Les Aviateurs à la conquête des cœurs. L’imaginaire de l’aviation dans le marché de la rencontre au début du xxe siècle

  • Airmen as Ideal of Manhood. Imaginary of Aviation in the Mating Market of the First Twentieth Century

Résumés

L’imaginaire de l’aviation trouve dans la presse populaire de l’entre-deux-guerres un relais efficace. L’actualité sportive et les romans-feuilletons font la part belle aux aviateurs. La rubrique de « Courrier » de la revue Midinette témoigne de l’intérêt du lectorat pour ces chevaliers du ciel. Aussi le flirt épistolaire qui s’y joue pense-t-il conjointement la conquête des cœurs et la conquête de l’air. L’aviateur est érigé en idéal masculin, un stéréotype qui est tantôt renforcé tantôt bousculé par les courriéristes. Au fil des discussions se pose en effet la question du genre de la conquête de l’air. Pour les jeunes filles, il s’agit de concilier, par le biais de la correspondance à un aviateur, deux figures a priori opposées : la midinette et l’aviatrice.

The popular press of the Interwar Period spreads a collective image of aviation. Airmen are heroes of sports pages and of dime novels. One can read the readership’s interest for aviators in Midinette’s “Courrier”. In these letters to the editor, young men and women are flirting. They use a poetics in which aircraft wings rhyme with wings of love. They hope to fly in the air and fall in love at the same time. Aviators turn out to be an ideal of manhood in the collective imaginary. This stereotype is sometimes strengthened and sometimes questionned by discussions between readers. They wonder about the gender of flying. The girls who want to receive letters from an airman try indeed to reconcile two female figures: the “midinette” and the aviatrix.

Plan

Texte

Dans la presse populaire de l’entre-deux-guerres, l’aviation s’impose rapidement comme leitmotiv d’un imaginaire amoureux propice à une co-construction médiatique entre les revues et leur lectorat. Après la Grande Guerre, certaines rubriques de courrier de lecteurs peuvent devenir des interfaces de rencontre où lecteurs et lectrices n’attendent plus de réponse de la rédaction mais s’écrivent mutuellement. Ces « petites correspondances » prennent vie dans nombre de journaux spécialisés, d’abord les journaux au ton léger voire grivois tels que La Vie parisienne, le Frou-frou et son « Petit Courrier » ou encore Parisiana et sa « Potinière amoureuse ». Véritables interfaces de rencontres amoureuses, elles se retrouvent également dans une presse féminine plus sage où les messieurs viennent, sous pseudonyme, chercher un vivier de correspondantes potentielles. La revue Midinette des éditions Rouff, publiée toutes les semaines entre 1926 et 1938, tient précisément sa renommée à cette rubrique et connait un certain succès avant de se confronter à la concurrence de Marie-Claire en 1937.

Cette logique propre à l’histoire de la presse est contemporaine de la « fabrique des héros1 » aviateurs à la suite de la Grande Guerre. Les « as » focalisent l’attention médiatique et l’admiration des foules ; une mort mystérieuse suffit alors pour les hisser au rang de mythe2. Dans l’entre-deux-guerres, littérature, presse et cinéma consolident l’image d’un aviateur qui serait une « incarnation du mythe du progrès3 » et de la virilité conquérante en quête de liberté absolue.

Dans le « Courrier » de Midinette, les courriéristes témoignent d’un véritable intérêt pour le monde de l’aviation, autant qu’ils se passionnent pour le grand écran en pleine apogée du cinéma d’aviation4, qui donne alors corps au mythe de l’aviateur. Mais, à la différence des vedettes d’Hollywood, le « beau pilote aviateur » ne reste pas qu’un fantasme puisque certains jeunes hommes du « Courrier » revendiquent cette étiquette, ou du moins un lien avec la « grande famille de l’air », qu’ils soient pilotes ou simples « rampants ». En effet, en raison de la place incontournable que prend alors l’aéronautique dans le domaine militaire aussi bien que dans le transport civil, la figure de l’aviateur s’impose dans l’imaginaire collectif, portée par des trajectoires individuelles célèbres telles celles de Mermoz, Guillaumet, Lindbergh ou encore Saint-Exupéry. Mais dans ce domaine, le masculin n’a pas l’apanage du mythe5. Quelques aviatrices se font un nom en battant des records dans des raids médiatisés, comme Hélène Boucher ou Maryse Bastié6. Cet imaginaire et ces figures animent les discussions du « Courrier » autant qu’ils servent la rhétorique de séduction à laquelle se livrent jeunes hommes et jeunes filles. Car si les petites annonces de rencontre reprennent les codes des annonces matrimoniales, elles laissent plus de place au charme de l’écriture dans laquelle une poétique de l’aviation trouve une place de choix : dans ce marché de la rencontre, l’analogie entre la conquête de l’air et la conquête des cœurs se fait aisément.

Cet article se propose d’étudier la façon dont le type littéraire et social de l’aviateur – et l’imaginaire aéronautique qui s’y rattache, témoigne des redéfinitions et réaffirmations des identités de genre durant l’entre-deux-guerres. La Grande Guerre a en effet eu un rôle fondamental dans le processus de remise en question des rôles sexués7. L’idée d’une liberté féminine se diffuse, les femmes « ont allégé leur vêtement, vivent de façon plus pratique8 » alors que la virilité héroïque des hommes est mise à mal par l’expérience traumatique des tranchées. Michelle Perrot montre que ce constat suscite alors une reconquête des valeurs considérées comme féminines ou masculines9. Celle-ci passe, pour Jean-Jacques Courtine, par une réactivation du mythe viril10, dont il nous semble que la figure de l’aviateur participe. Dans le même temps, le libre choix du conjoint devient la règle pour les filles comme pour les garçons11, aussi la quête matrimoniale s’individualise-t-elle. Il faut alors des occasions pour apprendre à se connaitre, le bal et ses danses nouvelles12 viennent remplir cette fonction. L’espace de discussion collective et de flirt du « Courrier » de Midinette est une autre expression de ce même décloisonnement des jeunesses féminines et masculines : les points de vue et les attentes des un.e.s et des autres s’y confrontent13.

La virilité supposée du pilote est mobilisée par les jeunes hommes et les jeunes filles comme argument dans le rapport de séduction. Ce faisant, ces courriéristes sont amenés à situer leur propre identité de genre face à un imaginaire aéronautique tantôt intériorisé, interrogé, réinvesti ou encore instrumentalisé. Aussi ce « Courrier » est-il pour l’historien.ne un observatoire privilégié de la redéfinition des rapports sociaux des sexes14. En analysant la manière dont hommes et femmes intègrent l’imaginaire aéronautique à des stéréotypes de genre, nous utiliserons « le genre comme démarche15 » pour écrire une histoire sociale des stratégies de séduction et des mises en scène de soi.

