Aviation électrique : de nouvelles perspectives

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L’industrie aéronautique se dirige vers une électrification progressive dans le but d’avoir des appareils plus efficients et plus économiques à faire voler. Cette électrification des systèmes de propulsion est considérée comme la troisième révolution dans la propulsion aéronautique après le réacteur puis le turboréacteur.

Il y a un an, je rencontrais Kevin Noertker, co-fondateur et p.-d.g. d’Ampaire, une start-up californienne qui veut intégrer le prometteur marché de l’avion électrique. Lors de notre entretien en janvier 2019, il me confiait les projets de l’entreprise. À cette date, elle n’avait pas encore fait voler son premier avion. C’est chose faite depuis le 6 juin 2019.

Ampaire a pris le parti de modifier un avion déjà existant. Le modèle choisi est un Cessna 337. Ce bimoteur possède une architecture particulière : un moteur situé à l’avant, un autre à l’arrière. Ampaire a choisi de fournir deux options. La première, hybride, propose un moteur thermique à l’avant et un moteur électrique à l’arrière. La seconde option propose deux moteurs électriques. Ampaire annonce une autonomie d’environ 160 km, ce qui correspond à la barrière symbolique des 100 miles.

Cette solution de modifier un avion existant a de nombreux avantages pour une petite structure telle qu’Ampaire. Elle permet tout d’abord de se passer de l’étude d’un appareil entièrement nouveau, mais également de profiter de la certification de l’appareil. Pour la faa par exemple, l’avion d’Ampaire est un nouveau type du Cessna 337, et non pas un appareil entièrement nouveau.

Selon Kevin Noertker, les bénéfices de l’avion électrique sont nombreux. L’appareil devient plus silencieux, plus confortable et ne dégage pas de vapeurs d’huiles ou de carburant. Le p.-d.g. d’Ampaire reconnait cependant que si la propulsion électrique supprime les émissions directes de l’appareil, son empreinte écologique dépend de la manière dont l’énergie est produite.

Le domaine de la propulsion électrique est très dynamique. Ainsi, klm et Air France prévoient l’arrivée des premières lignes commerciales d’ici quinze ans. Le principal défi technologique est le stockage de l’énergie électrique, donc principalement les batteries1. Cela n’empêche pas Easy Jet de prévoir un avion entièrement propulsé par l’énergie électrique d’ici 2027. La compagnie britannique a en effet passé un accord avec le constructeur Wright Electric afin d’équiper la ligne Amsterdam-Londres2.

Le faible coût d’exploitation des avions électriques devrait permettre de redonner un coup de fouet au secteur du transport court-courrier. Ampaire avoue sa volonté de prendre la tête d’un secteur prometteur3. De plus, pour être toujours être plus attractif, Kevin Noertker préconise des mises à jour au plus près des évolutions techniques. Que cela concerne des améliorations logicielles, les batteries ou encore les moteurs, le p.-d.g. d’Ampaire veut avoir dix coups d’avance. Cette stratégie commerciale permet d’anticiper les délais de certification, forcément longs dans le cas de la mise au point d’un appareil totalement nouveau. L’idée est d’équiper un appareil de pièces déjà certifiées.

En ce qui concerne les normes permettant de faire voler un avion électrique, le sae international (Society of Automotive Engineers) a créé le SAE-40 en novembre 2018. Le rôle de ce comité est de réunir les constructeurs, les motoristes, les équipementiers et les autorités aériennes comme l’European Union Aviation Safety Agency (easa) et la Federal Aviation Administration (faa) afin de permettre les coopérations autour des normes liées aux technologies émergentes. Pour Richard Ambroise, directeur du groupe E-40 et responsable de la propulsion électrique chez Airbus, ce nouveau cadre d’échange et de collaboration pour les avionneurs va permettre de mettre en conformité les nouvelles architectures des avions de demain. L’électrification de la propulsion est une gageure pour que l’industrie puisse atteindre son objectif de réduire son empreinte carbone de 50 % d’ici 2050. Le comité SAE AE-7D, créé dans le même temps, se consacrera quant à lui au stockage de l’énergie.

Pour David Alexander, directeur sae des standards de l’aérospatiale, « le sae international est honoré de soutenir l’industrie aérospatiale en proposant un cadre pour que la communauté aéronautique puisse atteindre ces nouveaux objectifs ». Le E-40 rejoint plus de 180 comités techniques sae dédiés à la résolution des challenges les plus importants de cette industrie et est au cœur d’une communauté grandissante d’experts qui se tournent vers les technologies de l’avion hybride et électrique. C’est d’ailleurs la création de ce groupe de travail sae international qui a valu à Richard Ambroise de recevoir le prix Kolk de la part de l’organisme de standardisation.

L’avion électrique n’est donc plus la simple affaire de quelques rêveurs qui se concentrent sur des solutions de niches, comme peut le faire Ampaire. Ces nouveaux avionneurs ont le mérite d’avoir apporté des solutions à leur échelle, notamment sur le plan des lignes régionales. Ce sont les grands constructeurs qui s’engagent désormais pour la réalisation d’avions hybrides et électriques à une plus grande échelle à travers des comités comme le SAE E-40 et le AE-7D.

Notes

1 Walków Marcin, « The CEO of KLM predicts that the first commercial electric airplane will arrive in 15 to 20 years », Business Insider France, 11/10/2019, en ligne : https://www.businessinsider.fr/us/klm-ceo-on-when-the-first-electric-airplane-will-arrive-2019-10?amp;. Retour au texte

2 Company News, « EasyJet makes progress with electric aircraft plan », Reuters, 29/10/2018, en ligne :
https://www.reuters.com/article/easyjet-ceo-electric/easyjet-makes-progress-with-electric-aircraft-plan-idUSL8N1X93FY; Retour au texte

3 Howell Hanano Elizabeth J., « Green for Take Off – Inside the Electric Airplane Industry », Toptal, en ligne : https://www.toptal.com/finance/market-research-analysts/electric-airplanes?_hsenc=p2ANqtz--CRHA8Z6HaYzzMJYKvpy8mbJkzTaDbePPj5TBjQ1q6shm2FWXPm-MVyIMLsH5CCAfLF3bEmrsoCtGvruf5sozyCNGvrA&_hsmi=2&utm_content=2&utm_medium=email&utm_source=hs_email Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Dominique Ambroise, « Aviation électrique : de nouvelles perspectives », Nacelles [En ligne], 7 | 2019, mis en ligne le 01 janvier 2020, consulté le 28 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/848

Auteur

Dominique Ambroise

Journaliste, titulaire d’un master en Histoire contemporaine
domi.ambroise@hotmail.fr