Égalité et diversité : que raconte le livret scolaire des élèves au Japon ?

  • What students’ cumulative record is telling us about equality and diversity in Japan
  • 平等と多様性 日本における児童生徒の指導要録は何を語ってきたのか。

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le contrôle du ministère de l’Éducation japonais sur les enseignants et le contenu des enseignements trouve à s’exprimer dans le système d’édition et de sélection des manuels scolaires, dans le caractère prescriptif des directives d’enseignement, mais également dans l’instauration d’un livret scolaire qui bride autant qu’il déresponsabilise les enseignants dans l’évaluation des compétences des élèves.

Au fil des révisions successives du livret scolaire depuis 1948, cet article propose d’explorer le rôle que joue cet outil pédagogique dans l’entretien de la compétition scolaire entre les élèves ou encore de l’uniformisation des comportements, tout en réinterrogeant la fonction de l’évaluation à travers l’évolution des modalités évaluatives retenues dans le livret jusqu’à aujourd’hui.

In post-Second world war Japan, the control exercised by the Ministry of Education over schoolteachers and learning contents shows itself in the form of an approval system for school textbooks, of a prescriptive status for the national courses of study, and of the establishment of a cumulative record which takes accountability in assessing students’ competencies off of teachers.

As we follow the consecutive revisions of the cumulative record since 1948, this paper aims to investigate both the part played by the educational record in maintaining competitiveness between students and in restraining students’ behaviors, while reevaluating the role of educational assessment throughout the evolution of the assessment modalities used in the record up to nowadays.

戦後日本においては、教師の行動や教育内容が文部省(2001年以降、文部科学省)による厳重な支配の下に置かれてきた。学習指導要領が「試案」から「告示」へと転換され教科書の検定制度が採用される一方、児童生徒の学習評価における教師の説明責任が指導要録の設置により奪取された。
本稿が1948年以降現在に至るまでの指導要録の改訂にみられる評価の変化をたどるにつれ、指導要録がもたらした生徒間の競争及び行動の自己抑制を考察しつつ教育評価の役割を問い直すことを目的としている。

Plan

Texte

Introduction

Au début des années 1980, Jean-François Sabouret (1946-2023) recueillait le témoignage d’un enseignant japonais au sujet des modalités d’évaluation des candidats au concours d’entrée à l’université :

« Le système de questions à choix multiples (QCM) permet de mesurer la mémoire d’un candidat mais permet-il de mesurer son intelligence ? Est-ce que les concours avec des réponses faites au moyen de croix et de carrés sont des instruments fins d’appréciation de la personnalité des candidats ? À un système de gavage où la mémoire tient le grand rôle, on devrait substituer un système de dissertation, où la réflexion pourrait s’exercer et la personnalité se développer. »1

Le « système de gavage » dont il est fait mention est plus connu au Japon sous le nom de « principe de l’instillation [des connaissances] », chūnyū shugi 注入主義, ou, plus familièrement, « enseignement par bourrage de crâne », tsumekomi kyōiku 詰め込み教育. Déjà décrié au début de l’ère Meiji (1868-1912), il repose sur une « mémorisation mécanique » des connaissances2 au détriment du développement de compétences, d’expression ou de raisonnement, par exemple.

Quarante années ont passé depuis ce témoignage, mais force est de constater que le concours d’entrée à l’université3 fait encore aujourd’hui largement perdurer ce principe. Le « test commun d’entrée à l’université », daigaku nyūgaku kyōtsū tesuto 大学入学共通テスト, a certes remplacé, à partir de la session 2021, le « concours du centre national des admissions à l’université », daigaku nyūshi sentā shiken 大学入試センター試験, lequel était utilisé depuis 1990 et reposait encore essentiellement sur le principe de l’instillation des connaissances qui faisait l’objet des critiques de l’enseignant interrogé par Sabouret. Pour autant, si le projet de réforme initial envisageait, de manière assez révolutionnaire, d’introduire des questions rédactionnelles dans les nouvelles épreuves de langue nationale et de mathématiques et de recourir à des organismes privés pour évaluer les candidats en anglais dans les quatre compétences (lire, écrire, écouter, parler), le résultat final se révèle très en deçà des objectifs visés. Après un premier report4, le ministre de l’Éducation Hagiuda Kōichi 萩生田光一5 (né en 1963) a en effet définitivement renoncé à ces deux modifications après que lui fut remis par le Comité de réflexion sur la situation du concours d’entrée à l’université (Daigaku nyūshi no arikata ni kansuru kentō kaigi 大学入試のあり方に関する検討会議)6 un rapport7 reprenant les critiques et les difficultés d’organisation leur étant adressées. Interrogé par le journal Asahi un an après la décision de retirer ces deux « piliers » de la réforme du concours, le ministre invoqua les raisons suivantes8 :

« En recourant à des organismes privés pour la certification [en anglais], on soumet à des critères d’évaluation identiques des tests dont les objectifs et les contenus sont différents. Les frais de passation des épreuves sont également élevés. C’est pour le moins douteux. De plus, corriger en un temps réduit une grande quantité de copies de rédaction était matériellement impossible. »9

Outre les contraintes temporelles liées à l’organisation pratique du concours10, l’ancien ministre avança comme justification du retrait de l’introduction d’épreuves écrites rédigées le fait que celles-ci contrevenaient au principe d’égalité de traitement et de notation des candidats, que les opposants à la révision du concours avaient déjà mis en avant.

Un reproche similaire est par ailleurs actuellement adressé à l’encontre de l’examen dit ESAT-J (English Speaking Achievement Test for Junior High School Students)11 depuis son introduction en 202212 par le Comité d’éducation local de Tōkyō (Tōkyō-to kyōiku iinkai 東京都教育委員会), lequel a délégué à un organisme privé l’élaboration des tests ainsi que la passation et la notation des épreuves destinées à évaluer la compétence d’expression orale en anglais des collégiens13.

Comment expliquer que la pratique de l’instillation des connaissances et ses modes d’évaluation afférents ne puissent être, au prétexte du respect des principes d’égalité et d’impartialité, remis en question au profit de pratiques qui valoriseraient véritablement les « compétences vitales » (ikiru chikara 生きる力) comme le prescrit le ministère de l’Éducation depuis la révision intermédiaire de ses directives d’enseignement (gakushū shidō yōryō 学習指導要領) en 200314 ? Bien que l’évolution des modalités d’évaluation des apprentissages et des compétences scolaires dans le primaire et dans le secondaire, depuis les années 1980, illustre un changement progressif de paradigme évaluatif (voir ci-après), les pratiques, elles, continuent de se heurter au respect d’un égalitarisme entretenu par l’organisation de concours d’entrée sélectifs dans les lycées et les universités, et dès l’école élémentaire et le collège pour ce qui est des établissements privés.

