Entre rationalisme et politique-fiction. Un classique de la pensée stratégique

  • Between Rationalism and Political Fiction. A Classic of Strategic Thinking

Résumés

Une tradition historiographique solidement établie, inaugurée en 1935 par l’ouvrage pionnier du colonel Paul Vauthier, un artilleur membre de l’état-major du maréchal Philippe Pétain, considère à juste titre Giulio Douhet comme un des principaux novateurs de la pensée stratégique contemporaine. Toutefois cette tradition ne rend pas pleinement compte de la nature intrinsèquement paradoxale de la théorie du général italien, qui nous paraît résulter de la combinaison de plusieurs démarches intellectuelles apparemment contradictoires entre elles. Fondée sur l’identification et sur l’application de quelques principes primordiaux de préparation et de conduite de la guerre, la pensée militaire de Douhet peut en effet, par certains côtés, être considérée comme profondément classique ; par ailleurs, elle naît de la certitude que le développement de l’aviation militaire révolutionne la forme même de la guerre ; enfin, quelques-uns de ses écrits sont indéniablement inspirés par une fantaisie visionnaire qui les apparente plus à la politique-fiction qu’à une réflexion stratégique orientée vers la recherche de solutions réalistes.

A solidly established historiographical tradition, inaugurated in 1935 by the pioneering work of Colonel Paul Vauthier, a gunner on the staff of Field Marshal Philippe Pétain, rightly considers Giulio Douhet to be one of the main innovators of contemporary strategic thinking. However, this tradition does not fully account for the intrinsically paradoxical nature of the Italian general’s theory, which results from the combination of several apparently contradictory intellectual approaches. Founded on the identification and application of a few fundamental principles of war preparation and warfare, Douhet’s military thought can, in some ways, be considered profoundly classical; however, it is born out of the certainty that the development of military aviation is revolutionising the very form of warfare; finally, some of his writings are undeniably inspired by a visionary fantasy that seems more akin to political fiction than to strategic thinking oriented towards the search for realistic solutions.

Plan

Texte

Une tradition historiographique solidement établie, inaugurée en 1935 par l’ouvrage pionnier du colonel Paul Vauthier, un artilleur membre de l’état-major du maréchal Philippe Pétain1, considère à juste titre Giulio Douhet comme un des principaux novateurs de la pensée stratégique contemporaine2. Il nous semble toutefois que cette tradition ne rend pas pleinement compte de la nature intrinsèquement paradoxale de la théorie du général italien, qui nous paraît résulter de la combinaison de plusieurs démarches intellectuelles apparemment contradictoires entre elles.

Fondée sur l’identification et sur l’application de quelques principes primordiaux de préparation et de conduite de la guerre, la pensée militaire de Douhet peut en effet, par certains côtés, être considérée comme profondément classique ; par ailleurs, elle naît de la certitude que le développement de l’aviation militaire révolutionne la forme même de la guerre ; enfin, quelques-uns de ses écrits sont indéniablement inspirés par une fantaisie visionnaire qui les apparente plus à la politique-fiction qu’à une réflexion stratégique orientée vers la recherche de solutions réalistes.

1. Les principes de la pensée stratégique de Douhet

1.1. Art ou science de la guerre ?

Dans un article publié par le quotidien turinois La Gazzetta del Popolo en novembre 19143, dans lequel il examine la conduite des opérations sur le front oriental, Douhet tire pour ses lecteurs les leçons de l’échec d’une manœuvre en tenaille sur la Vistule ordonnée par le général Paul von Hindenburg. Il attribue cet échec à la prétention du grand état-major allemand de faire la guerre aux Russes en appliquant mécaniquement des schémas stratégiques abstraits conçus par des officiers qui auraient tendance à les considérer comme des vérités scientifiques bonnes pour n’importe quelle campagne militaire. Non sans ironie à l’égard de la réputation d’incomparable efficacité et de précision maniacale que l’on attribue traditionnellement à l’organisation militaire prussienne, Douhet note que l’état-major qui entoure Hindenburg est

[…] certainement un état-major hors ligne, un état-major plein de Kultur jusqu’à la pointe du casque et qui a élevé l’art de la guerre au niveau d’une science.
Mais c’est justement son plus grand tort. La science a un caractère de rigidité et d’exactitude qui convient bien à la mentalité allemande mais qui se conjugue mal avec la guerre.
[…] Il existe pour la guerre des méthodes, des systèmes, des règles fixes qui peuvent constituer une science […] ; mais il existe aussi un art de la guerre qui consiste à savoir adapter les méthodes, les systèmes et les règles au cas qui se présente, et même à savoir au moment opportun violer les règles, les systèmes et les méthodes quand les circonstances le suggèrent.
[…] Avec cela nous ne voulons pas dire que l’art de la guerre soit libre de tout frein ; au contraire : l’art de la guerre, comme n’importe quel autre art, est soumis lui aussi à des règles, à des normes, à des lois ; mais ce sont des lois, des règles et des normes élastiques, souples et malléables que l’artiste applique, guidé par son génie, aux circonstances du moment et selon l’effet qu’il veut obtenir4.

Au fil de l’exercice de style dans lequel Douhet se complait pour entretenir ses lecteurs, se dessine une conception ambiguë, ondoyante et pour tout dire, indéterminée, de la conduite des opérations. Elle paraît ne relever totalement ni de la science ni de l’art, deux notions qui sous sa plume semblent interchangeables, au point qu’en définitive la guerre paraît être pour lui une affaire de bon sens, de vivacité intellectuelle et de capacité à s’adapter aux aléas inévitables d’une campagne militaire, attendu qu’il considère que « l’imprévu, à la guerre, est la situation normale5 ».

