Quand la stratégie industrielle d’Airbus rencontre la politique du genre

Résumés

L’objectif de cet article est d’aborder la question de la représentation des femmes salariées au sein de l’entreprise Airbus, en particulier en ce qui concerne les carrières des femmes cadres, pour lesquelles l’organisation s’est lancée dans la mise en œuvre et l’implémentation d’une politique d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Il s’agit en effet de comprendre comment et en quoi cette volonté de féminisation des effectifs s’ancre dans une logique plus globale de réforme, de restructuration et de réorganisation du travail, en lien avec les reconfigurations historiques de la stratégie industrielle impulsées ces vingt dernières années. De ce fait, Airbus présente une singularité et une originalité dans le processus de mise en agenda de l’égalité professionnelle femmes-hommes, à travers les innovations industrielles, organisationnelles, mais aussi les innovations sociales et culturelles, qui sont retracées en fonction de leurs temporalités.

The aim of this article is to address the issue of representation of female employees within the Airbus company, in particular with regard to the careers of female executives, for which the organization has go into implementation of a policy of professional equality between women and men. It is indeed a question of understanding how and in what way this desire for feminization of the workforce is anchored in a more global logic of reform, restructuring and reorganization of work, in connection with the historical reconfigurations of the industrial strategy initiated these twenty last years. As a result, Airbus presents a singularity and originality in the process of setting the agenda for professional equality between women and men, through industrial and organizational innovations, but also social and cultural innovations, which are related according to their temporalities.

Plan

Texte

Introduction

Aborder conjointement le sujet de la féminisation des emplois et celui des mutations de l’industrie aéronautique, un monde professionnel fait de défis technologiques, souvent associé à la puissance et au prestige, soit à la masculinité1 et à la virilité, n’a a priori rien d’évident2. Historiquement, les femmes ont été les grandes exclues des métiers de l’ingénierie3, et plus globalement de tous les secteurs ou activités requérant l’usage et la maîtrise de techniques plus ou moins sophistiquées4. Celles qui sont toutefois parvenues à accéder à ces domaines de connaissance, les sciences dites « dures », les technologies de pointe, les inventions et innovations industrielles, furent relativement invisibilisées5. La vaste littérature consacrée au monde de l’aéronautique a permis de documenter de nombreux portraits de pionnières devenues iconiques, pilotant toutes sortes d’engins volants. Amelia Earhart traverse en solitaire l’Atlantique et le Pacifique en 19326. Des pilotes d’avions militaires se distinguent comme Caroline Aigle7, ou encore Catherine Maunoury, championne de voltige aérienne8. Mais que l’on se penche sur l’aviation de loisirs, l’aviation militaire ou l’aviation civile, la culture misogyne de ce milieu semble toujours aussi vivace : « If women were meant to fly, the sky would be pink9 ».

Loin de ces célèbres pionnières de l’aventure aérospatiale, l’objectif de cet article est d’aborder la problématique de la féminisation des salariées au sein de l’entreprise Airbus. Notre étude concerne en particulier les femmes cadres, pour lesquelles l’organisation s’est lancée dans l’implémentation d’une politique d’égalité professionnelle. Il s’agit ainsi de comprendre comment et en quoi cette volonté de féminisation des effectifs s’ancre dans une logique plus globale de réforme, de restructuration et de réorganisation du travail, liée aux reconfigurations historiques de la stratégie industrielle impulsées ces vingt dernières années. Les archives étant relativement silencieuses et déficitaires sur la question du travail des femmes dans la construction aéronautique10, la méthodologie de recherche mobilisée se base sur une enquête sociologique de type monographique menée au sein de l’entreprise Airbus, dans ses différents sites industriels et son siège social. Le site Airbus (Toulouse Blagnac) est un des plus vastes sites industriels de France, avec plus de 18 000 salarié·e·s. Nos analyses se basent sur près d’une centaine d’entretiens que nous avons menés auprès de femmes et d’hommes salarié·e·s de l’organisation (cadres, syndicalistes, professionnel·le·s de l’égalité, dirigeants et dirigeantes, membres du réseau de femmes interne, etc.), assortis de nombreuses phases d’observation effectuées principalement entre 2012 et 2016 pour la première période11, et ayant suscité de nombreuses interactions en continu avec le terrain de recherche depuis 2017.

Comme toutes les grandes entreprises, Airbus n’a pas échappé aux différentes contraintes juridiques, légales, mais aussi morales, économiques et symboliques, lui intimant de prendre en compte la situation différenciée de ses salarié·e·s en fonction de leur sexe. Le classement d’Airbus au palmarès de la féminisation des instances dirigeantes des entreprises du SBF-12012, commandité par le Secrétariat d’état aux droits des femmes, n’est guère reluisant, même si quelques progrès ont commencé à se faire sentir dans la dernière période. Il montre qu’en 2019, Airbus se situe dans le dernier quart du classement, à la 92e place sur 12013. Ce classement est la résultante de la construction d’une note synthétique accordée aux entreprises en fonction du taux de féminisation du conseil d’administration, de la place des femmes parmi les dirigeants (Comité directeur ou exécutif – COMEX), ainsi que de la politique de féminisation14. Pour la féminisation des dirigeants, 16,67 % de femmes sont membres du COMEX (Comité directeur ou exécutif) et 31 % de femmes font partie du top 100 des dirigeants (ici, en net progrès). Aucune femme ne participe à la présidence du Conseil, ou n’est directrice générale ou présidente de directoire. Enfin, la note totale sur la politique de féminisation obtient tout juste la moyenne, bien que la note obtenue à l’Index égalité15 soit honorable, mais très insuffisante16. La sensibilisation à l’égalité et la formation en direction des dirigeants sont quasi inexistantes. La présence d’un réseau de femmes ou réseau de mixité est un bon point pour Airbus, qui lui permet de relever sa note sur la mise en œuvre de la politique de féminisation.

Au-delà de la relative absence des femmes parmi les instances dirigeantes, on retrouve chez Airbus une situation de ségrégation sexuée interne au travail, articulant à une ségrégation verticale (la distribution au sein de la hiérarchie professionnelle), un phénomène de ségrégation horizontale (la distribution au sein des différents groupes professionnels). L’arrivée des femmes ingénieures chez Airbus date du début des années 199017 et sur les trente dernières années, elles sont passées de 3 % à environ 20 % sur l’ensemble des sociétés de l’entreprise. Actuellement, environ 16 % de femmes occupent des métiers proches de la production des avions et des activités techniques et technologiques, tandis que du côté de l’ensemble des fonctions dites support de l’entreprise (ressources humaines, stratégie, etc.), la féminisation se situe au-dessus de 30 % au global (2018).

Nous observons par ailleurs un phénomène de féminisation en mode « sandwich »18, qui opère par le haut, du côté des cadres19, où l’on retrouve un taux de féminisation d’environ 22 %, et qui opère aussi par le bas, sachant que les emplois administratifs occupent environ 10 % des femmes. Il est à noter que si la féminisation opère relativement par le haut, elle se localise toutefois dans les strates inférieures de la catégorie haute. Les femmes cadres sont en effet surreprésentées chez les cadres aux positions les plus basses20, avec 46,6 % des femmes cadres et 40,3 % des hommes (voir dans le paragraphe suivant leurs secteurs de prédilection, assez éloignés de la direction des projets industriels). Les ingénieures ont ensuite tendance à stagner à la position 3A (manager junior), sous le plafond de verre21. La présence des femmes se raréfie en montant la pyramide hiérarchique, et ce dès le premier niveau de localisation des postes de cadres supérieurs, jusqu’à relativement disparaître au sommet.

Les femmes sont aussi rares dans le secteur de la production, quel que soit le statut (ouvrières, techniciennes, cadres), avec un taux de féminisation inférieur à 10 %, voire en deçà de 5 % pour les secteurs les plus industriels, ceux œuvrant directement avec la mécanique ou la manipulation d’huile de coupe. Dès que l’on s’éloigne de la production, les secteurs sont davantage ouverts aux femmes cadres, comme la qualité (17 %) ou l’engineering, c’est-à-dire le bureau d’études (plus de 20 %). Et du côté des activités dites « support » de l’entreprise, la part des femmes est très marquée et en hausse croissante, permettant d’afficher une hausse globale de la féminisation pour l’ensemble de la société. Les femmes sont près de 70 % au sein des services de gestion des ressources humaines, une situation proche de la mixité au marketing ou à la stratégie. Cette répartition sexuée en emploi trace les contours d’une « loi de la féminisation » suivant une logique quasi mécanique dans son rapport à l’objet, à sa matérialité et à la fabrication du produit final prêt à être livré aux compagnies aériennes clientes et à voler. Ainsi, plus les métiers et les fonctions sont proches de l’avion en tant qu’objet physique (technologie de pointe, production, ligne d’assemblage, etc.), moins la présence des femmes est importante, et ce, quel que soit leur statut d’emploi. Et inversement, plus les métiers et les fonctions s’éloignent considérablement de l’avion et se situent « de l’autre côté de l’avion », expression souvent usitée par nos enquêtées, plus le taux de féminisation des métiers augmente22.

Ces vingt dernières années, plusieurs étapes ont été franchies au sein de l’organisation afin de structurer une politique d’égalité professionnelle. Avec un certain volontarisme, l’avionneur européen avait fixé un cap à long terme. Le dénommé « Objectif vingt-vingt » par Louis Gallois, ancien dirigeant, est un objectif politique visant à atteindre le taux de 20 % de femmes à tous les échelons de la hiérarchie professionnelle, à l’horizon 2020. De loin, sur les indicateurs globaux, c’est-à-dire au niveau de la représentation globale des femmes au sein de l’entreprise, les données s’en rapprochent actuellement. De plus près, en affinant l’analyse sur les catégories, on s’éloigne de l’objectif politique, sous les effets de la ségrégation sexuée interne des différents métiers de l’aéronautique, et de la faible représentation des femmes dans les échelons supérieurs des postes de cadres intermédiaires, supérieurs et dirigeants.