1. À la croisée du spectateur et du lecteur : l’aviation entre intérêt sportif et littérature romantique

Le lectorat de Midinette, jeune16 et rapidement mixte, fait preuve d’une véritable culture populaire de l’aéronautique, prompte à se conjuguer à une poétique amoureuse de l’aviation. Cet intérêt se comprend dans le contexte de l’entrée de cette jeunesse d’entre-deux-guerres dans une culture médiatique de masse dans laquelle la presse joue un rôle important17.

En tant que pratique sportive médiatique, l’aviation trouve sa place dans les sujets de la revue, qu’il s’agisse d’articles consacrés aux célébrités de l’aviation18 ou de présentation de l’actualité cinématographique19. Ce thème trouve un lectorat non négligeable à en croire la place que tient l’aéronautique dans les discussions du « Courrier ». À partir de 1934, il n’est pas un numéro sans que l’on ne relève une occurrence appartenant au champ lexical de l’aviation20. L’intérêt pour l’aviation s’inscrit en effet dans ce que les courriéristes voient comme les éléments d’une culture moderne qui appartient à leur génération21. Comme il est d’usage de « faire son entrée dans le courrier » en se présentant brièvement, des communautés d’intérêts et d’opinions se forment rapidement. Et de la même façon que les courriéristes se reconnaissent entre admirateurs de telle ou telle star de cinéma, ils se rassemblent aussi autours de grandes figures de l’aviation telles que Mermoz, Guynemer, Hélène Boucher et d’autres :

Gaffe sur gaffe : Jeune dactylo, blonde, yeux bleus, voudrait bien correspondre avec gentils(les) midinets(tes) de 17 à 19 ans. J’aime le cinéma, le théâtre, le bal, les sports, la lecture, les promenades, et surtout l’aviation. Allons charmant(es) midinets(tes) à votre plume22 !
Petite gosse à Bolero : Avec vous pour admirer Mermoz. Ainsi d’ailleurs que tous les aviateurs23.

L’actualité aéro-sportive est également régulièrement commentée par les courriéristes. La presse est le vecteur et le support matériel de cette culture de l’aviation. Celle-ci fait de ses héros « aussi bien des militaires que des civils tels Mermoz et les pilotes de l’Aéropostale, sans oublier les femmes pilotes ainsi que ceux qui participent aux grands raids » comme le rappelle Françoise de Ruffray24. Certains courriéristes s’échangent par voie postale des photographies d’aviation dont ils font la collection25. Il peut s’agir de cartes postales aussi bien que d’images découpées dans la presse, comme celles que collectionne cette admiratrice d’Hélène Boucher :

Si papa y savait à […] Carlingue d’amour : je suis une admiratrice de l’aviation, j’aimais beaucoup Hélène Boucher. Il me reste comme souvenir de cette grande aviatrice une photo découpée dans un journal. J’admire Doret et Detroit, mais ma préférence va à ce dernier. Je souhaite que quand ce co [sic] paraîtra Jean Mermoz soit retrouvé saint et sauf26.

Difficile de savoir si l’admiration des jeunes lectrices pour ce spectacle sportif se retrouve dans d’autres sports27, mais il y a en revanche un véritable parallèle avec l’admiration portée aux vedettes de cinéma28. Cet intérêt pour l’aviation n’en reste pas à la simple admiration de l’exploit sportif, il se charge très facilement de romantisme.

La revue, de son côté, exploite abondamment la poétique amoureuse de l’aviation : les dessins humoristiques filent la métaphore entre les ailes de l’amour et les ailes de l’avion et font des hauteurs stratosphériques un nouveau septième ciel29. Lecteurs et lectrices reprennent cette poétique fleur bleue pour inventer des pseudonymes tels que « Mon avion et un cœur », « Aviation et amour », « Amour stratosphérique », « Miss parachute » ou encore « As de cœur ». Deux figures romanesques constituent la trame nécessaire à cet imaginaire : l’aviateur certes, mais il ne serait rien sans son admiratrice, la midinette. L’aviateur est campé en héros à la fois romanesque et romantique. Romanesque d’abord, parce qu’il réactive le mythe de la chevalerie. Céline Bryon, en étudiant la symbolique des chevaliers de l’air30, rappelle que celle-ci doit beaucoup au combat individuel auquel ont pu prétendre les aviateurs de la Grande Guerre, campés sur une monture mécanique, là où les poilus, à terre, mourraient anonymement dans la boue des tranchées. Au sol, la Grande Guerre est en effet pour les hommes l’expérience de la dévirilisation : Luc Capdevila l’explique par la brutalité sans précédent de la mort de masse qui a « altéré les mythologies héroïques de la guerre et celles de la virilité31 ». Les aviateurs échappent, semble-t-il, à cette « brèche au cœur du modèle viril32 ». Aussi, les romans feuilletons de Midinette n’hésitent-ils pas à représenter l’aviateur en martyr, victime de son seul courage. Héros romantique, l’aviateur apparaît par ailleurs comme un idéal de masculinité à l’aune des canons de l’entre-deux-guerres : il allie une allure sportive et un raffinement33 tout urbain qui évoque en fait son appartenance à une élite, celle dite de « l’aristocratie de l’air ». Pour Anne-Marie Sohn, ce sont bien l’élégance et la silhouette svelte de Robert Taylor ou Ramon Navarro qui incarnent ce nouvel idéal d’une virilité policée dans les attentes féminines34. À cette image positive s’ajoute la plus sulfureuse réputation du Dom Juan. Si dans les romans feuilletons de la revue, ils cumulent souvent toutes les vertus et finissent par épouser l’héroïne féminine35, il arrive que l’on souligne leur inconstance amoureuse, au fil des aventures de « l’aviateur Brisecœur36 » par exemple. La construction de ce stéréotype ne se fait pas ex-nihilo mais en miroir avec le stéréotype féminin qui le fait exister : la midinette. Très présente dans les romans feuilletons, la midinette est la lectrice présupposée de la revue. Mais ce surnom connaît un glissement de sens au début du xxe siècle. La composante sociale ouvrière s’estompe à mesure que grandit le rattachement de la midinette à une culture médiatique moins segmentée. De moins en moins ouvrière, la midinette est d’abord une lectrice, une spectatrice, une amatrice de cinéma, et par extension une potentielle groupie37. Renaud Chapelain utilise, dans son travail sur le cinéma, la notion de « catégorie culturelle », plus pertinente que celle de catégorie sociale dans ce domaine38. Cette dénomination semble pertinente pour qualifier l’entre-soi qui constitue le lectorat de Midinette39.

Ces deux imaginaires, féminins et masculins, sont largement appropriés par les courriéristes. Les jeunes filles avouent qu’elles admirent « les héros qui accomplissent leur devoir jusqu’à la mort40 », et les garçons n’hésitent pas à se donner des pseudonymes tels que « chevalier des cieux » ou « casque de cuir ». Ces pseudonymes montrent combien la scénographie a d’importance dans le « Courrier » : les courriéristes utilisent volontiers l’imaginaire de l’aviation pour se mettre en scène ou jouer la séduction. Les aviateurs aiment à dire par exemple qu’ils « planent au-dessus du Courrier », qu’ils y « atterrissent » ou « amerrissent ». Ils n’hésitent pas à conjuguer une poétique de l’aviation en poétique amoureuse, comme ce jeune pilote qui, pour motiver les candidates, les exhorte en ces termes : « Allons, petites aviatrices, écrivez vite, mille mercis du haut des nuages41 ». Dans ce marché du flirt épistolaire le courriériste mise sur une invitation au voyage qui fait des midinettes des aviatrices potentielles.