1. Le livret scolaire, outil des pratiques égalitaristes

Le principe de l’égalité des chances en matière d’éducation est inscrit, sous forme d’un droit, dans l’article 26, alinéa 1, de la Constitution du Japon promulguée le 3 novembre 1946 :

« Article 26 (1). Chacun a le droit de recevoir une éducation égale correspondant à ses capacités, dans les conditions prévues par la loi. »15

La Loi fondamentale sur l’Éducation (Kyōiku kihon hō 教育基本法), promulguée immédiatement après la Constitution, le 31 mars 1947, et qui posait alors les bases d’un nouveau système éducatif porteur de valeurs « démocratique, pacifique, nationale, égalitaire, laïque et gratuite »16, reprenait dans son article 3 le principe de l’égalité des chances d’accès et de réussite en matière d’éducation, en mettant en place pour tous le droit à une éducation différenciée, répondant aux besoins et compétences de chacun :

« Article 3. (Égalité des chances) (1) Tous les citoyens se verront obligatoirement accorder les mêmes chances de recevoir une éducation adaptée à leurs capacités, et aucune discrimination liée à la race, aux croyances, au sexe, au statut social, à la situation économique, ou encore à l’origine familiale, ne pourra donc être exercée en matière d’éducation. (2) L’État et les collectivités locales devront prendre les mesures nécessaires pour aider financièrement ceux qui, bien qu’ayant des capacités, auraient pour des raisons économiques des difficultés à poursuivre une scolarité. »17

Or, dès le début des années 1950, le Japon retrouva sa souveraineté et revint sur les réformes éducatives que les forces d’occupation américaines avaient entreprises. Le principe d’égalité fut ainsi réinterprété en une simple égalité d’accès et de traitement afin de mieux répondre aux besoins économiques (avec notamment la formation d’une main d’œuvre « éduquée et disciplinée »18) et transformé en un égalitarisme absolu, consistant à donner une éducation la plus identique possible à tous. Il s’agit là d’une remise en question du courant de la « nouvelle éducation » (shinkyōiku 新教育) englobant des pratiques articulées autour de la notion de « principe de l’expérience » (keiken shugi 経験主義) ; pédagogie originaire des États-Unis qui repose sur « les principes de liberté, de globalité et de processus »19, à l’opposé donc, d’un enseignement « plus systématique et centré sur les capacités et les procédures » 20, dorénavant souhaité par le monde économique et incarné par le « principe des compétences » (nōryokushugi 能力主義)21.

La mise en place de cette philosophie égalitariste s’accompagna alors d’autres mesures concrètes prises durant la même période par le gouvernement pour renforcer son contrôle sur les enseignants et les contenus enseignés, au premier rang desquelles le système de vérification et de sélection des manuels scolaires utilisés dans les établissements ainsi que le changement de statut des directives d’enseignement qui, d’indicatives, devinrent prescriptives à partir de 1958. Une dimension moins évoquée, mais tout aussi indispensable pour que ce verrouillage puisse être véritablement fonctionnel, est celle relative aux modalités d’évaluation des élèves.

Depuis les années 1900, le parcours scolaire et les résultats de ces derniers sont consignés dans un document de quelques pages rempli par les enseignants. D’abord dénommé « registre scolaire », gakusekibo 学籍簿, et de forme assez sommaire, il devint un « livret scolaire » à visée pédagogique à partir de sa révision en 1948, quand il fut renommé shidō yōroku 指導要録. Sa forme est aujourd’hui sensiblement la même pour l’école élémentaire, le collège, le lycée et les écoles spécialisées, et il est révisé environ tous les dix ans, en même temps que les directives d’enseignement.

Il se compose de deux parties22 : une première consacrée au dossier administratif de l’élève (informations personnelles, parcours scolaire, etc.) et une seconde relative à la scolarisation de celui-ci (relevé des notes et des absences, mais aussi indications sur le comportement et la participation aux activités extracurriculaires, etc.). Si, à l’origine, son rôle était essentiellement pédagogique, il occupe depuis sa révision en 1955 une fonction certificative vis-à-vis de tierces parties en servant notamment de référence pour l’élaboration du chōsasho 調査書, plus connu sous le nom de naishinsho 内申書, que l’on peut traduire par « rapport confidentiel relatif aux résultats scolaires ». Ce document confère des « points », naishinten 内申点, qui s’ajoutent aux résultats obtenus aux épreuves des différents tests ou concours que les élèves sont amenés à passer (pour l’entrée au lycée et à l’université par exemple), dans un calcul et une proportion laissés à l’appréciation de chaque comité local d’éducation23, et participe ainsi grandement du processus de sélection des candidats.

Malgré son caractère confidentiel, son contenu reste en partie connu des familles puisqu’il sert également à l’élaboration des bulletins de notes transmis à chaque fin de période scolaire. Ce qui permet par ailleurs à celles-ci de développer des stratégies éducatives afin d’optimiser les chances de réussite de leurs enfants aux concours, stratégies qui peuvent s’appuyer sur une riche industrie parascolaire, comme sur une littérature abondante relative à la manière d’augmenter le nombre de points donnés par le livret scolaire ou encore sur l’existence d’une multitude de cours préparatoires à ces examens et de classes de soutien scolaire (juku 塾 et yobikō 予備校)24.

L’apparition de la fonction certificative du livret en 1955 entraîna en même temps un renversement de la modalité évaluative qui s’appliquait jusqu’alors pour mesurer les compétences scolaires des élèves. Par modalité évaluative, il faut entendre ici la manière d’interpréter le « résultat brut » (soten 素点) obtenu à une évaluation :

« Prenons l’exemple d’un élève qui a obtenu 70 points en mathématiques. Pour interpréter le sens de ces 70 points, il est nécessaire de sélectionner une norme. Il en existe deux :

– celle qui consiste à vérifier dans quelle mesure l’objectif pédagogique lui-même a été atteint, autrement dit à poser l’objectif pédagogique comme norme, ce qui permet d’évaluer le degré de maîtrise de l’objectif et de déterminer ce qui a été réussi ou non ;

– celle qui considère le résultat au sein d’un groupe (cohorte) auquel appartient l’élève évalué.

La première norme relève d’une interprétation absolue, tandis que la seconde est considérée comme une interprétation relative. En remplaçant le mot “interprétation” par “évaluation”, on obtient les concepts d’“évaluation absolue” [zettai hyōka 絶対評価] et d’“évaluation relative” [sōtai hyōka 相対評価]. C’est la raison pour laquelle on en est venu à considérer l’évaluation absolue comme une interprétation suivant la norme des objectifs (criterion-referenced interpretation) et l’évaluation relative comme une interprétation suivant la norme de la cohorte (norm-referenced interpretation). »25

Dans le système mis en place au début du xxe siècle et qui s’inscrivait dans une modalité dite « absolue », l’évaluation revenait à l’enseignant dont le seul avis, jugé arbitraire et subjectif, ainsi que plutôt enclin à donner « priorité à l’attitude au détriment des résultats »26, suffisait à déterminer le niveau d’un élève, lequel était consigné dans le livret au moyen de sigles (hyōgo 標語), le plus souvent kō-otsu-hei-tei-bo甲乙丙丁戊 (équivalents à A-B-C-D-E)27. Face au manque de transparence et de fiabilité de ce système (certaines classes pouvaient se retrouver avec des proportions démesurées de bons – ou de moins bons – résultats), une modalité évaluative « relative » fut introduite à partir de 1948. Issue d’un courant prônant une mesure quantifiable et chiffrée de l’intelligence et des compétences, et développée notamment par le psychologue états-unien Edward Lee Thorndike (1874-1949), elle avait une première fois été introduite au Japon durant le « mouvement de l’éducation nouvelle de l’ère Taishō » (Taishō ki no shin kyōiku undō 大正期の新教育運動) dans les années 1920-193028, mais c’est après-guerre que sa fiabilité scientifique, son objectivité (les résultats sont les mêmes quel que soit l’enseignant qui évalue) et le sentiment d’impartialité qu’elle suscitait trouvèrent un écho favorable au Japon, notamment en réponse aux critiques adressées à l’évaluation absolue d’avant-guerre29.

