Giulio Douhet et la politique au crépuscule de l’Italie libérale

  • Giulio Douhet and Politics in the Twilight of Liberal Italy

Résumés

Giulio Douhet est mondialement connu pour sa théorie de la maîtrise de l’air formulée pendant la Grande Guerre et au lendemain immédiat de celle-ci. Une théorie qui a fortement influencé l’organisation et les doctrines d’emploi de l’aviation militaire. Cependant, Douhet a également joué un rôle politique dans l’après-guerre : dans ses articles publiés dans le journal Il Dovere en 1919-1921, il s’est fait le porte-parole du mécontentement qu’éprouvaient les milieux militaires et une partie de la bourgeoisie italienne en raison des résultats des négociations de paix de Versailles et de l’évolution de la situation politique interne de leur pays. Les considérations politiques polémiques de Douhet illustrent bien le glissement de la bourgeoisie italienne, y compris peut-être de sa fraction traditionnellement campée sur des positions de matrice républicaine et mazzinienne, vers des positions toujours plus proches de celles du fascisme naissant. L’échec du dessein patriote de la « Grande Italie », la déception engendrée par les traités de paix et la multiplication des troubles sociaux pendant le Biennio Rosso (1919-1920) furent les principales causes qui poussèrent Douhet à considérer avec une faveur croissante le fascisme, dans lequel il voyait une force politique capable de rétablir la paix sociale et de hisser l’Italie au rang de grande puissance.

Giulio Douhet is world-famous for his theory of command of the air formulated during the Great War and its immediate aftermath. A theory that strongly influenced the organisation and doctrines of use of military aviation. However, Douhet also played a political role in the post-war period: in his articles published in the newspaper Il Dovere in 1919-1921, he expressed the discontent of military circles and part of the Italian bourgeoisie with the results of the Versailles peace negotiations and the changing internal political situation in their country. Douhet’s polemical political considerations illustrate well the shift of the Italian bourgeoisie, including perhaps its fraction traditionally camped on positions of republican and Mazzinian matrix, towards positions ever closer to those of nascent fascism. The failure of the patriotic design of “Greater Italy”, the disappointment with the peace treaties and the increase in social unrest during the Biennio Rosso (1919-1920) were the main causes that led Douhet to view fascism with increasing favour, seeing it as a political force capable of restoring social peace and raising Italy to the rank of a great power.

Plan

Texte

Introduction

Esprit raffiné et brillant, personnalité rugueuse et complexe, écrivain prolifique et polémique, Giulio Douhet a longtemps été délaissé par l’historiographie italienne, au point que la première véritable biographie scientifique complète du personnage n’est parue qu’en 20131. Ce désintérêt pour le personnage est d’autant plus étrange que, comme l’a fort justement remarqué l’historien militaire Giorgio Rochat2, Douhet est incontestablement, après Machiavelli, le seul théoricien militaire italien dont les ouvrages sont connus et traduits dans le monde entier et alors même que ses travaux ont été à la base de réflexions doctrinales développées depuis des décennies dans les principales académies militaires du monde.

Cette situation paradoxale dépend dans une certaine mesure de la position marginale de l’histoire militaire dans le système universitaire italien, qui a conduit à délaisser l’étude de personnalités qui ont pourtant parfois eu un rôle décisif, tel que le maréchal Armando Diaz, commandant en chef de l’armée italienne en 1917-1918, auquel à ce jour aucun ouvrage scientifique n’a été consacré. L’oubli dans lequel est tombé Douhet dépend aussi de la tendance récurrente à rechercher des modèles à l’étranger, typique de certains secteurs de l’élite italienne victimes d’un complexe d’infériorité qui plonge ses racines dans les péripéties de la construction tardive et semée d’embûches d’un État-nation que ses propres dirigeants et ses élites culturelles ont longtemps considéré comme imparfait et inachevé : une composante typique du caractère national italien3 en vertu de laquelle nemo propheta in patria dont, à tout prendre, l’illustre théoricien militaire eut déjà à souffrir de son vivant.

À contre-courant de cette tendance, nous nous proposons ici de mettre en lumière des aspects de la vie et de l’œuvre de Douhet injustement délaissés par l’historiographie, qui s’est principalement concentrée sur la doctrine de la maîtrise de l’air et du bombardement stratégique : son engagement politique, sa perception et son analyse de la crise du système politique libéral italien au lendemain de la Première Guerre mondiale. Initialement philo-républicain et vraisemblablement d’obédience maçonnique4, extrêmement critique à l’égard de l’establishment et fondamentalement impolitique, Douhet appartenait sans conteste à l’univers composite de l’interventionnisme démocratique et des associations d’anciens combattants qui, après la guerre, abandonnèrent progressivement leur positions libérales démocratiques au profit de revendications antiparlementaires et antidémocratiques avant d’accueillir favorablement le fascisme naissant : un itinéraire politique commun à beaucoup d’Italiens choqués par l’apparence, sinon par le caractère insurrectionnel de la période d’intense agitation sociale dénommée Biennio rosso (1919-1920).

Les articles rédigés par Douhet pour le périodique Il Dovere d’avril 1919 à décembre 1921 constituent un précieux observatoire de la dérive antilibérale du personnage et des milieux dans lesquels il évoluait alors. L’hebdomadaire, qu’il dirigea avec Costanzo Premuti, homme de confiance du député républicain Salvatore Barzilai, fut constamment en proie à de graves difficultés de trésorerie5. Il n’aurait pas pu sortir sans l’apport financier personnel de Douhet ni même, au moins initialement, sans les financements accordés par l’entrepreneur Oscar Sinigaglia et par l’avionneur Giovanni Caproni, ami de longue date de Douhet6.

Au mois de mars 1919, Douhet avait annoncé au général Alberto Cavaciocchi, ancien commandant du IVe corps d’armée impliqué dans la défaite de Caporetto, son intention de fonder un hebdomadaire et lui avait indiqué qu’il entendait faire de ce périodique une publication particulièrement combative et réellement indépendante. L’empreinte militaire du nouveau journal fut immédiatement évidente, puisque le premier point du programme éditorial était « l’examen des responsabilités politiques et militaires dans la conduite de la guerre7 ». Dans ses articles, Douhet fit en effet le choix d’examiner tout particulièrement les travaux et les conclusions de la commission d’enquête relative à la défaite de Caporetto ainsi que la situation économique et juridique des officiers, notamment de ceux qui avaient été limogés de leur commandement au cours du conflit ; mais il utilisa aussi la tribune que constituait Il Dovere pour présenter sa propre théorie de la maîtrise de l’air, tout en reprochant vertement au gouvernement l’absence de mesures favorables au développement de l’aviation tant civile que militaire.