Plutôt que d’avoir recours à une vaste entreprise de débauchage en externe de femmes cadres occupant des postes en vue dans le secteur industriel, la logique privilégiée par Airbus a été celle de faire émerger un « vivier » de femmes dont la carrière semblait prometteuse en interne. L’organisation propose à ces « talents » un accompagnement par un plan de développement de carrière (formations, coaching, etc.), devant à terme favoriser la montée en prise de responsabilités, et l’obtention d’un poste de cadre supérieure selon des chemins balisés au sein de l’organisation. Pour ce faire, les objectifs de recrutement ont évolué au fil du temps. Les accords égalité de l’entreprise présentent dans les premiers temps un objectif de recrutement de 25 % de femmes à l’embauche (dès 2004), alors que l’on dénombre entre 16 et 20 % de sortantes des écoles cibles (aéronautique et autres écoles généralistes). Au vu de la lenteur des avancées, cet objectif de recrutement a été par la suite rehaussé dans le cadre de la renégociation des accords mixité-égalité (2016), pour atteindre 33 % de femmes parmi les nouvelles embauches, quelles que soient les catégories, y compris chez les cadres supérieures.

De nombreux travaux de recherche ont retracé l’histoire du contexte industriel dans lequel le groupe aéronautique Airbus évolue, des premières usines au début des années 1970 (Aérospatiale)23 aux différentes logiques d’État et de marchés en présence24, en passant par les diverses stratégies industrielles déployées dans une situation de duopole avec l’américain Boeing. C’est un « miracle » d’innovation technologique sans pareille, régulièrement érigé en modèle de réussite de la coopération industrielle internationale25. Ces dernières décennies ont été celles de la concentration, avec l’accélération des fusions et des acquisitions, comme celles des innovations techniques, technologiques et organisationnelles. De véritables « ruptures de paradigmes » actent une complexification croissante, de la conception à la production de l’avion (rationalisation des processus de fabrication), à l’avionique, c’est-à-dire l’ensemble des équipements électroniques, électriques et informatiques qui aident au pilotage, jusqu’aux systèmes embarqués26. Jusqu’à la fin de l’année 2019, un avion Airbus décolle ou atterrit toutes les 2,3 secondes dans le monde27. En constante redéfinition, l’avionneur Airbus joue le rôle d’architecte-intégrateur de systèmes et fait appel à une pyramide d’équipementiers, des firmes pivots (sous-traitants de rang 1 de la supply chain ou chaîne d’approvisionnement en relation directe avec le donneur d’ordres Airbus) jusqu’à de petits sous-traitants28, comme l’ont montré les travaux de Med Kechidi et Damien Talbot29. Ainsi, les avionneurs, autrefois véritables constructeurs aéronautiques, sont devenus des « assembleurs de systèmes aéronautiques »30.

Dans une première partie de l’article, nous verrons que dans ce contexte de fortes mutations industrielles, la rhétorique de l’égalité femmes-hommes a pris sa place. Différents plans d’action y ont été déployés, ainsi que les accords égalité signés par l’ensemble des partenaires sociaux présents au sein de l’entreprise. La politique du genre, ou mise en agenda de l’égalité professionnelle femmes-hommes, a ainsi trouvé un instrument de légitimation interne, entre innovation sociale, innovation culturelle et enjeux sexués. L’analyse vise à mettre en lumière comment et en quoi la question des enjeux portés par la politique du genre s’inscrit précisément dans un contexte d’importantes turbulences industrielles pour Airbus.

La deuxième partie aborde la question des temporalités du déploiement de la politique d’égalité professionnelle femmes-hommes. L’analyse de l’action de ses nombreux protagonistes, ainsi que de son fonctionnement, met en évidence trois périodes bien distinctes portant sur ces vingt dernières années. L’histoire, la genèse et l’actualité de la politique d’égalité montrent notamment que cette dernière est le fruit d’un long processus de maturation et de structuration organisationnelle, mêlant réorganisations des services, notamment de ressources humaines, à la construction d’une rhétorique de l’égalité bien particulière. Enfin, l’article conclut sur la configuration contemporaine de la structuration de cette politique et ses apories. Il met particulièrement en évidence que le glissement des termes « politiques d’égalité », « féminisation », vers « diversité de genre », jusqu’aux « politiques d’inclusion », qui se veulent d’agir « au nom de la richesse des différences », ne remet nullement en cause le rôle central que joue la complémentarité sexuée et racialisée dans l’ordre politique.

1. De la stratégie industrielle aux enjeux de genre

1. 1. Un changement organisationnel orienté vers les activités de service

À l’heure où Airbus envisage l’accompagnement de l’accroissement du transport aérien mondial, le renouvellement de la flotte31, la construction des futures usines plus numériques, plus intelligentes, plus vertes, plus connectées32, l’entreprise recentre aussi ses activités industrielles. Pour les dirigeants d’Airbus, la fabrication des aérostructures – c’est à dire les différentes parties d’un avion composant sa structure : fuselage, ailes, nacelles de réacteur – autrefois activité hautement stratégique, n’est plus « le sujet sensible qu’il était ». Une innovation technologique prenant le pas sur une autre, la stratégie industrielle d’Airbus en est ainsi infléchie : « Nous nous focalisons davantage sur la conception et l’architecture d’un programme, ainsi que sur la certification, le marketing et le support client33. »

L’organisation se recentre sur le contrôle des technologies clefs et entend renforcer un ensemble de compétences pour lesquelles elle maximise sa part dans la valeur ajoutée du produit final. Elle confie ainsi une part de plus en plus importante de ses activités à une externalisation dite « efficiente », une externalisation hautement stratégique (des activités les moins rentables ou performantes), afin d’opérer une sélectivité des investissements financiers sur les domaines disposant d’un avantage comparatif34. Ainsi, dans cette logique de repositionnement de l’avionneur dans la filière aéronautique, les fonctions support – de même que la fonction d’architecte-intégrateur – revêtent une dimension fortement stratégique, dans une logique de recherche de cohérence et d’anticipation des évolutions futures sur les marchés concurrentiels.

Difficile de trouver le bon équilibre en matière d’externalisation, dans une industrie de haute technologie, dont les produits sont complexes, et « qui s’oriente vers une approche en termes de services – les avionneurs ne se contentant plus de fournir des avions, mais proposant des offres de services sur l’ensemble de leur cycle de vie (par exemple, le FHS – Fly Hour Services – correspond à la maintenance à l’heure de vol des systèmes embarqués)35 ». Dans un contexte où le nombre d’avions Airbus en service ne cesse de croître, l’organisation développe notamment : « des services clients de valeur 24h/24, support dans le monde entier, durant tout le cycle de vie de l’avion36 ». Ainsi, ce recentrage d’Airbus sur le développement des métiers qualifiés liés à la sphère plus large des services, de l’après-vente et de certaines fonctions support, favorise une impulsion de la féminisation des emplois de cadres et d’ingénieurs, les femmes étant particulièrement surreprésentées dans ces secteurs37.

1. 2. Innovation sociale, innovation culturelle et enjeux de genre

Afin d’anticiper les potentielles turbulences à venir sur les marchés, Airbus a constamment besoin de se restructurer et d’innover et entend se recentrer sur ses atouts et développer de nouvelles opportunités. L’entreprise mise sur un changement culturel et organisationnel, afin d’accompagner son adaptation au nouveau contexte global. Un service relevant du secteur des ressources humaines, Development and Culture Change, y est entièrement dédié. Cette transformation culturelle et organisationnelle de fond sous-tend des enjeux de genre à plusieurs niveaux38. Tout d’abord, elle s’appuie sur une redéfinition globale des activités. Ainsi, à côté de ses activités technologiques de pointe, Airbus tend à devenir une immense plateforme de services. Ce bouleversement profond des marchés est susceptible d’entraîner une dynamique de féminisation des postes et fonctions, comme cela a pu être mis en évidence pour les carrières des cadres dans un contexte de fusions-acquisitions corrélatives à l’internationalisation d’un grand groupe39.

S’il est indéniable, dans le cas Airbus, que des innovations techniques, technologiques et industrielles entraînent de fortes innovations organisationnelles, cette double vague d’innovations en amène une troisième : l’innovation sociale et culturelle. Relativement absente de la littérature générale autour des évolutions contemporaines de l’entreprise Airbus, cette troisième dimension est centrale dans la configuration de la politique d’égalité professionnelle, de la politique de diversité « de genre » et d’inclusion impulsée par l’entreprise. Cette politique s’ancre dans une définition très précise de la culture d’entreprise Airbus, des valeurs portées par l’organisation, dans ce que signifie pour les individus « être Airbus », l’esprit Airbus, autrement dénommé en interne « theairbusway ».

La transformation culturelle s’appuie sur un dispositif, theairbusway40, qui résume toute la philosophie d’Airbus. Il s’agit d’un ensemble de principes directeurs mobilisés pour la création d’une culture d’entreprise internationale, qui repose sur le partage de valeurs, de comportements et de manières de travailler. Quatre grands principes gouvernent theairbusway, en tant que philosophie ou esprit d’entreprise. Au rang desquels : « offrir de la valeur à la clientèle » (1), « favoriser l’amélioration et l’innovation » (2), « se développer – soi-même et les autres » (3) et « pratiquer le travail d’équipe » (4). C’est précisément la dernière dimension de la culture Airbus – pratiquer le travail d’équipe – qui se connecte à des enjeux de genre et à la problématique générale de l’inclusion et de la « diversité de genre ». En effet, la pratique du travail d’équipe vise tout d’abord à « favoriser une culture inclusive qui valorise la contribution des diverses personnes (nationalité, sexe, âge, handicap, origine sociale/culturelle) et traiter tous les individus avec soin et respect41 ». Dans la communication de l’entreprise, il s’agit de même à être :

attentif aux opinions des autres, exprimer ses convictions en toute confiance, contribuer à des réunions limitées et productives, avec des décisions et actions claires ; promouvoir une atmosphère agréable, qui favorise le bien-être et le plaisir, la coopération, la confiance et le soutien mutuel dans et entre les équipes ; poursuivre des objectifs collectifs alignés avec la vision et la stratégie d’Airbus, en utilisant des procédés, des méthodes et des outils internes ; s’attaquer aux problèmes de front, mener des discussions constructives, résoudre les conflits avec détermination d’une manière respectueuse, dire « non » en cas de besoin42.

Cet environnement de travail international pose la question de la diversité au-delà des cultures et des nationalités, comme le mentionne Marielle, manager-qualité de 42 ans :

Chez Airbus depuis deux ou trois ans il y a ce discours, du fait que justement il faut l’égalité entre les hommes et les femmes. Après on a toujours des machos (…). Des fois j’ai un peu de mal à discerner si c’est une question de culture ou d’inégalités hommes-femmes. Les Allemands, c’est difficile de savoir s’ils font attention parce que vous êtes une femme. Les Espagnols sont un peu machos quand même, mais ça ne se ressent pas trop dans le travail, ça se ressent quand on va manger avec eux.