Le fonctionnement de l’évaluation dite « relative » consiste dans un premier temps à hiérarchiser les résultats obtenus à un examen par les élèves du groupe (classe, année scolaire, etc.), puis à attribuer à chacun, en respectant l’ordre du classement, un positionnement (le plus souvent sur une échelle de 1 à 5, « 1 » étant la valeur la plus basse et « 5 » la plus haute) dont la proportion de chaque valeur est préétablie de manière rigide : 7 % de positionnements « 1 » et « 5 », 24 % de positionnements « 2 » et « 4 », et 38 % de positionnements « 3 »30. La représentation de la distribution de ces positionnements dessine une courbe de Gauss (cf. figure no 1) dont le pic est organisé autour de la valeur médiane (ici, le positionnement « 3 »), qui correspond également à la moyenne des valeurs de la série en raison d’une parfaite symétrie dans la distribution des valeurs de chaque côté de la médiane. Pour cette raison, cette évaluation relative est également surnommée « évaluation de cohorte » (shūdan ni junkyo shita hyōka 集団に準拠した評価), « évaluation normative » (norumu junkyo hyōka ノルム準拠評価) ou encore « évaluation gaussienne » en référence à la courbe (seiki bunpu kyokusen 正規分布曲線 ou gausu kyokusen ガウス曲線) qu’elle dessine.

Figure no 1 – Distribution normale des positionnements sur une échelle à cinq degrés31

Figure no 1 – Distribution normale des positionnements sur une échelle à cinq degrés31

Autrement dit, alors que les enseignants étaient, avant-guerre, libres d’attribuer à leur convenance un nombre n de sigles, par exemple « excellent » ou « satisfaisant », la proportion de bons et de moins bons résultats était dorénavant connue, ce qui conférait à cette évaluation sa dimension objective et scientifique, tout en déresponsabilisant les enseignants dans l’attribution de ces positionnements32. Les objectifs pédagogiques, formulés sous la forme de buts de performance (« développer des capacités… », « cultiver un savoir… » etc.), rendaient également propice cette comparaison entre élèves, plus qu’ils n’encourageaient une interprétation absolue des acquis. Dans un contexte de massification de l’enseignement scolaire et d’allongement de la durée des études qui renforçait la compétition scolaire entre les élèves, cette nouvelle modalité évaluative semblait offrir une solution immédiate aux problèmes de partialité d’avant-guerre.

Les critiques ne se firent cependant pas longtemps attendre. Sur fond de croissance économique, à partir du milieu des années 1960, et d’amplification de la sélection des candidats à l’entrée dans le supérieur, cette évaluation fut réduite en un « acte d’estimation de la valeur » (nebumi suru 値踏みする) des élèves au détriment d’une mesure des progrès et des acquis de ceux-ci. Trois critiques lui étaient principalement adressées : son caractère « anti-éducatif » découlant des théories darwiniennes qui créait nécessairement des bons et des mauvais élèves (toutes les valeurs de l’échelle de positionnements devant être distribuées), l’émergence en conséquence d’un système où s’opposaient vainqueurs (kachigumi 勝ち組) et perdants (makegumi 負け組) du fait que les uns devaient échouer afin de libérer leur positionnement pour que d’autres puissent s’en saisir et progresser sur l’échelle des valeurs, exacerbant davantage la compétition scolaire, et, enfin, le fait qu’elle ne permettait pas de refléter les performances académiques individuelles, mais uniquement le positionnement de l’élève au sein de sa cohorte33. Elle n’offrait par ailleurs aucun retour aux enseignants sur leurs pratiques, dorénavant absous de toute responsabilité dans l’éventuel échec de certains de leurs élèves, et devint ainsi un moyen supplémentaire de « neutraliser la “variable enseignant” »34 et de renforcer la diffusion de l’idéologie égalitariste à toutes les étapes de la pratique éducative, de l’élaboration du contenu des enseignements au choix des matériaux pédagogiques, et jusqu’à l’évaluation des élèves.

Afin de contrebalancer les effets négatifs de cette évaluation de cohorte, une modalité évaluative absolue, dite « évaluation intra-individuelle » (kojinnai hyōka 個人内評価), fut réintroduite dès 1955 et renforcée dans les révisions successives du livret scolaire, en se focalisant cette fois davantage sur l’élève que sur l’enseignant. Son objectif était de retranscrire les progrès et le développement personnel, les acquis et les éléments encore mal maîtrisés, les points forts et les faiblesses de chacun35. Elle s’effectuait au moyen d’une échelle de valeurs graphiques à deux ou trois degrés (par exemple, ⭘ : bien, [rien] : neutre, ✕ : non acquis, etc.) qui servaient à évaluer la maîtrise d’items spécifiques à chaque discipline, et de commentaires descriptifs ou d’appréciations dans des cases prévues à cet effet. En parallèle à l’évaluation de cohorte, l’élève pouvait ainsi être observé de manière globale, selon un axe longitudinal laissant apparaître les progrès et l’évolution de son attitude dans le temps et, de manière transversale, dans les différentes matières et activités scolaires à un instant t. Pour les élèves ne pouvant améliorer leur positionnement relatif dans les disciplines, cette évaluation régulatrice de la frénésie du classement permit une certaine reconnaissance des efforts produits, jusqu’à devenir un réel outil de « repêchage » (kyūsai 救済) pour ceux ayant par ailleurs les positionnements les plus faibles. Du côté des enseignants, rendus incapables de rendre compte des progrès individuels et de leurs impressions concernant les élèves à travers l’évaluation de cohorte, elle apporta également quelque réconfort.

