribuant à la réalisation d’un film de fiction sur le programme du X‑15, sorti en 1961 : X15. Réalisé par Richard D. Donner, il projette à l’écran des images réelles des tests de l’engin. L’affiche promotionnelle insiste sur son caractère spatial : elle vend un film actually filmed in space [« vraiment filmé dans l’espace »], devant le dessin d’un rocket ship that challenged outer space [« un vaisseau‑fusée qui a défié l’espace »] évoluant dans l’espace.

Fig. 2 : Affiche du film X‑15 de Richard D. Donner, 1961

Fig. 2 : Affiche du film X‑15 de Richard D. Donner, 1961

L’environnement du X‑15 est encore l’espace sur la couverture de la bande dessinée Les aventures de Buck Danny, d’abord publiées sous forme de feuilleton entre 1962 et 1964 dans le journal Spirou avant d’être regroupées dans le trente et unième album de la série en 1965.

Fig. 3 : Couverture du volume 31 des Aventures de Buck Danny, Dupuis, 1965, par Jean‑Michel Charlier et Victor Hubinon

Fig. 3 : Couverture du volume 31 des Aventures de Buck Danny, Dupuis, 1965, par Jean‑Michel Charlier et Victor Hubinon

Ses représentations médiatiques et culturelles en font donc bel et bien un engin spatial nouveau, naviguant aussi bien dans l’air que dans l’espace, et non pas seulement un aéronef ou un astronef71. Cette définition fragilise ainsi les positions fonctionnalistes – au grand dam d’A. Haley qui dénonce cette représentation tronquée qui en ferait un appareil annonçant le futur et ouvrant une nouvelle génération d’engins. Lors du 3e Colloque sur le droit de l’espace organisé dans le cadre de la Fédération astronautique internationale, il s’emporte :

Much to my annoyance, and the annoyance of those who have the slightest knowledge of the scientific facts, the foregoing unblemished sophistry and “scientific” nonsense has been repeated time after time and has even achieved the dignity of an illustrative reference parameter in many articles.72

Pour “scientific Haley, si le X‑15 est bien un engin spatial, il ne représente cependant pas un nouveau type d’appareil qui allierait aéronef et astronef : il s’agit simplement d’une fusée. L’ajout d’ailes n’en fait pas un avion et son moyen de propulsion le range bien dans la catégorie des fusées. Plus encore, le recours à l’air pendant les quelques secondes de passage dans l’espace aérien n’est pas un argument pour en faire un aéronef : dans le cas contraire, la seule utilisation d’un parachute lors du retour sur Terre d’un satellite en ferait également un véhicule hybride, ce que personne ne défend.

Cette intervention n’est pas anodine de la part d’A. Haley : contrairement à de nombreux juristes inscrits plutôt dans le champ universitaire, il est un homme à l’intersection des champs privé et astronautique. Il participe à la création de l’Aerojet Engineering Corporation en 1942, entreprise spécialisée dans le développement de fusées initiée par le physicien T. von Kármán, avant de s’investir pleinement dans l’American Rocket Society dans les années 195073 puis la Fédération astronautique internationale. Fort de cette expérience et de cette inscription dans un champ technique, A. Haley peut s’exprimer en expert sur la qualification du X‑15.

Pour autant, la présence continue d’interrogations sur le futur des appareils spatiaux atteste de la force des représentations entourant le X‑15. Après le décès d’A. Haley en 1966, aucun juriste ne se dresse plus contre ces représentations.

4. Les tentatives d’unification du droit aérien et du droit de l’espace

Quelques auteurs proposent de revenir sur la séparation entre espace aérien et espace extra‑atmosphérique, arguant que les futurs engins, préfigurés par le X‑15, appellent la création d’un droit unique pour les appareils volants. De nombreux autres programmes et projets alimentent d’ailleurs les attentes des juristes : parmi eux, les fusées postales74 navigueraient ainsi par l’espace afin de rejoindre deux points sur la planète. Elles sont ainsi évoquées par Bin Cheng (1921‑2019), Professeur de droit aérien britannique, en 1961 :

In the commercial sphere, even in 1949, the President of the Executive and liaison Commission of the Universal Postal union (UPU) said that the postal rocket was then “being secretly studied in various laboratories.” Ten years later, a postal rocket safely delivered, 100 miles from ship to shore, 3 000 letters bearing ordinary stamps franked with the imprint USS Barbero.75

Néanmoins, ce sont surtout des projets militaires proches du X‑15 qui suscitent les mêmes interrogations. Le Dyna‑Soar est certainement le programme le plus cité après le X‑15 : Cyril E.S. Horsford, alors directeur de l’Institut international de droit de l’espace (créé par la FAI), écrit ainsi :

Two important scientific achievements have also highlighted the legal problems involved. One is the success of the X‑15 rocket‑plane flights in the upper atmosphere, now up to 310.000 feet (58 miles), and the declared intention of the United States to evolve a craft capable of both airborne and orbital flight. This vehicle, the Dyna‑Soar, should be operational in 1965 […].76

Ces programmes conduisent ainsi J.C. Cooper à défendre la création d’un droit aérospatial.

As the Air Law and Space Law are now used, they represent nothing more than phases of the law directly and indirectly applicable to man‑made flight. To avoid existing and future confusion, both should be included in a single branch of the law. This might be termed Aerospace Law.77

Cooper est alors l’un des juristes les plus importants et probablement le plus cité par ses pairs au sein de cette branche juridique en construction. Il compte parmi les premiers à s’être exprimé sur le sujet après la Seconde Guerre mondiale, dans son article de 1951 : “High Altitude Flight and National Sovereignty78”. Il incarne ces juristes multipliant les positions : il participe activement à plusieurs négociations internationales. Il est ainsi nommé à la tête de la délégation étasunienne lors de la Conférence internationale sur le droit aérien privé (1933), avant de servir de conseiller juridique à la délégation se rendant à la conférence de Chicago en 1944, puis de conseiller auprès de commissions présidentielles. Il est également vice‑président de la Pan American World Airways de 1934 à 1945. Professeur de droit, il devient le premier directeur de l’Institut de droit aérien de l’Université McGill, qu’il contribue à fonder en 1951. Il est enfin un acteur central de la construction d’une communauté du droit de l’espace au sein de la Fédération astronautique internationale79.

Sa position sur le terme d’“aerospace” s’appuie largement sur celles défendues par l’US Air Force. Il la justifie notamment en citant le glossaire rédigé par le Research Studies Institute de la Maxwell Air Force Base80, ainsi que par la revue officielle de l’Air Force Association : Air Force and Space Digest, qualifié par ses éditeurs de “The Magazine of Aerospace Power81”.

En tant que juriste de premier plan, sa personne est associée à cette proposition : pour les professeurs d’université étasuniens Myres S. McDougal (1906‑1998) et Leon Lipson (1921‑2005), auteurs de l’un des ouvrages de référence sur le droit de l’espace, et relations de Cooper au sein de l’American Bar Association82, c’est bien le X‑15 qui est amené à alimenter les discussions sur la limite entre espace aérien et spatial.

Still later, a dilemma for the zonal theory was created by the announcement of the characteristics of an experimental American aircraft to be known as the X‑15, in which manned flight would be possible for the same vehicle, to and for, both in space that would have to be called airspace under any of Professor Cooper’s definitions and in space that would be called something else.83

Pour autant, d’autres défendent la même indistinction : Robert Homburg, avocat à la Cour d’appel de Paris et membre actif de la FAI, propose de faire du droit aérien un chapitre ou un titre du droit de l’espace, en se fondant sur le X‑15 et le Dyna‑Soar84.

Homburg est intéressé de longue date par les questions spatiales, puisqu’il participe à la Commission d’étude définissant les problèmes juridiques liés à l’astronautique, créée dès 1953 par le Comité juridique français de l’aviation85, avant de présider la commission de travail dédiée à l’astronautique créée au sein de la Société française de droit aérien en 195486.