1.2. La guerre est une science

Quelques mois plus tard, l’indétermination commence à céder le pas à une conviction qui va en s’affermissant dans les écrits militaires de Douhet contemporains et immédiatement postérieurs à l’intervention de son pays dans la Grande Guerre, qu’il cesse de commenter pour le lectorat de La Gazzetta del Popolo mais dont il poursuit et affine l’analyse dans le journal intime qu’il commence à rédiger le 23 mai 1915, quand il part pour le front des Alpes en qualité de chef d’état-major de la Ve division6. Cette conviction, il l’exprime enfin de manière explicite dans un opuscule publié en 1925, où il affirme que la guerre est « la science de la destruction », et qu’elle ne saurait être appréhendée que par le bon sens, entendu dans son acception cartésienne7. Trois ans plus tard, il se déclare d’ailleurs favorable à la création de chaires universitaires de science de la guerre8 : pour lui, nul doute désormais que celle-ci – et peut-être même l’histoire, qui en est si fréquemment le produit – n’est pas un art mais bien une science exacte gouvernée par quelques règles simples qu’il convient d’appliquer méthodiquement, non seulement durant les hostilités, mais également en amont de celles-ci, pour s’y préparer rationnellement : « La guerre moderne ne permet pas les coups de tête et la hardiesse pure et simple ; elle exige une préparation rationnelle et complète ; y est nécessaire la méthode opposée à l’impulsivité9 ».

1.3. Les piliers de la préparation à la guerre en temps de paix

En temps de paix, Douhet recommande une minutieuse préparation morale, humaine et matérielle de l’ensemble des ressources nationales, tant civiles que militaires. Elle doit reposer en premier lieu sur l’enracinement des valeurs patriotiques dans la société civile, afin que les forces armées jouissent du respect, de la considération et de l’attachement de la nation qu’elles sont chargées de défendre. Si, dès l’avant-guerre, il observe que cette condition est loin d’être réalisée en Italie :

Le bon citoyen italien est fermement convaincu d’avoir pleinement accompli son devoir quand il a concouru par sa bourse aux dépenses militaires et personne ne lui dit que c’est le moindre de ses devoirs, personne ne lui dit que, outre son argent, l’armée et la marine ont droit à son amour et à une constante et affectueuse sollicitude10 […]

en septembre 1914, quand la France est aux prises avec l’invasion allemande, il lui semble que la société française n’a pas mieux aimé son armée et qu’elle le regrette amèrement :

Riche d’hommes, d’intelligence, de moyens financiers, [la France] pouvait se constituer une magnifique arme de défense […]. Mais lui manquèrent le soin constant, l’affection solide, l’amour fidèle envers ce qui devait être son bouclier à l’heure de la tempête. Distraite par ses affaires, avide de nouveauté et de critique, impatiente et légère, ballottée sur la mer sombre des passions politiques, chancelante et indisciplinée, cerveau sans freins inhibiteurs, elle parvint à la terrible épreuve dans la douloureuse surprise de sa faiblesse et de la force de l’adversaire […]
La France le sait, aujourd’hui, et elle pleure11.

La préparation à un éventuel conflit dès le temps de paix doit en deuxième lieu se fonder sur une sélection rigoureuse et sur une formation efficace des professionnels qui encadrent la troupe. Dans ce domaine, Douhet émet un jugement d’une extrême sévérité à l’égard du système d’avancement en vigueur dans l’armée italienne :

L’armée est organisée et préparée par des médiocres qui la connaissent peu et qui travaillent de manière abstraite pendant les heures de bureau, quand ils ne lisent pas le journal, qui placent la bureaucratie au-dessus de tout et ne se préoccupent que de conserver leur petite place commode et fructueuse. [] Dans cette catégorie il est difficile que puisse s’insérer et demeurer une personne intelligente et de caractère, c’est-à-dire qui n’ait pas l’épine dorsale suffisamment souple12.

Douhet n’hésite pas à reprocher à ses collègues, et surtout à ses supérieurs, tout à la fois de graves lacunes culturelles, un défaut absolu d’ouverture mentale et une tendance délétère à la sclérose intellectuelle :

[…] Aux grades les plus élevés parviennent ceux qui se maintiennent dans la juste médiocrité qui ne dérange pas la tranquillité du milieu, parce qu’au fur et à mesure que l’on monte, le milieu, et du fait de l’âge, et en vertu des habitudes, devient plus posé et pacifique.
[…] Les mauvaises langues disent qu’il existe une forme spéciale de maladie militaire appelée : « crétinisme acquis en service » à laquelle il est difficile de se soustraire. Cela est exagéré, mais il y a un fond de vérité. Évidemment le service, dans l’état où il a été réduit, n’est certainement pas fait pour développer ou accroître les aptitudes mentales de l’individu ; le défaut d’incitation à agir, la rigidité de la carrière, la règlementation minutieuse qui ne laisse aucune place à la liberté de pensée et d’action, le désir de vivre tranquille, la discipline mal entendue, l’habitude de dire oui, une quantité de facteurs palpables et impalpables œuvrent pour désarmer toute vivacité et briser tout élan ; intellectuellement l’homme vieillit précocement, à moins qu’il ne réagisse violemment contre le milieu qui l’entoure, et qui petit à petit tente de le niveler et de le faire disparaître dans la masse amorphe qui l’entoure, mais s’il réagit il est éjecté de l’ascenseur, et il ne devient pas général13.

Cette critique au vitriol n’est peut-être pas totalement dénuée de fondement. D’autres systèmes militaires de l’époque sont d’ailleurs confrontés aux mêmes difficultés relatives à la sélection de leurs officiers supérieurs et généraux. En France, où l’organisation et le fonctionnement de l’armée sont comparables à ceux de l’Italie, dans un livre intitulé L’Armée n’est pas commandée, le général Gustave Pédoya dénonce publiquement en 1905 les lacunes de la préparation intellectuelle de ses collègues, qu’il accuse de méconnaissance des règles tactiques de conduite des troupes et auxquels il reproche une connaissance insuffisante de la topographie des zones frontalières sur lesquelles pèse la menace d’un éventuel conflit avec l’Allemagne14.

Parce que la guerre moderne consomme une quantité inédite d’armes, de munitions, de véhicules, de carburants et de vivres, la préparation militaire en temps de paix doit en troisième lieu concerner l’organisation de la production nationale : « parallèlement à une préparation strictement militaire est nécessaire une préparation industrielle adéquate15 ».