Ce système dual qui combinait évaluation de cohorte et évaluation intra-individuelle permit, à la première, de se maintenir comme modalité d’expression du « positionnement synthétique » (hyōtei 評定) dans chaque matière jusqu’à la révision du livret de 2001 – et cela malgré les critiques dont elle faisait l’objet – et, à la seconde, d’être utilisée pour l’évaluation des différentes compétences au sein de chaque matière36. Néanmoins, le principe de l’évaluation de cohorte fut affaibli à la suite de scandales qui éclatèrent à la fin des années 196037 et il fut demandé aux enseignants, à partir de la révision de 1980, de recourir à « une évaluation de cohorte sur fond d’évaluation absolue »38, c’est-à-dire sans distribution normale des positionnements39. On peut voir dans cet assouplissement l’influence de l’arrivée d’une nouvelle approche de l’évaluation au Japon, l’« évaluation de la maîtrise des acquis » (tōtatsudo hyōka 到達度評価), prônée par le psychologue de l’éducation Benjamin Bloom (1913-1999) aux États-Unis. En plus de recentrer l’évaluation au cœur du processus d’apprentissage, en explicitant notamment ses différentes fonctions (diagnostique, formative et sommative)40, l’évaluation de la maîtrise des acquis imposa la définition rigoureuse de buts de maîtrise (« être capable de… », « savoir… », « comprendre… ») à partir desquels pouvait être mesuré individuellement l’état des apprentissages, réhabilitant par ailleurs le rôle éducationnel de l’évaluation en donnant aux enseignants un retour sur l’efficacité de leurs enseignements. Ces buts, tels qu’ils étaient définis, permettaient néanmoins difficilement, en raison de la modalité binaire (maîtrisé/non-maîtrisé), d’évaluer des compétences cognitives qui dépassaient les savoirs et savoir-faire fondamentaux, telles que les capacités d’expression ou de raisonnement. Pour autant, la formulation de buts de maîtrise concrets rendit possible la définition d’un seuil minimal d’enseignements fondamentaux à dispenser aux élèves dans le cadre de la scolarité obligatoire.

L’évaluation de la maîtrise des acquis, cette dernière restant une forme d’évaluation absolue, se substitua ainsi à l’évaluation intra-individuelle, qui servait jusqu’alors pour l’évaluation des items spécifiques à chaque matière. Lesquels figuraient dans une colonne intitulée « observations » (shoken 所見), qui fut renommée à l’occasion de la révision du livret de 1980, « évaluation de la situation des apprentissages scolaires par perspectives », kanten betsu gakushū jōkyō hyōka 観点別学習状況評価. À partir de la révision de 1991, cette évaluation analytique par perspectives vit sa place renforcée dans le livret, tout en y étant désormais consignée au moyen des lettres « A : très satisfaisant », « B : globalement satisfaisant » et « C : des efforts sont requis »41. Le positionnement synthétique y était quant à lui indiqué par les valeurs chiffrées : « 1 : des efforts sont requis », « 2 : globalement satisfaisant » et « 3 : très satisfaisant », à l’école élémentaire, et uniquement à partir de la 3e année à partir de 1991 ; et : « 1 : davantage d’efforts sont requis », « 2 : des efforts sont requis », « 3 : globalement satisfaisant », « 4 : très satisfaisant » et « 5 : très satisfaisant, de niveau supérieur », au collège à partir de 200142. Une forme d’évaluation intra-individuelle des élèves fut également maintenue dans une nouvelle colonne shoken, mais elle ne consistait plus qu’en un espace de commentaires descriptifs libres, généralisé à l’ensemble de l’année scolaire, et, à partir de la révision de 2001, à l’ensemble des aspects de la scolarité43.

Nonobstant les évolutions mentionnées ci-avant, ce système dual, évaluation des items spécifiques à chaque matière (modalité absolue ; évaluation intra-individuelle, puis évaluation de la maîtrise des acquis lors du basculement par perspectives à partir de 1980) – positionnement synthétique (modalité relative ; adoucie à partir de 1971), perdura de 1955 jusqu’à la révision de 2001.

2. Retour vers une évaluation au service des apprentissages ?

Au milieu des années 1990, le système scolaire japonais fut « décrété “en crise” par les autorités qui en avaient la charge »44, en même temps qu’éclatait la bulle financière qui plongea ensuite le pays dans une crise économique de grande ampleur. Au début des années 2000, l’« éducation allégée » (yutori kyōiku ゆとり教育)45 fut rendue responsable de la baisse constatée des résultats scolaires, que les comptes rendus de plusieurs enquêtes nationales et internationales, notamment l’enquête PISA46 de 2003, semblèrent confirmer47, tandis que la crise économique accéléra l’introduction de l’idéologie néo-libérale et d’une logique de marché dans le système scolaire, visant à terme la mise en place d’une éducation « différenciée (kakusaka [格差化]), ou “de classes” (kaisōka) [階層化]) »48 en désengageant le gouvernement de l’éducation publique. Le Conseil national de la réforme éducative (Rinji kyōiku shingikai臨時教育審議会, abrégé en Rinkyōshin 臨教審) établi par le Premier ministre Nakasone Yasuhiro 中曽根康弘 (1918-2019) en 1984, quand le Japon était alors en période de haute croissance, avait commencé à esquisser cette transformation, mais il s’était heurté à la Loi fondamentale sur l’éducation et à l’interprétation égalitariste de celle-ci autour de laquelle s’était construit le système éducatif d’après-guerre :

« C’est en effet seulement à partir de ces [années 1990] que la Loi fondamentale sur l’éducation de 1947 a commencé à apparaître à certains comme un réel obstacle à la politique qu’ils jugeaient à présent la meilleure pour le Japon, une politique fondamentalement différente de celle mise en place depuis les années 1950 et qui visait à alléger les dépenses publiques en désengageant progressivement l’État de toute une série de services, services dont l’éducation n’est évidemment pas le moindre. »49

Même si l’article 3 (devenu article 4) sur l’égalité des chances fut épargné par la révision de la Loi fondamentale sur l’éducation qui eut lieu en 2006, l’article 4 qui imposait une durée de neuf ans à la scolarité obligatoire fut réécrit et la durée supprimée, de même que disparut de la nouvelle loi l’ancien article 5 qui imposait la mixité dans l’éducation, remettant ainsi profondément en cause la vision égalitariste de l’éducation qui s’était imposée après-guerre. Pour autant, les possibilités dérégulatoires offertes par la révision de la loi ne furent pas immédiatement exploitées en raison du maintien au pouvoir d’Abe Shinzō 安倍晋三 (1954-2022), « davantage acquis à l’idéologie néo-conservatrice et nationaliste qu’au néo-libéralisme »50. Un néo-conservatisme qui se traduisit par une volonté de renforcer à l’école l’inculcation de l’« amour de la patrie » (si tant est que le patriotisme puisse faire l’objet d’un enseignement) en transformant l’enseignement de la morale en matière scolaire à part entière51, ou en accédant à des revendications nationalistes telles qu’un soutien en faveur de manuels d’histoire au contenu révisionniste52 ou le retour du salut au drapeau obligatoire dans les cérémonies scolaires.

