Monsieur Attali, sur le Japon, un peu de sérieux…
des étudiants pourraient vous lire !

Référence(s) :

Jacques Attali, Histoires et avenirs de l’éducation, Flammarion, 472 p., 2022.

Texte

La France aime ces grands « intellectuels » qui pondent des sommes définitives sur à peu près tous les sujets majeurs, englobant toutes les époques, tous les pays, toutes les cultures… Ainsi en va-t-il du livre de Jacques Attali, Histoires et avenirs de l’éducation – notons les pluriels –, paru en 2022 chez Flammarion et qui entend faire, en 472 pages, un panorama synthétique et prospectif de l’histoire de l’éducation passée et… future de tous les pays ou civilisations qui ont existé sur la terre depuis son origine…

Jacques Attali, dont la quatrième de couverture nous dit qu’il a « écrit 86 essais, romans, biographies, pièces de théâtre, mémoires, traduits dans plus de vingt langues […], enseigné dans les plus grandes écoles et universités françaises, créé quatre institutions internationales et été pendant dix ans le principal collaborateur du président François Mitterrand », a consacré quelques pages de son ouvrage à l’éducation au Japon – ce qui est fort louable, ce pays étant souvent le grand oublié de ce genre de synthèse. Étant tombé sur l’ouvrage dans une librairie – il en reste heureusement–, ayant pensé que peut-être, vu le panorama qu’il dressait, celui-ci pourrait intéresser mes étudiants pour justement sortir de la centration sur un seul pays, l’ayant acheté (24 €) et m’étant précipité sur les pages qui parlaient du Japon, j’ai hélas vite déchanté, sidéré par ce que j’ai lu, hésitant entre consternation, abattement, colère et fou rire. Un intellectuel ne devrait pas écrire cela…

En deux mots : quasiment tout, tel que décrit et présenté, est soit faux, soit erroné, soit incomplet ou inexact, soit carrément absurde… avec en prime une ou deux perles absolument hilarantes. Mais reprenons du début. Je m’excuse par avance auprès des lecteurs du caractère fastidieux du pensum à venir, mais ayant affirmé ce qui précède, il me faut à présent exemplifier et étayer mes accusations. Alors, allons-y, en commençant par la partie consacrée à la modernisation du Japon (p. 255-257).

Non, « jusqu’à la fin de la période Tokugawa, en 1867 [1868 en réalité], l’éducation » n’est pas « encore dispensée, comme depuis des siècles, par des moines bouddhistes, dans les temples et sur le modèle chinois » : les terakoya de l’époque d’Edo (1603-1868), appelées plutôt alors tenaraijo (lieux où l’on apprend à écrire), n’étaient pas (ou plus) des « écoles des temples » comme semble l’indiquer la traduction littérale (mais erronée) de leur dénomination forgée durant l’époque de Heian (794-1185), mais des écoles populaires créées en tout lieu et dans lesquelles enseignaient certes, quelques religieux, mais surtout, majoritairement, des guerriers de bas ou moyen rangs et, plus généralement, toute personne lettrée, y compris de nombreuses femmes. Et le modèle n’était pas exclusivement « chinois », ces enseignants utilisant de nombreux textes (ōraimono) produits au Japon et ayant trait à la vie quotidienne des communautés dont étaient issus les élèves.

Non, « entre 40 et 50 % des garçons et 15 % des filles » ne sont pas « scolarisés dans ces écoles » : tout simplement parce que… on n’en sait strictement rien. Ces estimations, qui n’ont aucun fondement scientifique, découlent d’une tentative d’évaluation du taux de lettrisme dans la société japonaise pré-Meiji proposée par deux Occidentaux, Herbert Passin et Ronald P. Dore1, qui, tout en posant comme équivalents taux de scolarisation et taux d’alphabétisation, se sont appuyés pour ce faire sur des recensements d’historiens japonais remontant au début du XXe siècle, des recensements incomplets et biaisés2. Effectivement repris à l’envi par de nombreux auteurs japonais ou étrangers qui écrivent sur le Japon, ils sont principalement utilisés pour affirmer l’excellence éducative du Japon durant ces années, et relèvent clairement des « nippologies » (nihonjinron) porteuses d’un discours sur la supériorité des Japonais.

Non, « dans les grands domaines et les villes », il n’existe pas « quelques écoles secondaires ». L’expression n’a aucun sens dans le Japon de l’époque d’Edo.

Non, ce n’est pas « par ailleurs » que « les samouraïs forment leurs enfants aux classiques confucéens et aux arts martiaux », puisque ceux-ci fréquentent les écoles des domaines qui sont évoquées juste auparavant.