1.4. Les règles de conduite de la guerre

En temps de guerre, Douhet préconise d’abord la prudence dans l’évaluation de la situation tactique, stratégique et logistique ainsi que des intentions de l’adversaire, car selon lui il est toujours préférable de ne pas le sous-estimer, de ne nourrir aucune illusion et de se préparer au pire des scénarii. Commentant la manœuvre allemande en direction de Paris en septembre 1914, il observe que le grand état-major impérial a dû sous-estimer la capacité du grand quartier général français à prendre toute la mesure de la situation et à profiter des inconvénients que cette manœuvre comportait pour les troupes allemandes, qu’elle fragilisait en étirant exagérément leurs lignes de communication. Douhet constate au contraire que les Français ne sont pas tombés dans le piège qui leur était tendu. En s’abstenant de livrer une bataille qui aurait pu les conduire à une défaite irrémédiable et en temporisant pour réorganiser leur dispositif, ils ont su au contraire tirer profit des défauts de l’imprudente manœuvre adverse. Il en tire la conclusion suivante :

[…] il faut toujours nourrir le plus grand respect pour l’ennemi, en le considérant, par prudence, toujours plus malin que nous, en supposant qu’il agit toujours de la manière qui lui est la plus favorable et la plus défavorable pour l’adversaire.
Quand nous aurons tout disposé pour parer à l’éventualités la plus dangereuse pour nous, si l’ennemi se révèle en pratique mois malin et moins intelligent que nous, tant mieux, nous serons toujours en mesure de parer aux éventualités les moins dangereuses.
Ce grand respect pour l’ennemi est absolument indispensable à la guerre quel que soit l’ennemi, petit ou grand. Le contraire, c’est-à-dire le mépris envers celui que l’on combat, est symptôme d’orgueil imbécile et de vanité mesquine16.

Douhet veut, en deuxième lieu, le maximum de concentration des forces dans un but offensif, compatible avec le déploiement d’un robuste dispositif défensif en mesure de contenir la poussée adverse, car la guerre moderne de nature industrielle, combattue par des armées de centaines de milliers d’hommes dotés d’armes dont la cadence de tir et la vitesse d’éjection des projectiles ont fortement progressé dans le dernier tiers du xixe siècle, a considérablement accru le volume et la puissance de feu et par conséquent renforcé la valeur des positions défensives et rendu l’attaque frontale plus incertaine et plus coûteuse. C’est la raison pour laquelle Douhet considère que l’Allemagne a commis une grave erreur en 1914 en avançant en territoire russe en direction de la Vistule alors même que le sort des opérations en France était indécis :

Même si les Allemands avaient pu avoir, simultanément, sur les deux théâtres d’opérations, la supériorité numérique, il aurait été erroné de vouloir agir décidemment sur les deux théâtres ; sur l’un il fallait contenir, sur l’autre faire masse pour mettre de son côté les plus fortes probabilités, pour pouvoir, en cas de victoire, obtenir une victoire complètement décisive.
C’est ainsi qu’il faut entendre aujourd’hui le principe de la masse17 […].

Enfin, Douhet considère que la recherche de gains territoriaux partiels et inutilement coûteux en hommes et en matériels doit impérativement céder le pas à la poursuite patiente de l’objectif stratégique suprême, qui n’est autre que la victoire finale18. Ce dernier principe est une composante cruciale de sa pensée stratégique. Parce qu’il fonde sa réflexion sur l’expérience de la guerre d’usure à outrance qu’est le premier conflit mondial, lequel en définitive se prolonge essentiellement parce que les belligérants ne veulent pas se contenter d’une paix de compromis et se battent jusqu’à l’effondrement de certains d’entre eux, Douhet renonce a priori à l’idée d’une guerre limitée dans ses buts et dans les moyens employés pour la conduire, en écartant une option que le théoricien prussien Carl von Clausewitz prenait au contraire en considération19.

2. Une théorie révolutionnaire

2.1. La révolution militaire provoquée par l’essor de l’aviation

L’originalité de la pensée de Douhet repose sur la combinaison des trois principes que nous venons d’identifier avec l’idée que le développement de l’arme aérienne brise le continuum de l’histoire millénaire de la guerre. Il y voit en effet une authentique révolution20 qui modifie radicalement le phénomène et en renforce le caractère total déjà partiellement expérimenté durant la Grande Guerre, en effaçant définitivement la distinction entre combattants et civils et en faisant peser sur ces derniers, indépendamment du lieu où ils se trouvent, la menace d’une destruction venue du ciel dès lors que les belligérants auront recours au bombardement stratégique massif : un initium historique qui n’est pas sans analogie avec la théorie marxiste-léniniste, avec laquelle la pensée douhétienne partage la prétention axiomatique à l’objectivité scientifique.

En attribuant à l’emploi stratégique de l’arme aérienne la capacité d’abréger les conflits et, par conséquent, de susciter des pertes beaucoup plus faibles que celles provoquées par la guerre d’usure combattue dans les tranchées, Douhet adopte une vision typiquement rationaliste au sein de laquelle la stratégie est conçue comme un univers clos, régi par des règles qui lui sont propres, c’est-à-dire comme un ensemble de principes valables pour tous les conflits postérieurs à l’avènement de l’air power. Selon lui, la guerre est un phénomène rationnel caractérisé par des constantes que les militaires peuvent et doivent étudier dans le but de prévoir l’évolution de la forme qu’elle prendra et de formuler une théorie prescriptive qui leur permette tout à la fois de bâtir des forces armées parfaitement capables de répondre aux besoins que l’on peut déduire de cette évolution et de les employer de la manière la plus efficace pour parvenir à vaincre.

2.2. Une théorie pratique de la guerre

Cette théorie prescriptive est formulée avec une rare efficacité dans un mémorandum que Douhet rédige en janvier 1916 pour convaincre les chefs militaires et les dirigeants politiques de la nécessité de mener une guerre aérienne de grande envergure. Ce texte nous paraît revêtir une importance capitale dans l’histoire de la pensée militaire, pour deux raisons. En premier lieu, il jette les bases doctrinales du bombardement stratégique en recommandant que la campagne aérienne soit « imprévue, violente et poussée à fond […], menée massivement et par conséquent au moyen de nombreuses unités d’appareils puissants, agissant sur un unique objectif, armés de bombes contenant une grande quantité d’explosif21 ». En second lieu, le mémorandum définit l’adversaire comme un système complexe dont les différentes composantes doivent être prises successivement pour cibles et méthodiquement détruites afin de paralyser et de démanteler l’ensemble. Pour que l’offensive soit victorieuse, il faut en effet :

  1. Procéder à la destruction systématique des moyens de production de la nation adverse, de sa richesse, de ses ressources, de son moral ;

  2. Couper les communications entre le pays et l’armée ennemie, en l’isolant complètement, et en empêchant ainsi l’afflux de réserves d’hommes, de matériels et de ravitaillement ;

  3. Constituer, derrière le front que l’on veut attaquer, une zone de désert et de dévastation ;

  4. Attaquer ce front une fois que la coupure des communications avec l’arrière l’a anémisé et démoralisé22.

Comme Antoine Jomini23, Douhet est donc l’auteur d’une théorie pratique de la guerre, presque une doctrine prête à l’emploi24, contrairement à la théorie pure formulée par Clausewitz qui définit la guerre de manière abstraite – la « guerre absolue » – et en établit la « grammaire » afin d’inspirer le jugement stratégique, sans aller toutefois jusqu’à formuler des prescriptions applicables à n’importe laquelle des manifestations empiriques – la « guerre réelle » – de l’idéaltype25.