En outre, l’internationalisation participe à la confrontation en milieu de travail des différents contrats de genre43 au sein des pays européens. Charlotte, cadre supérieure de 48 ans, raconte une anecdote qui en dit long sur le décalage des cultures et des générations :

J’ai un collègue allemand de mon niveau qui m’a un jour dit : « Tu as gâché la vie de ton mari ». J’ai dit « Ah bon ? (rires), t’as qu’à lui demander, j’en suis pas sûre (rires) ». Pour lui le fait que je sois là, que je travaille au rythme des autres, etc. c’était forcément vis-à-vis de mon mari un gros handicap pour lui. Donc il se mettait à la place de mon pauvre mari. Et je lui ai dit « Non, mais je t’assure il le vit pas comme ça (rires) ». C’est un collègue allemand avec un modèle social allemand tout à fait différent du modèle français, c’est plus compliqué, ce n’est pas son âge…

Adhérer à la philosophie de l’airbusway, c’est avant tout être dans le collectif, penser aux intérêts de l’organisation avant ses propres intérêts de carrière. L’airbusway est incontestablement porteur d’enjeux genrés. Jouer le collectif plutôt que la posture individualiste est l’un des marqueurs les plus genrés des organisations. Cela explique en partie les retards de carrière accumulés par les femmes cadres, ainsi que les écarts d’avancement, de salaires, et les effets du plafond de verre44. Marie, cadre supérieure de 47 ans et coordinatrice qualité, souligne que la plupart de ses collègues femmes cadres et managers sont particulièrement en phase avec theairbusway. Cela se révèle totalement improductif pour elles et à rebours des stratégies payantes dans le cadre d’une carrière professionnelle ascendante :

Toutes les filles que je connais, la plupart sont très très intègres, par rapport à ce qui se passe dans l’entreprise. Et quand elles prennent une décision, qu’elles poussent quelque chose, c’est qu’elles considèrent que c’est vraiment l’intérêt de l’entreprise. Je ne dirais pas ça de tous les hommes, il y en a beaucoup qui poussent surtout leurs propres intérêts.

Le contexte de mutation industrielle conforte et accélère la politique de féminisation, mais fait également émerger de nouveaux enjeux de genre au sein de l’organisation. C’est précisément sur ces points que reposent l’originalité et la singularité de notre démarche de recherche45. Cette vision globale d’intégration, de respect, d’ouverture, de culture inclusive et de diversité est le point d’appui central sur lequel repose le déploiement et la légitimité de la politique en termes d’égalité femmes-hommes. Les dirigeants du groupe Airbus affirment régulièrement l’importance de la contribution des femmes à la société, par exemple à l’occasion du dixième Women’s Forum for the economy and society, qui s’est tenu à Deauville en octobre 2014, et auquel Airbus Group a pris part pour la première fois, afin de porter un message global d’inclusion :

If we want to achieve our ambitious targets, if we want to secure our future competitiveness and if we want to remain one of the leaders of the aeronautics industry, we need to engage all, irrespective of gender, culture or background46.

L’argumentaire autour de l’enjeu stratégique majeur que représente la diversité est régulièrement repris à l’unisson par les dirigeants du groupe Airbus :

Diversity is a business goal, it’s not because we are nice people. It is because we believe – I believe – it is essentially important for us to be successful in tomorrow’s markets47.

Ainsi, les messages, en interne et en externe, font clairement de la diversité une source de performance pour l’entreprise. En termes de communication, les enjeux sous-jacents à la diversité et l’inclusion portent sur l’élargissement des perspectives améliorant la créativité et l’innovation, dans une optique de maintien de l’avantage concurrentiel de la société, dans une perspective de Responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) et de stratégie de développement durable. Les réseaux internes travaillant sur la diversité et l’inclusion traitent de nombreux sujets, tels l’équilibre travail-famille, le développement de carrière, l’intégration des travailleurs et travailleuses handicapé·e·s et l’équilibre des sexes.

1. 3. Le déploiement de la diversité de genre

Le déploiement de la diversité de genre est associé à la croyance selon laquelle la plus grande présence des femmes bonifiera la culture d’entreprise. D’après Alexis, assistant exécutif et cadre supérieur de 37 ans, « si on pense pas que ça va nous amener un bénéfice, on n’a pas besoin de fixer des objectifs de recrutement de femmes ». Cet a priori positif sur les bienfaits associés à la présence des femmes n’est pas très éloigné d’une vision stéréotypée de l’esprit pratique qui serait si « typiquement féminin », en opposition à l’esprit d’abstraction des hommes et la mise en avant des compétences techniques ou autres hard skills. Ces derniers sont moins en adéquation avec les nouvelles aspirations de l’organisation, qui dorénavant plébiscite les soft skills, ou qualités humaines et relationnelles. Cette logique n’échappe pas aux préjugés de genre48 et au processus d’essentialisation des qualités et compétences des femmes. En témoignent les propos de membres de la direction de l’entreprise qui naturalisent les comportements en tenant les propos suivants en 2013 :

Les femmes et les hommes sont au centre du développement d’Airbus avec un mode de leadership qui doit évoluer et prendre en compte davantage d’intelligence émotionnelle, qualité naturellement présente dans le mode de leadership féminin49.

Et en interne, le raisonnement est le suivant, exposé par Alexis, déjà cité précédemment :

Si on résume très grossièrement, le management d’Airbus trouve que Airbus est trop immobile, trop lourd, trop complexe, et trop théorique. Il voudrait aller vers quelque chose de plus agile, plus rapide, plus simple. Et ils sont persuadés et je pense qu’ils ont raison, que féminiser les équipes, ça va beaucoup simplifier les choses, ça va aider à aller vers des choses plus pragmatiques, plus terre à terre, et plus faciles à mettre en œuvre, moins conceptuelles.

Cette volonté politique portée par les dirigeants est scrutée à la loupe par les femmes salariées. Tous les messages dissonants sont systématiquement relevés, notamment par les enquêtées des services diversité. Mélinda, ingénieure support de vente de 43 ans, est sceptique face à la sincérité de l’engagement, quand par exemple la direction n’adopte pas une posture d’exemplarité :

Il y en a qui sont fiers de dire qu’ils ne prennent pas le congé de paternité, comme notre grand chef. Difficile après pour les autres hommes de s’aligner sur les onze jours. Il a eu tout faux parce qu’on le sait (…).

Mais ce scepticisme touche également les professionnels et professionnelles de la diversité qui reçoivent directement ces discours comme une tentative de sabotage de leur action. Comme le fait remarquer Gianni, ingénieur aéronautique responsable des relations extérieures âgé de 42 ans :

Oui, il y a une volonté politique, maintenant il y a des réticences, que le patron ait une volonté politique, c’est bien, mais qu’en dessous il y a encore de la résistance dans toutes les strates et qu’avant que ça diffuse, il y a une grande difficulté.

La politique du genre devient, dans les discours de communication, un des moteurs permettant la transformation et la révolution culturelle (normes et valeurs) au sein de l’entreprise (comprise dans la culture inclusive). Cette dernière s’appuie sur une multiplicité d’instruments (le benchmark, notamment), d’actions et de dispositifs dits « techniques », qui agissent au niveau pragmatique et symbolique, à la fois sur les individus et sur le système organisationnel. Mais aussi sur une mise à distance des stéréotypes de sexe sur les compétences et les métiers, sur la volonté de rupture avec des décennies d’histoire des masculinités50, de la virilité et autre culture du rugby51 au sein de l’organisation. Par exemple, Airbus relaie sur son site internet toutes les actions visant à la diversification du recrutement, avec des formules ou des phrases « choc » : « At Airbus, we believe there is power in being different », « We are stronger together », en présentant des visuels reflétant la diversité et l’intersectionnalité des salarié·e·s. Mais aussi en élargissant l’inclusion aux populations LGBTI+ (drapeau arc-en-ciel à l’appui flottant sur l’entreprise) et handicapées, en se définissant également comme une organisation « disability-friendly », et en prônant également la diversité générationnelle (place à la « millennial generation » des moins de 40 ans) et la diversité sociale (chartes signées avec des territoires ou collectivités territoriales où sont localisées les personnes défavorisées)52.

Ainsi, à côté de facteurs tels que la veille sur les marchés et le recours à la sous-traitance, face au défi de la compétitivité, un autre levier de flexibilité mobilisé est la diversification qui « permet d’absorber les variations brutales d’activité par des jeux de compensation géographique ou sectorielle ». De fait, l’organisation reconsidère son « positionnement métier pour répondre aux exigences du marché et capter la valeur ajoutée »53. Dans cette logique de mutation industrielle de fond (dite « objectif 20-20 » en interne), de nouveaux profils sont attendus pour relever les challenges industriels à moyen terme. C’est ainsi dans ce contexte d’ouverture vers des métiers porteurs de qualités et de valeurs socialement étiquetées comme étant plus « féminins » (ouverture, pragmatisme, dialogue, curiosité, esprit pratique, etc.), que la politique du genre chez Airbus se déploie depuis une vingtaine d’années. Au cours de cette période, trois temporalités distinctes sont distinguées et analysées dans la section suivante.

2. Les trois temporalités de la mise en œuvre de la politique d’égalité professionnelle femmes-hommes

2.1. Fixation d’objectifs politiques et balbutiements de la politique d’égalité (2000-2008)

On assiste dans un premier temps à une période où Airbus s’engage assez timidement dans une réflexion sur la place des femmes en son sein (2000/2004). Quelques actions sont initiées, en externe, afin d’inciter les jeunes filles à choisir les filières scientifiques faisant l’objet d’une désaffection. Dans un article paru dans le quotidien La Dépêche en mai 2003, Erik Pillet, DRH d’Airbus à l’époque, souligne que les entreprises apprécient la rigueur, la créativité, la ténacité féminines, mais que « le gisement reste peu exploité », la diversité étant perçue comme « une vraie richesse »54. Cette rhétorique repose en partie sur l’idée de la nécessité de combattre le « gaspillage » des talents de la moitié de la population55. Cette stratégie d’amélioration des performances des entreprises européennes56, fait écho à des conceptions antithétiques de l’égalité des sexes sur le marché de l’emploi57.