Non, « en 1868 », il n’y a eu aucune « défaite humiliante face à quelques bateaux américains » que le nouveau pouvoir aurait eu besoin de « venger », il n’y a même pas eu de guerre.

Non, en 1868 toujours, le Japon ne sait pas encore qu’il va avoir besoin « de techniciens d’élite pour développer l’industrie et la défense », qui plus est « en imitation de l’Occident » (cliché éculé), et « dans un esprit qui reste très nationaliste », ce dernier point notamment parce que le pays et la nation « Japon » n’existent pas encore.

Non, « en 1871, un ministère de l’Éducation [n’]est [pas] créé », il s’agit au mieux d’un département ou d’un secrétariat à l’Éducation placé sous l’autorité du ministère des Affaires suprêmes et sans « ministre » à sa tête ; il faudra attendre pour cela la création du premier vrai gouvernement de cabinet en 1885.

Non – premier véritable fou-rire –, « la violoniste, musicologue, écrivaine, éditrice et poétesse anglaise Marion M. Scott » ne fonde pas « des institutions pour former des instituteurs dans chaque préfecture », d’abord parce que ladite Marion M. (pour Margaret) Scott n’est, en 1872, pas encore… née (1877-1953), ensuite parce que « ladite » Marion M. Scott qui a effectivement aidé le département de l’Éducation à créer la première école normale japonaise est en réalité un… homme, Marion M. (pour McCarrell) Scott (1853-1922), enseignant américain, ce qui est un chouia plus cohérent.

Non, « les écoles des temples bouddhistes » ne sont pas alors « nationalisées ».

Non, « les écoles des domaines féodaux, dirigées par les gouverneurs provinciaux, » ne deviennent pas systématiquement des écoles secondaires et encore moins dirigées par lesdits « gouverneurs ».

Non, « l’Académie du shogunat Tokugawa » (on imagine qu’est évoqué ici le Shōheizaka gakumonjo fondé en 1630, rebaptisé Shōhei gakkō en 1870, puis Daigaku – Grande École et non université – avant d’être fermé) ne devient pas « l’université impériale de Tōkyō », en 1872. Il faudra attendre 1877 pour voir un embryon d’université de Tōkyō émerger de la fusion de plusieurs établissements d’enseignement supérieur – dont ce qui reste du Shōhei gakkō. Et 1887, pour que ladite université devienne « impériale ».

Non, « d’autres universités » ne sont pas « créées » en 1872 ; la deuxième université, celle de Kyōto, ne sera fondée qu’en 1897 et la troisième, celle du Tōhoku, en… 1907 !

Non, en 1872, « les lycées [ne] visent [pas] à préparer les élèves à entrer dans l’une des universités impériales, pour former des dirigeants occidentalisés », puisqu’il n’existe alors, comme on vient de le voir, ni universités, ni lycées !

Non, « en 1877, après une tournée en Europe, les experts japonais [n’]adoptent [pas] le modèle germano-prussien », d’abord parce qu’on n’a aucune idée de ce que pourrait bien être la tournée en question, ensuite parce que le « modèle germano-prussien » ne sera véritablement appliqué à l’école qu’à partir du milieu des années 1880, et que, en 1877 et pour quelques années encore, c’est sur le plan institutionnel et pédagogique, le modèle franco-américain qui domine.

Non, et pour la même raison, « en 1876, un premier jardin d’enfants [n’]est [pas] créé par le gouvernement, sur le modèle germano-prussien » ; le premier yōchien ouvert au Japon, effectivement en 1876, est celui de l’école annexe à l’École normale de filles de Tōkyō (aujourd’hui Université féminine d’Ochanomizu) fondée sur les conseils de l’Américain David Murray et n’a rien de « germano-prussien ».

Non – deuxième perle –, entre 1886 et 1890, comme le laisse entendre le texte, « le pédagogue Osada Arata [ne] publie [pas] des recherches inspirées par Fröbel » ; Osada Arata (1886-1961), surtout célèbre pour avoir consacré la plus grande partie de sa vie à l’œuvre du pédagogue suisse Johann Heinrich Pestalozzi (1746-1827), vient en effet tout juste de naître et ne traduira De l’éducation de l’homme (Die Menschenerziehung) de Friedrich Wilhelm August Froëbel (1782-1852) qu’en 1924. Attali semble par ailleurs plusieurs fois assimiler la pédagogie de Froëbel au modèle qu’il appelle « germano-prussien », ce qui est un contresens dans le cas japonais. Celle-ci, certes d’origine « allemande » par la nationalité du pédagogue, a été importée au Japon via les États-Unis au travers du courant libéral, favorable aux idées pestalozziennes, et n’a rien à voir avec la « pédagogie germano-prussienne » qui deviendra dominante au Japon à partir du milieu des années 1880 et qui était, elle, inspirée des idées (revisitées) et de la méthode des degrés formels du pédagogue allemand Johann Friedrich Herbart (1776-1841).