2.3. Une théorie anhistorique de la guerre

Toutefois, il est un point sur lequel la théorie de Douhet diffère profondément du système du stratège suisse, comme d’ailleurs des idées de Clausewitz, car tous deux fondaient leur réflexion sur l’étude des guerres du passé, en particulier celles de l’époque de Frédéric II de Prusse et de l’ère napoléonienne, et ils ne pensaient pas que les conflits du futur pussent s’écarter radicalement de ces modèles.

Douhet fonde au contraire sa théorie sur la certitude axiomatique que l’avènement de l’aéroplane entraîne une véritable mutation génétique de la guerre qui inaugure une nouvelle époque de son histoire, dans laquelle rien ne sera plus comme avant. Sous sa forme nouvelle, celle-ci ne pourra plus connaître de variations, si ce n’est du point de vue de l’intensité, consécutives au progrès de la technique aéronautique, et il devient par conséquent impossible de tirer le moindre enseignement valable de l’examen des conflits du passé : « Le fait que les théories de guerre ne peuvent être mises à l’épreuve de l’expérience en temps de paix, induit ceux qui étudient la guerre à trop se servir de l’expérience fournie par les guerres du passé pour préparer les conflits futurs26. » Logiquement convaincu qu’il serait inutile et même dommageable de s’inspirer des systèmes stratégiques élaborés avant la révolution provoquée par l’avion, Douhet n’hésite d’ailleurs pas à railler ses prédécesseurs les plus célèbres, comme en témoigne ces considérations ironiques formulées à l’encontre de Jomini, avec lequel il partage pourtant la propension à élaborer une théorie pratique de la guerre applicable en tout lieu et de tout temps :

Je regrette immensément si le baron Jomini en l’an de grâce 1837 commit une bourde au sujet des répercussions qu’auraient eus les perfectionnements des armes à feu, mais cela m’incline toujours plus à penser qu’il faut raisonner avec son propre cerveau et non point avec celui des morts, fussent-ils d’illustres personnages27.

3. Une pensée qui oscille entre rationalisme et vision prophétique

3.1. Des bases technoscientifiques fragiles

L’idée selon laquelle le bombardement stratégique aurait pu abréger le carnage de la Grande Guerre et allait devenir l’arme décisive par excellence est intellectuellement séduisante. Mais il s’agit d’une conception excessivement rigide et dogmatique, privée du plus élémentaire sens critique et des bases techniques et scientifiques qui auraient dû permettre à Douhet de prendre conscience des contradictions et des lacunes qui disqualifient les axiomes sur lesquels il fondait sa théorie.

Artilleur de formation, il a des connaissances mathématiques, mais il n’est pas ingénieur. Au début de sa carrière militaire, il est alors lieutenant, durant l’année académique 1899-1900, il suit le cours d’électrotechnique de l’École Galileo Ferraris établie auprès du Musée industriel de Turin, où il n’existait pas encore de faculté universitaire pour former les ingénieurs, celle-ci ne vit le jour qu’en 1906. Il sort premier d’une promotion qui comportait quatre-vingt-treize étudiants, en majorité des ingénieurs et des collègues officiers d’artillerie comme lui, en présentant un mémoire consacré aux moteurs électriques intitulé Calcolo dei motori a campo rotante (Calcul des moteurs à champ rotatif). C’est le premier d’une série d’écrits techniques d’une valeur scientifique très modeste que Douhet rédige jusqu’en 1908, sur des sujets aussi variés que l’électrotechnique, les applications militaires potentielles de l’automobile et les très basses températures28.

Douhet se veut même inventeur et dépose plusieurs brevets relatifs respectivement à un transformateur électrique29, à un système automatique d’équilibrage longitudinal et latéral pour aéroplane, grâce auquel un avion Caproni Ca.25 aurait volé à commandes bloquées à deux reprises à l’été 191430, et à un appareil photographique automatique spécialement conçu pour la photographie aérienne31.

Mais le principal défaut de la théorie élaborée par Douhet ne résulte pas des limites de sa formation scientifique. Il réside dans la croyance en l’impossibilité absolue d’opposer la moindre défense efficace à une offensive aérienne massive, fondée sur le postulat qu’en créant la surprise stratégique indépendamment des opérations terrestres et maritimes, l’avion serait toujours et partout en mesure de semer le trouble sur les arrières des forces adverses et de terroriser la population des contrées bombardées32.

Or en raisonnant de la sorte, Douhet délaisse divers problèmes logistiques susceptibles de démentir son système. En particulier, il tient pour certain que la production d’avions et la sélection et la formation des pilotes indispensables pour assurer les missions aériennes doit automatiquement suivre le rythme de la campagne de bombardements alors qu’en réalité, comme l’a justement remarqué l’historien militaire Williamson Murray, au cours de la Grande Guerre, les taux de pertes dans les rangs des personnels navigants, pilotes, mitrailleurs et observateurs, fut si élevé qu’il est comparable à celui enregistré dans l’infanterie33.