Il y a eu quelques moments forts, en termes de communication, quand l’entreprise a obtenu le « label égalité » en 2003 et 2004, avant de s’en désaffilier par la suite (faute d’avoir désigné une personne pour s’occuper du dossier en interne). À cette époque, la question de l’égalité femmes-hommes commence à perdre du terrain face à l’arrivée en force de la catégorie de la diversité, plus englobante58. Airbus s’est rapidement engagée dans cette voie et est signataire de la Charte de la diversité en entreprise depuis sa création en 200459. La question de la diversité (genre, âge, handicap, origines culturelles et sociales) va commencer à infuser au sein de l’organisation. Au fil du temps, elle va se construire comme un axe stratégique de la politique de gestion des ressources humaines chez Airbus, qui s’est largement emparé de ce que Laure Bereni nomme un « dispositif de soft-law », volontariste et peu contraignant60.

Dans cette logique, les entreprises (plus de 500 salarié·e·s) commencent à partir de cette époque à s’impliquer de plus en plus dans des démarches relevant de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Elle se définit comme « la contribution volontaire des entreprises aux enjeux du développement durable, aussi bien dans leurs activités que dans leurs interactions avec leurs parties prenantes »61. En effet, la contribution des entreprises au volet social, avec les dimensions de lutte contre les discriminations, l’enjeu des conditions de travail et la gestion des emplois sont l’un des trois volets de la RSE, et le plus important au regard de l’antériorité de ces questionnements sur les discriminations, à côté du niveau environnemental et du niveau sociétal62. Les organisations patronales soucieuses du « rôle social » des entreprises vont occuper une place centrale parmi les promoteurs de la diversité, tout en s’appuyant sur la mise à l’agenda public de l’anti-discrimination63.

Un premier accord égalité chez EADS a été signé par les partenaires sociaux en 2004, puis en 2007 et 201064. Cette politique commence à davantage s’affirmer, relayée par la volonté politique d’un dirigeant précurseur. Louis Gallois, alors PDG d’EADS (2006-2012), souhaite féminiser son entreprise et fixe un objectif politique chiffré, l’objectif 20/20. Dans ce qui peut être qualifié d’un processus de « réforme par imprégnation »65, ce dirigeant précurseur a joué le rôle d’« émetteur » de ce système réformateur. Le lancement de cette politique débute « sur des œufs », tout en fixant un cap pour l’avenir, au regard de son poids politique, financier, social, charismatique, etc.66, passant ensuite le relais à un certain nombre de protagonistes en interne. Issus du top management et des services de gestion des ressources humaines, ces médiateurs et ces médiatrices vont peu à peu engager des ressources afin d’imposer la politique menée, se professionnaliser sur la diversité et devenir experts en la matière en l’espace d’une dizaine d’années67.

L’objectif étant fixé, soit obtenir une proportion de 20 % de femmes présentes à tous les échelons de l’entreprise pour 2020, l’organisation doit à présent se structurer pour appliquer cette politique. Il s’en est suivi quelques années de relatif flou autour de sa mise en œuvre. Si la temporalité de l’objectif à atteindre semblait lointaine en 2008 (plus de douze ans), ce flottement était aussi probablement lié à l’incertitude au niveau de la prise en charge de la question au sein de l’organisation, alors stratégiquement mal positionnée du côté des services s’occupant traditionnellement des relations sociales et des aspects juridiques de l’entreprise. En mettant fortement en avant des objectifs chiffrés, mais relevant de valeurs non marchandes en première intention, Louis Gallois, premier patron promoteur de cette politique que l’on pourrait qualifier de « women friendly »68, entend résolument positionner son entreprise multinationale du côté du nouvel esprit du capitalisme69.

La question de la diversité replace la question des inégalités entre les sexes dans un ensemble plus large de discriminations dans la sphère de l’emploi et du travail70 et d’inégalités de statut (sexe, race, orientation sexuelle, religion, âge, handicap, etc.). La diversité est porteuse de paradoxes, car elle met en avant des catégories discriminées, et en même temps elle peut conduire à une reconnaissance, dans le sens d’une essentialisation, de ces différences. Jacqueline Laufer71 en résume un de ses principaux écueils, susceptible de fragiliser considérablement le principe d’égalité femmes-hommes :

La question se pose de savoir si les différences de sexe et de genre peuvent être considérées comme une « diversité » parmi d’autres. En effet, la spécificité de la question des inégalités de sexe réside dans sa portée universelle. Le fait de la dissoudre dans un ensemble de revendications de plus en plus différenciées risque de faire disparaître ce que la revendication égalitaire représente d’essentiel dans les sociétés démocratiques contemporaines.

2. 2. Le détour par les politiques de diversité (2009-2011)

Depuis cette époque, l’entreprise met clairement en avant dans sa communication son engagement pour la politique de diversité et en fait également un argument de diversification du recrutement et de performance face aux enjeux des marchés et de la concurrence économique. La diffusion des modèles internationaux sur les questions de diversité et de lutte contre les discriminations se répercute sur l’organisation en France72 et fait que les entreprises les plus investies dans des politiques de diversité sont les grands groupes internationalisés qui ont intégré la problématique globale du « management de la diversité »73 :

Airbus est signataire de la Charte de la diversité depuis 2004. Pour autant, notre entreprise s’est engagée à manager la diversité depuis sa création en 2000 au travers du multiculturalisme. Avec plus de 80 nationalités différentes, Airbus est convaincu du bénéfice qu’apportent le pluralisme et la diversification de notre force de travail. Nous avons choisi de nous focaliser sur le genre, l’âge, le handicap et les origines culturelles et sociales afin d’obtenir de réels avantages compétitifs et générer de la valeur. Améliorer nos performances économiques, financières, sociétales, humaines ; renforcer notre rayonnement et notre image de marque, pénétrer de nouveaux marchés… sont autant de facteurs qui stimulent notre engagement. En signant cette Charte de la diversité, Airbus se positionne au-delà même d’un engagement moral74.

La promotion de la diversité contribue à conditionner le principe d’égalité à son utilité au nom d’un libéralisme vertueux75. Si quelques dirigeants d’entreprise ont pu avoir un rôle d’impulsion, comme Louis Gallois, le travail de mobilisation en faveur de la diversité a été surtout le fait de groupes professionnels proches des directions d’entreprises, et particulièrement des professionnel·le·s du champ des ressources humaines sensibilisé·e·s à la problématique, soit individuellement, soit par l’appartenance à des collectifs et réseaux plus larges (associations de managers et professionnel·le·s de la diversité, par exemple)76.

La volonté affichée d’agir contre les discriminations commence à devenir une réalité quand est mise en place une première équipe dédiée à la diversité. Airbus et EADS embauchent en 2010 une responsable diversité, Sabine, expérimentée en gestion des ressources humaines et en management de la diversité. Une petite équipe formée de dix personnes sur toute la société (qui à terme devait être constituée d’environ 200 personnes « relais ») est constituée et chargée du développement du « réseau diversité » en interne, disposant au total d’un budget de 300 000 euros pour développer des actions et monter un réseau de salariés, femmes et hommes, intéressés par ces questions. L’enjeu de cette mission était de faire vivre le management de la diversité et accompagner le changement dans les quatre pays d’Europe autour de quatre axes, dont le développement du leadership au féminin, l’intergénérationnel, l’interculturel et l’égalité des chances, ainsi que le maintien dans l’emploi et le recrutement de personnes en situation de handicap. Dans la foulée, un troisième accord égalité et mixité professionnelle est signé (2010). Un « diagnostic diversité »77 est mené en interne en septembre 2010 pour évaluer les priorités du groupe et établir un plan d’action à déployer à partir de 2011. Suite à cela, l’entreprise s’est fixé trois nouveaux axes stratégiques en ressources humaines, soit « implémenter, promouvoir et manager » la diversité.

Ces axes stratégiques ont été définis en s’appuyant sur le travail d’expertise de professionnel·le·s du management de la diversité (externes comme internes) rodé·e·s à la mise en œuvre des « bonnes pratiques » des firmes anglo-saxonnes en matière de diversité, qui déploient un certain nombre de méthodes pour « promouvoir la diversité »78 (« ingénierie de formation », modèles de « rénovation des process RH », « outils de diagnostic » et d’« audit », procédures de « reporting », etc.79)80. L’égalité professionnelle femmes-hommes, par l’entremise de la diversité, s’est ainsi retrouvée progressivement intégrée dans la complexité des outils et processus gestionnaires81 existants, opérant un « travail de traduction de l’anti-discrimination au prisme de la raison technique de l’entreprise82 ».

Un accord d’entreprise a été signé avec toutes les organisations syndicales représentatives en mars 2011 pour chacune des entités EADS en France visant à favoriser l’emploi et l’insertion des personnes handicapées. Suite à cette impulsion, et sous l’effet des obligations légales, l’organisation s’est engagée dans le lancement d’actions en faveur du handicap, avec un plan d’embauche volontariste et une politique de maintien dans l’emploi83. Pauline, manager diversité de 30 ans, qui a collaboré avec la première équipe diversité, était présente à la genèse d’un projet pilote sur la question du handicap. Ce projet, piloté au sein d’EADS et intitulé « People centric », est un processus de recrutement innovant centré sur les candidat·e·s, une méthode de recrutement de type « inclusive ». C’est ainsi l’accord handicap Airbus de 2011 qui a permis de développer la diversité par la suite de manière extensive, et notamment la question de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, et selon Pauline : « Ils ont fait grossir la diversité, et après ils ont tout pris en même temps, avec une pression différente sur les sujets, qui nécessitaient des actions différentes. »

Le début de la période où la diversité « de genre » entre en scène est également marqué par le plan de restructuration Power 8 qui s’applique à partir de 2008. Il a des conséquences importantes sur la vie de l’entreprise jusqu’en 2010, en opérant une réduction générale des recrutements (près de 8 000 postes ont été supprimés sur la période, sans qu’il soit toutefois possible de les sexuer avec les données en notre possession)84. Dans ce contexte, difficile par conséquent de lancer une politique de féminisation quand le vivier d’emplois à pourvoir se resserre considérablement. À la réouverture des recrutements après 2010, notamment autour du nouveau projet de construction de l’A350, l’entreprise commence à se situer, d’après Pauline : « plutôt bien sur la féminisation, à part sur les détails », c’est-à-dire sur la place des femmes au sein des différents secteurs professionnels et métiers.

La dynamique d’une « réforme par imprégnation »85 ne se déroule pas selon un processus linéaire, mais permet davantage des avancées en spirale, devant parfois contourner la mobilisation latente des bloqueurs ou bloqueuses. En effet, les premiers essais de lancement de la politique d’égalité mirent en avant de manière très volontariste l’enjeu de la mixité professionnelle femmes-hommes et de la féminisation de l’entreprise. Cela se solda par un relatif échec, l’expérience fut « maladroite », l’approche jugée « trop offensive » en interne, trop « frontale ». Les messages de communication ont notamment été ressentis comme étant « trop féministes », à travers l’usage des termes de « mixité » ou encore de « féminisation ». Ils ont suscité du rejet de la part des salariés, hommes et femmes, mal informés des enjeux et du diagnostic des inégalités au sein de leur entreprise. Un « manque de pédagogie », selon différents informateurs, l’aurait empêchée de véritablement trouver son public et des échos positifs au sein de l’organisation86. La responsable de la diversité (Sabine) fut in fine remerciée par l’entreprise en 2012.