Le contenu éminemment militaire de l’hebdomadaire fut accentué par le fait qu’il se fit le porte-parole d’une association d’anciens combattants, l’Unione Nazionale Ufficiali e Soldati (Unus)8, créée quelques semaines avant la naissance du journal, puisque le manifeste qui en annonçait la fondation fut affiché dans les rues de Rome au début du mois d’avril 1919. Cette association voulait valoriser la mémoire des vertus et des actes d’héroïsme des soldats italiens et proclamer leur droit à constituer la nouvelle classe dirigeante du pays, des aspirations et des revendications communes au demeurant à toutes les associations d’anciens combattants au lendemain immédiat de la Grande Guerre9 :

Soldats de la Victoire ! Anciens combattants de terre, de mer et de l’air ! Démobilisés ou futurs démobilisés de tous les grades, de toutes les classes et de toutes les armes. Armée toujours prête et toujours vigilante de la Patrie ! Votre heure a sonné. Celle de votre droit suprême, celle de votre suprême devoir. Le droit d’être reconnus par la Patrie, comme ses meilleurs enfants, le devoir de conserver à la Patrie la foi que vous lui jurâtes les armes à la main. La Patrie, ô Soldats de la Victoire, a peut-être aujourd’hui, encore plus qu’hier, besoin de vous. Contre elle – île de toute beauté et d’harmonie au milieu de l’océan des peuples – longtemps secouée et tourmentée par les courants d’envie les plus perfides du monde, aujourd’hui se brisent les premières vagues d’une tempête née parmi les barbares, qui peut d’un jour à l’autre s’abattre sur elle. Nous devons à tout prix faire barrière. Nous devons vouloir que l’Italie ne soit pas touchée. Nous devons vouloir qu’elle ne soit ni trahie, ni exploitée, ni mutilée : ni matériellement, ni moralement10.

Née à l’initiative de personnalités liées aux milieux gouvernementaux, comme l’ingénieur Oscar Sinigaglia, et de membres de la bourgeoisie patriotique, parmi lesquels Douhet, Giovanni Giuriati et Costanzo Premuti11, l’Unus se proposait de soutenir et de relayer l’action gouvernementale par le recours à des méthodes typiques de la propagande patriotique du temps de guerre. Cela ne signifie pas que toutes les associations appartenant au milieu interventionniste romain d’après-guerre étaient manœuvrées par le pouvoir exécutif. Les relations entre le gouvernement et la bourgeoisie patriotique en 1919, tout comme pendant la guerre, furent caractérisée par une rétroaction permanente entre les composantes du système politique et de la société civile. La naissance d’une association telle que l’Unus résultait de la convergence d’intérêts divers qui s’accordaient cependant sur au moins deux objectifs communs : d’une part la défense du tissu social italien face à la menace bolchevique, d’autre part la revendication des frontières naturelles du pays. L’Unus se voulait également le point de ralliement de toutes les associations d’anciens combattants de tendance nationaliste, afin de raviver la flamme de l’union sacrée, comme en témoigne ce qu’écrivait l’un de ses dirigeants, Costanzo Premuti :

Les membres de l’Unus pourront, un jour, tomber d’accord sur le jugement dernier, sur la pureté des sentiments wilsoniens, sur la genèse du monde ; mais jamais ils ne pourront se heurter dans une lutte électorale, qu’ils soient inscrits au parti républicain, nationaliste, socialiste ou radical, que cela advienne en 1919 ou en 2400 […]. On exige en revanche que l’adhérent ait « voulu » la guerre et que pour la victoire il ait fait tout ce qu’il devait et pouvait faire12.

Vaines paroles : en réalité l’Unus ne parvint jamais à se substituer à la bien plus puissante Associazione Nazionale Combattenti (ANC) qui dominait sans partage le monde des anciens combattants. Elle ne fut jamais rien de plus que l’une des multiples organisations qui prétendaient représenter le milieu interventionniste romain, même si elle ne manqua pas de susciter certaines préoccupations en raison de son implication présumée dans des projets de coup d’État et dans l’organisation de l’occupation de la ville de Fiume, en Istrie, par des anciens combattants commandés par l’écrivain-soldat Gabriele D’Annunzio13. Son histoire, indissociable de celle du journal Il Dovere, illustre bien en tout cas le glissement vers des positions conservatrices, voire résolument réactionnaires, d’une grande partie de la bourgeoisie italienne : une évolution, ou une involution, dont Douhet fut un protagoniste convaincu en vertu de sa contribution à l’activité politique de l’Unus et, plus généralement, à la stratégie développée par Sinigaglia en faveur des aspirations de la bourgeoisie patriotique.

1. De Versailles à Fiume

Dès les premiers numéros de l’hebdomadaire, Douhet se démarqua de la conception wilsonienne de la paix, qu’il jugeait hypocrite. Le message adressé au peuple italien par le Président des États-Unis lui avait d’ailleurs aliéné l’opinion publique qui lui avait pourtant d’abord réservé un excellent accueil à l’occasion de son voyage en Italie en Janvier 1919 :

Le petit homme ne pouvait pas nous rendre un meilleur service. Nous l’attendions avec impatience, la « gaffe » suprême. Elle est miraculeusement venue à temps. La bonne étoile n’abandonne jamais son Italie préférée. Il avait adopté, le petit homme, un système de réclame fort bien conçu. […] Rome le reçut triomphalement. Les Romains daignèrent l’appeler romain. Ce fut un délire collectif dont le petit homme se servit pour enivrer les autres. Mais il s’enivra lui-même […] Merci Wilson. L’acte inapproprié était nécessaire pour briser l’enchantement fatal […] Vous avez voulu nous dresser contre les hommes qui nous représentent. Quelle que soit l’idée que nous nous faisons de ces hommes, ils nous sont sacrés parce qu’ils nous représentent […] Nous seuls avons le droit de les changer, nous seuls, pas vous. Vous avez offensé notre droit suprême à la souveraineté14.