2. Aviateurs et midinettes dans le marché du flirt épistolaire

Avec l’arrivée progressive des garçons dans le « Courrier », celui-ci se transforme rapidement en une plateforme de rencontres sur laquelle on peut distinguer différents types d’offres et de demandes. Cette collection d’autoportraits est à comprendre dans l’économie de ce que François de Singly appelle les « manœuvres de séduction » à l’œuvre dans les annonces matrimoniales42. La posture prise dans le discours révèle autant la mise en scène de soi qu’il faut jouer aux futurs lecteurs que l’identité qu’on se façonne pour soi-même. Dans ce marché du flirt épistolaire, la correspondance entre aviateurs et midinettes s’y distingue comme un marché dynamique. Il y a en moyenne dans le « Courrier », quatre mentions d’aviateurs par numéro (sur environ 75 annonces), qu’il s’agisse d’une offre d’une midinette à la recherche d’un aviateur, ou de l’inverse, ce qui représente environ 5 % des communiqués. Cette proportion reste certes modeste mais est assez visible pour être remarquée par ses usagers et devenir un objet de débat. Dès 1927, Petit marin ex-aviateur se réjouit : « Que d’aviateurs dans ce courrier ! Je crois que nous allons pouvoir former de nombreuses escadrilles43 ! ». Puisque tout repose sur le déclaratif, difficile de savoir qui sont ces aviateurs auto-proclamés. De rares mentions de brevets de pilotes laissent penser à une pratique de loisir, notamment pour quelques filles44. Mais la majorité des aviateurs est vraisemblablement composée de jeunes hommes en service militaire et rattachés à l’armée de l’air : ils mentionnent leur grade lorsqu’il y a lieu (sous-officiers pour la plupart), et se disent parfois exilés loin de la France, en occupation militaire au Liban, en Syrie, ou dispersés dans les colonies45. Il est probable que tous ne soient pas eux-mêmes pilotes, mais simples « rampants » comme l’avoue « Berbert le mécano aviateur46 ». Dans le marché de la rencontre constitué par le « Courrier » de Midinette, la hiérarchisation des profils par la demande est explicite et il semble qu’à ce jeu les aviateurs partent avec un avantage certain dans le cœur des lectrices. Le prétendu succès des aviateurs auprès des midinettes est un sujet de conversation en soi, comme le souligne par exemple Grand cœur : « je remarque que beaucoup de midinettes raffolent des aviateurs, moi je les aime aussi47 ». Cette admiration amoureuse est souvent avouée sans détour : « j’ai toujours eu quelque chose qui m’attire vers les aviateurs », confesse Grande amie de la montagne48. Lorsqu’elles demandent des correspondants, les jeunes filles se les représentent au filtre d’une galerie de stéréotypes masculins dont l’aviateur, le marin, l’étudiant, le militaire (gradé de préférence), le mécano ou le fonctionnaire font partie. Il s’agit davantage de figures sociales et littéraires stéréotypées que de véritables profils professionnels, car même si ces annonces de correspondances ressemblent aux annonces matrimoniales, la finalité du courrier diffère : il est davantage question de donner un ancrage à l’imagination que d’informer sur une véritable situation professionnelle, puisque l’enjeu matrimonial n’est pas premier. Dans un premier temps la correspondance est elle-même l’objet du désir. Les aviateurs, pour les jeunes filles du « Courrier », s’inscrivent donc dans une galerie de l’héroïsme où ils sont associés à d’autres figures, deux en particulier : les marins et les gradés. Ils partagent avec les marins la navigation, qu’elle soit aérienne ou maritime, et un désir de liberté, à en croire cette lectrice du Dimanche de la Femme : « un aviateur c’est comme un marin, […] il doit être libre comme l’air… n’avoir aucune chaîne49 ». La perception que cette courriériste a de l’aviateur reprend l’imaginaire véhiculé par une littérature qui « projette dans l’aviateur l’archétype d’un héros individuel de la liberté50 », des valeurs viriles qui risquent de s’abîmer au contact du féminin dans le cadre domestique.

Mais le prétendu succès des aviateurs est davantage un effet de discours qu’une réalité. Si on regarde par exemple les 21 numéros numérisés par la BnF pour l’année 1934, on recense 13 propositions féminines pour 33 propositions d’aviateurs. Les proportions sont équivalentes sur les autres années : la moyenne est de deux offres et demi pour une demande. Ce rapport de proportion défavorable aux hommes n’est pas sans rappeler, quelques années auparavant, les nombreuses demandes des poilus pour correspondre avec une marraine51.

Ces échanges épistolaires entre aviateurs et midinettes apparaissent comme une transposition ou une perpétuation de cette pratique. Le succès des rubriques de petites correspondances durant l’entre-deux-guerres doit en effet beaucoup à l’habitude prise par les soldats de rechercher une marraine durant la Grande Guerre. Le « Flirt sur le Front » ouvre dans Fantasio dès 1915 et la rubrique d’annonces de La Vie parisienne se couvre de demandes de marraines en 1916. Les soldats y rêvent de « gentilles marraines », ou simplement de « correspondantes », et recherchent particulièrement la « gaîté » des jeunes parisiennes52. Ce champ lexical est largement repris par les aviateurs du « Courrier » : ils se plaignent des « heures moroses » et du « cafard », mais surtout ils se représentent comme des exilés, qu’ils soient loin de la métropole ou simplement perdus dans les airs, ils cherchent par ce portrait à renvoyer aux jeunes filles l’image de la marraine ou de l’infirmière. De nombreuses variations sur le thème de l’exil sont mobilisées et ces aviateurs « perdus dans le bled syrien ou marocain » mettent en scène leur isolement. Dans les demandes des jeunes filles, la notion d’exil est bien mise en équivalence avec le statut d’aviateur qui, avec le marin, est vu comme un déraciné :

Cœur sans amour, jeune fille de 21 ans […] correspondrait directement avec jeune homme de 21 à 26 ans, grand brun, soit dans la marine ou l’aviation ou dans l’exil53.

Exilés dans une mélancolie exotique, les aviateurs sont alors atteints d’un mal tout romantique : le spleen, à l’instar d’« Ademai au liban, jeune aviateur de 20 ans, perdu dans le bled syrien, rempli de spleen54 ». Seul remède envisagé, la légèreté et le charme des parisiennes qui sont supposés les aider à remettre les pieds sur terre :

Ailes brisées, jeune aviateur, 20 ans, brisé par le cafard, lance SOS aux jeunes midinettes qui par leurs lettres pourraient le consoler. Franchise militaire55.