D’après la responsable diversité qui lui a succédé (Élise, débauchée par Airbus dans un grand groupe industriel concurrent), Sabine s’est retrouvée face à une situation où la volonté de féminisation a rimé avec une totale incompréhension de la démarche. L’opposition des hommes, en particulier, témoignait de la perception d’une menace féministe et ses conséquences potentielles, soit l’atteinte aux privilèges masculins. Ces « opposants », membres de la direction de l’entreprise ou pas, ont dans une certaine mesure freiné la vague réformatrice en cours et résisté plus ou moins passivement. La nouvelle concurrence des femmes cadres, avant tout ressentie comme injuste, est susceptible de porter atteinte à leur pouvoir, prestige, richesse, etc. Élise, manager diversité senior de 45 ans précise :

On a beaucoup dit féminisation ! Féminisation ! Pour le coup il y a des hommes que ça gratte un peu : c’est bon, alors pour quoi faire ? Qu’est-ce que ça apporte ? (…). Parce qu’ils ont l’impression que quand on dit ça c’est le MLF qui débarque, ou qui revient. Ah c’est le cauchemar pour eux (…) et tout ça, ça ressort. On est encore dans cette vision.

La rhétorique de la diversité permettra « l’effacement symbolique des connotations juridiques et militantes initialement dominantes dans la définition de l’anti-discrimination87 ». Comme le rappelle Élise dans l’extrait précédent, ces notions ne passaient plus du tout dans l’entreprise. Elles étaient d’une part « ringardisées » devant l’apparente « modernité » des discours managériaux sur la diversité « de genre » et d’autre part renvoyées à une époque pensée comme étant révolue, renforçant les perceptions autour du mythe de l’« égalité déjà là »88.

2. 3. Diversité de genre et inclusion des femmes (depuis 2012)

Au début de cette troisième période, les turbulences au sein d’Airbus ne portent pas seulement sur le volume des embauches, mais aussi sur la restructuration interne des activités, dont le service diversité qui a vu se succéder trois managers en moins de deux ans. Une phase de restructuration des services des ressources humaines89 voit son terme à la mi-2012. La nouvelle organisation qui se met en place à partir de juillet 2012 permet de faire de la diversité chez Airbus un service à part entière en janvier 2013, et depuis le printemps 2013 ce dernier est directement rattaché au DRH d’Airbus et d’Airbus Group (Thierry Baril). Pilotée par plusieurs femmes responsables de haut niveau90, la diversité est rattachée au service chargé de mettre directement en œuvre le changement culturel au sein de l’entreprise – nommé Development and Culture Change – à côté de trois autres services des ressources humaines chargés de réaliser un travail en profondeur sur l’optimisation du travail. Le positionnement de la diversité dans l’organigramme de la DRH montre l’importance politique de la mission. Cette position, en lien avec la direction et le DRH, permet de « porter ces sujets au bon niveau, et ça je pense que c’est fondamental, c’est vraiment clef et important » (Élise, 45 ans, manager diversité). Cela a des répercussions géographiques et symboliques sur la localisation du personnel de la diversité, dont certains de leurs bureaux se situent à trois portes de celui du dirigeant du groupe en charge du dossier. Comme le précise Éva, manager diversité de 28 ans, en 2013, une dizaine de personnes travaillent sur les questions de diversité dans ce service (tous pays confondus). C’est un signe de la montée en puissance de cette problématique, à présent considérée comme stratégique, en lien avec le changement de culture souhaité par l’organisation.

Ces professionnels et professionnelles de l’égalité et de la diversité peuvent être considérés comme autant de personnes participant à la diffusion de la politique interne, en acceptant, validant et engageant des ressources conséquentes pour l’imposer. Ainsi, la dernière période a vu une montée en puissance de la diversité, avec des recrutements de personnes compétentes (environ cinq au début, dont quatre ont pu être interviewées dans la période de l’enquête), des responsables bien identifiés, et de plusieurs personnes se consacrant à la question (recrutement, suivi des carrières, mise en œuvre d’actions, etc.). On assiste dans la même période à un tournant fort dans la stratégie de communication, qui s’assortit à une phase de restructuration interne de grande ampleur. La question de la diversité, associée ensuite directement à l’inclusion (le service devient ensuite Diversity and Inclusion), est traitée dans un grand service portant la politique de changement culturel et d’inclusion, très bien positionné dans l’organigramme de l’entreprise.

Quelques travaux de recherche en sciences de gestion et management des organisations ont émergé sur la question de l’inclusion, principalement aux États-Unis91. L’inclusion est présentée comme la méthode et la clef du management de la diversité. Elle implique le développement d’un sentiment d’unicité et d’appartenance à un collectif de travail. Le degré d’intégration se mesure en fonction de la subjectivité des individus. Il est corrélé au sentiment d’occuper une place à part entière dans son environnement de travail et d’être connecté à son travail, avoir le sentiment d’être membre d’un groupe d’appartenance donné. Cela s’accompagne aussi de moyens pour mesurer collectivement l’intégration des individus et leur ressenti, comme la qualité des relations avec les membres du groupe et les supérieurs hiérarchiques, la satisfaction au travail, l’intention de rester, le rendement au travail, l’engagement, le bien-être (stress, santé), la créativité, les opportunités de carrière, etc.

Dans le même temps, les accords égalité professionnelle ont été renégociés par les partenaires sociaux en 2013 (puis en 2016 et 2019). Par rapport aux accords signés précédemment (2004, 2007 et 2010), ces derniers en reprennent les grandes lignes, en mettant particulièrement l’accent sur des nouveautés comme dans la politique de promotions individuelles. Ainsi « (…) afin d’améliorer l’accès des femmes aux niveaux hiérarchiques supérieurs, la proportion de femmes admises à suivre les actions de formation/développement individuelle qui préparent aux responsabilités d’encadrement supérieur devra au moins être égale à la proportion de femmes cadres dans la société considérée » ; la rémunération du congé de paternité (maintien à 100 % de la rémunération nette d’activité) ; l’accès au travail à temps partiel (qui ne doit pas constituer un frein aux augmentations salariales, à la mobilité, au recrutement interne). En outre, les objectifs de féminisation sont relativisés. À l’objectif volontariste 20/20 répond désormais la phrase suivante :

(…) Les sociétés du groupe s’assurent que la proportion des femmes embauchées sur les postes ouverts au recrutement soit au moins équivalente à celle des candidatures féminines reçues, quelle qu’en soit la source (stages, intérim ou embauche directe).

Par ailleurs, la reconversion professionnelle du personnel administratif dans les métiers techniques est encouragée (emplois de production). Enfin, l’accent est mis sur la communication d’Airbus Group sur l’ensemble des mesures destinées à favoriser la parentalité et d’une façon générale à assurer l’égalité femmes-hommes. L’accord précise également un objectif d’examen et de bilan avec les organisations syndicales (2015). Afin d’assurer l’efficacité de cette politique d’égalité, des dispositions spécifiques sont prises, dont la désignation d’un·e référent·e égalité et mixité professionnelles dans chaque établissement (à défaut le/la RH), le nécessaire bon fonctionnement des commissions égalité professionnelle (syndicats). Mais aussi la mise en place d’une « procédure individuelle de recours interne (…) pour les salarié·e·s s’estimant victimes d’une discrimination professionnelle liée à leur sexe ».

Les orientations et actions stratégiques pour la période 2013/2015, mentionnées dans l’accord, mettent l’accent sur le fait que pour les cadres, les écarts sexués de rémunérations (304 € sur le salaire médian) « sont cohérents avec les différences d’âge et d’ancienneté ». Interrogée sur ce fait pour le moins troublant, la responsable de la commission égalité professionnelle m’explique qu’elle a dû établir des priorités sur les nouvelles revendications, et qu’elle a dû « lâcher » sur ce point précis dans le cadre de la négociation. Le nouveau plan d’action met toutefois particulièrement l’accent sur les orientations politiques du groupe. Soit, favoriser l’accès du personnel féminin « aux fonctions de cadres supérieures et exécutives (objectif chiffré + 25 femmes exécutives), qui reste un enjeu d’exemplarité à court et à moyen terme (…) », avec un intérêt particulier sur le « vivier » (promotions en position de cadres seniors) et s’interroger sur les freins aux promotions des femmes dans les environnements de production. Pour ce faire, un objectif de 20 % de participantes dans les sessions de formation et de développement dédiés est fixé. Le groupe poursuit ses actions destinées à « mettre en valeur les femmes dans l’entreprise : participation aux réseaux professionnels, programme de formation spécifique en direction des femmes nommé GROW pour growing opportunities for women »92.

Au-delà des accords égalité, ce sujet éminemment politique est devenu légitime au plus haut niveau de l’organisation (à partir de 2012). Il est l’un des supports du changement culturel de l’entreprise, engagée dans la préparation d’un grand tournant industriel à moyen terme (ouverture plus large de la concurrence sur les marchés), qui la pousse à développer de manière accélérée des activités de support et d’expertise. Cette situation est susceptible de créer un appel d’air favorable pour l’accélération du processus de féminisation93. Dans cette vision, la question de l’égalité des sexes, conformément à une posture opportune et utilitariste de l’entreprise, est présentée comme un moyen et non pas comme une fin en soi. Elle est sous-tendue par des enjeux démographiques, des enjeux de recrutement et d’attractivité de l’organisation, de compétences multiples, des enjeux de marchés, des enjeux de pouvoir pour les actionnaires, des enjeux autour du maintien des salarié·e·s en emploi. Les contingences économiques et l’enjeu du maintien de la position de l’entreprise sur un marché mondialisé coexistent avec tout un faisceau d’autres facteurs, avec des enjeux de créativité, de performance, de responsabilité sociale de l’entreprise et d’image de marque. Sur cette dernière dimension d’image, l’organisation et ses dirigeants mettent tout en œuvre afin de ne pas défrayer la chronique et d’éviter les déboires judiciaires, comme cela a pu être le cas par le passé. En effet, Airbus a été condamné pour fait de « discrimination raciale à l’embauche en raison de l’origine » en janvier 2012, pour une affaire remontant à 2005 auprès du défenseur des droits94. En janvier 2014, la cour d’appel a prononcé en référé la nullité du licenciement d’une salariée enceinte de sept mois, cadre au sein de l’établissement d’Airbus à Toulouse95. Au sujet de cette politique, la posture exemplaire de l’entreprise devient aussi une motivation, bien devant les résultats potentiels en matière d’égalité femmes-hommes. Comme le précise Alexis, jeune cadre supérieur déjà cité précédemment : « Par contre, les effets négatifs sont plus forts que les effets positifs, si on avait un gros problème éthique sur notre gestion, ou la diversité hommes/femmes ou autre ».