La révision de la Loi fondamentale sur l’éducation entraîna une révision de la Loi sur l’éducation scolaire (Gakkō kyōiku hō 学校教育法) l’année suivante53, et notamment l’introduction dans celle-ci de l’alinéa 2 de l’article 30 qui établit les nouveaux objectifs d’enseignement pour les niveaux primaire et secondaire : 

« Article 30. (2) Dans les cas définis à l’alinéa précédent, afin que puisse être cultivé un socle d’apprentissage qui s’enrichira tout au long de la vie, on fera particulièrement attention à faire acquérir des connaissances et des savoir-faire fondamentaux, en développant des compétences telles que les facultés de raisonnement, de jugement et d’expression nécessaires pour l’activation des savoirs et savoir-faire qui sont sollicités dans la résolution de problèmes, et en nourrissant une attitude consistant à s’investir de manière active dans l’apprentissage scolaire. »54

Cet alinéa est essentiel car y figurent mot pour mot les trois perspectives communes à toutes les matières autour desquelles sont dorénavant évalués les apprentissages depuis la révision de 2019 du livret scolaire55, c’est-à-dire : « connaissances, savoir-faire », « réflexion, jugement, expression » et « attitude consistant à s’investir de manière active dans l’apprentissage scolaire »56. L’organisation des directives d’enseignement entrées en application en 2017 se structurant également autour de trois piliers quasiment identiques57 aux trois perspectives d’évaluation du livret scolaire, on peut y voir l’aboutissement de l’objectif du ministère, amorcé en 2001, qui consiste en un « alignement des enseignements et de l’évaluation  » (shidō to hyōka no ittaika 指導と評価の一体化)58. Cet alignement constitue également un retour en force de la fonction première de l’évaluation (evaluation) telle qu’elle fut théorisée par Ralph W. Tyler (1902-1994) dans les années 1920 aux États-Unis, et à partir de laquelle le concept d’« évaluation » (hyōka 評価) fut introduit au Japon59. Fonction qui, rappelons-le, consiste à donner à l’enseignant un retour immédiat sur ses pratiques, en recourant notamment à l’aspect formatif de celle-ci en classe, afin d’ajuster les contenus dispensés selon les progrès des élèves et d’améliorer la mise en place des programmes scolaires dans les établissements60. Empruntée au monde de l’entreprise, c’est l’expression « PDCA – Plan, Do, Check, Act » ou « roue de Deming » du nom de son fondateur61 qui a été retenue à partir de 2006 par le ministère de l’Éducation pour évoquer ces allers-retours entre les enseignements et l’activité d’évaluation.

Quant à la révision du livret scolaire de 2001, elle anticipait l’application des principes d’éducation différenciée qui sera actée par les révisions de la Loi fondamentale et de la Loi sur l’éducation scolaire dans les années qui suivirent. En effet, le semblant de modalité évaluative dite « relative » qui perdurait pour le calcul du positionnement synthétique fut remplacé par une modalité complètement absolue, la même que celle également utilisée pour l’évaluation par perspectives, qui s’articule autour d’une « évaluation se référant aux objectifs » (mokuhyō ni junkyo shita hyōka 目標に準拠した評価). Celle-ci repose sur l’utilisation de grilles d’évaluation critériées constituées de descripteurs qui spécifient les attendus pour chaque valeur de l’échelle, en particulier lors des évaluations de performance auxquelles les enseignants ont recours pour évaluer la perspective « réflexion, jugement, expression ». L’évaluation intra-individuelle continue quant à elle d’être utilisée pour la matière morale (introduite au collège en 2019), ou encore pour ce qui relève du comportement, des activités transversales, etc. Toute trace de modalité relative avait donc théoriquement complètement disparu des recommandations du ministère quand les deux lois furent révisées (cf. figure no 2).

Figure no 2 – Évolution des modes d’évaluation des apprentissages dans le livret scolaire depuis 195562

Figure no 2 – Évolution des modes d’évaluation des apprentissages dans le livret scolaire depuis 195562

Or, deux révisions du livret plus tard, on constate que la nouvelle relation entre kanten et hyōtei, dont les colonnes ont fusionné dans le livret à partir de la révision de 201963, reste mal comprise par une partie des enseignants et des familles, comme s’en est lui-même ému le Conseil central de l’éducation (Chūō kyōiku shingikai 中央教育審議会) dans le rapport intitulé « Au sujet de l’état de l’évaluation des apprentissages des élèves » du 21 janvier 201964. En effet, le positionnement synthétique joue dorénavant le rôle d’indicateur sommatif des performances individuelles dans chaque matière, calculé à partir des résultats obtenus dans chaque perspective qui incarnent quant à elles la dimension analytique de l’évaluation disciplinaire, ne rendant ainsi plus compte du positionnement relatif des élèves les uns par rapport aux autres :

« Le rôle du positionnement synthétique [hyōtei] comme outil d’évaluation de l’état de réalisation des objectifs – définis par les directives d’enseignement – peine aujourd’hui encore à se répandre ; l’intérêt des élèves et des responsables légaux [les parents] reste porté sur la dimension relative de ce positionnement (i.e. le classement des élèves les uns par rapport aux autres au sein d’une cohorte ou de l’école). La fonction originellement attendue de l’évaluation de la situation des apprentissages scolaires par perspectives [kanten], qui consiste à signaler avec précision, au moyen d’une lecture analytique de ce positionnement synthétique, les éléments des apprentissages nécessitant des améliorations, ne s’est pas déployée de manière satisfaisante. »65

Du côté des responsables légaux et des élèves, les craintes vis-à-vis de l’évaluation se référant aux objectifs rappellent directement celles adressées au principe de l’instillation des connaissances. Les uns et les autres redoutent en effet que l’évaluation des apprentissages par perspectives se réduise à terme en une simple vérification de la maîtrise des objectifs au détriment du développement de vraies compétences66. De plus, en raison d’une distribution des résultats dorénavant dépendante des performances des élèves, il semblerait que :

« certaines collectivités locales incitent toujours leurs établissements à noter les élèves conformément à une courbe de Gauss, probablement pour qu’il n’y ait pas trop de différences de notation entre les établissements et pour rassurer les parents »67

et ainsi retrouver une répartition plus « normale » des valeurs.

Malgré la disparition « officielle » de l’évaluation de cohorte du livret scolaire, on comprend que ce dernier reste perçu, au fil des révisions, comme un outil au service de la hiérarchisation des élèves en fonction de leurs performances scolaires, afin que chacun puisse se situer dans le groupe et dans le classement des établissements68, et ainsi aborder avec la meilleure stratégie possible les concours de sélection à l’entrée du lycée et de l’université, au détriment de sa fonction pédagogique et de l’acquisition d’un socle solide de connaissances et de compétences fondamentales qui constitue pourtant la mission de l’enseignement primaire et secondaire. Si cette tension se faisait jusqu’à maintenant d’autant plus ressentir au collège, pris entre deux « logiques opposées d’éducation terminale et d’éducation préparatoire »69, qui clôt à la fois le cycle de la scolarité obligatoire et prépare à l’examen d’entrée au lycée, l’augmentation d’année en année du nombre de candidats aux concours d’entrée au collège pour les établissements privés70 ne pourra que contribuer à renforcer la compétition scolaire dès les premières années de primaire.

3. L’axe vertical de la « méritocratie » ou « capabilisme »

En posant que l’école permet de gommer les inégalités de départ considérées comme « injustes » car liées à un patrimoine économique ou culturel hérité, la « méritocratie » se définit comme une compétition équitable entre les individus qui crée des inégalités « justes » ne reposant que sur la seule reconnaissance des efforts et du talent, et dont le résultat s’exprime par le diplôme obtenu en fin de parcours. En effet, bien que l’on considère généralement que l’éducation relève d’une fonction intégratrice en favorisant la cohésion sociale autour de valeurs communes, celle-ci possède également une fonction différenciatrice en fabricant des distances et en classant les élèves « selon un processus de distillation continue, de “raffinement”, en fonction des résultats, des filières, des options, tout au long des parcours scolaires »71.