Lorsque l’on compare ce type de demandes avec celles que l’on peut lire quelques années avant dans La Vie parisienne56 durant la Grande Guerre, on remarque une grande constante dans l’argumentation : cafard, spleen, absence de famille et isolement, autant de maux qui ne seraient allégés que par un peu de gaîté féminine, fût-elle d’abord épistolaire. Les demandes de marraines par les aviateurs du « Courrier » de Midinette réactivent ces codes, en se réappropriant l’imaginaire associé à ces correspondances de guerre.

Difficile de savoir dans quelle mesure ces aviateurs auto-proclamés ont véritablement partie liée avec le monde de l’aviation. Qu’ils le soient ou non, ils utilisent dans leur stratégie de séduction un imaginaire aéronautique qui n’est pas celui de leur génération : ils se rattachent à l’héroïsme de leurs aînés lors de la Grande Guerre57.

3. Convoler en justes noces ou voler de ses propres ailes ?

Type littéraire, construction médiatique, l’aviateur ne reste cependant pas pour les lectrices qu’une simple abstraction dans la mesure où la rubrique du « Courrier » offre la possibilité a priori de faire de véritables rencontres. Avec les aviateurs – et ce n’est pas le cas avec les stars de cinéma – le fantasme est mis à l’épreuve du réel. Et les courriéristes le savent, la possibilité de mariages à l’issue des correspondances n’est pas à exclure58. La revue, dans ses différentes rubriques, véhicule l’image de bons partis des aviateurs (fig. 1)59 : ils allient en effet le capital économique – qu’il s’agisse de l’aisance matérielle nécessaire pour pratiquer l’aviation comme loisir sportif ou du traitement militaire plus élevé pour un aviateur que pour un soldat à terre – et le capital social lié au sentiment d’appartenance à une aristocratie de l’air médiatisée. Les romans feuilletons servent aux lectrices le dénouement d’un mariage aussi heureux que fortuné entre l’aviateur et une jeune fille de milieu modeste, souvent orpheline, mais méritante, une figure à laquelle les « midinettes » du « Courrier » peuvent facilement s’identifier. Pourtant, aux yeux des courriéristes, ces héros ne seraient pas nécessairement de bons époux, ou à défaut de bons amoureux, ni même seulement d’aimables correspondants. L’historienne Anne-Claire Rebreyend considère en effet que si les jeunes femmes de l’entre-deux-guerres « se montrent sensibles à la prestance, elles privilégient les qualités morales (sérieux, respect, respectabilité, dans une moindre mesure intelligence et piété) pour le choix du conjoint60 ». Les communiqués qui s’attachent à déconstruire l’image trop lisse du couple idéal midinette-aviateur en attaquent les deux volets, commençant par la faiblesse des premières. Leur prédilection pour les aviateurs serait le signe d’une grande naïveté, associée à leur jeune âge comme le déplore le communiqué qui suit :

Papillon d’or à Bazellor : […] c’est surtout les demandes de gradés qui me font rire, elles doivent être faites pas de très jeunes filles qui n’y connaissent rien et qui ne voient que le prestige de l’uniforme61.

(Fig.1). Illustration de Midinette sur la valorisation de la figure de l’aviateur

(Fig.1). Illustration de Midinette sur la valorisation de la figure de l’aviateur

Midinette, n° 584, 28 janvier 1938, p.25.

Bibliothèque nationale de France. Disponible en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55617937/f26.item.r=584

L’admiration pour l’armée et ses grades est en effet une des composantes du stéréotype de la midinette tel qu’il est consolidé au fil de la Belle Époque. Figures incontournables de l’espace urbain en fête, les midinettes sont supposées férues de revues militaires, où elles viennent admirer « des généraux, des panaches blancs et des petits pioupious […] les yeux illuminés62 ». La mention de cette attirance pour les gradés reprend un imaginaire ancien. À la fin du xixe siècle, nombre d’écrits prêtent à ces ouvrières des désirs d’ascension sociale, notamment via un mariage avantageux63. Cette accusation perdure dans le « Courrier », dans les mots d’abord des jeunes hommes, qui font preuve d’une certaine jalousie envers les gradés en général et les aviateurs en particulier :

Harry 27 : […] Le plus important pour elles, c’est d’épater leurs amies et connaissances. Il y a aussi avec le prestige de l’uniforme… la fameuse pension, car n’en doutez pas, cela sert aussi à rendre une jeune fille amoureuse d’un officier. Surtout quand cette demoiselle doit travailler pour ses bas de soie et son rouge à lèvres64.
Tokazy se Gaouzos : […] Et les qualités du cœur, midinettes, qu’en faites-vous ? Mieux vaut, bien souvent, un simple piou-piou au noble cœur qu’un brillant aviateur à la cervelle vide65.

La vision du couple qui transparaît dans ces débats s’accorde sur une image d’un homme pourvoyeur, qui doit assurer son rôle économique66. Dans ces reproches faits aux midinettes amatrices d’aviateurs et des pensions de sous-officiers, la tension sociale est latente. Il faut comprendre qu’il y a dans le « Courrier » une très forte conscience des cercles inclusifs et exclusifs dans lesquels les courriéristes sont amenés à se situer. Ces cercles de sociabilité sont en partie définis par un entre-soi social. La présence des aviateurs et aviatrices dans le « Courrier » et leur réputation bourgeoise crée un clivage entre ceux qui appartiennent à la famille de l’air, et ceux qui n’en sont que spectateurs. Dans une discussion sur la « petite vogue » des aviateurs et marins au « Courrier », Aime la mer répond ainsi à Un gueux : « N’allez pas croire que j’ai du parti pris à votre égard. Moi aussi, je suis un gueux67. » Les aviateurs représenteraient donc une concurrence déloyale pour des jeunes hommes de condition sociale équivalente aux midinettes, lesquelles regardant au-dessus d’eux, laissent les piou-piou68 en marge du marché de la rencontre et, potentiellement, du marché matrimonial. Le « Courrier » est un espace de mise en concurrence dans la séduction entre différentes couches sociales, et à l’image de l’élévation dans les airs, les aviateurs sont vus comme des leviers d’ascension sociale.

L’agacement des jeunes hommes du « Courrier » face au succès des aviateurs se traduit aussi par le refus de voir les midinettes juger les candidats à la correspondance sur le premier critère de leur prestance, et plus généralement, de leur physique :

Mon cœur au ralenti à Gégé et Baiser d’amour : […] Comptez-vous assimiler ce courrier à un haras où l’on choisit un étalon d’après sa prestance. Votre « désire beau pilote aviateur » fait l’effet du pavé dans la mare et si je me permets de vous interpeller c’est que j’estime que beaucoup comme vous ont besoin de conseils. […] Votre bel aviateur risque fort d’être un vilain amoureux (bien que je ne veuille nullement attaquer particulièrement les aviateurs) et vous mériteriez que pour vous avoir fait l’aumône de sa plastique il vous fasse cruellement souffrir69.