Derrière la politique de diversité, il existe chez Airbus une réelle volonté de mieux intégrer toutes les nationalités (une centaine), les différentes langues (une vingtaine parlées), les seniors, les handicapé·e·s, et surtout les femmes. Derrière la diversité, se trouve le genre, et d’ailleurs une des terminologies employées au sein de l’entreprise, qui revient très régulièrement dans les discussions auprès de ses promoteurs et promotrices, est celle de gender diversity ou « diversité de genre ». Si l’ancienne communication – avec une rhétorique mettant en avant la mixité et la féminisation – s’est révélée être un obstacle indépassable, cette rupture dans le discours est stratégique, dans le sens où l’objectif doit être, non pas ressenti de manière « agressive », mais perçu de manière positive et tournée vers l’avenir, comme le précise Élise :

On s’est pris deux trois portes, parce qu’ils ont dit « okay vous êtes gentilles, elles ne peuvent pas faire ça, elles ne peuvent pas faire ça, elles ne peuvent pas faire ça, parce que c’est des métiers physiques » (…). Donc on a vraiment corrigé le tir en disant « okay, aujourd’hui c’est une politique. L’anglais est mieux que le français d’ailleurs, comme par hasard il n’y a pas de mots en français, une politique gender, vraiment on est sur de la gender diversity ».

Ainsi, la gender diversity, terme largement usité en interne, replace cette politique dans sa dimension européenne et internationale. Cela permet en outre de placer le débat sur des enjeux plus globaux. Cette notion « passe plutôt bien dans l’organisation », notamment dans le contexte et la période de l’enquête de terrain, où l’approche genre se retrouvait au cœur de polémiques politiques violentes. Avec un contexte de mobilisations contre l’enseignement de l’égalité à l’école et contre la loi sur le mariage pour tous, le genre était « honni par une droite réactionnaire qui se cherchait une identité, célébré par une gauche intellectuelle qui a pourtant tardé à en entreprendre l’étude »96. Dans ce contexte, l’emploi du terme de « gender diversity » permet aux femmes cadres de se sentir beaucoup plus à l’aise et enclines à accepter, voire participer, à la mise en œuvre d’actions positives, quand le stigmate féministe est évacué de la communication. Dans cette optique, le terme de diversité joue ici largement le rôle de « cache-sexe ». Ce changement de stratégie, du frontal au masqué, est absolument central. Le masquage concerne en premier lieu la communication, mais pas les actions égalité en elles-mêmes.

En effet, plus des trois quarts des actions menées en interne concernent la question du genre. Lors d’une présentation publique de cette politique par une des responsables diversité en 2014, cette dernière précise que les actions ciblées sur les inégalités femmes-hommes sont centrales et qu’elles ont renvoyé les autres problématiques (handicap, etc.) au second plan jusqu’alors. L’enjeu est également pour ses équipes de ne pas perdre les bénéfices de ce qui se met en œuvre sur la politique du genre et de « ne pas repasser la marche arrière en situation de crise »97, lorsque tout à coup cet engagement est susceptible de perdre son niveau de priorité. Pour ce faire, il s’agit notamment de mettre sans cesse en avant les arguments positifs et par conséquent difficilement discutables de la démarche. Mais aussi de mettre systématiquement l’accent sur la « plus-value » potentielle de la mixité pour l’organisation, selon la rhétorique déployée par Élise : « Si je suis plus mixte, je suis plus créatif, je suis plus innovant, etc. On a plus de bénéfices, etc. (…). Quand on l’attrape comme ça, ce sujet-là, on a plus d’échos, parce que les hommes nous disent “ah bon d’accord, okay si c’est dit comme ça” ».

Dans la logique économique néolibérale du toujours plus, on constate, sans surprise, l’emploi systématique du terme de « valeur ajoutée » dans la communication de l’entreprise. Pour justifier d’une plus grande présence des femmes, ces dernières doivent nécessairement être un plus, ou une « plus-value » ! Les discours soulignent la valeur ajoutée que la féminisation des services peut apporter, à la fois collectivement (pour la rentabilité globale, les défis du futur) et individuellement (sur les performances de l’entreprise ou les performances de son équipe)98. L’opération de transformation rhétorique des facteurs d’exclusion en facteurs de diversité, puis de discrimination pour in fine laisser la place au terme d’inclusion, porte une vision de l’égalité femmes-hommes qui reste sous conditions de performance de la différence99. Et ce, même si, de manière objective, personne ne sera en mesure d’évaluer ce surplus de performance. Ainsi, le glissement des termes, de « politiques d’égalité », « féminisation », vers « diversité de genre », jusqu’aux « politiques d’inclusion », qui se veulent d’agir « au nom de la richesse des différences », ne remet nullement en cause le rôle central que joue la complémentarité sexuée et racialisée dans l’ordre politique. Ces politiques l’utilisent au contraire comme « une justification et une condition ». In fine, ces politiques dites « d’inclusion » vont jusqu’à contribuer au tournant néolibéral et marchandisent le principe d’égalité. Comme le précise Réjane Sénac100, il s’agit d’une « ruse de la raison néolibérale » qui consiste à paralyser l’égalité tout en l’exaltant.

Conclusion

L’ensemble des innovations industrielles, organisationnelles, sociales et culturelles, fait que la politique du genre au sein d’Airbus repose sur l’action de quatre différentes catégories d’acteurs et d’actrices. Ils et elles agissent comme un « quatuor de velours », en référence à la notion de « triangle de velours »101, qui est sous-tendue par l’idée d’un « consensus mou » autour des politiques d’égalité. Il s’agit tout d’abord des relais de la direction de l’entreprise, professionnels des ressources humaines qui gravitent autour des problématiques de la diversité (connaissance et expertise en management de la diversité). Deuxième entité, le réseau interne de femmes (ou WIN, Women Innovative Network) et par extension des salarié·e·s ambassadeurs et ambassadrices de la diversité porte la question de la connaissance du terrain de l’intérieur102. Ensuite viennent les membres de la commission égalité professionnelle et des syndicats, dépositaires de l’expertise dans la négociation triennale des accords égalité et d’un type de connaissances procédurales. Enfin, l’ensemble des partenariats externes d’Airbus œuvre sur le terrain de la sensibilisation des filles et à l’ouverture de l’organisation sur la question de la mixité des filières de formation et des métiers, autant de connaissances issues de la base élargie de l’entreprise.

La politique du genre se met en œuvre de manière relativement (dés)-orchestrée par un quatuor de velours qui ne joue pas toujours très juste103. Majoritairement composé de femmes évoluant dans des espaces dominés par des hommes, ces acteurs et actrices ne jouent pas la même partition, mais l’ensemble de leurs apports contribue au fonctionnement de la politique du genre. Leurs actions sont complémentaires et n’agissent pas aux mêmes niveaux, ni de l’organisation ni de la politique de diversité. Ces derniers semblent parfois être peu en synergie, mais œuvrent pour un même but, dans le cadre normé des relations professionnelles (direction, salarié·e·s et leurs représentant·e·s). Les entités formant le quatuor de velours sont composées de personnes engagées en faveur de la promotion des droits et de la situation des femmes, que ce soit au niveau professionnel ou au niveau personnel. Les membres de ces groupes se distinguent par leur volonté de faire avancer l’action de leur entreprise en faveur de la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes, la plupart du temps en tant qu’observateurs et observatrices averti·e·s de leur réalité, de leur fonctionnement et de la difficulté d’y faire face de manière isolée au sein de l’organisation.

En tout état de cause, ces différents acteurs et actrices du monde de l’égalité professionnelle en entreprise partagent la volonté de lutter farouchement contre le social washing, ce dernier consistant à masquer de mauvaises pratiques internes (mauvaises conditions de travail et autres inégalités, etc.) derrière la communication autour de l’égalité et de la diversité, alors que les actions concrètes tarderaient à être mises en place par l’organisation. Le long cheminement permettant le passage de l’idée d’égalité formelle à l’égalité réelle et substantielle104 entre les femmes et les hommes nécessite tout un ensemble d’éléments indispensables pour atteindre cet objectif. Ainsi :

Le passage de l’affirmation du principe d’égalité à l’égalité nécessite la reconnaissance réelle de l’existence des inégalités, la volonté de les faire disparaître, la mobilisation coordonnée de tous, notamment financière, et la mise en place de mesures contraignantes, visant l’efficacité, faisant rupture avec les mesures d’affichage105.

Avec l’action du quatuor de velours au sein de l’organisation, ces éléments semblent ici, du moins en théorie, réunis.