John A. Johnson, conseiller juridique de la NASA, soutient lui‑aussi cette option, alimentant d’autant les débats depuis sa position privilégiée pour suivre les avancées techniques :

La ligne de démarcation entre l’espace navigable et l’espace extra‑aéronautique ne présentera bientôt aucun intérêt fonctionnel puisque certains types d’aéronefs et d’engins spatiaux seront prochainement en mesure de passer de l’un à l’autre et d’y évoluer sous contrôle direct ou téléguidé87.

Cooper tente de faire valoir ses vues au sein de l’American Institute of Aeronautics and Astronautics [Institut américain d’aéronautique et d’astronautique] : dans une lettre envoyée à A. Haley88, il propose de changer le nom du Space Law Committee [Comité de droit de l’espace] en Committee on Aerospace Law [Comité sur le droit aérospatial]. En vain.

La fusion des deux droits ne devient pas une position majoritaire : l’attachement à la liberté d’accès à l’espace pour des raisons stratégiques d’un côté, de l’autre l’impossibilité de fusionner espace aérien et espace spatial en un seul régime en raison du refus attendu des États de céder leur souveraineté sur le premier, conduisent à la conservation de la distinction.

En effet, la liberté d’accès à l’espace est un fondement des stratégies des puissances spatiales : sans elle, tout objet mis en orbite serait amené à braver la souveraineté des autres États. Or, il apparait fondamental de permettre le déploiement de satellites, notamment espions, et donc d’assurer que la liberté de l’espace soit reconnue. Raison pour laquelle la liberté d’accès est immédiatement reconnue dans les résolutions onusiennes89 puis dans le traité sur l’espace90, venant conforter un fait accompli lors du lancement de Spoutnik le 4 octobre 1957.

Revenir sur la distinction entre les domaine aérien et spatial est donc un combat perdu d’avance dans l’opinion majoritaire des juristes.

5. Un imaginaire influencé par le milieu astronautique

La sensibilité particulièrement forte des juristes aux promesses du progrès technique pourrait trouver son origine dans les liens noués avec les milieux astronautiques. Dès le début des années 1950, en effet, la doctrine du droit de l’espace se développe tout particulièrement au sein de la Fédération astronautique internationale (FAI) : Alex Meyer (1879‑1978), Professeur de droit aérien et refondateur de l’Institut de droit aérien de Cologne en 195191, y donne la première conférence sur le droit de l’espace en 1952, suivi par Aldo Armand Cocca (1924‑2020), Professeur de droit aérien argentin, en 1954, lequel est rejoint en 1956 par A. Haley et Eugène Pépin (1887‑1988), alors directeur de l’Institut de droit aérien et spatial de l’Université McGill92.

Après le lancement de Spoutnik le 4 octobre 1957, la FAI crée un comité entièrement dédié au droit : le Cooper Committee [Comité Cooper]. En 1960, un International Institute of Space Law [Institut international de droit de l’espace] est adjoint à la fédération93. Qui plus est, des colloques sur le droit de l’espace sont organisés chaque année à partir de 1958 à l’occasion du Congrès international d’astronautique de la FAI. Les juristes membres de la FAI défendent cette concomitance qui permet à leur communauté de nouer des relations avec le milieu astronautique au sens large.

Cette sociabilité se développe également en dehors des sociétés d’astronautique : dès 1952, Oscar Schachter (1915‑2003), juriste étasunien et conseiller juridique à l’ONU, publie l’un des premiers articles sur le droit de l’espace94 dans un dossier du magazine Collier’s, aux côtés de Werhner Von Braun (1912‑1977) et Willy Ley (1906‑1969)95. Les promoteurs de l’astronautique ont également pu chercher à influencer directement les milieux juridiques : Alexandre Ananoff (1910‑1992), ardent défenseur des voyages interplanétaires en France, publie un premier article dans la Revue générale de droit aérien en 194696. En février 1953, il est admis au sein du Comité juridique français de l’aviation comme « spécialiste des questions astronautiques »97. Quelques mois plus tard, une « commission d’étude définissant les problèmes juridiques liés à l’astronautique » est créée98. Depuis le champ astronautique où s’opère la genèse de la communauté du droit de l’espace, ces premiers juristes intéressés par les enjeux spatiaux parviennent ensuite à développer de nouveaux espaces de discussion et de réflexion au sein des champs qu’ils fréquentent, tout particulièrement les champs universitaires, professionnel et les organisations internationales.

Or, le champ astronautique est animé par une communauté acquise à la cause du progrès technique qui défend la mise en œuvre de programmes technologiques novateurs. Les événements qu’elle organise dans le cadre de la FAI sont donc l’occasion d’assister à des conférences proposées par des scientifiques et des ingénieurs, mais également de participer aux mondanités propices aux discussions et aux amitiés99, dans un milieu marqué par le même attachement à la conquête spatiale et ses promesses. On peut supposer que la fréquentation d’un tel milieu, jouant le rôle des intermédiaires et « organisations de promesses » orchestrant « le marché des attentes et des visions techniques100 », a pu rendre les juristes particulièrement perméables aux promesses technoscientifiques – comme celles du X‑15 – dont les promoteurs de l’astronautique sont des acteurs par excellence101.

Les juristes développent ainsi des réseaux de contacts leur permettant de se renseigner directement auprès du secteur spatial, ce dont témoignent plusieurs lettres de J.C. Cooper consacrées au X‑15. Il contacte par exemple Philip B. Yeager102, du Committee on Science and Astronautics [Comité sur la science et l’astronautique] de la Chambre des Représentants des États‑Unis, à propos de l’appareil, mais ne reçoit pas de réponse claire. P.B. Yeager confesse même ses propres difficultés à classer ces engins. En septembre 1965, J.C. Cooper contacte également le directeur du NASA Flight Research Center, Paul Bikle (1916‑1991, afin d’obtenir des renseignements sur l’engin et sa capacité à voler en dehors de l’air103. Mais comme le note Yeager dès 1961, les autorités participent à la confusion : l’US Air Force elle‑même entretient le flou sur le X‑15 en recourant au terme d’aérospatial afin, selon lui, d’éviter la création d’un corps militaire spatial.

En somme, le développement du droit de l’espace au sein du champ astronautique contribue à rendre les juristes non seulement sensibles à l’imaginaire technoscientifique dans sa version astronautique, mais leur a permis de tisser des relations proches avec de nombreux acteurs du secteur, assurant ainsi leur perméabilité aux promesses de la conquête spatiale.

6. L’aéronautique : modèle du progrès technique astronautique

L’aéronautique occupe d’ailleurs une place prépondérante dans cet imaginaire technoscientifique, participant à la facilité avec laquelle les juristes considèrent le X‑15 comme le futur de la conquête spatiale. En effet, la naissance un demi‑siècle plus tôt des avions, devenus en quelques décennies un moyen de locomotion pleinement intégré au transport mondial, offre le modèle du progrès technique que devrait vraisemblablement suivre le spatial. M.‑M. Peng l’exprime clairement dès 1952 :

Tout laisse à penser que, dans l’état actuel des rapports internationaux, le développement des vols à haute altitude suivra la même voie que l’aéronef conventionnel au commencement de ce siècle : expérience scientifique d’abord, instrument de guerre ensuite, et, enfin, moyen perfectionné de commerce international, c’est‑à‑dire de transport cosmique surpassant toutes les hauteurs connues et déployant une vitesse supersonique104.