Si l’exemple choisi vient d’une voix féminine, il révèle d’autant mieux combien sont intériorisées les normes de choix du partenaire, et combien le rapport de séduction est ancré sur le modèle homme regardant – femme regardée70. Les tentatives pour rééquilibrer ce rapport sont d’autant plus critiquées qu’elles se généralisent, notamment via la figure de l’aviateur.

Ces reproches faits aux midinettes s’accompagnent de la déconstruction du mythe chevaleresque de l’aviateur, qui peut avoir derrière son allure « la cervelle vide », comme l’espère Tokazy. L’argumentation s’appuie également sur le revers négatif de l’image du séducteur. La réputation de Dom Juan est opportunément rappelée au bon souvenir des midinettes, un défaut qu’ils doivent manifestement à la nature même de leur activité, à en croire cette lectrice de Parisiana : « Parce que s’ils volent, les aviateurs sont particulièrement volages et ils ont la réputation – justifiée paraît-il – d’être de redoutables dom juans71. » Et c’est toujours dans la « Potinière amoureuse » de Parisiana (où les langues se délient plus facilement que dans le « Courrier » de Midinette) que certaines témoignent de leurs mésaventures avec des aviateurs :

À Coup d’aile dans l’azur : Vous êtes aviateur, n’avez-vous pas dit ? Eh bien c’est un aviateur qui m’a fichu le spleen ! J’avais eu la folie de me toquer de lui. Il m’avait déclaré qu’il était fou de moi. Or j’ai découvert que c’étaient là des « paroles en l’air » comme dit une de mes amies, et qu’on ne pouvait rien attendre d’autre d’un type comme lui. Je n’étais pas sa seule maîtresse. Il en avait au moins deux autres dont une de quarante-sept ans, « une marraine de guerre ». […] Ebouriffèe aux yeux pers 72.

Le spleen de l’aviateur en exil est ici remis en question, puisque c’est sa correspondante qui en est affectée après une déconvenue amoureuse. Toutes les métaphores aériennes sont bonnes pour pointer du doigt l’inconstance masculine à laquelle la jeune fille aurait dû s’attendre, au dire de son amie, de la part « d’un type comme lui », un stéréotype donc. Une déception partagée par les lectrices de Midinette, lorsque les aviateurs du « Courrier » ne se conforment pas à l’imaginaire qu’ils véhiculent. Une courriériste se plaint par exemple de l’indifférence de l’un d’eux à son égard en précisant : « moi qui croyait les aviateurs si galants73 ». Il est intéressant de noter que les correspondantes tentent de délier l’image de l’aviateur et celle de la virilité. Si l’imaginaire collectif reconnaît aux hommes un désir irrépressible qui justifie le double standard de morale selon le sexe74, les jeunes filles du « Courrier » ne semblent pas prêtes à l’accepter.

Si l’aviateur représente probablement un idéal de la virilité, il est loin d’être un idéal de la conjugalité. Mais finalement, dans le « Courrier », l’acte même de la correspondance prime sur le reste, la lettre est autant l’espace du fantasme que celui de l’évasion. Aussi la recherche du « beau pilote aviateur » n’est-elle peut-être davantage pour les jeunes filles qu’un palliatif à l’expérience même de l’aviation que l’espoir d’une histoire amoureuse. Cette jeune lectrice de Parisiana, sous le charme de Coup d’aile dans l’azur laisse transparaître cette ambition dans sa demande de correspondance :

Oh ! Coup d’aile dans l’azur, que vous devez être beau sanglé dans votre costume d’aviateur ! Ma sympathie fut bientôt changée en amitié lorsque j’ai vu que vous vous intéressiez à moi et à mon pauvre cœur meurtri ! Vous m’en demandez la cause ? L’ennui. […] J’ai vingt et un an et je ne sors pour ainsi dire jamais. […] Voulez-vous, enfant de l’air, en réponse à mon amitié, m’accorder la vôtre ? Dès lors de grands yeux noirs vous accompagneront lorsque vous monterez vers le ciel, de grands yeux noirs qui voudraient tant être vers vous, là-haut. […] J’ai l’cafard75.

Avoir l’amitié d’un aviateur et recevoir sa correspondance, c’est finalement partager a minima l’expérience de l’aviation et accompagner l’ascension, ne serait-ce que des yeux. Mais si les épouses d’aviateurs et les aviatrices peuvent être représentées avec des traits communs dans les photographies de presse76, l’ambition des lectrices n’est pas de se contenter de l’aviateur mais bien de maîtriser l’aviation. Il faut en effet comprendre que l’admiration des jeunes filles du « Courrier », loin d’être réservée à Mermoz ou à Guynemer est aussi suscitée par les exploits de Maryse Bastié ou Hélène Boucher relatés par la presse. Dans le même temps, la littérature sportive fait une place aux héroïnes féminines77, les fédérations de sport intègrent des sections féminines78, alors que la mode de la garçonne consacre le « style sportif pour répondre au désir des femmes sportives de porter des tenues simples et modernes, adaptées à leur vie de femme active79 ». Ce paysage culturel et médiatique permet l’expression des désirs d’expériences sportives comme le confesse cette jeune fille :

Grand Cœur : je remarque que beaucoup de midinettes raffolent des aviateurs, moi je les aime aussi, mais mon grand rêve ne serait pas un aviateur, mais faire une petite course en avion80.

Dans les courriers de lectrices, la question « Quel métier feriez-vous si vous étiez un homme ? » est récurrente parmi les petits sondages d’opinion fréquemment lancés81. Nombreuses sont celles qui répondent qu’elles auraient été aviateur, avec des réponses comparables à celle-ci :

Valse de rêve : […] Et moi si j’étais un homme, je serais aviateur, je me griserais d’espace et de vitesse et je pourrais oublier un moment qu’il existe sur terre des gens et des choses bien ennuyeux. Mais voilà, je n’ai pas d’ailes, hélas ! Pilote aviateur, emmène-moi82 !

In fine, comme l’avoue Valse de rêve ici, écrire à un aviateur est un pis-aller à défaut d’être aviatrice soi-même. Il ne faut pas non plus négliger la valeur propre à la correspondance : tout se dit et tout se sait entre les courriéristes qui se font dédicacer des albums souvenir dans lesquels ils gardent parfois des cartes postales. Avoir dans son album la trace d’une correspondance avec un aviateur est valorisant aux yeux des autres courriéristes : les cartes postales viennent de loin, elles peuvent être exotiques ou figurer des avions. En recherchant un beau pilote aviateur, les lectrices de Midinette se mettent donc en scène en hypothétiques femmes d’aviateur autant qu’elles s’imaginent en aviatrices. Il nous semble qu’il y a dans ce processus d’identification épistolaire un processus similaire à l’identification à l’œuvre dans les grandes passions sportives « où l’on […] passe du ‘‘il’’, au ‘‘je’’83 ». La correspondance comme espace d’interaction caractérisé par une distance spatio-temporelle permet une scénarisation par laquelle jeunes hommes et jeunes filles peuvent se façonner une image d’eux-mêmes. L’imaginaire aéronautique est un outil au service de ce miroir84.