Or, au Japon où, plus que l’obtention du diplôme, c’est avant tout le parcours scolaire réalisé pour entrer dans l’université qui délivrera celui-ci qui prime (ou primait, voir ci-après)72, l’écart entre les diplômés et ceux sortis très tôt de la compétition scolaire est d’autant plus grand. Même si, dans un contexte de baisse démographique, le caractère sélectif des concours s’est amoindri pour les universités moins renommées, la compétition est encore bien réelle pour entrer dans les grandes universités nationales et publiques. Ainsi, aux deux voies bien établies, poursuivre ou non à l’université, s’ajoute aujourd’hui une troisième option pour ceux qui choisissent de poursuivre leurs études à l’université : le faire dans une université nationale ou publique en passant un concours d’entrée (on parle alors de « sélection générale », ippan senbatsu 一般選抜, ou avant 2021, ippan nyūshi 一般入試), ou bien entrer sans difficultés particulières dans une des centaines d’universités privées, moins renommées, mais où les places sont plus nombreuses que le nombre de demandes. Dans ce cas, en remplacement du concours, le mode d’accès privilégié sera l’« entrée via le bureau des admissions » (sōgōgata senbatsu 総合型選抜, ou avant 2021, AO nyūshi AO入試) qui garantit un recrutement facile, car ces universités ne peuvent se permettre de recruter moins d’étudiants qu’elles n’en ont besoin pour fonctionner73. Avec l’« entrée sur recommandation par l’établissement d’origine » (gakkō suisengata senbatsu 学校推薦型選抜, ou avant 2021, suisen nyūshi 推薦入試) qui repose sur le naishinsho, l’entrée via le bureau des admissions constitue actuellement l’une des deux modalités d’accès à l’université privilégiées comme alternatives au concours d’entrée.

Aujourd’hui, c’est un peu moins d’un étudiant sur deux qui accède à l’université sans passer de concours d’entrée. De fait, la reconnaissance par les entreprises de l’effort et de l’engagement associé à la réussite du concours – plus que l’obtention du diplôme en elle-même – tend à s’atténuer en même temps que le diplôme ne garantit plus l’accès à un emploi stable74. D’autre part, une petite élite continue d’accéder aux universités les plus prestigieuses (les « héritiers », déjà mis en lumière dans les travaux de Bourdieu et Passeron en 196475) en raison de leur « proximité et d’une sorte de complicité culturelle avec le monde scolaire »76. In fine, les inégalités sociales présentes au départ ont tendance à être reproduites par l’école, et le Japon ne déroge pas à la règle. En 2012, 20,4 % des lycéens envisageant d’intégrer l’une des grandes universités nationales ou publiques étaient issus d’une famille dont le revenu annuel dépassait les dix millions de yens, contre 7 % pour ceux dont les revenus familiaux étaient inférieurs à quatre millions77. Alors que, en 2005, cette proportion était proche de 10 % pour chacun des deux groupes. L’écart s’est donc creusé en 7 ans78.

Pour autant, l’application du concept de « méritocratie » au cas japonais fait l’objet d’ambiguïtés terminologiques. Apparu dans une fiction dystopique79 écrite en 1958 par le sociologue britannique Michael Young (1915-2002) et défini au moyen de la formule « QI + effort = mérite » – bien que les tests formels pour mesurer l’effort n’existent pas80 – le néologisme meritocracy est dans l’usage traduit en japonais par l’expression nōryoku shugi. Nōryoku renvoie communément au terme « compétence », qui désigne dans une acception large, aussi bien les qualités innées que le potentiel latent présent en chaque individu81. Retraduite en français, l’expression nōryoku shugi illustre ainsi davantage un « principe des compétences » plutôt qu’un « principe du mérite ». Or, si l’expression doryoku shugi 努力主義, en tant que « principe de l’effort », serait une traduction plus fidèle du terme de Young, une rapide vérification du nombre d’occurrences dans un moteur de recherche permet de constater que l’expression, si elle existe, est peu répandue dans cet usage82.

De son côté, Honda83 montre, à partir d’une démonstration reposant sur une étude de l’ISSP (International Social Survey Programme) de 199984, qu’il existe entre le Japon et d’autres pays occidentaux développés, un écart de perception, au sujet du lien entre efforts, compétences, et récompense, ainsi qu’au sujet de l’importance du nombre d’années d’études pour déterminer le traitement salarial. D’après les résultats de l’étude, les réponses par l’affirmative à la seconde proposition, autrement dit le fait de concevoir la durée de l’éducation comme facteur déterminant du montant du salaire, sont dans les pays interrogés, plus nombreuses que celles concernant la reconnaissance des efforts et des compétences qui arrivent après. Or, au Japon, et au Japon seulement, le fait d’être récompensé en fonction de ses compétences reçoit davantage de réponses affirmatives, suivi de l’importance des efforts, et le poids de la durée de l’éducation reçue arrive en dernière place. Cet écart révèle la haute considération accordée par les pays occidentaux à la reconnaissance officielle des diplômes et autres qualifications détenus, qui témoignent de manière visible des compétences et des efforts déployés pour l’obtention de ces titres. Par conséquent, une traduction plus adéquate du concept de méritocratie dans son sens occidental (reconnaissance des titres obtenus) pourrait être l’expression gyōseki shugi 業績主義, exprimant littéralement un « principe des résultats obtenus dans le domaine professionnel ou académique »85. Le terme nōryoku shugi serait donc à strictement réserver à la « méritocratie » au sens japonais du terme, c’est-à-dire à la reconnaissance des compétences en tant que « performances » ou « capacités » (seinō 性能) présentes en chaque individu86.

Galan87 propose quant à lui de réserver le néologisme « capabilisme »88 à la traduction en français du concept de nōryoku shugi appliqué au Japon. Il distingue d’une part un « capabilisme » entrepreneurial qu’il définit comme :

« un principe qui détermine la valeur d’un individu en fonction des résultats obtenus à des évaluations portant sur ses capacités individuelles et notamment sa capacité à accomplir telle ou telle chose, pour lui-même et par rapport aux autres. Il régit notamment l’évaluation des performances des employés ou des ouvriers, celles-ci déterminant ensuite la promotion et le salaire. De fait, ce principe repose sur l’idée qu’un individu n’a de valeur qu’au travers de ses capacités, c’est-à-dire de ce qu’il peut apporter à la collectivité, qu’elle soit entrepreneuriale ou sociale. »89

et son pendant pédagogique, déjà mentionné ci-avant comme le courant s’étant élevé en réaction au principe de l’expérience dans les années 1950, et qui nous ramène à une conception mécanique des apprentissages :