Tout en réitérant ses attaques contre Wilson15, dans les numéros suivants Douhet adressait aussi de vives critiques aux délégués italiens à la conférence de la paix, au président du conseil Vittorio Emanuele Orlando et au ministre des Affaires étrangères Sidney Sonnino qui, après avoir été triomphalement accueillis à Rome, étaient repartis à Paris :

À ces hommes, le bon peuple d’Italie a mis entre les mains une magnifique Victoire, parce qu’ils avaient affirmé qu’ils la feraient valoir. Et pour leur donner cette arme formidable, pendant quatre longues années, le bon peuple d’Italie avait versé son meilleur sang et jeté toutes ses richesses. Ce qu’ils ont fait de cette Victoire magnifique, ces hommes illustres qui ont mis l’Italie sous tutelle comme une mineure, une incapable, est maintenant connu de tous. Pendant environ six mois de discussions, les autres partagèrent le monde pendant que nous attendions humblement qu’ils se décidassent à regarder de notre côté. Quand il n’y eut plus rien à partager entre eux, ils nous regardèrent de travers. Nos plénipotentiaires prirent le train et rentrèrent au pays. Ici, pas eux, mais le symbole qu’ils représentaient, eut le soutien de toute la nation qui criait de toutes ses bouches, Osez ! Osez ! Et eux, par une nuit noire, ils reprirent le train, sans que même le chef de gare s’en aperçût, pour aller apposer des signatures inutiles […] Où est l’Italie victorieuse ? Où sont nos alliés ?16

La critique des institutions et de l’establishment, typique de l’attitude rebelle de Douhet dès l’époque de la guerre, qui l’avait d’ailleurs conduit à encourir les foudres de la justice militaire pendant le conflit17, opposait nettement le peuple à ses dirigeants, dans le sillon de la propagande antiparlementaire qui avait caractérisé les manifestations de rue et la campagne de presse organisées en 1914-1915 par les milieux nationalistes favorables à l’intervention de l’Italie dans la guerre européenne :

Ils ne comprennent pas, nos délégués, qu’ils ne représentent plus et n’ont peut-être jamais représenté l’Italie ! Ne comprennent-ils pas l’énormité de la responsabilité qu’ils sont sur le point d’assumer en acceptant des accords qui impliquent l’avenir de toute la nation ? […] Nous sommes quarante millions et ils sont deux. Ils sont deux qui doivent répondre à quarante millions […] Ils sont deux et ils sont vieux […] Derrière vous, il y a des millions de jeunes qui doivent pouvoir rendre cette Italie vraiment grande, après avoir versé leur sang dans ses sillons fertiles. Vous n’avez pas le droit de leur lier les mains. Au lieu de votre sénilité, les alliés affronteront toute la jeunesse italienne soutenue par la générosité naturelle de toute la jeunesse italienne18.

D’autres articles, signés de différents collaborateurs de l’hebdomadaire, allaient par la suite intensifier cette diatribe antiparlementaire conduite sur un ton de plus en plus agressif19, où les attaques visant le gouvernement étaient désormais flanquées d’une vigoureuse polémique antisocialiste20. Ce ne fut toutefois qu’à partir de la chute du gouvernement de Vittorio Emanuele Orlando en juin 1919 que Douhet s’orienta définitivement vers la critique systématique du statu quo politique libéral pour dénoncer l’incapacité du gouvernement du juriste palermitain à défendre les intérêts nationaux.

De sa constitution à sa chute, le cabinet Orlando se maintint non point en vertu de ses mérites mais grâce aux défauts d’autrui […] Ce cabinet ressemblait à une construction toujours sur le point de s’effondrer. Pour la maintenir, il fallait constamment la rafistoler et l’étayer […] La Chambre des députés ne peut rien reprocher à Orlando […] Après Caporetto, il avait franchement avoué qu’il s’était trompé. La Chambre en accordant sa confiance à ceux qui avaient commis une erreur qui l’avait conduite au bord de l’abîme, et en la lui accordant sans jamais exiger la moindre explication, ne peut aujourd’hui lui reprocher ses erreurs ultérieures […] Et le pays ne peut reprocher quoi que ce soit à la Chambre. La Chambre ne le représente pas du tout. C’est une chambre de morts. C’est une survivance artificielle d’un organisme qui, après avoir fait la guerre contre sa volonté, est embarrassé par une victoire qu’il n’espérait pas21.

Il convient de souligner qu’à l’époque où il écrivait ces mots, Douhet était soupçonné de tremper, en compagnie de Sinigaglia, de Giuriati, de D’Annunzio et du général Gaetano Giardino, ancien ministre de la Guerre, dans des complots visant à renverser l’ordre constitutionnel libéral pour lui substituer une dictature militaire avec ou sans le consentement du souverain Victor-Emmanuel III22. Bien que saluée avec une certaine prudence par l’hebdomadaire23, la constitution du nouveau gouvernement, dirigé par Francesco Saverio Nitti, ne pouvait pas satisfaire Douhet, dans la mesure où Nitti était considéré par les franges les plus actives de l’interventionnisme comme le champion de la négation de la victoire et comme le promoteur d’une politique contraire à la glorification de la guerre. Si la position personnelle de Douhet ne coïncidait pas parfaitement avec celles de tous les courants du nationalisme militant, il ne fait aucun doute qu’il contribua à créer l’atmosphère électrique qui, finalement, allait conduire à l’entreprise subversive par laquelle D’Annunzio s’empara de Fiume.

L’attitude d’attente prudente envers les premières mesures du gouvernement Nitti initialement adoptée par certains partisans de l’interventionnisme, fut en effet brusquement interrompue par le coup de main du 12 septembre 1919. Le numéro de l’hebdomadaire Il Dovere immédiatement consécutif à cet événement comportait en effet deux articles critiques à l’égard du gouvernement. Dans le premier, Douhet exhortait Nitti à tirer parti du fait accompli pour concrétiser les revendications territoriales italiennes aux dépens du royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes24 ; le second article reprochait vivement au président du conseil d’avoir lancé un appel au peuple pour l’exhorter à s’opposer à la menace que l’expédition de Fiume faisait peser sur l’ordre constitutionnel25.

La polémique contre Nitti allait bientôt céder le pas devant la nécessité de s’organiser en vue des futures élections politiques, mais Douhet n’en cessa pas pour autant de mener une réflexion sur la nature de la démocratie dans le contexte caractérisé par l’irruption des masses sur la scène politique et par les troubles sociaux qui secouaient alors le pays.