4. Conclusion

En somme, l’étude des courriers de lecteurs et lectrices est précieuse pour une histoire des représentations de l’aéronautique car elle se situe précisément à la croisée des dynamiques contemporaines que sont la « Civilisation du journal85 » et la conquête de l’air. Ces rubriques sont bien un réservoir foisonnant de la genèse de ces représentations, mais elles se distinguent en ce qu’elles permettent de mesurer l’appropriation de l’imaginaire aéronautique auprès du lectorat. Celle-ci se révèle être un processus de construction mouvant qui prend corps dans la relation entre la revue et son lectorat, mais aussi dans les relations multiples des lectrices et lecteurs entre eux, que ce soit individuellement ou à l’ensemble du courrier. L’aviation y est, aux côtés du cinéma, un élément structurant d’une culture commune à cette jeunesse de l’entre-deux-guerres. Également propice au vedettariat, elle s’incarne aisément dans une figure aussi médiatique que littéraire : l’aviateur. Les dynamiques propres au courrier du cœur renforcent ce processus de construction de stéréotypes puisque, dans une correspondance à l’aveugle, l’imagination n’a besoin que de quelques points d’ancrage bien identifiables pour se développer. Ceux-ci dessinent l’image d’une noblesse des temps modernes : un héros policé aussi sportif que technicien, qui réactive au passage le mythe de la carte du tendre tout en s’appuyant sur une histoire récente, celle de la Grande Guerre. À la dimension positive du stéréotype s’accole nécessairement la négative : volatiles, les aviateurs sont volages. En miroir se construit le stéréotype de l’admiratrice, la midinette, objet de certaines moqueries. Cependant dans les attentes de celles qui sont identifiées sous cette étiquette, les choses sont moins évidentes : les aviateurs ne représentent pas un idéal de conjugalité, aussi espèrent-elles avant tout vivre par l’écriture l’expérience de l’aviation. Il faut finir par noter la spécificité de cette rubrique de la revue : l’exacerbation caricaturale des stéréotypes genrés doit beaucoup au caractère concurrentiel de ce marché de la rencontre que constitue le « Courrier ».

Notes

1 La formule est empruntée au titre de l’ouvrage de Centlivres Pierre, La Fabrique des héros, éd. de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 1999. Retour au texte

2 Voir sur ce point : Facon Patrick, La Conquête des airs, héros énigmes, drames, Sarbacane, Paris, 2001. Retour au texte

3 Odaert Olivier, « L’Aviateur dans la littérature française de 1909 à 1923, une incarnation du “mythe du progrès” », in Lucbert Françoise et Tison Stéphane (dir.), L’Imaginaire de l’aviation pionnière. Contribution à l’histoire des représentations de la conquête amoureuse, Presses universitaires de Rennes, 2016, pp. 295‑309. Retour au texte

4 Schuman Peter, « “Les Ailes du désir” La figure de l’aviateur au cinéma jusqu’à Wings, 1910-1927 » in L’Imaginaire de l’aviation pionnière. Ibid., pp. 321‑331. Retour au texte

5 Marck Bernard, Héros et héroïnes de l’aviation, Arthaud, Paris, 2007. Retour au texte

6 Weiss Louise, « Aviatrices françaises : Maryse Bastié, Adrienne Bolland, Hélène Boucher », Forces aériennes françaises, n° 274, a. 25, 1970, pp. 415-421. Retour au texte

7 Roberts Mary Louise, Civilization without Sexes: Reconstructing Gender in Postwar France, 1917-1927, University of Chicago Press, 2009. Retour au texte

8 Perrot Michelle, « Sur le front des sexes : Un combat douteux », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 3, 1984, pp. 69‑76. Retour au texte

9 Ibid. Retour au texte

10 Courtine Jean-Jacques, « Malaise dans la civilisation : mythe viril et puissance musculaire », in Courtine Jean-Jacques (dir.), Histoire de la virilité : xxe-xxie siècle. 3. La Virilité en crise ? Seuil, Paris, 2011, p. 480. Retour au texte

11 Sohn Anne-Marie, « Entre-deux-guerres : les rôles féminins en France et en Angleterre », Histoire des femmes en Occident. 5. Le xxe siècle, Plon, Paris, 1992, p. 92.
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12 Jacotot Sophie, « Genre et danses nouvelles en France dans l’entre-deux-guerres. Transgressions ou crise des représentations ? », Clio. Femmes, Genre, Histoire, no 27, 2008, pp. 225‑240. Retour au texte

13 Casta-Rosaz Fabienne, Histoire du flirt : les jeux de l’innocence et de la perversité, B. Grasset, Paris, 2000. L’auteure analyse comment par le flirt ou la simple camaraderie, jeunes hommes et jeunes filles ont une meilleure connaissance de l’autre sexe, ce qui modifie d’autant leurs attentes. Retour au texte

14 Sur l’usage des courriers de lecteurs comme source de l’histoire des représentations, voir : Salmon Aïcha, « Misères de la vie conjugale à la Belle Époque. Un courrier des lecteurs du Matin sur le divorce (1908) », Revue historique, no 683, 2017, pp. 619‑650 ; Damian-Gaillard Béatrice, « Le Courrier des lecteurs et des lectrices d’Union : scripts culturels de l’amour sexuel, The Letters to the Editor of Union: about some cultural Scripts of sexual Love… », Le Temps des médias, no 19, 2012, pp. 130‑144 ; Branca-Rosoff Sonia et Marinelli Cécile, « Faire entendre sa voix. Le courrier des lecteurs dans les trois quotidiens marseillais », Mots. Les langages du politique, no 1, vol. 40, 1994, pp. 25‑39. Retour au texte

15 Brian Isabelle et al., « Le Genre comme démarche », Hypothèses, no 1, vol. 8, 2004/3, pp. 277‑295. Retour au texte

16 Dans l’échantillon étudié pour l’année 1934 la moyenne d’âge est de 21 ans, la moitié des lecteurs et lectrices ayant entre 19 et 23 ans. Retour au texte

17 Voir sur cette question : Delporte Christian, « Les Mutations de l’entre-deux-guerres : l’américanisation de la presse ? », in Mollier Jean-Yves, Sirinelli Jean-François, Vallotton François (dir.), Culture de masse et culture médiatique en Europe et dans les Amériques : 1860-1940, Paris, Presses universitaires de France, 2006, p. 210 ; Kalifa Dominique, La Culture de masse en France. vol 1 : 1860-1930, 7e éd., La Découverte, Paris, 2010. Retour au texte

18 « Reines du ciel », Midinette, 18 février 1938 ; « Ceux dont on parle : Marcel Doret », Midinette, 22 octobre 1937. Retour au texte

19 « Aloha le chant des îles, notre prochain film », Midinette, n° 584, 28 janvier 1938. Retour au texte