En outre, les bases techniques de la théorie de Douhet reposent sur une appréciation erronée du cadre matériel dans lequel se déroulerait l’offensive aérienne qu’il préconise. Tout d’abord, les conditions météorologiques ne permettent pas toujours de voler, et encore moins de bombarder avec toute la précision requise. Il convient aussi de tenir compte des avaries qui peuvent survenir en vol et de l’opposition de la chasse adverse. En raisonnant dans l’abstrait avec une certitude qu’il croit mathématique, Douhet omet d’envisager qu’il existe au moins trois obstacles potentiels à la réussite d’une campagne de bombardement stratégique : il est rare que tous les appareils parviennent sur l’objectif qui leur a été assigné, soit parce que les équipages ne réussissent pas à repérer la cible, soit parce que les avions sont détruits ou freinés dans leur incursion par les défenses aériennes et antiaériennes de l’ennemi et se trouvent à court de carburant ; le lancer des bombes n’est jamais ni parfaitement précis ni réparti de manière pleinement homogène sur l’objectif visé ; la cible elle-même n’est pas une superficie abstraite, elle a une consistance topographique et matérielle et par conséquent une certaine capacité de résister à la destruction, que Douhet ne prend jamais en considération.

Pour toutes ces raisons, il s’apparente plus à un adepte de la pensée scientiste du xixe siècle, qu’à un disciple de la rationalité scientifique propre au monde des ingénieurs qui commencent à peupler les bureaux d’études des sociétés de construction aéronautique qui prennent leur essor pendant la Première Guerre mondiale. On pourrait même aller jusqu’à émettre l’hypothèse que son système stratégique relève plutôt de la politique-fiction.

3.2. Un détour par la politique-fiction

Le scénario d’une campagne massive de bombardement aérien est en effet au cœur d’un médiocre roman de politique-fiction que Douhet achève d’écrire en mai 1918, mais qui n’est publié qu’en 1919 au lendemain immédiat de la Première Guerre mondiale. Dans cet ouvrage, intitulé Come finì la Grande Guerra. La vittoria alata34 (Comment prit fin la Grande Guerre. La victoire ailée), il imagine que les puissances de l’Entente ont appliqué ses idées en bâtissant une flotte aérienne interalliée forte de 10 200 appareils, 4 200 avions de combat blindés armés de six mitrailleuses et 6 000 bombardiers dotés de trois mitrailleuses et emportant 300 kilos d’explosifs et de gaz asphyxiants.

Cette armada est en mesure de mener pendant plusieurs semaines consécutives une violente offensive en territoire allemand, en premier lieu contre les principaux centres urbains dans le but de susciter la panique chez les civils, de les contraindre à cesser toute activité professionnelle et de les pousser à la révolte contre les autorités incapables de les protéger ; en deuxième lieu, en ciblant les infrastructures de communication et les sites industriels, afin de démanteler le réseau logistique et le système productif ; en dernier lieu, en s’attaquant au dispositif militaire de l’adversaire que les deux premières phases de la campagne ont coupé de ses bases, donc privé de ravitaillement et mis dans l’impossibilité d’organiser une chaîne de commandement efficace.

L’objectif stratégique est de contraindre à la capitulation l’Allemagne et ses partenaires, en brisant leurs ressources matérielles et morales. Douhet met alors en scène les chefs de la flotte aérienne de l’Entente atterrissant en pleine nuit au quartier général du Kaiser Guillaume II, où celui-ci est en conférence avec les souverains des pays alliés du Reich, porteurs d’un ultimatum au ton apocalyptique : reddition immédiate, ou bien destruction impitoyable des villes allemandes35.

Dans un autre passage du livre, Douhet décrit une attaque menée par deux escadres composées chacune de 60 appareils. Il les représente comme une masse mécanique compacte et presque impénétrable de forme rigoureusement géométrique, en projetant dans l’imaginaire de la guerre aérienne les ordres de bataille de la guerre terrestre codifiés au cours des siècles par des générations de penseurs militaires :

[…] la masse ennemie présentait une forme que l’on pouvait définir parallélépipède, c’est-à-dire que les appareils étaient disposés sur quatre couches superposées à 150-200 mètres d’altitude d’une couche à l’autre, et chacune de celles-ci était constituée d’une colonne de 5 appareils de front sur 6 de profondeur […].
Cette espèce de parallélépipède volant présentait donc 20 appareils de front, 24 sur les flancs et 30 à la base. Du fait de cette disposition et des mitrailleuses dont chaque appareil était doté, la puissance de feu du parallélépipède était de 40 mitrailleuses de face, 80 à l’arrière, 96 sur les flancs et 120 sur les faces supérieures et inférieures36.

Douhet conclut en affirmant que la réalisation du scénario stratégique qu’il a imaginé aurait à coup sûr permis à l’Entente de remporter une victoire écrasante, rapide – « ainsi en huit jours pouvait finir la grande guerre »37 – et moins coûteuse en hommes et en ressources financières et matérielles que la guerre d’usure combattue dans les tranchées : une affirmation hasardeuse, légitime dans le contexte de la fiction romanesque, mais contraire à la réalité du contexte historique du premier conflit mondial et de ses lendemains immédiats, pour au moins trois ordres de motifs.

3.3. Réalisme ou vision prophétique ?

En premier lieu, Douhet n’explique pas comment l’Entente aurait pu fabriquer les milliers d’avions supplémentaires et former les centaines d’aviateurs sans lesquels la flotte aérienne géante qu’il met en scène n’aurait jamais vu le jour. Faute d’une estimation objective des coûts et d’une évaluation réaliste des besoins en matières premières, en outillage et en personnels, son schéma stratégique reste du domaine de la fiction.

Et si d’aventure il se risque à faire des prévisions, elles sont de pure fantaisie, comme le montrent les calculs qui étayent son hypothèse d’une campagne de bombardement de trois mois. Il estime nécessaire de construire préalablement environ 50 000 avions en une seule année et de maintenir ensuite un rythme mensuel de 300 exemplaires pour combler les pertes inévitables. Il s’agit de quantités sans commune mesure avec l’effort productif effectivement réalisé par les belligérants, puisque la réalisation du scénario douhétien aurait imposé non seulement de constituer en 12 mois une flotte de 12 500 appareils, soit l’équivalent de toute la production aéronautique italienne pendant la Grande Guerre, mais encore d’en fabriquer au total un nombre approximativement égal à la production française, qui fut quatre fois supérieure à celle de son allié transalpin.