2. L’évolution d’un bourgeois

Il est difficile d’identifier avec certitude la plume de Douhet dans la masse d’articles parus dans Il Dovere, dont beaucoup ne sont pas signés ou ne le sont que de pseudonymes tels que « Le conservateur futur », une signature paradoxale en tout cas bien dans le style provocateur et un tantinet espiègle de Douhet. Il ne fait en revanche aucun doute que la ligne du journal suivait une sorte de conservatisme réformiste qui puisait son inspiration aux sources du libéralisme économique. Nous ne sommes pas en mesure de distinguer si cette position correspondait exactement aux idées de Douhet et de Premuti ou si elle était dictée par la nécessité de satisfaire les exigences des donateurs qui finançaient l’hebdomadaire, qu’il est par ailleurs impossible d’identifier avec précision. Il est en revanche certain que le périodique alternait ou associait des positions fortement conservatrices avec d’autres qui pouvaient paraître authentiquement révolutionnaires.

Si la ligne éditoriale favorable au libéralisme26 et, dans une certaine mesure, hostile au grand capitalisme industriel paraît évidente27, tout comme l’attention manifestée à l’égard de l’agriculture et du monde rural28, Douhet militait avant tout en faveur d’une justice redistributive susceptible d’améliorer les conditions de vie des classes défavorisées. Sans exiger des mesures révolutionnaires, il demandait l’établissement d’un impôt progressif sur les profits de guerre29. Il fallait pour cela que le pays soit gouverné par un bon père de famille capable de rétablir l’ordre et d’instaurer la justice sociale parce que c’était le seul moyen d’empêcher les masses de se tourner vers un socialisme de plus en plus menaçant30. Il fallait travailler et produire, faire des sacrifices si nécessaire31, mais surtout rééquilibrer la richesse qui, pendant la guerre, pour certains avait augmenté dans des proportions exagérées alors que d’autres, au contraire, avait sombré dans la misère : tout cela dans le but de promouvoir l’intérêt général du pays32, qu’il ne fallait pas hésiter à protéger en recourant à l’expropriation des richesses33 :

L’Italie est désormais divisée en deux camps. D’une part, tous ceux qui ont tiré profit de la guerre d’une manière quelconque, ainsi que ceux qui sont responsables de cet état de fait ; d’autre part tous ceux qui ont supporté les charges de toute sorte, nécessaires, inutiles et aggravées par la mauvaise gouvernance. Ces derniers – qui représentent la majorité – entendent bien comprendre ce qu’il s’est passé […] Nous sommes décidément en faveur de ceux qui veulent faire la lumière et croient donc que nous accomplissons une tâche de conservation, dans le sens d’un travail opposé à celui de la dissolution. Ce travail de révision du passé a une importance économique considérable, car des mesures de justice administrative nécessaires en découleront certainement. Mais pour la reprise économique du pays, nous pensons que d’autres mesures substantielles sont urgentes, que nous prenons progressivement, et qui suivent, dans le domaine fiscal, le principe que ceux qui ont plus doivent donner plus et que la propriété doit se justifier par son utilité à l’égard de l’intérêt général34.

La perspective de Douhet n’allait manifestement pas au-delà d’un conservatisme réformiste qui, des années auparavant, avait été incarné, quoique de manières différentes, par des hommes politiques tels que le marquis Antonio Starabba di Rudinì et le baron Sidney Sonnino35. Douhet mettait quant à lui en évidence l’incapacité de certains secteurs de la classe dirigeante à comprendre le nouveau scénario politique de l’après-guerre caractérisé par l’irruption impétueuse des masses sur la scène politique. Selon lui, il était dès lors inévitable que rouges et noirs, socialistes et catholiques prévalent, même si l’issue de la rivalité qui les opposait restait imprévisible :

Le bolchevisme d’abord, puis le prêtre ? Eh bien, c’est le bolchevisme et le prêtre. Le drapeau rouge, puis le drapeau noir. L’élan violent qui submerge tout, les hommes et les systèmes, l’élan aveugle et fou d’abord, puis les chaînes, le frein, la réaction […] Ce qui est particulièrement important, c’est de sortir, cependant, de cet égout répugnant, dût-on même passer à travers les flammes. Toute flamme est une purification36.

3. Vers le fascisme

L’année 1920 marqua le début de l’affaiblissement progressif du projet politique qui animait Il Dovere et l’Unus. À la suite du départ de certains collaborateurs, entre autres « Le conservateur futur » et Premuti, à partir de février le journal se concentra de plus en plus sur les questions militaires. En outre, dans le courant du mois d’avril, il passa de quatre à deux pages avant de devenir bimestriel. Cela résultait des graves difficultés financières qui l’affligeaient, mais c’était aussi le signe que le projet politique de l’Unus avait échoué. N’ayant pas réussi à s’imposer comme le centre de ralliement des associations d’anciens combattants de la capitale, succombant à sa rivalité avec l’ANC, l’Unus ne parvenait même pas à fédérer les forces interventionnistes romaines en vue des élections législatives de 1919, comme le montrait les derniers articles écrits par Premuti sur un ton éminemment polémique37.

En 1920, l’hebdomadaire perdit progressivement sa valeur politique, mais l’étude des numéros qui continuèrent de paraître fournit encore un excellent aperçu de l’évolution de l’état d’esprit et des opinions de Douhet, que l’on voit se rapprocher progressivement du mouvement fasciste alors en pleine ascension. Les idées libérales et l’hostilité au grand capitalisme industriel de la première période, bien qu’exprimées avec moins de verve polémique, ne disparurent pas totalement des pages du périodique, mais elles cédèrent désormais le pas à la préoccupation relative au maintien de l’ordre public menacé par une vague de grèves38 auxquelles le gouvernement de Francesco Saverio Nitti pouvait sembler ne pas s’opposer avec toute la fermeté nécessaire39. Douhet considérait au contraire qu’il fallait impérativement

[…] restaurer l’autorité, l’ordre et la discipline, travailler et produire plus et consommer moins. […] L’Italie tout entière doit devenir un pays soudé et sévère, lié par une discipline commune, égale pour tous, en haut et en bas, un pays travailleur et économe. La grande famille, au bord de la faillite, doit être contrainte de travailler et de faire des économies. Chacun doit contribuer au salut commun avec tout ce dont il dispose, richesse, travail, intelligence. Chacun doit se considérer comme un soldat de la nouvelle lutte, dans laquelle il ne doit y avoir ni déserteurs ni embusqués. Une justice distributive stricte doit régner pour que chacun en reconnaisse la nécessité40.