20 La numérisation de la collection par Gallica à partir de cette date seulement ne permet pas de faire le calcul sur l’ensemble de la période concernée. Retour au texte

21 Dans son article sur la jeunesse, Antoine Prost distingue la jeunesse bourgeoise de la jeunesse populaire, qu’on ne peut pas considérer comme un bloc. Voir Prost Antoine, « Jeunesse et société dans la France de l’entre-deux-guerres », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 13, 1987/1, pp. 35-43 ; Néanmoins à la lecture de Christine Bard il semble que les années 1920 ont bien été marquées par « une juvénilité – [un] jeunisme – exprimant un sursaut de vie, que traduit une libido bouillonnante, mais aussi une pulsion de mort, l’autodestruction caractéristique de la lost generation, frappant sans distinction de sexe ». La fascination pour la mort des aviateurs me semble participer de cette culture-là. Voir Bard Christine, « Jeunesse de la garçonne », in Bantigny Ludivine, Jablonka Ivan, Jeunesse oblige : histoire des jeunes en France. XIXe-XXIe siècle, Presses universitaires de France, Paris, 2009, p. 126. Retour au texte

22 Midinette, n° 422, novembre 1934. Retour au texte

23 Midinette, n° 574, novembre 1937. Retour au texte

24 de Ruffray Françoise, « L’Image du héros dans le choix de la carrière d’aviateur à travers les archives orales du Service historique de la défense », in Martinant de Préneuf Jean et d’Abzac-Épezy Claude (éd.), Héros militaire, culture et société (xixe-xxe siècles), Publications de l’Institut de recherches historiques du Septentrion, Lille, 2012. Retour au texte

25 « Loin de son alsace chercher correspondant(es) pour échange d’idées. Échangerait photo d’aviation. R.D » Midinette, n° 587, février 1938. Retour au texte

26 Midinette, n° 539, mars 1937. « Co » est l’abréviation utilisée dans le Courrier pour le terme de « communiqué ». Retour au texte

27 Lanfranchi Pierre, « La Consommation du spectacle sportif », Le Mouvement Social, no 206, 2004, pp. 115‑125. L’auteur note que les études manquent sur les supportrices sportives durant l’entre-deux-guerres. Retour au texte

28 Voir l’étude faite par Monnier Solène dans son mémoire de master, Lettres reçues par l’acteur René Navarre au xxe siècle, les débuts du vedettariat cinématographique français, sous la direction de Sauget Stéphanie, Université de Tours, 2017. Retour au texte

29 Midinette, 11 janvier 1935, p.1. Retour au texte

30 Bryon Céline, « La Chevalerie, un mythe à l’ère de la communication », Quaderni. Communication, technologies, pouvoir, no 70, 2009, pp. 111‑119. Retour au texte

31 Capdevila Luc, « L’Identité masculine et les fatigues de la guerre (1914-1945) », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, no 75, 2002, pp. 97-108. Retour au texte

32 Audoin-Rouzeau Stéphane, « Armées et guerres : une brèche au cœur du modèle viril ? », in Courtine Jean-Jacques (dir.), Histoire de la virilité : xxe-xxie siècle. 3. La Virilité en crise ? Seuil, Paris, 2011, p. 202. Retour au texte

33 Dans le courrier du plus frivole Frou-frou, ce sont des qualités que les jeunes hommes n’hésitent pas revendiquer au nom de leur appartenance à la famille de l’air : « Gosses Géo, Janot […] seuls près de leurs grands oiseaux. Ils sont ardents, caressants, passionnés, ont des gouts raffinés, comme tout aviateur. » Frou-frou, n° 28, 1923. Retour au texte

34 Sohn Anne-Marie, Du premier baiser à l’alcôve : la sexualité des Français au quotidien, Aubier, Paris, 1996, p. 163. Retour au texte

35 Danset Max, « “Plus fort que la tempête” Roman complet et inédit », Midinette, 2 octobre 1936. Après de dangereuses aventures dans les airs, l’aviateur revient triomphant sous les flashs des journalistes et se déclare à la jeune et courageuse Odette. Retour au texte

36 « Le raid merveilleux de Brisecœur, aviateur, et son ordonnance coqualâne », Midinette, n° 598, décembre 1926. Retour au texte

37 Voir sur l’imaginaire social des midinettes : Monjaret Anne et Niccolai Michela, « Elle trotte, danse et chante, la midinette !, She Can Trott, Dance and Sing the “Midinette” (19th-20th Centuries) », L’Homme, no 215‑216, 2015, pp. 47‑79. Mais aussi Albert Anaïs, « Les Midinettes parisiennes à la Belle Époque : bon goût ou mauvais genre ? », Histoire, économie & société, no 3, 2013, 32e année, pp. 61‑74. Retour au texte

38 Chapelain Renaud, Les Cinémas dans la ville. La Diffusion du spectacle cinématographique dans l’agglomération lyonnaise (1896-1945), Université Lumière Lyon 2, Thèse de doctorat en Histoire, 2007, p. 67. Retour au texte

39 Ce thème a été développé au séminaire Doct’isor lors d’une communication intitulée « Les Midinettes en représentation : images et imaginaires d’une identité volatile », 25 mai 2016. Retour au texte

40 « Courrier », Midinette, n° 200, janvier 1926. Retour au texte

41 « Courrier », Midinette, n° 514, septembre 1936. Retour au texte

42 de Singly François, « Les Manœuvres de séduction : une analyse des annonces matrimoniales », Revue française de sociologie, vol. 25, no 4,1984, pp. 523‑559. Retour au texte

43 Midinette, n° 118, février 1929. Retour au texte

44 Un exemple ici : « Sur l’aile d’un nuage est heureuse de faire savoir, à ses amis qui se sont si gentiment intéressés à ses vols, qu’elle possède enfin ce brevet de pilote tant désiré. À cette occasion, elle offre aux aviateurs du courrier et à tous ceux et celles qui ont eu le baptême de l’air de concours : dites, en six lignes, d’une façon aussi jolie et spirituelle que possible, quelles furent vos impressions lors de votre premier voyage en avion », Midinette, 10 août 1934. Retour au texte

45 Sur les opérations menées par les aviateurs en Syrie et au Maroc voir Petit Edmond, La Vie quotidienne dans l’aviation en France au début du XXe siècle : 1900-1935, vol. 1, Paris, Hachette, 1977, pp. 130-131. Retour au texte

46 « Bebert le mecano aviateur demande correspondantes de 17 à 19 ans, blond 1m70, gai et sportif. Réponse à toutes les lettres contenant photo, la mienne en échange » Midinette, n° 581, juillet 1938. Retour au texte

47 Midinette, n° 118, février 1929. Retour au texte

48 Midinette, n° 39, août 1927. Retour au texte

49 Le Dimanche de la Femme, n° 501, 11 octobre 1931. Retour au texte

50 Odaert Olivier, « L’Aviateur dans la littérature française de 1909 à 1923, une incarnation du “mythe du progrès” », op cit. Retour au texte