Notes

1 Connell Raewyn, Masculinités : Enjeux sociaux de l’hégémonie, éditions Amsterdam, Paris, 2014, 285 pages. Retour au texte

2 Mathieu Nicole-Claude, L’anatomie politique : catégorisations et idéologies du sexe, Des Femmes, 1991, 291 pages ; Tabet Paola, « Les Mains, les outils, les armes », L’Homme, tome 19, n°3-4, 1979, pp. 5-61. Retour au texte

3 Marry Catherine, Les femmes ingénieurs : une révolution respectueuse, Belin, Paris, 2004, 288 pages. Retour au texte

4 Tabet Paola, op. cit. Retour au texte

5 Le Doeuff Michèle, Le sexe du savoir, Flammarion, Paris, 1998, 378 pages. Retour au texte

6 Marck Bernard, Amelia : le fascinant destin de la plus grande aviatrice du monde, Arthaud, Paris, 2010, 666 pages. Retour au texte

7 Merchet Jean-Dominique, Caroline Aigle : vol brisé, éditions Jacob-Duvernet, Paris, 2009, 189 pages. Retour au texte

8 Marck Bernard, Elles ont conquis le ciel : 100 femmes qui ont fait l’histoire de l’aviation et de l’espace, Arthaud, Paris, 2009, 252 pages. Retour au texte

9 Bridges Donna, Neal-Smith Jane, Mills Albert J. (dirs.), Absent Aviators: Gender Issues in Aviation, Ashgate Publishing Company, Burlington, États-Unis, 2014, 388 pages, p. 2. Retour au texte

10 Par exemple, dans les archives du musée Aeroscopia de Toulouse Blagnac, voir à ce sujet : Lapeyre Nathalie, Dufour Tom, « Femmes au travail dans l’industrie aéronautique », Le Patrimoine. Histoire, Culture et Créations de l’Occitanie, n° 58, printemps 2020, pp. 52-59. Retour au texte

11 Voir notamment Lapeyre Nathalie, L’Envol de la politique du genre. Sociologie d’une dynamique incertaine (Volume I. 474 pages), habilitation à diriger les recherches en sociologie, université Toulouse Jean-Jaurès, novembre 2016. Retour au texte

12 Soit les 120 plus grandes entreprises françaises cotées en bourse. Retour au texte

13 Source : https ://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/wp-content/uploads/2020/07/DGCS_CRH_Palmare %CC %80s_2019_V2-002.pdf, consulté le 09/04/21. Retour au texte

14 De manière plus détaillée, Airbus, avec une note globale obtenue de 52,03 sur 100 en 2019, soit tout juste la moyenne, affiche pour la féminisation du Conseil : 25 % de femmes dans le Conseil, 50 % de femmes dans le Comité de Nomination et le Comité de Rémunération, aucune femme n’est Présidente de Comité. Retour au texte

15 Cet Index égalité est très contesté par les chercheurs spécialistes de l’égalité professionnelle femmes-hommes car il masque de nombreuses discriminations difficiles à saisir. Pour une définition plus complète, voir : https ://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/egalite-professionnelle-discrimination-et-harcelement/indexegapro, consulté le 11/04/21. Retour au texte

16 Note sur la politique globale de féminisation : 10,83 sur 20. Note sur l’index égalité : 88/100. Retour au texte

17 Et des premières vagues de femmes diplômées de l’ENSET, École normale supérieure de l’enseignement technique, et de l’ENAC, École nationale de l’aviation civile, voir Lapeyre Nathalie, Dufour Tom, op. cit., p. 56. Retour au texte

18 Pour une analyse plus fine de ce phénomène, voir Lapeyre Nathalie, « Des avions et des femmes. Politique d’égalité professionnelle dans une entreprise aéronautique en France », in Araujo Guimaraes Nadya, Maruani Margaret, Sorj Bila (eds), Genre, race, classe. Travailler en France et au Brésil, Paris, L’Harmattan, Logiques sociales, 2016, pp. 195-206 et Lapeyre Nathalie, Le Nouvel Âge des femmes au travail, Paris, Presses de Sciences po, 2019, 212 pages. Retour au texte

19 Les métiers sont très qualifiés au sein de l’organisation avec près de 75 % de postes dans la catégorie des cadres. Retour au texte

20 C’est à dire au niveau 2, d’après la convention collective de l’industrie. Retour au texte

21 Buscatto Marie, Marry Catherine, « Le plafond de verre dans tous ses éclats. La féminisation des professions supérieures au xxe siècle », Sociologie du Travail, vol. 51, n° 2, 2019, pp. 170‑182. Retour au texte

22 Voir Lapeyre Nathalie, 2016, op. cit. Retour au texte

23 Pour un historique détaillé des différentes entreprises du secteur aéronautique voir Clair Juilliet, 2018, Bâtir les relations professionnelles sous l’égide de l’État. Conflits et consensus socio- économiques dans un établissement de constructions aéronautiques français (1973-1978), Doctorat en histoire contemporaine, sous la direction du Pr. Jean-Marc Olivier, UT2J. Retour au texte

24 MULLER Pierre, Airbus : l’ambition européenne. Logique d’État, logique de marché, L’Harmattan, Paris, 1989. Retour au texte

25 VINDT Gérard, « Airbus  : une success story européenne », Alternatives économiques, 237, 6, 2005, pp. 62‑72. Retour au texte

26 Kechidi Med, « Modularité, firme-pivot et innovations : un nouveau modèle d’organisation industrielle pour Airbus ? », Revue Française de Gestion Industrielle, vol. 7, n° 24, 2008, pp. 29‑45. Retour au texte

27 Source : http ://www.essecalumni.com/clubs-professionnels/essec-au-feminin/06122013-petit-dejeuner-gef-avec-fabrice-bregier-ceo-dairbus/, consulté le 05/12/13. Retour au texte

28 Source : http ://www.mire-restructuration.eu/docs/CS %20Airbus %20F %20FR.pdf, consulté le 08/12/13. Voir aussi Igalens Jacques, Vicens Christine, Les Mutations dans le secteur aéronautique : le cas d’Airbus en Midi Pyrénées, étude réalisée pour le compte de l’UET, LIRHE-UMR 5066, Toulouse, 2006. Retour au texte

29 Kechidi Med, Talbot Damien, « Les mutations de l’industrie aéronautique civile française : concentration, externalisation et firme-pivot », Entreprises et histoire, vol. 73, n° 4, 2014, p. 78. Retour au texte

30 Bellais Renaud, Huysseune Joseph, Jarry Philippe, Rollet Sébastien, Kechidi Med, Seifert Marc-Daniel, Juilliet Clair, « Marché du futur, usine du futur, avion du futur : quelles perspectives pour l’industrie aéronautique ? », Entreprises et histoire, vol. 73, n° 4, 2014, pp. 146‑160. Retour au texte

31 Bellais Renaud, Huysseune Joseph, Jarry Philippe, Rollet Sébastien, Kechidi Med, Seifert Marc-Daniel, Juilliet Clair, 2014, op. cit. Retour au texte

32 Visite vidéo de l’outil de production du futur, sur : http ://www.usine-digitale.fr/article/video-l-incroyable-usine-qu-airbus-prepare-pour-2025.N268567, consulté le 30/01/15. Retour au texte

33 Bellais Renaud, Lagasse Marie, « Boeing et Airbus, des géants aux pieds d’argile ? », Revue internationale et stratégique, vol. 79, n° 3, 2010, pp. 86‑96, p. 93. Retour au texte

34 Bellais Renaud, Lagasse Marie, ibid. Retour au texte

35 Bellais Renaud, Lagasse Marie, ibid. Retour au texte

36 Source : http ://www.airbus.com/fr/, consulté le 13/04/16. Retour au texte

37 Voir notamment Lapeyre Nathalie et Silvera Rachel, « Les services : entre dévalorisation et mobilisations », in Lapeyre Nathalie, Laufer Jacqueline, Lemiere Séverine, Pochic Sophie, Silvera Rachel (dir.), Le genre au travail. Recherches féministes et luttes de femmes, éditions Syllepse, Paris, 2021, pp. 87-90. Retour au texte

38 Voir aussi en lien avec toute cette partie : Lapeyre Nathalie, 2019, op. cit., pp. 63-72. Retour au texte

39 Pochic Sophie, Guillaume Cécile, « Les carrières de cadres au cœur des restructurations : la recomposition des effets de genre ? L’internationalisation d’un groupe français en Angleterre et en Hongrie », Sociologie du Travail, vol. 51, n° 2, 2009, pp. 275‑299. Retour au texte

40 Source : http ://www.airbus.com/company/people-culture/company-culture/, consulté le 16/12/14. Retour au texte

41 Source : voir les détails sur : http ://www.airbus.com/work/why-join-airbus/our-culture/, consulté le 04/02/15. Retour au texte

42 Source : traduit par nos soins. Voir les détails sur : http ://www.airbus.com/work/why-join-airbus/our-culture/, consulté le 04/02/15. Retour au texte

43 Hirdman Yvonne, The Swedish Welfare State and the Gender System: A Theoretical and Empirical Sketch, Stockholm, Sweden, « Report n° 7 in The Study of Power and Democracy in Sweden », English Series, 1989. Retour au texte

44 Acker Joan, « Inequality Regimes: Gender, Class, and Race in Organizations », Gender & Society, vol. 20, n° 4, 2006, pp. 441‑464. Retour au texte

45 Cette troisième partie est une version plus longue et remaniée d’une section de mon ouvrage (Chapitre 2. Politique du genre et réseaux de femmes, en particulier pp. 68-72), Lapeyre Nathalie, 2019, op. cit. Retour au texte

46 Said Marwan Lahoud, Airbus Group Chief Strategy and Marketing Officer. Source : http ://www.airbusgroup.com/int/en/news-media/Featured-articles/Women-s-forum.html, consulté le 04/02/15. Retour au texte

47 Tom Enders, Airbus Group CEO, Source : http ://www.airbusgroup.com/airbusgroup/int/en/people-careers/life-at-airbus-group.html, consulté le 09/02/15. Retour au texte

48 Sur ces questions, voir les travaux de la philosophe Fabienne Brugere, particulièrement l’ouvrage paru en 2008, Le sexe de la sollicitude, Paris, Seuil. Retour au texte

49 Propos tenus par Thierry Baril, DRH d’Airbus et d’Airbus Group, en 2011. Source : http ://objectifnews.latribune.fr/innovation/hec-au-feminin-airbus-mangement-mixite-05122011, consulté le 04/12/13. Retour au texte

50 Connell Raewyn, Masculinités : Enjeux sociaux de l’hégémonie, éditions Amsterdam, Paris, 2014, 288 pages. Retour au texte

51 Saouter Anne, Être rugby : jeux du masculin et du féminin, éditions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 2000, 202 pages. Retour au texte

52 Voir à ce propos le site Airbus. Source : https ://www.airbus.com/en/sustainability/corporate-citizenship/inclusion-and-diversity, consulté le 31/01/22. Retour au texte

53 Demery-Lebrun Marc, Igalens Jacques, Vicens Christine, « Pratiques de flexibilité dans le secteur aérospatial », in Beaujolin-Bellet Rachel (dir.), Flexibilités et performances, La Découverte, Paris, 2004, pp. 51‑71. Retour au texte

54 Lardy-Gaillot J.-F, « Femme ingénieur, c'est l'avenir assuré », La Dépêche, 6 mai 2003, en ligne : http ://www.ladepeche.fr/article/2003/05/06/125585-femme-ingenieur-c-est-l-avenir-assure.html, consulté le 04/12/13. Retour au texte

55 Landrieux-Kartochian Sophie, « Contribution des femmes à la performance. Une revue de la littérature », Document d’études de la DARES, n° 83, octobre 2004, 45 pages. Retour au texte