En second lieu, Douhet n’a pas non plus une vision réaliste des effets matériels des bombardements aériens. À partir d’une notion abstraite qu’il nomme « superficie destructible38 », il postule que 100 kilos d’explosif sont suffisants pour endommager de manière irréversible un quelconque carré de terrain de 50 mètres de côté, soit 100 quintaux d’explosif pour un carré de 500 mètres de côté. Il affirme en outre qu’une escadrille de 10 avions doit être en mesure de déverser ses bombes de façon suffisamment uniforme pour que plus de 75 % de celles-ci tombent dans un cercle de 500 mètres de diamètre.

Le même instinct visionnaire anime Douhet jusqu’à la fin de sa vie, puisque dans son tout dernier texte, un article publié posthume en mars 1930 dans la revue officielle de l’armée de l’air italienne39, il imagine un conflit aérien entre l’Allemagne et la France alliée à la Belgique, au cours de laquelle des vagues de centaines de bombardiers détruisent des villes entières. Une authentique guerre-éclair remportée en deux jours seulement par l’Allemagne, en dépit des lourdes pertes infligées à ses forces aériennes et des raids de représailles menés sur son territoire, avec pour résultat des dizaines de centres urbains belges et français réduits en cendres, des centaines de milliers de civils en proie à la panique, des dirigeants politiques et militaires abasourdis et impuissants, des forces terrestres engluées dans le lourd engrenage de la mobilisation : un conflit d’une extrême violence, mais moins sanglant que la Grande Guerre, en raison même de sa rapidité.

La même fantaisie inspire aussi un autre théoricien de la guerre aérienne, qui n’a ni la renommée ni l’audace de Douhet puisque contrairement au général italien il ne renonce pas à rechercher la décision aux moyen des opérations terrestres : dans un livre paru en 1923, cet officier français, le commandant Marcel Jauneaud, affirme que le progrès technique devrait un jour permettre de constituer une flotte aérienne composée « de véritables forteresses volantes40 » en mesure de mener une offensive massive dans la profondeur du territoire adverse41.

Nous ignorons si Jauneaud avait connaissance du maître livre de Douhet Il Dominio dell’aria publié deux ans avant le sien ; nous ne savons pas non plus si le théoricien italien avait lu l’ouvrage de son collègue français à l’époque où, dans son dernier texte, il imaginait le scénario d’un conflit aérien opposant la France et la Belgique à l’Allemagne. Mais il est troublant de constater que Jauneaud avait envisagé un scenario assez similaire, quoique beaucoup plus schématique et en même temps bien plus poétique, en mettant en scène une guerre entre la France et l’empire imaginaire des Toltèques, c’est-à-dire la mythique Atlantide ressurgie de l’océan, remportée par les Français grâce à leur « aviation d’action lointaine » employée à la destruction des sites industriels, des voies de communication et des villes de l’adversaire au moyen de bombes explosives et de substances toxiques42. Dans le sombre épilogue de l’article de Douhet,

Aujourd’hui entre 16 et 17 heures, l’Armée Aérienne, en légitime défense des villes allemandes, a été contrainte de détruire les villes de Namur, Soissons, Châlons et Troyes opportunément averties et que les gouvernements alliés ont pu faire évacuer.
Demain, l’Armée Aérienne poursuivra son action méthodique visant à empêcher la concentration des armées alliées43.

on pourrait entendre comme un écho, mais à rôles renversés, de la conclusion triomphale du récit de Jauneaud :

La flotte toltèque a cédé devant la nôtre ; elle s’est abritée dans la grande rade de Rouina derrière des rideaux de mines flottantes, impuissante à sortir, et déjà à moitié détruite. Demain l’aviation et l’hydraviation d’action lointaine iront couler sur place ce qu’il en reste44.

Conclusion

En définitive, le mérite historique de Douhet réside sans conteste dans le fait que sa théorie a suscité un débat, que l’on ne saurait d’ailleurs considérer comme définitivement clos, au sujet de la capacité des forces aériennes à contribuer de manière décisive à la victoire dans les conflits du monde contemporain. Il convient également de lui reconnaître le mérite d’avoir su exposer ses idées dans une langue impeccablement géométrique, qui n’est pas sans rappeler le verbe cristallin d’un autre grand classique de la stratégie, le comte Jacques de Guibert45.

Cette parenté stylistique, que la distance séparant l’idiome italien de la langue française ne saurait dissimuler, se double d’une parenté conceptuelle. Les deux penseurs militaires fondent leur réflexion respective sur des principes qu’ils réputent universels et qu’ils considèrent comme les éléments constitutifs de ce que l’on a coutume d’appeler l’art de la guerre, laquelle pour eux est en réalité une science : principe de la concentration des forces – il faut guerroyer en masse et ne pas rechercher la décision simultanément en divers lieux du théâtre d’opérations ; principe de l’économie des moyens – l’homme et le matériel sont précieux, les ressources financières et productives ne sont pas inépuisables ; principe de l’avantage technologique – il faut savoir exploiter la suprématie temporaire que les avancées de la technique pourrait offrir ; principe de l’initiative – la victoire passe par une offensive brusquée et rapide en territoire adverse.

Comme le notait déjà le maréchal Pétain dans sa préface à l’étude que le colonel Vauthier avait consacrée à la pensée militaire de Douhet, la théorie du général italien, si novatrice et même révolutionnaire en raison de sa revendication intransigeante de la prépondérance stratégique des opérations aériennes, peut pourtant être considérée comme « profondément classique dans ses points de départ et dans sa méthode46 ».

Notes

1 Schiavon Max, Le Général Vauthier. Un officier visionnaire, un destin bouleversant, éditions Pierre de Taillac, Paris, 2013, 298 p. Retour au texte

2 Vauthier Paul, La Doctrine de guerre du général Douhet. Préface de Monsieur le Maréchal Pétain, Berger-Levrault, Paris, 1935, 230 p. D’autres jalons fondamentaux de cette longue tradition sont les études de warner Edward, « Douhet, Mitchell, Seversky. Theories of air warfare », in Earle Edward (dir.), Makers of Modern Strategy. From Machiavelli to Hitler, Princeton University Press, Princeton, NJ, 1943, pp. 485-503 ; Brodie Bernard, Strategy in the Missile Age, New Rand ed., Santa Monica, CA, 2007 (1re éd. 1959), 440 p. ; Botti Ferruccio, « Wells, Ader e Douhet. Chi fu il primo ? », Rivista aeronautica, n° 6, 1985, pp. 22-30 ; Meilinger Philip, « Giulio Douhet and the Origins of Air Power Theory », in Meilinger Philip (dir.), The Paths of Heaven. The Evolution of Air Power Theory, Air university press, Maxwell, AL, 1997, pp. 1-40 ; Couteau-Bégarie Hervé (dir.), « L’apport de Giulio Douhet à la pensée stratégique, des fondements à aujourd’hui », Penser les ailes françaises, n° 9, février 2006, Centre d’études stratégiques et spatiales, Paris, pp. 4-68. Retour au texte