51 Voir sur les marraines de guerre : Le Naour Jean-Yves, « Épouses, marraines et prostituées : le repos du guerrier, entre service social et condamnation morale », Mémoires/Histoire, 2004, pp. 64‑81. Retour au texte

52 Voir sur ce point notre article : « Les petites annonces de La Vie parisienne, flirts et galanteries au tournant des xixe et xxe siècles », Carnet Hypothèse Le marché de la rencontre 1850-1950, ISSN 2495-9995 [en ligne] 2016/9. Retour au texte

53 Midinette, n° 445, mai 1935. Retour au texte

54 Midinette, n° 556, juillet 1937. Retour au texte

55 Midinette, n° 445, mai 1935. Retour au texte

56 « Les petites annonces de La Vie parisienne, flirts et galanteries au tournant des xxe et xxe siècles », op. cit. Retour au texte

57 De Ruffray Françoise, « L’Image du héros dans le choix de la carrière d’aviateur à travers les archives orales du Service historique de la défense », in Martinant de Préneuf Jean et d’Abzac-Épezy Claude (éd.), Héros militaire, culture et société (XIXe-XXe siècles), Lille, Publications de l’Institut de recherches historiques du Septentrion, 2012. L’auteure constate en effet que « l’image du pilote de la Première Guerre mondiale, glorifiée par les nombreux écrits de l’époque, va faire naître des vocations chez les jeunes gens de l’entre-deux-guerres ». Retour au texte

58 Néanmoins les attentes des courriéristes sont moins dictées par l’impératif matrimonial que celles que l’on peut lire par ailleurs dans les annonces matrimoniales des journaux contemporains. La menace du célibat dont l’image négative pèse sur les filles ne touche pas encore les jeunes lectrices de la revue. Voir sur cette question : Farge Arlette, Klapisch-Zuber Christiane et Perrot Michelle, Madame ou mademoiselle ? : itinéraires de la solitude féminine, XVIIIe-XXe siècle, Montalba, Paris, 1984. Retour au texte

59 Cette image est reprise dans de nombreuses revues populaires, une couverture de Parisiana par exemple met en scène deux jeunes femmes coquettes parlant d’une troisième « Lulu ? Elle peut dire que la fortune lui est tombée du ciel ! […] Elle vient d’épouser un aviateur très riche » 4 mars 1926. Retour au texte

60 Rebreyend Anne-Claire, Intimités amoureuses : France, 1920-1975, Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 2008, p. 35. Retour au texte

61 Midinette, n° 522, novembre, 1936. Retour au texte

62 Les Annales politiques et littéraires, n° 1343, 21 mars 1909. Retour au texte

63 Albert Anaïs, « Les Midinettes parisiennes à la Belle Époque », op. cit. Retour au texte

64 Midinette, n° 412, octobre 1934. Retour au texte

65 Midinette, n° 505, juillet 1936. Retour au texte

66 Sohn Anne-Marie, « Entre-deux-guerres : les rôles féminins en France et en Angleterre », in Histoire des femmes en Occident. 5. Le XXe siècle, op. cit. Retour au texte

67 Midinette, n° 428, 1935. Retour au texte

68 Ce terme désigne les simples soldats d’infanterie. Par opposition aux aviateurs, ils qualifient dans le « Courrier » les jeunes en service militaire qui n’appartiennent pas à l’aviation. Retour au texte

69 Midinette, n° 584, 28 janvier 1938. Retour au texte

70 Rebreyend Anne-Claire, « De la rencontre aux noces », Intimités amoureuses, op. cit., p. 31. L’auteure constate la force de ce rapport de domination que constitue le droit de regard sur le corps de l’autre sexe : « l’inversion des rôle est rare car l’immédiat après-guerre remet chaque sexe à sa place ». Retour au texte

71 « La Potinière amoureuse », Parisiana, 19 décembre 1929. Retour au texte

72 « La Potinière amoureuse », Parisiana, 13 février 1930. Retour au texte

73 « Mademoiselle Mystère au Sergent x de l’aviation : une réponse, même négative, m’aurait fait plaisir, moi qui croyait que les aviateurs étaient si galants ! Sans rancune. » Midinette, n° 585, 1938. Retour au texte

74 Florence Vatin, « Évolution historique d’une pratique : le passage de l’adultère à l’infidélité », Sociétés, 2002, no 75, no 1, pp. 91‑98. Retour au texte

75 « La potinière amoureuse », Parisiana, 9 janvier 1930. Retour au texte

76 Voir le parallèle frappant de la mise en scène photographique de Mme Codos dans L’intransigeant, 7 août 1933, et celle de Maryse Bastié dans le numéro du 18 février 1838 de Midinette. Retour au texte

77 Bauer Thomas, La Sportive dans la littérature française des années folles, Presses Univ. Septentrion, 2011, 240 p. Retour au texte

78 Arnaud Pierre, Terret Thierry, Histoire du sport féminin, l’Harmattan, Paris Montréal, 1996. Retour au texte

79 Kurkdjian Sophie, « Introduction. D’une guerre à l’autre : les femmes et la mode dans l’entre-deux-guerres », Apparence(s), no 7, 2017. Retour au texte

80 Midinette, n° 39, août 1927. Retour au texte

81 On trouve ce type de questions et de réponses non seulement dans Midinette mais également dans les courriers de La Femme de France, et des Dimanches de la Femme. Retour au texte

82 Les Dimanches de la femme, n° 518, 7 février 1932. Retour au texte

83 Bromberger Christian, « Passions sportives », in Corbin Alain, Courtine Jean-Jacques et Vigarello Georges, Histoire des émotions, 3 : De la fin du XIXe siècle à nos jours, Seuil, Paris, 2017, p. 450. Retour au texte

84 « La scène épistolaire peut se voir comme un théâtre du soi. » La formule de Khouz Sami décrit parfaitement ce processus, in L’Interaction épistolaire au xviiie siècle. Étude réalisée à partir de trois dialogues épistolaires : Voltaire & Mme du Deffand, Jean-Jacques Rousseau & Malesherbes, Benjamin Constant & Isabelle de Charrière. Théorie et pratique de l’épistolaire au xviiie siècle. Littératures. Université d’Orléans, 2013. Retour au texte

85 Kalifa Dominique, Régnier Philippe et Therenty Marie-Ève, La Civilisation du journal : histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, vol. 1, Le Nouveau monde éditions, Paris, 2011, p. 1762. Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Claire-Lise Gaillard, « Les Aviateurs à la conquête des cœurs. L’imaginaire de l’aviation dans le marché de la rencontre au début du xxe siècle », Nacelles [En ligne], 5 | 2018, mis en ligne le 01 décembre 2018, consulté le 29 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/590

Auteur

Claire-Lise Gaillard

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Centre d’histoire du XIXe siècle

Agrégée d’histoire, doctorante, ATER, Université Paris Diderot, Laboratoire ICT

claire.lise.gaillard@gmail.com