Douhet pensait que l’ordre conservateur qu’il appelait de ses vœux ne pourrait être instauré que par un homme politique réputé pour sa fermeté tel Giovanni Giolitti41. Aussi accueillit-il favorablement sa nomination à la présidence du Conseil, en dépit de la position neutraliste que celui-ci avait adoptée en 1914-1915 :

Il est logique que vous reveniez prendre les rênes du pouvoir : vous qui étiez contre la guerre, et nous qui le reconnaissons, nous qui étions pour la guerre. Il est logique et nécessaire, en présence de renégats et de complices qui ne tremblent que pour eux-mêmes. Et nous l’espérons car avant tout nous croyons que chez l’homme le caractère est nécessaire et, dans la misère morale qui nous entoure, c’est en vous seulement que nous reconnaissons du caractère42.

Tout en reconnaissant à Giolitti la capacité de rétablir l’ordre en dialoguant avec les masses pour les soustraire à la tentation révolutionnaire, Douhet se montrait pourtant profondément pessimiste relativement à la possibilité pour l’Italie de surmonter la crise politique et socioéconomique consécutive à la guerre dans laquelle elle était plongée43. C’est ce pessimisme qui le conduisit sur des positions de plus en plus ouvertement antidémocratiques :

Désormais, les gouvernements élus par les peuples ne peuvent que faire pire que ceux qui s’imposent aux peuples. Ces derniers, pour s’imposer, doivent bien posséder une qualité supérieure. De toute évidence, ils doivent être composés de personnes supérieures à la médiocrité. Puisque c’est la masse qui représente la médiocrité, s’ils étaient médiocres, ils ne pourraient pas s’imposer à la masse. Les gouvernements élus par les peuples représentent au contraire la quintessence de la médiocrité et sont d’autant plus médiocres que le suffrage s’élargit […] Pour élire en conscience ceux qui doivent nous gouverner, il faudrait pouvoir juger les hommes et leur capacité à gouverner, c’est-à-dire qu’il faudrait posséder au plus haut point l’intelligence et le caractère combinés à une réelle connaissance de la situation […] Les masses ne peuvent pas exprimer des jugements conscients parce que leur faculté de juger est inférieure. Et elle est d’autant plus basse que les masses sont étendues. Elle est minime lorsque le suffrage devient universel […] Les gouvernements des pays à régime représentatif sont l’expression d’une majorité, mais d’une majorité essentiellement numérique. Quantitative, pas qualitative. Par conséquent, les gouvernements des pays à régime représentatif sont l’expression de la partie du pays qui est la moins consciente […] dans les pays à régime représentatif, les gouvernements ne peuvent être qu’au-dessous de la médiocrité et d’autant plus bas que le suffrage est plus étendu. Cela explique que les pays gouvernés par ce système doivent nécessairement décliner44.

Affirmer que l’involution antidémocratique de Douhet résultait exclusivement de l’inquiétude croissante suscitée par les troubles du Bienno rosso serait naturellement simpliste. Dans ce processus involutif on peut en effet entendre aussi l’écho de la vieille querelle entre les héritiers de la pensée mazzinienne et les socialistes, mais également percevoir l’influence des aspirations antiparlementaires et antipolitiques toujours présentes au sein de la bourgeoisie italienne. Il faut y voir, enfin, toute la crainte que les masses, fussent-elles rouges ou noires, socialistes ou catholiques, ne cessèrent d’inspirer à une classe dirigeante libérale impuissante à combler le fossé entre le pays réel et le pays légal.

Cependant, après le succès de la révolution bolchevique et malgré l’échec de diverses tentatives révolutionnaires à travers l’Europe, la peur des masses se mua en une haine de classe si puissante qu’elle mina la solidité de l’État libéral en poussant une grande partie de la bourgeoisie italienne sur des positions résolument conservatrices, voire réactionnaires et antidémocratiques.

Dans ces conditions, on ne doit pas s’étonner que dans les derniers numéros du périodique Il Dovere parussent des articles de plus en plus favorables au mouvement fasciste. Car s’il y était initialement dépeint comme « un accident contingent […] le dernier souffle de cette bourgeoisie mourante qui râle »45, quelques semaines plus tard le jugement était devenu franchement positif :

Le fascisme est né grâce à des jeunes à l’âme ardente qui, pour la première fois, ont su réagir contre l’avilissement de l’Italie à l’étranger, et contre l’asservissement interne aux partis extrémistes. Et ces derniers temps, il a essentiellement montré qu’il était en mesure de mettre fin à cet asservissement. Par conséquent, tous les citoyens […] qui se pliaient à contrecœur au nouvel esclavage et qui devaient constater chaque jour l’absence du gouvernement, qui permettait aux partis extrémistes de violer les droits les plus sacrés, se tournent avec confiance vers les nouvelles organisations, qu’ils sentent capables de réagir contre des systèmes de parti et de gouvernement délétères et ils vont grossir les rangs de cette organisation qui, en remettant à leur place les saboteurs du pays, permettra aux forces saines qu’il recèle de vraiment le ressusciter […] Ce mouvement de réaction contre le régime de violence hors la loi doit être considéré comme le début de la résurrection nationale. Cela est ressenti partout et commence également à faire son chemin dans les classes populaires46.

Face à l’impuissance des partis traditionnels à rétablir l’ordre et à l’action subversive du socialisme et des masses populaires, Douhet se rangeait désormais aux côtés de ceux qui se tournaient résolument vers le fascisme parce qu’il leur paraissait le dernier rempart contre le désordre :

Face à l’action de désintégration intensément pratiquée par les partis du désordre et de la dissolution, les anciens partis n’ont pas su présenter un programme énergique et de nature à en empêcher les tristes effets […] ce sont de vieux partis, composés d’hommes aux idées anciennes, capables seulement d’opportunisme […] ce sont des hommes qui mettent leur intérêt personnel au-dessus de l’intérêt général […] Ils sont divisés parce que l’ambition personnelle conduit à former des groupes et des groupuscules […] ils constituent la majorité des impuissants qui se laisse écraser par les violents. Ils constituent donc la partie la plus coupable de l’état misérable dans lequel se trouve le pays. Maintenant le pays […], ne trouvant pas en eux la défense naturelle de sa vie et de son existence, commence à se défendre par lui-même47.