3 Douhet Giulio, « Arte e scienza », La Gazzetta del Popolo, p. 3. Le texte est reproduit dans Curami Andrea, Rochat Giorgio, Giulio Douhet : scritti 1901-1915, Aeronautica Militare – Ufficio Storico, Rome, 1993, pp. 420-421. Du 7 août 1914 au 26 mars 1915, sous le pseudonyme Spectator, Douhet livre au quotidien turinois La Gazzetta del Popolo 156 articles dans lesquels il commente et analyse le déroulement de la guerre européenne. Retour au texte

4 Ibid., p. 420. Retour au texte

5 Ibid., p. 421. Retour au texte

6 Douhet Giulio, Diario critico di guerra. Anno 1915, vol. I ; Anno 1916, vol. II, Paravia, Turin, 1921-1922. Cf. en particulier les considérations relatives à la méthode la plus efficace et la moins coûteuse en hommes pour prendre une position fortifiée de campagne, vol. I, pp. 257-263 et vol. II, p. 15. Retour au texte

7 Douhet Giulio, La Difesa nazionale. Considerazioni di ordine generale, G. Berlutti Editore, Roma, 1925, p. 49. Retour au texte

8 Douhet Giulio, Probabili aspetti della guerra futura, Palermo, Remo Sandron editore, 1928, p. 65. Retour au texte

9 Douhet Giulio, Documenti a complemento della relazione d’inchiesta per Caporetto, Edizioni del Dovere, Rome, 1919, p. 29. Retour au texte

10 Douhet Giulio, Il nodo della nostra questione militare (mémorandum), février 1908, Archivio delle Civiche Raccolte Storiche, Milan, dossier 125, n° 6935. Le texte est reproduit dans Curami Andrea, Rochat Giorgio, op. cit., p. 88. Retour au texte

11 Douhet Giulio, « Militarismo », La Gazzetta del Popolo, 9 septembre 1914, p. 3. Le texte est reproduit dans Curami Andrea, Rochat Giorgio, op. cit., p. 359. Retour au texte

12 Douhet Giulio, Diario critico di guerra, vol. I, op. cit., pp. 12, 192-195. Retour au texte

13 Ibid., pp. 196-198, 82. Retour au texte

14 Pédoya Gustave, L’Armée n’est pas commandée, Lavauzelle, Paris, 1905, cité par Porte Rémy, Joffre, Perrin, Paris, 2013, pp. 94-95. Retour au texte

15 Douhet Giulio, « La preparazione industriale », La Gazzetta del Popolo, 12 novembre 1914, p. 3. Le texte est reproduit dans Curami Andrea, Rochat Giorgio, op. cit., p. 412. Cf. aussi Douhet Giulio, Diario critico di guerra, vol. I, op. cit., pp. 165-173. Retour au texte

16 Douhet Giulio, « Non disprezzare l’avversario », La Gazzetta del Popolo, 8 septembre 1914, p. 3. Le texte est reproduit dans Curami Andrea, Rochat Giorgio, op. cit., p. 356. Retour au texte

17 Douhet Giulio, « Il principio della massa », La Gazzetta del Popolo, 28 novembre 1914, p. 3. Le texte est reproduit dans Curami Andrea, Rochat Giorgio, op. cit., p. 424. Cf. aussi Douhet Giulio, Diario critico di guerra, vol. I, op. cit., pp. 257-263 et ibidem, vol. II, p. 15. Retour au texte

18 Douhet Giulio, Diario critico di guerra, vol. I, op. cit., pp. 7-8 et pp. 316-332. Retour au texte

19 Cf. Lehmann Éric, La Guerra dell’aria. Giulio Douhet, stratega impolitico, Il Mulino, Bologne, 2013, pp. 65-70. Retour au texte

20 Pour ce qui concerne le paradigme désormais classique de révolution militaire, cf. Parker Geoffrey, The Military Revolution. Military Innovation and the Rise of the West, 1500-1800, Cambridge, 1988. Au début des années 1990 a vu le jour une autre notion, baptisée Revolution in Military Affairs. Dans le mare magnum des publications qui ont alimenté un débat animé à ce sujet, cf. Murray Williamson, « Thinking About the Revolution in Military Affairs », Joint Force Quarterly, Summer 1997, pp. 69-76 et Balzacq Thierry, De Neve Alain (dirs.), La Révolution dans les affaires militaires, Paris, Economica et Institut de stratégie comparée (ISC), Coll. Hautes études stratégiques, 2003. Retour au texte

21 Archivio Centrale dello Stato, Ufficio del primo aiutante di S.M. il Re, carton 398, Proposte concrete in ordine alla organizzazione, all’impiego ed allo sviluppo della nostra aviazione militare, p. 10. Retour au texte

22 Sul carattere della guerra moderna e sull’impiego dell’arma aerea, Douhet Giulio, Diario critico di guerra, vol. II, op. cit., pp. 21-22. Retour au texte

23 Jomini Antoine Henri, Précis de l’art de la guerre ou nouveau tableau analytique des principales combinaisons de la stratégie, de la grande tactique et de la politique militaire, Anselin, Paris, 1838. Sur l’auteur et sa pensée militaire, cf. Colson Bruno, présentation de l’édition abrégée de Jomini Antoine-Henri, Précis de l’art de la guerre, Perrin, Paris, 2008, pp. 7-46 ; Rapin Ami-Jacques, Jomini et la stratégie. Une approche historique de l’œuvre, Payot, Lausanne, 2002. Retour au texte