« Le “capabilisme”, qui dans la vie des adultes renvoyait à des réalités à la fois concrètes et diverses, se traduisit ainsi dans l’espace scolaire par une centration exclusive sur la quantité et la rapidité de l’acquisition des compétences et des connaissances au programme mesurées par des outils numériques objectifs et normatifs : notes, hensachi 偏差値, concours. »90

La conclusion que l’on peut tirer de cette analyse terminologique est la convergence des démonstrations de Honda et Galan qui s’accordent sur la prévalence de la reconnaissance, dès l’école et tout au long de la carrière, des compétences individuelles dans l’acception japonaise de l’idéologie méritocratique – ou « capabiliste ». Dans les travaux de Honda, ce courant est représenté par un axe de « hiérarchisation verticale » (suichokuteki joretsuka 垂直的序列化) qui croise perpendiculairement une « uniformisation horizontale » (suiheiteki kakuitsuka 水平的画一化) incarnée notamment par l’évaluation de l’attitude et des qualités individuelles, telle que mentionnée dans l’article 30 de la Loi sur l’éducation scolaire. Cette structure était déjà dénoncée par Shimizu comme combinant « deux grandes options idéologiques diamétralement opposées dans le monde éducatif : “égalitarisme” et “méritocratie” »91 ; une structure quadrillée dont le livret scolaire, à l’intersection de ces deux axes, en était et en reste le garant.

Les résultats d’une enquête réalisée par Nakamura et Hayashikawa92 auprès d’environ 3000 lycéens sur l’impact du livret scolaire quant aux choix effectués durant la scolarité au collège, en termes de relations amicales, d’investissement dans les activités extracurriculaires, ou bien d’attitude en classe, rendent compte du mal-être structurel des élèves à l’école (cf. figure no 3). Rappelons que le livret scolaire existe dès l’école élémentaire, et que les résultats qui y sont consignés sont convertis en points qui s’ajoutent aux résultats obtenus aux concours d’entrée qui rythment la scolarité.

Figure no 3 – Proportion d’élèves ayant agi en tenant compte du rapport scolaire confidentiel durant les années de collège (choix multiples)93

Figure no 3 – Proportion d’élèves ayant agi en tenant compte du rapport scolaire confidentiel durant les années de collège (choix multiples)93

En juin 2023, l’association Youth Conference (Nihon wakamono kyōgikai 日本若者協議会), fondée en 2015, remettait à un haut représentant du ministère de l’Éducation une liste de propositions intitulée « Protection des droits de l’enfant à l’école » (Gakkō ni okeru kodomo no kenri hoshō 学校における子どもの権利保障), faisant suite à la promulgation de la Loi fondamentale sur les enfants (Kodomo kihon hō こども基本法) en septembre 2022. Dans le rapport, au point 2.1 intitulé « Abolition du rapport confidentiel des résultats scolaires [naishinsho], suppression du positionnement hiérarchisant et de la notation chiffrée »94, un membre de l’association s’exprime ainsi :

« À première vue, cela peut sembler confortable d’obéir aux professeurs et aux règles, mais en s’habituant à obéir, on en oublie d’avoir son propre avis ou de douter. Les élèves ne prennent pas la parole et suivent en tout point ce que leur disent leurs professeurs. Les professeurs considèrent les opinions personnelles des élèves comme des actes de rébellion. Et les élèves pensent que les avis de leurs professeurs sont les meilleurs. »95

En citant également une partie des résultats de l’enquête de Nakamura et Hayashikawa, le rapport précise par ailleurs que certains enseignants n’hésitent pas à utiliser le naishinsho comme outil de pression pour réguler le comportement des élèves (15,5 % des répondants à l’enquête), confirmant que la scolarité des élèves s’organise bien autour de ce livret scolaire.

Conclusion

Que l’on nous permette ici de reprendre notre questionnement initial : comment expliquer que l’évaluation des candidats au concours d’entrée à l’université au moyen de questions rédactionnelles soit toujours aussi difficilement envisageable aujourd’hui ?

À la lumière de l’évolution des modalités d’évaluation retenues au fil des révisions du livret scolaire pour mesurer les apprentissages, on comprend aisément qu’une évaluation reposant sur la mesure de compétences créatives (expressives) de l’élève par l’interprétation individuelle et personnelle du correcteur ne peut en réalité pas (encore ?) trouver sa place dans le système éducatif japonais actuel. Le livret scolaire, par le rôle qu’il joue dans le processus de sélection des candidats aux concours d’entrée dans les niveaux supérieurs, entrave tout développement d’une « diversité horizontale » (suiheitekina tayōsei 水平的な多様性), autrement dit d’une libération des comportements, pour laquelle plaide par exemple Honda Yuki96. C’est d’ailleurs en tout point la tendance inverse qui s’observe par exemple dans les revendications des courants nationalistes et néo-conservateurs, lesquels s’expriment en faveur d’un retour plus strict de l’enseignement de la morale, ou plutôt d’une morale uniformisée autour de valeurs traditionnelles97 ; une éducation uniformisante qui ne peut qu’à terme encourager le formatage des comportements des enfants vers le stéréotype du « bon élève »98, et ce dans le but de récupérer le maximum de points (naishinten).

Les conclusions que l’on peut tirer des résultats de l’enquête PISA 2022 vont également dans ce sens. En effet, même si le Japon a su remonter dans les classements généraux après le « choc » de 2003, une analyse détaillée des résultats en fonction de la typologie des questions posées et des modalités de réponses révèle des disparités. Ainsi, si le Japon se place 3e des pays de l’OCDE au classement PISA 202299 dans les épreuves de compréhension écrite (15e en 2018), le taux de réponses justes à la question 6 qui appelait une réponse rédigée libre atteint seulement 14,3 % ; il était de 8,9 % en 2018 pour le même type de question et signalé en-dessous de la moyenne des pays de l’OCDE100. Le futur développement de l’examen ESAT-J déployé à Tōkyō sera également à suivre de près en ce qu’il nous donne un aperçu des difficultés et des critiques que peut essuyer l’évaluation d’une compétence reposant sur l’expression personnelle.

Il reste néanmoins certain que, sans un changement de paradigme évaluatif dans le primaire et le secondaire, l’évaluation dans les concours restera figée autour de modalités évaluatives afférentes au principe de l’instillation des connaissances. L’abolition du livret scolaire et l’introduction de questions d’expression et de rédaction aux concours participeraient-elles au Japon d’une même lutte pour une « diversité horizontale » ?

Annexes

Livret scolaire en usage au collège (révision de 2019101)

Livret scolaire en usage au collège (révision de 2019101)

Livret scolaire en usage au collège (révision de 2019101)

Livret scolaire en usage au collège (révision de 2019101)

Bibliographie

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TYLER Ralph W., Basic Principles of Curriculum and Instruction, Chicago, The University of Chicago Press, 1949 ; version numérique de 2013.