Faisant fi de la légalité et de la logique du régime représentatif, Douhet invoquait une révolution conservatrice et approuvait par conséquent le programme du fascisme qui, à ses yeux, incarnait la réaction du pays et de ses forces vives désireux de

[…] réagir contre l’action destructrice de ceux qui dissolvent et réagir en opposant la force à la force, la violence à la violence […] nous avons dit réagir et nous n’avons pas peur du mot […] La réaction vient toujours d’une action. Contre ceux qui entendent nous entraîner vers l’abîme et nous y jeter, il serait insensé de ne pas réagir, de ne pas s’opposer violemment, de ne pas tenter de jeter dans l’abîme ceux qui veulent nous y jeter […] Le pays demande un nouveau parti vivant et agissant, frais et jeune, libéré des traditions du passé qui pèsent comme une chaîne au pied, capable de combattre et de vaincre […] capable d’instaurer l’ordre et la discipline […] aujourd’hui il ne s’agit plus de compromis, d’arrangements, de concessions, de transitions ; il s’agit d’accepter la lutte ouverte qui nous est proposée. L’ennemi, profitant de la lâcheté actuelle, ne se cache plus et indique ouvertement ses buts et ses voies. Toutes les concessions faites, toutes les capitulations consenties n’ont servi à rien, elles ont au contraire contribué à rendre les ennemis plus audacieux et plus violents. Il est temps de changer de système et de montrer les dents. Et en montrant les dents la victoire sera facile, car la puissance adverse est factice, elle ne repose que sur la lâcheté de ceux qui la combattent sans foi et sans énergie […] Le nouveau parti doit être un parti de lutte franche et ouverte, un parti de vérité loyale et entière, un parti de justice pleine et complète. Un tel parti […] sera unanimement accepté parce que tout un chacun sent désormais que seul un tel parti peut être la vie et le progrès. Les temps sont mûrs. Tous les éléments pour la constitution d’un tel parti sont largement disséminés dans le pays et s’offrent spontanément. Il suffit qu’un homme prompt sache en récolter les fruits pour que l’Italie soit sauvée48.

Conclusion

Rechercher les pensées intimes, les passions politiques et les inclinations idéologiques des hommes à travers leurs papiers privés, leur correspondance ou leurs écrits publics, est toujours une opération extrêmement complexe, dans la mesure où ces sources sont affectées par des sentiments personnels, des réactions à des situations contingentes ou, plus simplement, sont indissociables des instincts humains, qu’ils soient louables ou délétères. Mais ces éléments sont pourtant des outils précieux pour l’historien et se révèlent bien souvent indispensables à la connaissance du passé.

En ce sens, les articles que Douhet écrivit pour le périodique Il Dovere, aussi bien ceux qui lui sont incontestablement imputables sur la base de l’analyse stylistique que ceux qui portent sa signature, constituent un corpus essentiel pour comprendre l’évolution de la bourgeoisie italienne au crépuscule de l’Italie libérale. Au lendemain du conflit, elle dut affronter la contestation des valeurs patriotiques et des sacrifices consentis, subir la crise économique et l’inflation et encaisser le revers électoral des partis de l’ordre qui avaient voulu l’intervention du pays dans la guerre européenne. Mais elle fut surtout ébranlée par le mouvement prérévolutionnaire, spontané ou bien manipulé par le Parti socialiste, qui lui inspira suffisamment de crainte et de haine pour qu’elle embrasse l’idée d’une contre-révolution qui empêcherait le Démos et son principal représentant politique de constituer un nouveau danger à l’avenir. En définitive, l’évolution – ou si l’on préfère, l’involution – des positions politiques de Douhet illustre bien le glissement de la bourgeoisie italienne d’un libéralisme qui n’était pas fondamentalement hostile à l’insertion des masses dans le jeu politique, notamment par l’élargissement du suffrage49, sur des positions de plus en plus autoritaires qui la poussèrent finalement dans les bras du fascisme.

Notes

1 Lehmann Éric, La Guerra dell’aria. Giulio Douhet, stratega impolitico, Bologne, il Mulino, 2013. Retour au texte

2 Sur Giulio Douhet, outre l’ouvrage d’Éric Lehmann, op. cit., cf. Alegi Gregory, « Douhet », in De Grazia Victoria, Luzzatto Sergio (dir.), Dizionario critico del fascismo, Turin, Einaudi, 2002 ; Curami Andrea, Rochat Giorgio (dir.), Giulio Douhet. Scritti 1901-1915, Stato Maggiore Aeronautica-Ufficio Storico, Rome, 1993 ; Pelliccia Antonio, Nessuno è profeta in patria : riflessioni sulla dottrina del dominio dell’aria, Siag, Gênes, 1981 ; Rochat Giorgio, « Giulio Douhet », in Dizionario Biografico degli Italiani, Vol. 41 [en ligne : http ://www.treccani.it/enciclopedia/giulio-douhet_(Dizionario-Biografico)/] ; en outre, mais dans une perspective moins scientifique, Finizio Giancarlo, Fra guerra, aviazione e politica. Giulio Douhet, 1914-1916, Youcanprint, Lecce, 2018 ; Id., Giulio Douhet, Luigi Albertini e l’aviazione militare italiana, Youcanprint, Lecce, 2016. Sur la figure de Douhet voir aussi : Rochat Giorgio, Italo Balbo, Turin, Utet, 1986 ; Gooch John, Mussolini and his generals. The Armed Forces and Fascist Foreign Policy 1922-1940, Cambridge, Cambridge University Press, 2006. Retour au texte

3 Sur la notion de caractère national, son usage dans le domaine historiographique et sa construction historique en Italie, cf. Patriarca Silvana, Italianità. La costruzione del carattere nazionale, Rome-Bari, Laterza, 2010. Retour au texte

4 Cela pourrait expliquer sa nomination en décembre 1917 à la direction centrale du Commissariat général à l’aéronautique que dirigeait le député républicain franc-maçon Eugenio Chiesa. Retour au texte

5 Lehmann Éric., op. cit., p. 136. Retour au texte

6 Selon le témoignage oral que nous avons recueilli auprès de la comtesse Maria Fede Caproni, son père aurait accordé à Douhet un financement de mille lires pour lancer l’hebdomadaire. Pour mesurer la valeur de cet apport, il faut savoir que le numéro était vendu 20 centimes et que Douhet estimait que tirer à 10 000 exemplaires aurait coûté 10 000 lires. Retour au texte

7 Museo del Risorgimento di Milano, Archivio della Guerra, Fondo Cavaciocchi, Cart. 10, lettre de Douhet à Cavaciocchi du 21 mars 1919. Sur les relations entre les deux hommes à propos de la bataille de Caporetto, cf. Ungari Andrea, « Le Inchieste su Caporetto : uno scandalo italiano », Nuova Storia Contemporanea, III, n° 2, mars-avril 1999, pp. 37-80. Retour au texte