24 C’est bien ainsi que l’entendait l’un de ses premiers exégètes, le colonel (puis général) français Paul Vauthier, auteur de l’ouvrage intitulé La Doctrine de guerre du général Douhet, op. cit. Notons toutefois que depuis cette époque la terminologie a évolué. Il serait aujourd’hui erroné de qualifier la pensée douhétienne de doctrine, il convient de parler de théorie ou de pensée militaire, dans la mesure où la doctrine désigne l’ensemble des prescriptions officielles d’une force armée fondées sur une méthodologie et sur des principes théoriques. Retour au texte

25 Clausewitz Carl (von), De la guerre, op. cit., « Livre I : La Nature de la guerre ». « Chapitre I. Qu’est-ce que la guerre ? » ; Ibid., « Livre VIII : Le Plan de guerre ». « Chapitre II. Guerre absolue et guerre réelle ». Cf. Rusconi Gian Enrico, Clausewitz, il prussiano. La politica della guerra nell’equilibrio europeo, Einaudi, Turin, 1999, « Introduzione. Guerra e politica in Clausewitz », pp. 20-22 ; Ibid., « V. Grammatica della guerra e logica della politica », pp. 278-282. Retour au texte

26 Douhet Giulio, Probabili aspetti della guerra futura, op. cit., p. 65. Douhet formulait déjà des considérations similaires à la fin de l’année 1914 en commentant le déroulement de la guerre européenne : « La guerra moderna », La Gazzetta del Popolo, 19 novembre 1914, p. 3. Le texte est reproduit dans Curami Andrea, Rochat Giorgio, op. cit., pp. 415-418. Retour au texte

27 « Appunto per la proporzione delle parti », Rivista aeronautica, V, avril 1929, p. 3. Retour au texte

28 Curami Andrea et Rochat Giorgio (op. cit.) analysent ces textes (pp. 9-10) et reproduisent dans leur intégralité ceux relatifs aux véhicules automobiles (pp. 5-34). Retour au texte

29 Gazzetta ufficiale del Regno d’Italia, 6 septembre 1901, n° 213, p. 4280. Retour au texte

30 Bollettino della proprietà intellettuale del ministero dell’Agricoltura, Industria e Commercio, 1913, p. 1324. Dans son journal intime, dont de larges extraits microfilmés des années 1913-1918 sont conservés à la United States Air Force Historical Research Agency (AFHRA), Maxwell, AL, file 168.66, l’ingénieur Gianni Caproni évoque à plusieurs reprises la genèse de ce système : Diario Caproni, avril 1913, p. 34 ; 9 avril 1913, p. 36 ; 14 avril 1913, p. 38. Retour au texte

31 Gazzetta ufficiale del Regno d’Italia, 18 février 1914, n° 41, p. 27 ; Supplément à la Gazzetta ufficiale del Regno d’Italia, 31 mars 1915 n° 82, p. 25. Le fonctionnement est décrit à la rubrique « Inventions » dans le premier numéro du périodique Aer – Rivista mensile di aviazione e aeronautica, avril 1914. Il s’agit d’un appareil cylindrique comportant une pellicule permettant de réaliser 300 clichés qui s’enroule sur deux bobines. Il est doté d’un objectif à chacune de ses extrémités, l’un pour photographier le terrain, l’autre pour photographier une boussole altimètre fixée sur la partie supérieure du cylindre. Villatoux Marie Catherine, « Le renseignement photographique dans la manœuvre. L’exemple de la Grande Guerre », Revue historique des armées, n° 261, 2010, pp. 3-13. L’article indique que c’est avec cet appareil qu’est réalisé en 1917 le plan directeur au 10 000e de la zone de la IVe armée sur le front de Champagne. Retour au texte

32 Cette croyance est partagée par tous les théoriciens du bombardement stratégique entre les deux guerres mondiales. Cf. MacCarthy John, « The True Believers: Airpower between the Wars », in Stephens Alan (dir.), The War in the Air, 1914-1994, Air University Press, Maxwell, AL, 2001, pp. 29-68. Retour au texte

33 Murray Williamson, Les Guerres aériennes 1914-1945, (éd. originale, War in the Air 1914-1945, 1999), éditions Autrement, Paris, 1999, p. 17. Retour au texte

34 Douhet Giulio, Come finì la Grande Guerra. La vittoria alata, Casa editrice della rivista « L’eloquenza », Rome, 1919. Retour au texte

35 Ibid., pp. 23-33. Retour au texte

36 Ibid., pp. 80-81. Retour au texte

37 Ibid., p. 123. Retour au texte

38 Ibid., p. 38. Retour au texte

39 Douhet Giulio, « La guerra del 19… », Rivista aeronautica, pp. 409-502. Le texte est reproduit dans Douhet Giulio, Il dominio dell’aria e altri scritti, Aeronautica Militare – Ufficio Storico, Rome, 2002, pp. 314-420. On trouve dans Douhet Giulio, La Maîtrise de l’air, Economica, Paris, pp. 285-347, la traduction française par le journaliste de l’hebdomadaire Les Ailes Jean Romeyer de l’ouvrage : Général Douhet, La Guerre de l’air, éditions du Journal des Ailes, Paris, 1932, pp. 109-186. Retour au texte

40 Curieusement, c’est le surnom des premiers gros bombardiers quadrimoteurs américains Boeing B-17 : Flying Fortress. Retour au texte

41 Jauneaud Marcel, L’Aviation militaire et la guerre aérienne, Flammarion, Paris, 1923. Retour au texte

42 Ibid., pp. 225-53. Retour au texte

43 Douhet Giulio, « La guerra del 19… », Rivista aeronautica, p. 502. Retour au texte

44 Jauneaud Marcel, op. cit., p. 253. Retour au texte

45 Sur Jacques-Antoine de Guibert (1743-1790), cf. Charnay Jean-Paul, Guibert ou le stratège des Lumières, in Comte De Guibert, Stratégiques, L’Herne, Paris, 1977, pp. 37-92. Retour au texte

46 Vauthier Paul, La Doctrine de guerre du général Douhet, op. cit., p. XIV. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Éric Lehmann, « Entre rationalisme et politique-fiction. Un classique de la pensée stratégique », Nacelles [En ligne], 9 | 2020, mis en ligne le 15 septembre 2020, consulté le 25 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/1034

Auteur

Éric Lehmann

Enseignant au Lycée français international de Turin, docteur en histoire contemporaine (Université Paris X-Nanterre)
lehmann.eric@lgturin.it

Articles du même auteur