Non, le Rescrit impérial sur l’éducation de 1890, n’est pas « placé sous [une] devise au titre évocateur (Esprit japonais et Technologie occidentale)  », car il n’a pas de devise, titre ou sous-titre de ce genre, pas plus qu’il ne « demande de donner la priorité à l’alphabétisation » – ici, Attali mélange les demandes du Gakusei, le « Décret sur l’éducation » qui fonda le système éducatif japonais moderne en 1872, et le contenu du Rescrit promulgué quelque dix-huit années plus tard.

Non, le Rescrit n’est pas « placardé dans toutes les écoles du pays, avec un portrait de l’empereur », ce qui aurait été considéré comme un sacrilège, mais précieusement conservé dans un autel dédié et sorti uniquement lors des cérémonies scolaires durant lesquelles il est lu respectueusement.

Non, « les inscriptions dans les écoles primaires [ne] passent [pas] d’environ 50 % de la population en âge scolaire dans les années 1870 à plus de 90 % en 1900 » ; ce taux est en effet de ± 41 % au maximum à la toute fin des années 1870 et de ± 81 % en 19003 – à donner des chiffres, pourquoi donner des chiffres inexacts (ceux donnés par Attali ne concernent en réalité que les garçons) ?

Quant aux pages consacrées à la période contemporaine (p. 311-313), l’on retrouve les mêmes travers, erreurs et à peu près.

La construction de cette section, intitulée « Japon : le système le plus compétitif, dans un pays bientôt sans enfants », pose d’ailleurs, en elle-même, problème. Elle commence par neuf lignes (sur soixante-huit) qui évoquent l’éducation du début du XXe siècle au travers de celle – forcément non représentative – reçue par l’empereur Hirohito, dont on ne comprend pas bien la nécessité sinon la pertinence ; douze lignes évoquent ensuite les années 1930-1945 au travers d’un type d’écoles qu’Attali appelle les « écoles populaires nationales » – kokumin gakkō, dont une traduction plus juste serait soit « écoles nationales » soit « écoles du peuple » – qui n’auront qu’une durée de vie de quelques années entre 1941 et 1945 et ne seront en réalité jamais vraiment mises en place au regard de leur projet initial, contrarié par les revers militaires qui s’accumulent à partir de 1942 et la guerre qui se déplace sur l’archipel avec notamment l’évacuation des enfants des grandes villes ; onze lignes sont ensuite consacrées à la période 1946-1970 ; zéro pour les années 1970-2014, soit 44 années durant lesquelles le lecteur déduira probablement qu’il ne se passe rien ; treize lignes ensuite sur les universités à partir d’un plan national proposé par le gouvernement en 2014 et intitulé « Top Global University Project » dont on ne comprend pas bien pourquoi il a retenu l’attention de l’auteur alors qu’il n’est que l’un des multiples plans et réformes qu’ont connus les universités japonaises depuis 2004, tandis que la réforme des universités nationales qui eut lieu en 2004 et qui se pose, elle, en jalon incontournable de l’histoire contemporaine des universités japonaises, est passée sous silence ; neuf lignes sur l’articulation entre secondaire et supérieur, comportant plusieurs inexactitudes – « l’entrée dans les lycées publics, après les neuf ans d’école primaire et de collège obligatoires, se fait désormais via un concours très difficile » : pourquoi « désormais » ? ; « Chaque étudiant passe un concours d’entrée différent pour chaque établissement d’enseignement supérieur auquel il postule » : outre le fait que beaucoup de ces concours sont aujourd’hui regroupés, le problème de cette affirmation-là est que, actuellement, et cela depuis près d’une décennie maintenant, plus d’un étudiant sur deux entre en réalité à l’université ou dans le supérieur sans passer de concours. D’autre part, contrairement à ce qu’affirme Attali ensuite, « le Japon [n’est pas] en 2022 1e troisième des pays de l’OCDE les plus performants en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en science », mais le deuxième, chaque fois après Singapour4 : une nouvelle fois, à donner des classements, pourquoi ne pas donner les bons ?