8 Ungari Andrea, « Il pensiero aeronautico di Douhet ne “Il Dovere” », Studi Storico-Militari 2003, Stato Maggiore dell’Esercito – Ufficio Storico, Rome, 2005, pp. 127-36 ; Lehmann Éric, op. cit., pp. 117-134. Retour au texte

9 Cf. Sabbatucci Giovanni, I combattenti nel primo dopoguerra, Laterza, Rome-Bari, 1974. Retour au texte

10 Le texte intégral du manifeste programmatique de l’Unus fut publié par le quotidien La Tribuna le 7 avril 1919. Il avait été établi par une commission provisoire composée de nombreux officiers, dont le colonel Giulio Douhet, le major Giovanni Giuriati, les capitaines Ercole Matteuzzi, Giuseppe Petrignani et Gino Pitocchi, les lieutenants Carlo De Contellis, Cleto Maccari, Corrado Poggi, Costanzo Premuti, Federico Valerio Ratti et Attilio Susi. Retour au texte

11 Sur Giovanni Giuriati, cf. Staderini Alessandra, « Rivendicazioni territoriali e mobilitazione nazionale nei documenti del 1919 di Giovanni Giuriati e Oscar Sinigaglia », Storia Contemporanea, XIV, n° 1, février 1983, pp. 89-140 ; Giuriati Giovanni, La parabola di Mussolini nei ricordi di un gerarca, édition présentée par Emilio Gentile, Laterza, Rome-Bari, 1981. Sur Costanzo Premuti, cf. Casella Mario, « I repubblicani a Roma alla fine del secolo (1889-1900) », L’associazionismo mazziniano. Atti dell’incontro di studio (Ostia 13-15 novembre 1976), Istituto per la Storia del Risorgimento Italiano, Edizioni dell’Ateneo, Rome, 1979, pp. 171-258 ; Tesoro Marina, I repubblicani nell’età giolittiana, Le Monnier, Florence, 1978 ; Staderini Alessandra, Combattenti senza divisa. Roma nella Grande guerra, il Mulino, Bologne, 1995 ; Premuti Costanzo, Come Roma preparò la Guerra, Società Tipografica Italiana, Rome, 1923 ; Id., Eroismo al fronte, bizantinismo all’interno, Tipografia Italiana, Rome, 1924. Retour au texte

12 Premuti Costanzo, « L’UNUS ascende », Il Dovere, 4 mai 1919. Selon le statut « les objectifs fondamentaux de l’UNUS sont les suivants : 1) rassembler en un groupe indépendant de tout parti politique toutes les forces vives qui, ayant voulu et fait la guerre ou y ayant apporté la plus grande contribution, furent les artisans de la victoire ; 2) empêcher que des influences extérieures, quelle que soit la provenance ou la forme de la menace qu’elles représentent, privent l’Italie des fruits de la victoire par le sacrifice extrême de son peuple […] 5) s’opposer de la manière la plus résolue, par la propagande et par l’action, à toute tentative de dissolution interne qui anéantirait tous les sacrifices consentis et compromettrait l’avenir de la nation et le progrès légitime du prolétariat ; et pour cela rassembler et discipliner l’action de tous ceux qui hier libérèrent l’Italie de la menace de la tyrannie extérieure pour la rendre capable de résister avec une égale ténacité à toutes les tentatives dictatoriales et tyranniques internes, quelle qu’en soit la provenance », Statuto-Regolamento Unione Nazionale Ufficiali Soldati. Regolamento della sezione di Roma, pp. 5-6, Archivio Centrale dello Stato, Ministero dell’Interno, Direzione Generale Pubblica Sicurezza, Affari Generali e Riservati, 1920, b. 104, f. Unione Nazionale Ufficiali e Soldati. Retour au texte

13 Ungari Andrea, Tra mobilitazione patriottica, op. cit. Retour au texte

14 Douhet Giulio, « Grazie Wilson », Il Dovere, 27 avril 1919. Retour au texte

15 « Il sabotaggio della vittoria », Il Dovere, 4 mai 1919 ; « Il saggio consigliere, Intervista con il buonsenso », Il Dovere, 11 mai 1919. Retour au texte

16 Douhet Giulio, « Attendendo il ritorno », Il Dovere, 11 mai 1919. Retour au texte

17 En octobre 1916, Douhet avait été condamné à une année de réclusion en forteresse pour divulgation de secret militaire. La sentence, immédiatement confirmée en appel, fut finalement cassée en décembre 1920. Retour au texte

18 Douhet Giulio, « Posto ai popoli ! », Il Dovere, 1er juin 1919. Retour au texte

19 « Le prossime elezioni politiche. Se facessimo piazza pulita ? », Il Dovere, 1er juin 1919 ; Colamarino G., « La catastrofe delle idee politiche », Il Dovere, 7 et 14 juin 1919 ; Perazzi C., « Dopo !… », Il Dovere, 25 mai 1919. Retour au texte

20 Barricelli M., « La Federazione del lavoro intellettuale », Il Dovere, 4 mai 1919 ; idem, « Con o contro i socialisti ? », Il Dovere, 11 mai 1919 ; idem, « La Federazione del lavoro intellettuale. Evoluzione o rivoluzione ? » ; dell’Orto A., « Evoluzione », Il Dovere, 18 mai 1919. Retour au texte

21 Douhet Giulio, « La caduta », Il Dovere, 21 juin 1919. Retour au texte

22 Ungari Andrea, Tra mobilitazione patriottica, op. cit. Retour au texte

23 « Le cabinet Nitti est né dans les conditions les plus favorables. Il remplace un cabinet qui, à l’étranger, annula toute la valeur d’une guerre merveilleusement endurée et d’une merveilleuse victoire et qui, à l’intérieur, représenta moins que le zéro absolu, une quantité négative. Dans de telles conditions, […] le peu que fera le cabinet Nitti apparaîtra comme un miracle. Il n’est pas possible de faire pire que ce qui a été fait jusqu’à présent. Il suffira par conséquent de faire moins mal et le moins mal se dit aussi mieux », Douhet Giulio, « Il nuovo Gabinetto », Il Dovere, 30 juin 1919. Cf. « Il nuovo Ministero dopo il voto della Camera e Convenienza dell’onestà », Il Dovere, 18-19 juillet 1919. Retour au texte