L’importance de cette comparaison peut d’abord tenir dans la formation disciplinaire des premiers juristes du droit de l’espace : beaucoup sont formés au droit aérien, certains l’enseignent, d’autres ont même pu contribuer à son élaboration en participant à des négociations internationales ou en travaillant dans le secteur aéronautique. Ainsi, les deux premiers directeurs de l’Institut de droit aérien de l’Université McGill, qui adjoint le droit de l’espace à son nom en 1957 et devient le premier Institut universitaire de droit de l’espace au monde105, sont parmi les juristes les plus cités et les plus engagés dans la construction d’une communauté juridique spatiale. J.C. Cooper a été vice‑président de la Pan‑American Airways entre 1934 et 1945 et a participé à plusieurs délégations diplomatiques pour les États‑Unis, notamment lors des négociations concernant la convention de Chicago106. E. Pépin quant à lui participe au travail de la Commission aéronautique en vue de préparer la conférence de Paris sur la navigation aérienne, en 1919, et il est le premier directeur du bureau des affaires juridiques et des relations extérieures de l’Organisation de l’aviation civile internationale de 1947 à 1953107.

Dans la plupart des organisations juridiques, les discussions sur la conquête spatiale sont d’abord intégrées dans les comités sur le droit aérien, tandis que de nombreux juristes s’initient au droit de l’espace par l’intermédiaire de sociétés de droit aérien : ainsi, la Revue française de droit aérien et la Revue générale de l’air publient les premiers articles français sur le sujet, tandis qu’un premier groupe de juristes est réuni pour travailler sur l’astronautique au sein du Comité juridique français de l’aviation108.

La perméabilité à l’imaginaire technoscientifique a pu être renforcée par un effet de générations. Auteurs parmi les plus cités et agents centraux de la construction d’espace de réflexion du droit de l’espace, J.C. Cooper, A. Haley, E. Pépin, AMeyer sont nés en même temps que l’aéronautique, voire alors qu’elle n’était qu’un rêve avant l’envol des frères Wright en 1903. Or, tous ont décidé de consacrer leurs travaux au droit aérien, c’est‑à‑dire à un droit créé pour encadrer un secteur symbolique de l’âge des machines et de l’imaginaire du progrès technique109 : A. Meyer publie une Thèse sur le sujet dès 1908. Ce dernier reçoit également un brevet de pilote de montgolfière et participe à la création de l’Association des pilotes allemands110.

On observe ainsi un certain attrait pour la science et la technique de la part de ces juristes, qui créent dans les années 1950 les premiers instituts universitaires consacrés au droit de l’espace : J.C. Cooper créée et préside l’Institut international de droit aérien de l’Université McGill entre 1951 et 1955111, que préside à sa suite E. Pépin de 1955 à 1959112, A. Meyer lance l’Institut für Luftrecht [Institut de droit aérien] à l’Université de Cologne en 1951113, qui devient l’Institut für Luftrecht und Weltraumrechtsfragen [Institut de droit aérien et de droit spatial] en 1959114, et A. Haley est à l’initiative du Cooper Committee et de l’International Institute of Space Law115.

Le lien tant disciplinaire qu’académique, voire personnel, de plusieurs des auteurs centraux de la doctrine des années 1950 et 1960 avec l’aéronautique, et ce depuis ses origines, participe à l’adhésion des juristes à l’imaginaire du progrès technique, sur lequel se repose l’astronautique. L’évolution de l’aviation, d’une activité de loisir vers un moyen de transport mondialisé en seulement quelques décennies, a pu constituer un modèle sur lequel calquer les prédictions concernant l’évolution de la conquête spatiale : le X‑15 trouve alors facilement sa place dans une histoire téléologique de la technique à laquelle adhèrent largement les juristes du droit de l’espace.

7. La régulation de la modernité technoscientifique

Les croyances et espoirs des juristes dans le progrès technique surpassent les perspectives immédiates offertes par le X‑15 : les articles de droit mentionnent de nombreux autres projets techniques.

Différents moyens de propulsion sont évoqués : la propulsion atomique116 attire le plus d’attention, mais d’autres abordent des moteurs‑fusées à ions et à photons ou des voiles solaires117. Des projets plus impressionnants sont également présents, tels ces paquebots aériens transocéaniques présentés par M.‑M. Peng :

Récemment, dans une conférence de l’aviation des États‑Unis portant sur la physique et la médecine de la stratosphère, une prédiction a été faite par un savant, suivant laquelle les projectiles télécommandés américains deviendront un jour des paquebots aériens transocéaniques […] Ce navire cosmique prendra sa course ascensionnelle à l’aide de fusées et atteindra une altitude de 20 milles. Alors il obliquera vers un continent distant, et se laissera glisser dans l’espace, sans l’aide d’un moteur de propulsion, à des vitesses supersoniques.118

Ce transport intercontinental à l’aide de fusées occupe une place importante parmi les anticipations techniques, puisqu’on le retrouve encore sous la plume d’A. Haley119, E. Pépin120, R. Homburg121 et d’autres.

Pour les juristes, le progrès technique apparait ainsi inévitable et l’avenir de l’humanité réside dans l’espace. Un point que B. Beebe rappelle à juste titre, en présentant, dans le sillage de W. McDougall122, les années 1950 et 1960 comme « l’âge de la science et de la technocratie123 ». En revanche, il analyse les débuts de la doctrine juridique spatiale comme une tentative de « conserver le prestige de la pratique juridique et l’utilité du savoir juridique124 » face aux pouvoirs acquis par les sphères scientifiques et techniques et comme une volonté de devenir « un antidote humaniste et contre‑culturel à la prolifération d’une technologie parfaite125 », parlant même d’une « crise Spoutnik du droit américain126 ».

La position adoptée par les juristes semble pourtant marquée par l’imaginaire technoscientifique127 et être peu hostile aux développements techniques. Au contraire, ce progrès technique est même naturalisé dans les articles de droit de l’espace : cette marche est inarrêtable et souhaitable car elle permettra de voyager dans l’espace. La notion d’âge spatial [space age] fait partie des poncifs souvent utilisés comme introduction : l’humanité aurait franchi une nouvelle étape dans son développement, suscitant l’émerveillement devant le progrès technique. L’introduction de Stephen Gorove (1918‑2001), universitaire étasunien d’origine hongroise128, à son article de 1958 incarne bien cette fascination prométhéenne pour la science et la technique :

Cette victoire éclatante de la science sur les forces incommensurables de la nature a amené les hommes au seuil même de l’espace sidéral, au bord « des profondeurs sans fonds de l’infini ».129

Dès lors, l’horizon d’attente de ces auteurs est entièrement orienté vers la conquête spatiale, dont les promesses se réaliseront bientôt : le X‑15 comme prototype de futurs vaisseaux spatiaux côtoient les stations spatiales imaginées par W. Von Braun et bases lunaires ou martiennes130.

Plusieurs auteurs montrent leur foi dans le progrès technique en dressant un parallèle entre l’évolution d’anciens moyens de locomotion et le futur de la conquête spatiale. De la même façon que l’humanité a su fabriquer des appareils toujours plus puissants, elle parviendra à développer les technologies nécessaires à son déploiement dans l’espace. Le X‑15 s’inscrit alors dans une téléologie technique, dirigée vers le déploiement de techniques toujours plus puissantes, devant aboutir à l’avènement d’engins aérospatiaux. M. Smirnoff écrit ainsi :

Nous sommes à peu près sûrs que le chemin de ce compromis sera long, mais les avions actuels vont céder bientôt la place aux fusées et vaisseaux cosmiques comme les diligences d’autrefois ont cédé la place aux automobiles131.

Il apparaît difficile de considérer que les juristes auraient voulu porter une contre‑culture humaniste face au développement technique. Quelques auteurs s’inquiètent certes des dangers posés par la technique, mais il s’agit d’une peur des armes de destruction massive et des futures armes encore inconnues de l’humanité telle la modification du climat132. Ces peurs ne concernent pas, en revanche, la technique en elle‑même : on ne trouve aucun discours de rejet du système technoscientifique ni d’appel à arrêter la conquête spatiale dans ces articles, même les plus politiques.