Enfin, l’avant-dernière partie de la section – huit lignes : « Les familles sacrifient tout à la formation de leurs rares enfants. Il n’y a pratiquement aucun étudiant ou enseignant étrangers. Si le système éducatif japonais a permis l’émergence d’une société industrielle dotée d’une force de travail technique compétente, il a fabriqué des tensions considérables : la gakurekibyō (“maladie du diplôme”) touche de plus en plus de jeunes Japonais travaillant de manière forcenée, ce qui entraîne hypertension et obésité. » – présente une vision du système éducatif japonais datée, qui correspond plus à la situation des années 1980 qu’à celle d’aujourd’hui, avec des affirmations surprenantes comme celle de l’absence presque totale d’étudiants étrangers (alors qu’ils sont plus de 312 000 en 2019, avant Covid, et plus de 230 000 en 2022).

Quant à la dernière section qui tient en deux phrases : « Le nombre d’étudiants baisse de façon continue depuis deux décennies. Comme on le verra au chapitre suivant, la baisse sera encore plus vertigineuse ensuite. », elle reproduit un contresens fréquemment fait par certains « experts » du Japon, lequel consiste à déduire – sans vérifier – de la baisse démographique que connaît le Japon, et notamment du nombre de jeunes de moins de 18 ans, celle du nombre d’étudiants ! Pourtant, comme le montrent toutes les statistiques officielles, alors que le nombre de jeunes âgés de 18 ans a effectivement diminué de 2,01 millions en 1990 à 1,17 million en 2020, soit une quasi-diminution de moitié en trente ans (-840 000), le nombre d’étudiants entrant à l’université en 4 ans (daigaku) a lui, sur la même période, augmenté de 492 340 à 635 003 (+142 643). Quant au nombre total d’étudiants, il est passé entre 2000 et 2020, de 2 740 023 à 2 915 605, soit + 175 582 (et +782 243 depuis 1990)5 ! Difficile alors d’affirmer que « le nombre d’étudiants baisse de façon continue depuis deux décennies ».

La population des 18 ans qui connaît aujourd’hui un plateau autour de ± 1,1 million de jeunes verra certes sa diminution reprendre et s’accélérer à partir de 2027, avec une population évaluée à 1 million en 2034 et à 0,79 million en 2041, soit respectivement -120 000 et -330 000 par rapport à 2022 (1,12 million) d’ici dix ans. L’accès à l’université et plus généralement à l’enseignement étant quasiment arrivé aujourd’hui à saturation en termes de marché, le nombre d’étudiants devrait alors automatiquement commencer à diminuer, et plus encore celui des universités privées. Mais c’est là une situation à venir et non une réalité actuelle (Attali l’évoque rapidement p. 377). En effet, tous les jeunes Japonais qui veulent aller à l’université ou accéder à l’enseignement supérieur y parviennent à présent sans difficulté… du moment qu’ils en ont les moyens financiers. Le seul obstacle à cet accès est en effet aujourd’hui, au Japon, économique. Mais de cela, Attali ne nous dit rien.

Alors que penser de tout ça ? Que penser de cet ouvrage écrit entre (ou en même temps que) trois autres essais – Histoires des Médias (Fayard, 2021), Le Monde, modes d’emploi (Flammarion, 2023) et L’Unique et le Multiple : Judaïsme et Hindouisme (avec Pierre Henry Salfati, Flammarion, 2024) – et deux romans – Le Livre de Raison (Fayard, 2022) et Bienheureux soit notre monde (Flammarion, 2023). Déjà, que Jacques Attali a le stylo alerte, ça c’est sûr. Mais sur le fond, et sur l’utilité de ces ouvrages – romans mis à part ?

Après avoir lu les pages consacrées au Japon, et en ne s’en tenant qu’à l’ouvrage dans lequel celles-ci apparaissent, on est en effet saisi d’un immense doute : les systèmes éducatifs des autres pays y sont-ils traités de la même manière ? Avec la même désinvolture, le même niveau d’erreurs, le même mépris de l’histoire et de la réalité que dans le cas japonais ? On se souvient ici du titre que Pierre Lavelle donna en 1994 à l’un de ses articles : « Sur le Japon, dis ce qu’il te plaît : nul n’ira vérifier » et qui traitait de l’idéologie des manuels d’histoire (Mots/Les langages du politique, n° 41, p. 183-195). Jacques Attali nous en donne ici, près de trois décennies plus tard, une nouvelle illustration. Jusqu’à la caricature. On laissera les spécialistes de ces autres pays, civilisations et cultures répondre pour ce qui concerne leurs domaines respectifs : ce qui est sûr, c’est que l’on n’a pas trop envie de prendre le risque de perdre du temps à lire le reste du livre si c’est pour y trouver des choses qui pourraient se révéler à ce point erronées. Mieux vaut se replonger dans Gaston Mialaret et Jean Vial6.