56 Junter Annie, « L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : une exigence politique au cœur du droit du travail », Travail, genre et sociétés, vol. 12, n° 2, 2004, pp. 191‑202. Retour au texte

57 Laufer Jacqueline, Paoletti Marion, « Spéculations sur les performances économiques des femmes », Travail, genre et sociétés, vol. 23, n° 1, 2010, pp. 167‑170. Retour au texte

58 Laufer Jacqueline, « L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est-elle soluble dans la diversité ? », Travail, genre et sociétés, vol. 21, n° 1, 2009, pp. 29-54. Retour au texte

59 Source : http ://www.charte-diversite.com/charte-diversite-signataire-airbus-1121.php, consulté le 01/05/15. Retour au texte

60 Bereni Laure, « Faire de la diversité une richesse pour l’entreprise. La transformation d’une contrainte juridique en catégorie managériale », Raisons politiques, vol. 35, n° 3, 2009, pp. 87‑105. Retour au texte

61 Ernst Émilie, Honore-Rouge Yolan, « La responsabilité sociétale des entreprises : une démarche déjà répandue », INSEE Première, vol. 1421, 2012, pp. 1‑4. Retour au texte

62 Ibid. Retour au texte

63 Bereni Laure, 2009, op. cit. Retour au texte

64 Les accords égalité et mixité professionnelle abordent notamment les questions suivantes (ne sont énumérés ici que les grands titres de chapitres pour l’année 2004). Sur le volet « Égalité professionnelle » : évolutions de carrière (augmentations salariales et promotions individuelles) ; Disposition spécifique à la formation professionnelle continue hors temps de travail ; Gestion de la parentalité (Aménagements relatifs au congé de maternité, Aménagements relatifs au congé parental, Congés pour enfant(s) malade(s), Conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle) ; Plan d’actions relatif à l’égalité professionnelle (Méthodologie d’analyse statistique, Plan d’action pour 2004/2006). Sur le volet « mixité professionnelle » : Promotion des métiers de l’Aéronautique, de l’Espace et de la Défense (Coopération avec le monde éducatif, Actions pour développer le travail des femmes dans la recherche) ; Féminisation du recrutement (20 % d’embauche de femmes dans chaque catégorie professionnelle) ; Féminisation de certaines filières professionnelles (élaboration d’une cartographie des emplois). Retour au texte

65 Simoulin Vincent, « Émission, médiation, réception… Les opérations constitutives d’une réforme par imprégnation », Revue française de science politique, vol. 50, n° 2, 2000, pp. 333‑350. Retour au texte

66 Ibid., p. 346. Retour au texte

67 Amintas Alain, Junter Annie, « L’égalité prise au piège de la rhétorique managériale », Cahiers du Genre, vol. 47, n° 2, 2009, pp. 103‑122. Retour au texte

68 Crompton Rosemary, Restructuring gender relations and employment: the decline of the male breadwinner, Oxford University Press, Royaume-Uni, 1999, 256 pages. Retour au texte

69 Boltanski Laurent, Chiapello Eve, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Gallimard, Paris, 1999, 843 pages. Retour au texte

70 Bender Anne-Françoise, « Égalité professionnelle ou gestion de la diversité », Revue française de gestion, vol. 151, n° 4, 2004, pp. 205‑217. Retour au texte

71 Laufer Jacqueline, L’Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, La Découverte, Paris, 2014, 128 pages. Citation dans le texte, page 39. Retour au texte

72 Bereni Laure, « Le discours de la diversité en entreprise : genèse et appropriations », Sociologies pratiques, vol. 23, n° 2, 2011, pp. 9‑19. Retour au texte

73 Dobbin Frank, Inventing equal opportunity, Princeton, États-Unis, 2009, 310 pages. Retour au texte

74 Source : http ://www.charte-diversite.com/charte-diversite-signataire-airbus-1121.php, consulté le 01/05/15. Retour au texte

75 Senac Réjane, L’Invention de la diversité, Presses universitaires de France, Paris, 2012, 322 pages. Retour au texte

76 Bereni Laure, 2011, op. cit. Retour au texte

77 Source : http ://www.charte-diversite.com/charte-diversite-signataire-airbus-1121.php, consulté le 01/05/15. Retour au texte

78 Voir notamment l’impulsion du FSE en la matière, Fonds social européen. Source : http ://www.fse.gouv.fr/dossiers-thematiques/la-diversite-en-entreprise-source-de-richesses-et-levier-de-performance-0, consulté le 08/11/21. Retour au texte

79 Voir les travaux de recherche en management, dont Bruna Maria Giuseppina, Frimousse Soufyane, Giraud Laurent, « Comment apprécier l’impact transformationnel d’une politique de diversité en entreprise ? Contribution liminaire à un agenda de recherche », Management & Avenir, vol. 96, no 6, 2017, pp. 39-71. Retour au texte

80 Voir aussi en lien avec toute cette partie, les développements sur l’empowerment au travail et ses outils, Lapeyre Nathalie, 2019, op. cit., pp. 119-178. Retour au texte

81 Blanchard Soline, De la cause des femmes au marché de l’égalité : l’émergence de l’espace de l’accompagnement à l’égalité professionnelle en France (1965-2012), Thèse de doctorat, Toulouse, France, École doctorale Temps, Espaces, Sociétés, Cultures, 2013. Retour au texte

82 Bereni Laure, 2009, op. cit., p. 95. Retour au texte

83 Une Mission Handicap et Emploi a été créée pour assurer la mise en œuvre de ces engagements. Voir sur : http ://informations.handicap.fr/art-handicap-publi-reportage-5-5427.php, consulté le 01/05/15. Retour au texte

84 Source : https ://www.lefigaro.fr/flash-eco/2011/04/22/97002-20110422FILWWW00327-airbusobjectifs-du-plan-power-8-depasses.php, consulté le 28/10/21. Retour au texte

85 SIMOULIN Vincent, 2000, op. cit. Retour au texte

86 Lépinard Éléonore, « Féminiser, égaliser, inclure ? », Travail, genre et sociétés, vol. 18, n° 2, 2008, pp. 143‑146. Retour au texte

87 Bereni Laure, 2009, op. cit., p. 97. Retour au texte

88 Delphy Christine, « Retrouver l’élan du féminisme », Le Monde diplomatique, février 2004, pp. 24-25. Retour au texte

89 Les divisions Ressources Humaines d’Airbus ont fusionné avec celles d’EADS, puis d’Airbus Group. Retour au texte

90 Dont l’une d’entre elles est depuis 2016 une des rares femmes localisées dans le premier cercle des dirigeants d’Airbus. Retour au texte

91 Nishii Lisa, « The Benefits of Climate for Inclusion for Gender-Diverse Groups », Academy of Management Journal, vol. 56, n° 6, 2013, pp. 1754‑1774. Retour au texte

92 Pour une analyse des effets concrets du programme GROW Airbus sur les carrières des femmes cadres, à travers le prisme du processus d’empowerment, voir Lapeyre Nathalie, « Le travail de l’empowerment au sein des organisations », Les Cahiers du Genre, n° 63, 2017, pp 81-98 et Lapeyre Nathalie, 2019, op. cit. Retour au texte

93 Lapeyre Nathalie, Les Professions face aux enjeux de la féminisation, éditions Octarès, Toulouse, 2006, 214 pages. Retour au texte

94 Auteur inconnu, « Airbus condamné pour discrimination raciale à l'embauche », Le Monde, avec AFP, 2 janvier 2012, en ligne : http ://www.lemonde.fr/societe/article/2012/01/02/airbus-condamne-pour-discrimination-raciale-a-l-embauche_1624837_3224.html, consulté le 13/05/15. Retour au texte

95 Auteur inconnu, « Airbus : licenciement gravement illicite d’une femme gravement enceinte pour une faute pas grave du tout », L’Humanité, 10 février 2014, http ://www.humanite.fr/social-eco/airbus-licenciement-gravement-illicite-d-une-femme-558716, consulté le 28/03/14. Retour au texte

96 Fraisse Geneviève, Les Excès du genre : concept, image, nudité, Lignes, Paris, 2014, 83 pages. Retour au texte

97 Pefferkorn Marie-Stéphane, « Diversité et inclusion au sein d’Airbus en France », Women in business / AMCHAM / Responsabilité Sociétale des Entreprises, Espace des diversités et de la laïcité, Toulouse, 30 janvier, 2014. Retour au texte

98 Discours de communication de l’entreprise sur la valeur ajoutée de la mixité par Suzy Lewis, responsable diversité Airbus en 2013. Lewis Suzy, « Table-ronde : Présentation des actions Airbus en matière d’égalité et de diversité », Lancement de la délégation régionale « Elles bougent en Midi-Pyrénées », 17 octobre, 2013. Retour au texte

99 Senac Réjane, L’Égalité sous conditions : Genre, parité, diversité, Presses de Sciences Po, Paris, 2015. Retour au texte

100 Ibid. Retour au texte

101 Woodward Alison, « Building Velvet Triangles: Gender and Informal Governance », in Piattoni Simona, Christiansen Thomas (dirs.), Informal Governance and the European Union, Edward Elgar, London, 2004, pp. 76‑93. Retour au texte

102 Voir notamment Lapeyre Nathalie, « Les réseaux de femmes cadres au sein des grandes entreprises, entre logiques néolibérales et soft feminism », in Lapeyre Nathalie, Laufer Jacqueline, lemiere Séverine, pochic Sophie, Silvera Rachel (dir.), Le Genre au travail. Recherches féministes et luttes de femmes, éditions Syllepse, Paris, 2021, pp. 157-166. Retour au texte

103 Pour une analyse plus approfondie de ce phénomène, voir Lapeyre Nathalie, 2019, op. cit., pp. 88-118. Retour au texte

104 Giraud Isabelle, « Pour une grille de lecture féministe des politiques sociales », Utinam, n° 5, 2002, pp. 87‑114. Retour au texte

105 ANEF, Association nationale des études féministes, Le Genre dans l’enseignement supérieur et la recherche  : livre blanc, La Dispute, Paris, 2014, 225 pages. Citation p. 204. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Nathalie Lapeyre, « Quand la stratégie industrielle d’Airbus rencontre la politique du genre », Nacelles [En ligne], 11 | 2021, mis en ligne le 10 décembre 2021, consulté le 26 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/1566

Auteur

Nathalie Lapeyre

Professeure au département de sociologie à l’université Toulouse-Jean-Jaurès et chercheuse CERTOP-CNRS (Centre d’études et de recherches travail, organisation, pouvoir).
nathalie.lapeyre@univ-tlse2.fr