24 « Nitti croit-il sérieusement, en admettant qu’il puisse chasser D’Annunzio de la ville et du cœur des habitants de Fiume, avec ou sans violence, par la persuasion ou par la faim – Nitti croit-il sérieusement que l’Italie en tirerait un avantage supérieur à celui obtenu avec le fait lui-même ? […] L’homme d’État, le véritable homme d’État, excellence Nitti n’est pas celui qui satisfait le ventre d’un peuple et en sacrifie le cœur. Le véritable homme d’État est celui qui exploite toutes les ressources d’une situation telle que celle-ci pour la retourner en sa faveur », Douhet Giulio, « Il fatto compiuto », Il Dovere, 18-19 septembre 1919. Retour au texte

25 « Tittoni ministro degli approvvigionamenti. Nitti sottosegretario idem », Ibidem. Cf. « La situazione », Il Dovere, 25-26 septembre 1919 ; « L’indispensabile », Il Dovere, 2-3 octobre 1919. Retour au texte

26 « Il monopolio dell’energia elettrica », Il Dovere, 28-29 août 1919 ; « Aziende di Stato », Il Dovere, 4-5 septembre 1919 ; Un conservatore futuro, « I vani conati dell’agricoltura contro l’industria protetta nello stato libero-demagogico », Il Dovere, 14-15 décembre 1919. Retour au texte

27 « Industrie nordiche di fumo o arti italiche di aria e di sole ? », Il Dovere, 7-8 août 1919 ; « Le industrie fittizie », Il Dovere, 13-14 novembre 1919 ; Un conservatore futuro, « La gerarchia delle dominazioni terrestri. Il sole, la terra, il pane, l’umanità, le sue civiltà giovani produttrici di pane, i lavoratori dei campi in confronto di tutti gli altri lavoratori parassitari », Il Dovere, 19-20 décembre 1919. Retour au texte

28 Cortese E., « Problemi economici. L’avvenire d’Italia è nell’agricoltura », Il Dovere, 13-14 août 1919 ; « Elettricità e agricoltura », Il Dovere, 28-29 août 1919 ; « Tornare alla terra », Il Dovere, 4-5 septembre 1919 ; « Produrre !! », Il Dovere, 23-24 octobre 1919. Retour au texte

29 Douhet Giulio, « Giustizia distributiva », Il Dovere, 6 juillet 1919. Retour au texte

30 « La povera gran famiglia », Il Dovere, 7 juin 1919 ; « Giustizia sociale », Il Dovere, 25-26 juillet 1919 ; « L’azione antibolscevica », Il Dovere, 4-5 septembre 1919. Retour au texte

31 « Economizzare e lavorare », Il Dovere, 18-19 juillet 1919 ; Douhet Giulio, « Economia e lavoro », Il Dovere, 28-29 août 1919. Retour au texte

32 « La socializzazione dell’egoismo », Il Dovere, 18-19 juillet 1919. Retour au texte

33 « Il principio dell’esproprio », Il Dovere, 7-8 août et 13-14 août 1919. Retour au texte

34 Douhet Giulio, « La nostra via », Il Dovere, 7-8 août 1919. Retour au texte

35 Rudinì fut à deux reprises président du conseil (1891-1892 et 1896-1898) ; chef du gouvernement en 1906 et en 1909-1910, Sonnino fut ministre des Affaires étrangères de 1914 à 1919. Retour au texte

36 Douhet Giulio, « Bandiera rossa », Il Dovere, 20-21 novembre 1919. Retour au texte

37 Premuti C., « La Guerra-I Partiti-Le Elezioni-I Blocchi », Il Dovere, 15-16 octobre 1919 ; idem, « Educazione politica, convenienza sociale », Il Dovere, 23-24 octobre 1919 ; idem, « Pregiudiziali o pregiudizi ? Forse cieche vanità ! », Il Dovere, 30-31 octobre 1919 ; idem, « Profeti senza alcuno sforzo », Il Dovere, 6-7 novembre 1919 ; idem, « La morale della favola », Il Dovere, 20-21 novembre 1919 ; idem, « Che bravi figliuoli ? », Il Dovere, 27-28 novembre 1919. Retour au texte

« La politica del pane », Il Dovere, 18-19 février 1920 ; « La soluzione della questione economica. Ancora per la cessione dei monopoli » et « L’onorevole Ancona e l’industria metallurgica », Il Dovere, 25-26 février 1920.

38 « Stato di fatto », Il Dovere, 3-4 janvier 1920. Retour au texte

39 Douhet Giulio, « La rivoluzione che non c’è », Il Dovere, 5-6 mars 1920. Retour au texte

40 « Realtà, Il Dovere », 17-18 mars 1920. Retour au texte

41 Giolitti fut l’un des principaux protagonistes de la vie politique italienne au tournant du xixe et du xxe siècles, plusieurs fois président du conseil de 1892 à 1914, puis en 1920-1921. Retour au texte

42 « All’onorevole Giovanni Giolitti. Lettera aperta », Il Dovere, 4-5 juin 1920. Des articles favorables à Giolitti paraissent encore dans les numéros suivants : « Alla prova », Il Dovere, 19-20 juin 1920 ; « Il programma », Il Dovere, 1-2 juillet 1920. Retour au texte

43 « Apocalisse », Il Dovere, 3-4 août 1920 ; « La fatale migrazione », Il Dovere, 24-25 août 1920. Retour au texte

44 « La sovranità del popolo », Il Dovere, 11-12 août 1920. Retour au texte

45 « Bononia docet », Il Dovere, 3-4 décembre 1920. Retour au texte

46 « Fascismo », Il Dovere, 4-5 janvier 1921. Retour au texte

47 « Il partito necessario », Il Dovere, 28-29 janvier 1921. Retour au texte

48 Ibidem. Retour au texte

49 Cet élargissement est entrepris avant la Première Guerre mondiale avec la loi de 1912 qui accorde le droit de vote aux Italiens à partir de 21 ans, à l’exception des analphabètes autorisés à voter après 30 ans. Au lendemain du conflit, la réforme électorale du 2 septembre 1919 complète l’évolution : elle supprime cette distinction en introduisant le suffrage universel masculin. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Andrea Ungari, « Giulio Douhet et la politique au crépuscule de l’Italie libérale », Nacelles [En ligne], 9 | 2020, mis en ligne le 01 octobre 2020, consulté le 29 mars 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/1014

Auteur

Andrea Ungari

Professeur d’histoire contemporaine / histoire des relations internationales à l’Université Guglielmo Marconi (Rome)
Professeur associé d’histoire des partis politiques à l’Université Luiss Guido Carli (Rome)
aungari@luiss.it