Les scénarios pour le futur que propose l’auteur à la fin de l’ouvrage sont certes intéressants – bien que guère optimistes à l’exception du dernier –, mais, à nouveau, sur quoi reposent-ils si les développements qui ont amené à leur élaboration sont empreints de tant d’inexactitudes et d’à peu près ? Ou bien ne sont-ils aux pages qui précédent que ce que sont en patinage artistique les épreuves libres aux figures imposées ? La valeur et la puissance de l’exercice de réflexion se mesurant alors à l’effort de connaissance préalable dont est censée rendre compte l’accumulation de données factuelles ? Ou s’agit-il simplement de remplir des pages et faire volume ?

À supposer que seul le Japon soit aussi mal traité dans ce livre, le constat n’en serait pas plus encourageant. Il serait même sans doute pire pour quiconque s’intéresse réellement à ce pays. Je me suis amusé à vérifier : tous les faits qui posent problème et que j’ai relevés ci-dessus circulent bel et bien sur Internet. Mais y circulent également, à qui sait les chercher, les bonnes informations – et Wikipedia, notamment, qui propose, sur ce plan, des contenus plutôt de bonne tenue, n’est pas à critiquer. Ce qui est regrettable, c’est qu’un « grand intellectuel » comme Jacques Attali ne soit pas à même de faire le tri entre ces informations et qu’il ait chaque fois choisi la plus mauvaise – on savait que le Japon ne faisait pas partie de la formation de nos élites, mais à ce point…7 ! Ce qui l’est tout autant, c’est que les personnes qui ont travaillé et relu son ouvrage ne soient pas non plus à même de relever et de corriger toutes ces erreurs, ou du moins les plus importantes. Ce qui est attristant, c’est qu’il ne se trouve personne dans une maison d’édition aussi prestigieuse que Flammarion pour tirer la sonnette d’alarme – ah, Marion M. Scott « violoniste, musicologue, écrivaine, éditrice et poétesse anglaise » qui a modernisé le système éducatif japonais avant même de naître !

En tout cas, et pour finir, un avertissement aux étudiants en études japonaises s’impose : attention, si vous vous inspirez de ce livre, pour rendre un devoir ou préparer un examen sur le Japon corrigé par quelqu’un qui ne serait pas Jacques Attali, c’est la mauvaise note assurée…

Notes

1 Ronald P. Dore, Education in Tokugawa Japan, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, 1965 ; Herbert Passin, Society and Education in Japan, Tōkyō et New York, Kodansha International, 1965. Retour au texte

2 Voir : Christian Galan, « Le(s) discours sur l’illettrisme dans le Japon contemporain », in Christian Galan et Jacques Fijalkow (sous la dir. de), Langue, lecture et école au Japon, Arles, Philippe Picquier, 2006, p. 341-392. Retour au texte

3 Source : https://www.mext.go.jp/b_menu/hakusho/html/others/detail/1317590.htm et https://www.mext.go.jp/b_menu/hakusho/html/others/detail/1317618.htm ; et en anglais : https://worldhistorycommons.org/meiji-era-school-attendence (consultés en juin 2024). Retour au texte

4 https://read.oecd-ilibrary.org/education/pisa-2022-results-volume-i_53f23881-en#page30 (consulté en juin 2024). Retour au texte

5 https://www.e-stat.go.jp/stat-search/file-download?statInfId=000031852323&fileKind=0 (consulté en juin 2024). Retour au texte

6 Gaston Mialaret et Jean Vial, Histoire mondiale de l’éducation, Paris, PUF, 1981, 4 volumes. Retour au texte

7 On lira avec intérêt – et délice – le texte qu’Emmanuel Lozerand a consacré au « Japon de Jacques Attali » (Écrire l’histoire, n° 7, 2011, p. 43-52 ; https://journals.openedition.org/elh/374) : tout y est dit sur ce plan, qui nous évite d’y revenir. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Christian Galan, « Monsieur Attali, sur le Japon, un peu de sérieux…
des étudiants pourraient vous lire ! », Etudes japonaises [En ligne],  | 2024, mis en ligne le 30 juin 2024, consulté le 03 novembre 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/etudes-japonaises/133

Auteur

Christian Galan

Université Toulouse-Jean Jaurès

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