Les craintes exprimées par les juristes sont en réalité tournées vers le comportement des États : la conquête spatiale offrirait des territoires à conquérir pour les gouvernements, dont le comportement habituel est la prédation en dehors de tout cadre juridique. Plusieurs auteurs appellent ainsi à réglementer au plus vite les activités spatiales pour contrer tout risque d’escalade. E. Pépin le préconise en 1959 :

Cette compétition, même limitée à des recherches scientifiques, peut cependant donner lieu à des incidents politico‑diplomatiques, dont les conséquences peuvent être graves. Il semble donc difficile de prétendre qu’il est aujourd’hui prématuré d’examiner les problèmes juridiques concernant l’exploration de l’espace.133

La capacité technique de créer des armes de destruction massive n’est pas remise en cause ; c’est le danger posé par des États qui en possèdent qui l’est. Les juristes participent donc à la neutralisation de la technique, qui ne serait ni bonne ni mauvaise mais dépendante de son utilisation, comme le souligne Paul de la Pradelle (1902‑1993), Professeur de droit en France, en 1962 :

Reconnaissante à la science, l’opinion admire l’accélération du progrès technique et elle a raison. Cependant elle admire avec crainte et elle n’a pas tort. Elle sait que la fusée spatiale peut cesser d’être l’instrument de sondage du temps capable de prévenir les peuples de la terre de l’imminence d’une agression de la nature, en décelant la formation éloignée des tourbillons et des ouragans pour devenir, sa capsule armée en guerre, et munie d’une charge thermo-nucléaire, l’instrument d’une force de frappe ou de représailles que les textes qualifient aussi d’arme de destruction massive.134

Cette volonté de réglementation juridique s’explique bien mieux par la persistance de l’idée d’un internationalisme légaliste, positionnement politicojuridique déjà ancien parmi la communauté des juristes135, que par l’hypothèse d’une opposition entre le droit et la science. L’internationalisme légaliste défend en effet l’instauration d’un ordre légal international supérieur aux États, afin d’assurer la paix.

Dès lors, la communauté juridique du droit de l’espace, imprégnée d’un imaginaire technoscientifique caractéristique de son époque, n’est pas à placer du côté d’une contreculture au discours de la modernité : elle y participe pleinement en faisant sienne le discours du progrès technique. La confiance accordée dans les perspectives ouvertes par le X15 se rapporte ainsi à cet imaginaire technoscientifique. La volonté d’encadrer l’exploration spatiale participe donc plutôt de l’ambition de l’internationalisme légaliste.

Conclusion : Une réception à l’aune de l’imaginaire technoscientifique constitutif du droit de l’espace

Avion, fusée, avion‑fusée ou vaisseau‑fusée, le X‑15 a suscité de nombreuses spéculations et anticipations sur l’avenir de la conquête spatiale, bien au‑delà des réalités d’un programme de vol hypersonique et d’expériences sur le vol spatial habité. La doctrine du droit de l’espace des années 1950 et 1960, élaborée par une communauté de juristes, n’a pas été épargnée par l’imaginaire qui s’est dégagé de cet appareil, imaginaire alimenté aussi bien par l’État et l’armée étasuniens, le milieu astronautique, ou l’industrie médiatique et culturelle.

La place du X‑15 dans ces réflexions juridiques est difficilement compréhensible si l’on interprète cette première doctrine comme une tentative d’imposer une contre‑culture juridique et humaniste contre le pouvoir de la science et de la technocratie. La perméabilité de la communauté juridique aux promesses du progrès technique dans l’astronautique témoigne plutôt de l’hégémonie de l’imaginaire technoscientifique dans le droit de l’espace. Les articles usent d’une rhétorique qui en est imprégnée : nulle critique de la technique n’apparaît ; au contraire le progrès technique est naturalisé. À l’instar de l’aéronautique, les astronefs devaient connaître rapidement une amélioration spectaculaire.

L’étude des trajectoires académique et professionnelle, ainsi que des sociabilités des juristes permet de mieux comprendre cette perméabilité : les premières réflexions sur le droit de l’espace prennent rapidement place au sein de la communauté astronautique dès le début des années 1950. Les premiers juristes concernés par ces questions fondent leur légitimité tant sur la primauté de leurs réflexions que sur le rôle central qu’ils occupent dans l’organisation d’une communauté, dont le premier noyau est la Fédération astronautique internationale. Ce sont les mêmes que l’on retrouve dans les différents champs qu’ils fréquentent, notamment universitaires et professionnels, où ils participent à la création de nouveaux espaces de réflexions et deviennent à leur tour des intermédiaires entre milieu astronautique et juridique. Ils participent alors à l’hégémonie de l’imaginaire technoscientifique.

Ces raisons expliquent pourquoi le X‑15 a été intégré si facilement aux réflexions juridiques non pas tant pour ce qu’il était, mais avant tout comme le prototype des engins promis par l’imaginaire technoscientifique et astronautique, toile de fonds des démonstrations orchestrées par l’armée et le gouvernement étasuniens afin d’asseoir leur place dans la modernité. Ce faisant, il interrogeait déjà l’association faite entre la fusée et l’espace : une association alors jeune, intégrée aux premiers principes de la doctrine du droit de l’espace, et fragilisée par les promesses technoscientifiques d’une époque dominée par l’idéologie du progrès.

Notes

1 Homburg Robert, « Introduction au Droit de l’espace », Revue générale de l’air, 1960, p. 190. Return to text

2 Jenkins Dennis R., X-15: Extending the Frontiers of Flight, Nasa, Washington DC, 2007, p. 603. Return to text

3 Ibid. supra, p. 22‑26. Return to text

4 Nous privilégions l’emploi du terme de « conquête spatiale » pour rendre compte des usages majoritaires des acteurs sociaux de notre étude. Return to text

5 Pestre Dominique, « Conclusion. Le gouvernement du progrès et de ses dégâts. Un essai de lecture globale », in, Le gouvernement des technosciences, Paris, La Découverte, 2014, p. 291. Return to text

6 Ibid. supra, p. 285‑286. Return to text

7 Jasanoff Sheila et Kim Sang‑Hyun (eds), Dreamscapes of Modernity: Sociotechnical Imaginaries and the Fabrication of Power, Chicago/Londres, The University of Chicago Press, 2015, p. 10. Return to text

8 Joly Pierre‑Benoît, “On the economics of techno‑scientific promises”, in Akrich Madeleine et al. (dir.), Débordements : mélanges offerts à Michel Callon, Paris, Presses des Mines, « Sciences sociales », 2013 [2010], p. 203‑221, <https://books.openedition.org/pressesmines/747?lang=fr>. Return to text

9 Sans compter les rares articles d’avant‑guerre, plusieurs articles et conférences sur le droit de l’espace sont donnés dès le début des années 1950. Voir Hobe Stephan (ed.), Pioneers of Space Law, Leiden/Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2013. Return to text

10 Au sein de la Commission sur le désarmement, les États‑Unis, le Canada, la France et le Royaume‑Uni proposent la création d’un comité technique afin d’étudier l’établissement d’un système d’inspection relatif aux objets lancés dans l’espace supra‑atmosphérique. Return to text

11 Dès 1961, la résolution 1721 XVI décrète que l’espace extra‑atmosphérique et les corps célestes « ne sont pas susceptibles d’appropriation nationale. » Elle est rappelée en préambule de la résolution 1802 XVII (1962), tandis que cette disposition est reprise dans la résolution 1962 XVIII (1963) à l’article 3 : « L’espace extra‑atmosphérique et les corps célestes ne peuvent faire l’objet d’appropriation nationale par proclamation de souveraineté, ni par voie d’utilisation ou d’occupation ni par tout autre moyen ». Return to text

12 Ce droit international de l’espace est ensuite complété par un accord et deux conventions en 1968 : 1972 et 1975. Le dernier accord, celui sur la Lune de 1979, est un échec suite aux refus des puissances spatiales de le ratifier. Return to text

13 Les « juristes » désignent ici l’ensemble des individus faisant profession du droit, qu’ils soient théoriciens ou praticiens, professeurs ou avocats, juges, conseillers juridiques, et qu’ils agissent à une échelle internationale comme nationale ou locale. Return to text

14 Ces juristes sont principalement formés sur le continent européen et s’opposent à la pratique de la common law anglo‑saxonne qui privilégie un encadrement a posteriori devant les tribunaux. Voir Pépin Eugène, « Les problèmes juridiques de l’espace », Revue française de droit aérien, nº 4, oct.‑déc. 1959, p. 309‑310. Return to text

15 Le droit international coutumier est constitué de règles qui découlent d’une « pratique générale, acceptée comme étant le droit », et qui existe indépendamment du droit conventionnel. Voir l’art. 38 du Statut de la Cour international de justice. Return to text

16 Un grand nombre d’articles juridiques insistent sur la nécessité d’instaurer la paix par le droit, sous peine de connaître des situations de tensions voire de guerre. John Cobb Cooper, l’un des juristes du droit de l’espace les plus cités, écrit : « La paix mondiale et le bien‑être de l’humanité exigent que les règles du droit soient applicables avec certitude à l’espace extra‑atmosphérique. », in « Questions fondamentales du droit interspatial », Revue française de droit aérien, nº 15, 1961, p. 219. Return to text

17 Laborie Pierre, « De l’opinion publique à l’imaginaire social », Vingtième siècle, revue d’histoire, no 18, juin 1988, p. 101‑117, <https://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1988_num_18_1_4857>. Return to text

18 McDougall Walter A., The Heavens and the Earth: a Political History of the Space Age, New York, Basic Books, 1985, cité notamment par Beebe Barton, “Law’s Empire and the Final Frontier: Legalizing the future in the early Corpus Juris Spatialis”, The Yale Law Journal, vol. 108, nº 7, May 1999, p. 1747 : “As Webb’s exotic rhetoric suggests, and as Walter McDougall has persuasively argued, NASA helped to convert American politics over to the ‘technocratic temptation’. Return to text

19 […] this Note interprets early space law as a means by which the legal profession south to assert its continued vitality in an age of science and technocracy”, art. cit. supra, p. 1741. Return to text

20 Part ii shows how the overriding positivism and technological spectaculars of the Space Age were perceived to threaten the prestige of legal practice and the utility of legal knowledge.”, ibid. supra. Return to text

21 Space law set in its place an image of the future in which law would function as the countercultural, humanist antidote to the proliferation of perfect technology”, ibid., p. 1742. Return to text

22 Given the degree to which the Sputnik Crisis peameated American life, it may not surprise that the American legal profesion experienced its own Sputnik crisis”, ibid., p. 1748. Return to text

23 “[…] as one commentator put it, ‘devoting thought to developing space law is just a ‘beatnik’ manifestation of being ‘far gone’ and ‘way out’”, ibid., p. 1766. Return to text

24 Nous nous inspirons de la démarche d’histoire sociale des techniques entreprise par Jarrige François qui, tout en soulignant l’absence de consensus sur la notion de technoscience, la définit comme « ensemble façonné par les logiques entrepreneuriales et mobilisant des savoirs et des moyens gigantesques », in, Technocritiques : du refus des machines à la contestation des technosciences, Paris, la Découverte, « Poche, Sciences humaines et sociales, 443 », 2016 [2014]. Notre analyse repose particulièrement sur l’acception de technoscience défendu par Hottois Gilbert : « la notion “de technoscience” décrit les sciences et les techniques comme étant de moins en moins imperméables à tous les autres aspects, non scientifiques, non mathématiques, de l’activité symbolique et humaine en général (idéologique, économique, politique, esthétique, éthique, fantasmatique, imaginaire [nous soulignons], etc.). », in Hottois Gilbert, « La technoscience met‑elle en danger la diversité culturelle ? », Journal international de bioéthique, 2009, vol. 20, no 1‑2, p. 20, <https://doi.org/10.3917/jib.201.0017>. Nous nous inscrivons également dans les travaux entrepris par George Marcus, qui a développé la notion « d’imaginaires technoscientifiques », et ses prolongements menés notamment par Sheila Jasanoff et Sang‑hyun Kim. Voir Jasanoff Sheila et Kim Sang‑hyun, Dreamscapes of Modernity…¸ op. cit., p. 10‑11. Nous privilégions cependant le terme de technoscientifique en raison de sa place dans la littérature, plutôt que le terme “sociotechnical” [« sociotechnique »] proposé par S. Jasanoff et S.‑h. Kim. Ibid., p. 19‑24. Return to text

25 […] the codifiers were not entirely free from the technocratic temptation”, in Barton Beebe, “Law’s Empire and the Final Frontier”, art. cit., p. 1767. Return to text

26 Compagnon Daniel et Saint‑Martin Arnaud, « La technique : promesse, mirage et fatalité », Socio. La nouvelle revue des sciences sociales, no 12‑(La technique y pourvoira !), 2019, p. 7, <https://doi.org/10.4000/socio.4401>. Return to text

27 Chapitre 9 : « Comment peut‑on contester la modernisation ? », in Jarrige François, Technocritiques…, op. cit. Return to text

28 Compagnon Daniel et Saint‑Martin Arnaud, « La technique », art. cit., p. 12. Return to text

29 Pestre Dominique, « Conclusion. Le gouvernement… », art. cit. Return to text

30 Analyse qui semble s’inspirer de l’hypothèse de Charles P. Snow sur l’existence de deux cultures : la science d’un côté, les humanités de l’autre, et qui a été invalidée par David Edgerton, “C.P. Snow as Anti‑Historian of British Science: Revisiting the Technocratic Moment, 1959‑1964”, History of Science, 1er juin 2005, vol. 43, no 2, p. 187‑208, <https://doi.org/10.1177/007327530504300205> ; sur les liens entre la science, la technique et la contre‑culture, voir Kaiser David , How the Hippies saved Physics: Science, Counterculture, and the Quantum Revival, Reprint ed., New York/London, W.W. Norton & Co., 2012 [2011]. Return to text

31 Nous n’étendrons pas la problématique de la place de l’imaginaire technoscientifique dans le droit de l’espace tel qu’il est élaboré à l’ONU car les sources ne sont pas les mêmes : il faudrait alors étudier à la fois les discussions qui y sont tenues entre délégations nationales, ainsi que l’élaboration des positions de chaque pays, afin d’examiner la place des anticipations et de l’imaginaire dans ces élaborations. Ce serait un autre travail de recherche, qui n’est pas directement le nôtre. Return to text

32 Haas Peter M., “Introduction: Epistemic Communities and International Policy Coordination”, International Organization, vol. 46, no 1, 1992, p. 1‑35 ; Davis Cross Mai’a K., “Rethinking epistemic communities twenty years later”, Review of International Studies, vol. 39, no 1, January 2013, p. 137‑160. Return to text

33 Une analyse bibliométrique permettrait d’établir une certaine hiérarchie de l’importance des auteurs. Elle n’est cependant pas encore achevée à ce jour, mais les données déjà recueillies permettent de l’esquisser. Sans prétention à l’exhaustivité, ce travail s’efforce cependant de s’inscrire dans une perspective globale et non‑centrée exclusivement sur l’Occident. Return to text

34 À savoir des fonctions d’enseignement ou de direction (qui récompensent une carrière universitaire) dans des universités ou des instituts. Return to text

35 À savoir la présence dans une délégation diplomatique, chargée de négocier traités et accord au niveau international, au service d’un État. Return to text

36 Par le terme d’astronautique, nous souhaitons désigner un espace associatif – qui n’est pas la création d’autorités officielles ni le résultat d’un programme public – qui œuvre à la promotion d’une exploration spatiale encore spéculative, et les distinguer des agences nationales, des laboratoires (publics, privés, civils ou militaires) et des industriels – le secteur spatial actif – qui mènent des programmes spatiaux publics comme privés ; ce qui n’empêche nullement les rencontres et circulation entre monde astronautique et secteur spatial actif. Return to text

37 À savoir l’enseignement dans des lieux de formation militaire. Return to text

38 Une étude prosopographique complète sera réalisée dans le cadre de ma Thèse. Return to text

39 Ce dont peuvent témoigner les riches correspondances étudiées aux archives du Smithsonian National Air and Space Museum, Washington, fonds Andrew G. Haley et aux fonds John Cobb Cooper, archives de l’Université McGill à Montréal. Return to text

40 Voir ci‑dessous : « 5. Un imaginaire influencé par le milieu astronautique ». Return to text

41 Winter Frank H., Prelude to the Space Age: The Rocket Societies, 1924‑1940, Washington City, Smithsonian Institution Press/Published for National Air and Space Museum, Smithsonian Institution, 1983. Return to text

42 Autrement présenté, la logique anglo‑saxonne privilégie un droit a posteriori d’une situation, tandis que la logique romano‑germanique privilégie un droit a priori. Voir la leçon inaugurale d’Eugène Pépin au cours sur le droit de l’espace, donnée à l’Institut du droit aérien et spatial de l’Université McGill, le 20 avril 1959, retranscrite in Pépin Eugène, « Les problèmes juridiques de l’espace », art. cit., p. 309. Return to text

43 Jenkins Dennis R. et Dana William H., X‑15…, op. cit., p. 605. Return to text

44  Evans Michelle et Engle Joe H., The X‑15 Rocket Plane: Flying the First Wings into Space, 1st ed., Lincoln/London, University of Nebraska Press, 2013. Les trois pilotes civils qui ont dépassé les 80 km à bord d’un X‑15 d’altitude n’ont reçu leurs ailes d’astronaute qu’en 2005, ibid., p. 422‑423. Return to text

45 Vaillot Benoît, « Nationaliser le ciel. L’invention de la souveraineté aérienne entre France et Allemagne au début du 20e siècle », 20  & 21. Revue d’histoire, 2021, vol. 152, no 4, 2021, p. 120‑123, <https://doi.org/10.3917/vin.152.0107>. Return to text

46 Ibid. supra, p. 122. Return to text

47 Par exemple : Jenks Wilfred C., “International Law and Activities in Space”, International and Comparative Law Quarterly, vol. 5, n° 1, 1956, p. 103‑114, <http://www.jstor.org/stable/755301> ; Keating Kenneth B., “The Law and the Conquest of Space”, Journal of Air Law and Commerce, vol. 25, n° 2, 1958, p. 189. Return to text

48 Cf. la Thèse d’Henri prince de Hanovre, Droit aérien et Espace, 1953 cité in Andrew G. Haley, « Droit de l’espace et “métadroit” (limites de juridiction) », Revue générale de l’air, 1957, p. 177‑178. Return to text

49 Si le régime de la haute mer est celui de la liberté depuis des siècles, il ne dispose d’un texte de droit international que tardivement : la convention sur la haute mer date de 1958 et n’entre en vigueur qu’en 1962. La convention des Nations sur le droit de la mer, dite convention de Montego Bay, la complète en 1982. Return to text

50 C’est ce dont témoignent les résolutions et textes portés par différentes organisations juridiques, notamment la Magna Carta of Space votée en 1961 par l’Inter‑American Bar Association (art. 6), le Draft Code élaboré en 1962 par le David Davies Memorial Institute (art. 2.2), et la résolution de l’Institut de droit international adoptée en 1963 (§ 1). Return to text

51 Nous ne disposons pas d’information précise sur Joseph Kroell, qui est simplement présenté comme « docteur en droit ». Ming‑Min Peng (1923‑2022) en revanche est un étudiant de l’Université McGill dont le Professeur n’est autre que John Cobb Cooper. Return to text

52 Kroell Joseph, « Éléments créateurs d’un droit astronautique », Revue générale de l’air, n° 3‑4, 1953, p. 229‑231 ; Peng Ming‑Min, « Le vol à haute altitude et l’article 1er de la Convention de Chicago, 1944 », Revue française de droit aérien, vol. 6, n° 4, 1952, p. 403. Return to text

53 Pour reprendre l’expression de Rolando Quadri qui désigne les tentatives de déterminer une limite par les sciences de la nature, cité in Segers Jean‑Yves, « Le droit de l’espace », Chronique de politique étrangère, vol. 15, nº 1, 1962, p. 85. Return to text

54 Haley Andrew G., “Law and the Age of Space”, Saint Louis University Law Journal, vol. 5, nº 1, 1958, p. 1‑10. Return to text

55 Mankiewicz René H., « L’état des doctrines sur le droit de l’espace extra‑aéronautique après le quatrième colloque sur le droit de l’espace », Revue française de droit aérien, 1962, p. 23. Return to text

56 “Spencer Beresford, 73, Dies”, The Washington Post, 11 avril 1992, <https://www.washingtonpost.com/archive/local/1992/04/11/spencer-beresford-73-dies/a4c64d36-77b6-449a-91b5-1e9497814a04/>. Return to text

57 Voir la présentation de l’auteur in Beresford Spencer M., “Liability for Ground Damage Caused by Spacecraft”, Federal Bar Journal, vol. 19, nº 3, 1959, p. 242. Return to text

58 « De nombreux appareils de vol qui ont été développés seraient difficilement classables comme appareil aérien ou spatial. […] Le prototype de ce genre de véhicules est le X‑15, qui a déjà réalisé avec succès de nombreux vols. », in Beresford Spencer, “Surveillance Aircraft and Satellites: a Problem of International Law”, Journal of Air Law and Commerce, vol. 27, nº 2, 1960, p. 109. Return to text

59 Couston Mireille, Droit spatial, Paris, Ellipses, « Mise au point », 2014, p. 23‑24. Return to text

60 Nous n’avons trouvé que peu d’information sur Michel Smirnoff. Il est inscrit dans la sociabilité juridique du droit aérien en France : il est ainsi membre de la Société française de droit aérien. Il participe également activement à la FAI : il est ainsi membre du comité des six chargé d’élaborer les futurs statuts d’une Académie internationale de droit de l’espace, créé par la FAI en 1959, en compagnie de John Cobb Cooper, Andrew G. Haley ou encore Robert Homburg, un compagnon de la Société française de droit aérien. Voir Smirnoff Michel, « Les efforts de la Fédération internationale astronautique dans l’élaboration des normes du droit de l’espace (Contributions of the International Astronautical Federation to the Devlopment of Rules of Space Law) », Revue française de droit aérien, vol. 14, nº 3, juil.‑sept 1960, p. 282. Return to text

61 Smirnoff Michel, “The Role of IAF in the Elaboration of the Norms of Future Space Law”, Haley Andrew G. (ed.), Proceedings of the Second Colloquium on the Law of Outer Space, London 1959, Vienne, Springer‑Verlag, 1960, p. 151. Return to text

62 Professeur de sciences politiques à l’Université d’Utah, il présente une conférence lors du 8e Colloquium du droit de l’espace organisé par la Fédération astronautique internationale en 1965. Return to text

63 Moreover, it should be noted that the technological advances demonstrated not only by rockets but also by U‑2 type aircraft and, most recently, by the X‑15, which can be used as an ‘aircraft as well as a ‘space vehicle,’ render the adherence to the orthodox sovereignty‑in‑the‑air concept obsolete, if not meaningless.”, in Schick Franz B., “A Functional Approach to the Problems of Space Law”, Utah Law Review, vol. 7, nº 3, 1961, p. 329, <https://collections.lib.utah.edu/ark:/87278/s66q52c8>. Return to text

64 […] a new technology exists because we name it”, in Joly Pierre‑Benoît, “On the economics of techno‑scientific promises”, art. cit., p. 205. Return to text

65 « Le futur “racketoplane” soviétique serait supérieur au X‑15”, Le Monde, 9 août 1962. Return to text

66 “X‑15 Rocket Plane Is Unveiled by U.S.”, New York Times, 16 octobre 1958, p. 1. Return to text

67 Jenkins Dennis R. et Dana William H., X‑15…, op. cit., p. 118‑123. Return to text

68 Ibid. supra, p. 339‑340. Return to text

69 Ibid., p. 342. Return to text

70 Ibid., p. 341. Return to text

71 Cette représentation reste aujourd’hui d’actualité, comme en témoignent la couverture de Evans Michelle et Engle Joe H., The X‑15 Rocket Plane: Flying the First Wings into Space, Lincoln, University of Nebraska Press, “Outward odyssey”, 2013. ou le récent documentaire publié sur YouTube le 27 février 2023 par la chaîne Le Journal de l’Espace, annonçant « Un avion dans l’espace ». Voir <https://www.youtube.com/watch?v=CtJCOAmURMU&ab_channel=LeJournaldel%27Espace>. Return to text

72 « À mon grand désarroi, et à celui de tous ceux qui ont la moindre connaissance des faits scientifiques, le sophisme sans faille et le non‑sens “scientifique” qui précèdent ont été répétés encore et encore et sont même parvenus à atteindre le rôle d’exemple par excellence dans de nombreux articles », in Haley Andrew G., “Survey of Legal opinion on Extraterrestrial Jurisdiction”, Proceedings of the Third Colloquium on the Law of Outer Space, Vienne, Springer, 1961, p. 38. Return to text

73 Hobe Stephan, Pioneers of Space Law, op. cit., p. 74‑87. Return to text

74 Voir l’article de XX dans le dossier XXX. Return to text

75 « Dans le domaine commercial, même en 1949, le président de la Commission exécutive et de liaison de l’Union postale universelle (UPU) déclarait que la fusée postale était alors “étudiée en secret dans divers laboratoires”. Dix ans plus tard, une fusée postale a livré en toute sécurité, à 100 miles du navire à la côte, 3 000 lettres portant des timbres ordinaires affranchis avec l’empreinte USS Barbero. », in Cheng Bin, “The United Nations and Outer Space”, Current Legal Problems, vol. 14, nº 1,1961, p. 248, Doi : <https://doi.org/10.1093/clp/14.1.247>. Return to text

76 « Deux réalisations scientifiques importantes ont également mis en lumière les problèmes juridiques qui se posent. D’une part, le succès des vols de l’avion‑fusée X‑15 dans la haute atmosphère, maintenant jusqu’à 310.000 pieds (58 miles), et l’intention déclarée des États‑Unis de mettre au point un engin capable de voler à la fois dans l’air et sur orbite. Ce véhicule, le Dyna‑Soar, devrait être opérationnel en 1965. », in Cyril E.S. Horsford, “Current Aspects of Space Law”, Modern Law Review, vol. 27, nº 1, 1964, p. 50, <http://www.jstor.org/stable/1092256>. Return to text

77 « Le droit aérien et le droit spatial, tels qu’ils sont utilisés aujourd’hui, ne représentent rien d’autre que des phases du droit directement et indirectement applicables aux vols effectués par l’homme. Pour éviter toute confusion actuelle et future, il convient de les regrouper dans une seule et même branche du droit. Cette branche pourrait être appelée “droit aérospatial”. », in Cooper John Cobb, “Aerospace Law – Subject Matter and Terminology”, Journal of Air Law and Commerce, vol. 29, nº 2, 1963, p. 89, <https://scholar.smu.edu/jalc/vol29/iss2/2>. Return to text

78 Cooper John Cobb, “High Altitude Flight and National Sovereignty”, The International Law Quarterly, vol. 4, nº 3, 1951, p. 411‑418, <http://www.jstor.org/stable/762959>. Return to text

79 Hobe Stephan, Pioneers of Space Law, op. cit., p. 36‑38. Return to text

80 Centre de formation de l’US Air Force qui prend la suite de l’école de formation des frères Wright. Voir <https://www.maxwell.af.mil/About-Us/Fact-Sheets/Display/Article/1004960/maxwell-air-force-base/>. Return to text

81 Cooper John Cobb, “Aerospace Law – Subject Matter and Terminology”, op. cit., p. 89. Return to text

82 Voir les correspondences entre Lipson Leon et Leary John C. (Acting Administrator de l’American Bar Foundation), juin 1959, fonds John Cobb Cooper, archives McGill. Return to text

83 « Plus tard encore, la théorie des zones a fait face à un dilemme suite à l’annonce des caractéristiques d’un avion expérimental américain connu sous le nom de X‑15, qui permettrait de réaliser un vol habité au sein du même appareil, à l’envol et à l’atterrissage, à la fois dans cet espace que l’on devrait appeler espace aérien si l’on suit le professeur Cooper et dans cet espace qui devrait être appelé autrement », in McDougall Myres S. et Lipson Leon, “Perspectives for a Law of Outer Space”, The American Journal of International Law, vol. 52, nº 3, 1958, p. 425, Doi : <https://doi.org/10.2307/2195459>. Return to text

84 Homburg Robert, « Introduction au droit de l’espace », art. cit., p. 194. Return to text

85 Revue générale de l’air, 1953, p. 183‑184. Return to text

86 Procès‑verbal de la réunion du 23 octobre 1954 de la Société française de droit aérien, Revue française de droit aérien, nº 4, 1954, p. 448‑451. Return to text

87 Cité in Mankiewicz René H., « L’état des doctrines… », art. cit., p. 23. Return to text

88 Lettre de John C. Cooper à Andrew G. Haley, 23 mai 1963. Archives du Smithsonian National Air and Space Museum, Washington, fonds Andrew G. Haley, box 29. Return to text

89 Art. 1.b) de la résolution 1721 XVI (1961) : « L’espace extra-atmosphérique et les corps célestes peuvent être librement explorés et exploités par tous les États conformément au droit international […] ». Un principe repris dans la résolution 1962 XVIII (1963), à l’art. 1 : « L’espace extra‑atmosphérique et les corps célestes peuvent être librement explorés et utilisés par tous les États sur la base de l’égalité et conformément au droit international. » Return to text

90 Art. 1 : « L’espace extra‑atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, peut être exploré et utilisé librement par tous les États sans aucune discrimination, dans des conditions d’égalité et conformément au droit international, toutes les régions des corps célestes devant être librement accessibles. » Return to text

91 Hobe Stephan, Pioneers of Space Law, op. cit., p. 6‑8. Return to text

92 Hobe Stephan (ed.), Six Decades of Space Law and its Development(s) (1960‑2020), s.l., International Institute of Space Law, 2020, p. 13. Return to text

93 Ibid. supra. Return to text

94 Schachter Oscar, “Who Owns the Universe?”, Collier’s, 22 mars 1952, p. 36 et 70‑71. Return to text

95 McCurdy Howard E., Space and the American imagination, 2nd ed., Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2011, p. 41‑43. Return to text

96 Ananoff Alexandre, « Initiation astronautique », Revue générale de droit aérien, nº 9, 1946, p. 3‑17. Return to text

97 Compte rendu de la séance du 20 février 1953 du Comité juridique français de l’aviation, Revue générale de l’air, 1953, p. 57‑58. Return to text

98 Compte rendu de la séance du 6 mai 1953 du Comité juridique français de l’aviation, Revue générale de l’air, 1953, p. 183‑184. Return to text

99 À la lecture des correspondances conservées dans le fond John C. Cooper de l’Université McGill, à Montréal, et le fond Andrew G. Haley du National Air and Space Museum, à Washington D.C., qui témoignent des proximités et amitiés au sein du milieu astronautique, nous ne souscrivons pas à l’hypothèse d’un mépris ou rejet de la profession juridique à l’égard de la science que l’on trouve chez Barton Beebe, “Law’s Empire and the Final Frontier”, art. cit., p. 1765, “That is to say, having been stigmatized or ‘othered’ by the science of the time, law stigmatized in turn. It represented science as amoral, antihumanist, and dystopian”. Return to text

100 Daniel Compagnon et Arnaud Saint‑Martin, « La technique », art. cit., p. 12. Return to text

101 « […] la technologie rassemble désormais procédures industrielles et produits matériels, principalement sous l’égide du corps des ingénieurs, en plein expansion ; chefs d’orchestre et maîtres d’œuvre de la production industrielle rationalisée grâce aux savoirs scientifique, les ingénieurs sont la clef de voûte de la nouvelle organisation sociale des savoir‑faire et des métiers. », in Guillaume Carnino, « Les transformations de la technologie : du discours sur les techniques à la “techno‑science” », Romantisme, vol. 150, no 4, 2010, p. 83, <https://doi.org/10.3917/rom.150.0075>. Return to text

102 Lettre de Philip B. Yeager à John C. Cooper, 15 septembre 1961, fonds John Cobb Cooper, archives McGill. Return to text

103 Lettre de John C. Cooper à Paul F. Bikle, 17 septembre 1965, fonds John Cobb Cooper, archives McGill. Return to text

104 Peng Ming‑Min, « Le vol à haute altitude… », art. cit., p. 393. Return to text

105 Doyle Stephen E., Nandasiri Jasentuliyana Keynote Address on Space Law: A Concise History of Space Law, s.l., 2011, p. 8‑9. Return to text

106 Curriculum vitae de John C. Cooper, 15 décembre 1966, archives de l’Université McGill, box 11, 2010‑0037 6002D. Return to text

107 Voir la biographie d’Eugène Pépin sur le Site Internet de la Société française de droit international : <https://www.sfdi.org/internationalistes/pepin/>. Return to text

108 « Le futur “racketoplane” soviétique serait supérieur au X‑15 », art. cit. Return to text

109 Jarrige François, Technocritiques…, op. cit., deuxième partie : « L’“âge des machines” ». Return to text

110 Sur la biographie succincte d’Alex Meyer, voir Benkö Marietta et Bittlinger Horst, History of the Institute of Air and Space Law at the University of Cologne, University of Cologne: 1925‑2005, s. l., University of Cologne, 2005 [1989], p. 12. Return to text

111 Doyle Stephen E., Nandasiri Jasentuliyana Keynote Address on Space Law: A Concise History of Space Law, op. cit., p. 8‑9. Return to text

112 Voir la biographie d’Eugène Pépin sur le Site Internet de la Société française de droit international : <https://www.sfdi.org/internationalistes/pepin/>. Return to text

113 Benkö Marietta et Bittlinger Hors, History of the Institute of Air and Space Law…, op. cit., p. 14‑15. Return to text

114 Ibid. supra, p. 19. Return to text

115 Doyle Stephen E., The Origins of Space Law and the International Institute of Space Law of the International Astronautical Federation, Univelt, San Diego, 2002, p. 82 et 87. Return to text

116 Voir Danier Edgar, « Les voyages interplanétaires et le droit », Revue générale de l’air, vol. 15, nº 6, 1952, p. 422 ; Blassel Pierre, « Données scientifiques et techniques des problèmes que pose la réglementation de l’utilisation de l’espace », Politique étrangère, vol. 26, nº 4, 1961, p. 302, <https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1961_num_26_4_2362> ; Dembling Paul G. et Arons Daniel M., “Space Law and the United Nations: the Work of the Legal Subcommittee of the United Nations Committee on the Peaceful Uses of outer Space”, Journal of Air Law and Commerce, vol. 32, n° 3, 1966, p. 369, <https://scholar.smu.edu/jalc/vol32/iss3/2>. Return to text

117 Markoff G., « De l’élaboration du droit de l’espace cosmique », Revue de droit contemporain, vol. 8, n° 2, 1961, p. 132 ; Verplaetse Julian G., “On the Definition and Legal Status of Spacecraft”, Journal of Air Law and Commerce, vol. 29, n° 2, p. 137, <https://scholar.smu.edu/jalc/vol29/iss2/5>. Return to text

118 Peng Ming‑Min, « Le vol à haute altitude… », art. cit., p. 393. Return to text

119 Haley Andrew G. , “Law and the Age of Space”, art. cit., p. 7. Return to text

120 Pépin Eugène, « Les problèmes juridiques de l’espace », art. cit., p. 323. Return to text

121 « Demain, au lieu de prendre l’avion transatlantique Paris‑New‑York, on utilisera la fusée Paris‑New‑York. » in Homburg Robert, « Droit astronautique et droit aérien », Revue générale de l’air, vol. 21, nº 1, 1958, p. 16. Return to text

122 McDougall Walter A., The heavens and the earth, op. cit., cité notamment par Beebe Barton, “Law’s Empire and the Final Frontier”, art. cit., p. 1747 : “As Webb’s exotic rhetoric suggests, and as Walter McDougall has persuasively argued, NASA helped to convert American politics over to the ‘technocratic temptation’.” Return to text

123 Beebe Barton, “Law’s Empire and the Final Frontier”, art. cit., p. 1741. Return to text

124 Ibid. supra. Return to text

125 Beebe Barton, “Law’s Empire and the Final Frontier”, art. cit., p. 1742. On ne peut s’empêcher de penser aux deux cultures définies par Charles P. Snow en 1959 : d’un côté les scientifiques et ingénieurs, de l’autre les littéraires et intellectuels qui rejetteraient la science et la technique. Si l’on devait suivre ce schéma, on pourrait penser les juristes appartenant aux seconds avec Barton Beebe ; cependant la prégnance de l’imaginaire technoscientifique et leur attachement à la conquête spatiale semblent bien les placer du côté des premiers. Return to text

126 Ibid. supra, p. 1748. Return to text

127 Jarrige François, Technocritiques…op. cit. Return to text

128 Saxon Wolfgang, “Stephen Gorove, 83, Leader in Field of Space Law”, The New York Times, 1er septembre 2001, p. 15. Return to text

129 Gorove Stephen, « Vers un droit cosmique », Revue générale de l’air, 1958, p. 327. Return to text

130 De très nombreux articles étudient le statut juridique de ces bases et stations. Voir par exemple : Jacobini H.B., “Problems of High Altitude of Space Jurisdiction”, Western Political Quarterly, vol. 6, nº 4, 1953, p. 683‑684, Doi : <https://doi.org/10.2307/443197> ; Kroell Joseph, « Éléments créateurs d’un droit astronautique », Revue générale de l’air, 1953, vol. 16, p. 242 ; Simeone Joseph J., “Private Rights and Space Activity”, Saint Louis University Law Review, vol. 6, nº 1, 1960, p. 60‑61 ; Christol Carl Q., “Space stations: A Lawyer’s Point of View”, Indian Journal of International Law, vol. 4, 1964, p. 488‑499 ; Markoff Marco G., « La Lune et le droit international », Revue générale de droit international public, vol. 68, 1964, p. 413‑445 ; Brooks Eugene, “National Control of Natural Planetary Bodies – Preliminary Considerations”, Journal of Air Law and Commerce, vol. 32, nº 3, 1965, p. 323‑324. Return to text

131 Smirnoff Michel, « La philosophie du droit de l’espace », Revue française de droit aérien et spatial, vol. 23, 1968, p. 155. Return to text

132 Mankiewicz René H., « L’état des doctrines… », art. cit., p. 36. Return to text

133 Pépin Eugène, « Les problèmes juridiques de l’espace », art. cit., p. 317. Return to text

134 De la Pradelle Paul, « Espace et relations internationales », Revue générale de l’air, 1962, p. 239. Return to text

135 Mark Mazower, Governing the World: The History of an Idea, London, Penguin Books, 2013 [2012]. Return to text

Illustrations

References

Electronic reference

François Rulier, « X‑15 et droit de l’espace : l’imaginaire technoscientifique dans la doctrine juridique spatiale des années 1950 et 1960 », Nacelles [Online], 14 | 2023, Online since 21 mars 2024, connection on 04 octobre 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/1951

Author

François Rulier

Doctorant, Université Toulouse II‑Jean Jaurès, École doctorale TESC, Laboratoire FRAMESPA. Il est l’auteur de « Les naissances du droit de l’espace dans la communauté juridique française », Nacelles, nº 9, 2020, <http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/1075>.
francois.rulier@gmail.com

By this author