Notes

1 Jean-François Sabouret, L’Empire du concours : lycéens et enseignants au Japon, Paris, Éditions Autrement, 1985 ; version numérique de 2019, chap. Conclusion, paragr. 48. Retour au texte

2 Christian Galan, L’Enseignement de la lecture au Japon. Politique et éducation, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2001, p. 52. Retour au texte

3 Ces tests ou concours d’entrée sont utilisés par l’ensemble des universités nationales et publiques et quelques universités privées, parfois complétés par des épreuves propres à chaque université. Retour au texte

4 Quelques mois avant la tenue de la première session de ce nouveau concours, il avait été décidé que l’intégration de ces deux « piliers » de la réforme serait reportée à la session 2025, en raison des critiques dont ils étaient la cible ; voir ci-après. Retour au texte

5 Cet article respecte l’usage japonais qui consiste à citer le nom de famille avant le nom personnel. Retour au texte

6 Le Comité interne du ministère de l’Éducation japonais fut instauré en décembre 2019 et jusqu’en juin 2021 ; Retour au texte

https://www.mext.go.jp/b_menu/shingi/chousa/koutou/103/index.htm (consulté en octobre 2023).

7 Monbukagakushō 文部科学省 (Ministère de l’Éducation), « Daigaku nyūshi no arikata ni kansuru kentō kaigi – teigen 大学入試のあり方に関する検討会議(提言) (Comité de réflexion sur la situation du concours d’entrée à l’université – proposition) », 8 juillet 2021 ; https://www.mext.go.jp/content/20210707-mxt_daigakuc02-000016687_13.pdf (consulté en octobre 2023). Retour au texte

8 Toutes les traductions sont de l’auteure de l’article. Retour au texte

9 Asahi shinbun朝日新聞 (Journal Asahi), « Abe moto shusho no “kyōiku saisei” kaikaku, kōzai o kiku – Komikawa Kōichirō-shi, Hagiuda Kōichi-shi 安倍元首相の「教育再生」改革、功罪を聞く 児美川孝一郎氏、萩生田光一氏 (Réforme pour la “reconstruction de l’éducation” de l’ancien Premier ministre Abe, ses points forts et ses faiblesses selon Komikawa Kōichirō et Hagiuda Kōichi) », 1er août 2022 ; https://www.asahi.com/articles/DA3S15374122.html (consulté en mars 2023). Retour au texte

10 « Retard dans la transmission des résultats aux universités – En raison d’une notation minutieuse [des copies], il était inévitable que la transmission des résultats soit retardée d’une semaine environ par rapport aux années précédentes [avant que la révision ne prenne effet]. Par conséquent, du côté des universités privées en particulier, le calendrier général selon lequel se déroule la sélection est devenu plus soutenu, et sont pointées du doigt les grandes répercussions engendrées sur l’organisation de la sélection dans les circonscriptions adoptant l’utilisation du daigaku nyūgaku kyōtsū tesuto. » Monbukagakushō, 2021, op. cit., p. 11. Retour au texte

11 Tōkyō-to kyōiku iinkai 東京都教育委員会 (Comité local d’éducation de Tōkyō), « “Tokusetsu pēji” Chūgakkō eigo supīkingu tesuto (ESAT-J) 【特設ページ】中学校英語スピーキングテスト(ESAT-J) (“Page spéciale” Examen d’expression orale en anglais au collège (ESAT-J)) », 12 septembre 2022 (actualisée le 20 octobre 2023) ; https://www.kyoiku.metro.tokyo.lg.jp/school/content/esat-j.html (consultée en novembre 2023). Retour au texte

12 L’examen n’est obligatoire que pour les collégiens des établissements publics, et son résultat est intégré à ceux du concours qui détermine l’accès au lycée dans la ville. Une pétition intitulée « Pour la non-exploitation des résultats de l’examen d’expression orale en anglais dans le concours d’entrée au lycée à Tōkyō » et adressée au directeur du comité local d’éducation a été lancée en ligne par deux associations, l’Association pour la suppression de l’examen d’expression orale au concours d’entrée au lycée à Tōkyō (Toritsu kōkō nyūshi e no supīkingu tesuto dōnyū no chūshi o motomeru kai 都立高校入試へのスピーキングテスト導入の中止を求める会) et l’Association des responsables légaux contre l’examen d’expression orale en anglais au concours d’entrée au lycée à Tōkyō (Toritsu kōkō nyūshi eigo supīkingu tesuto ni hantai suru hogosha no kai 都立高校入試英語スピーキングテストに反対する保護者の会), qui se sont constituées contre l’examen. Elles y dénoncent entre autres, outre l’organisation matérielle complexe et la difficile protection des données personnelles, un examen dépourvu de transparence, d’équité et de justice entre les candidats, et qui contribue, en plus de son impact sur les résultats du concours d’entrée au lycée, à l’accroissement des inégalités scolaires ainsi qu’à la diminution de la qualité des cours d’anglais au collège. Lancée le 30 mai 2023, la pétition avait, le 8 février 2024, récolté 1431 signatures. Lien de la pétition : https://www.change.org/p/英語スピーキングテストの結果を都立高校入試に活用しないよう求めます (consulté en février 2024). Retour au texte

13 Ōtsu Yukio 大津由紀雄, Haebara Tomokazu 南風原朝和 (dir.), Kōkō nyūshi ni eigo supīkingu tesuto ? – Tōkyō-to no senkō jirei o tettei kenshō 高校入試に英語スピーキングテスト?―東京都の先行事例を徹底検証 (Un examen d’expression orale en anglais au concours d’entrée au lycée ? – L’exemple précurseur de Tōkyō décortiqué), Tōkyō, Iwanami shoten, 2023 ; version numérique. Retour au texte

14 Monbukagakushō 文部科学省 (Ministère de l’Éducation), Chūō kyōiku shingikai 中央教育審議会 (Conseil central de l’éducation), « Shotō chūtō kyōiku ni okeru tōmen no kyōiku katei oyobi shidō no jūjitsu, kaizen hōsaku ni tsuite (tōshin) 初等中等教育における当面の教育課程及び指導の充実・改善方策について(答申) (Au sujet de l’enrichissement et de l’amélioration immédiats des curriculums scolaires et des enseignements dans le primaire et le secondaire – rapport), 7 octobre 2003 ; https://www.mext.go.jp/b_menu/shingi/chukyo/chukyo0/toushin/f_03100701.htm (consulté en février 2024). Retour au texte

15 Michael Lucken, Anne Bayard-Sakai, Emmanuel Lozerand (dir.), Sengo, le Japon après la guerre, Paris, Presses de l’Inalco, 2017, p. 391-409 ; p. 397. Retour au texte

16 Christian Galan, « L’évolution du concept d’éducation d’“après-guerre” », in ibid., p. 47-82, p. 68. Retour au texte

17 Ibid., p. 75. Retour au texte

18 Ibid., p. 72. Retour au texte

19 Christian Galan, « Eugénisme et éducation dans le Japon d’après-guerre », Cipango – Cahier d’études japonaises, no  24, 2021, p. 163-207, p. 183. Retour au texte

20 Ibid., p. 183. Retour au texte

21 Voir ci-après. Retour au texte

22 Cf. annexe no 1. Retour au texte

23 Nakamura Takayasu 中村高康, « Chūgakusei no gakkō de no kōdō o shiboru “chōsasho (naishinsho) shihai”, yoi ko kyōsō no kiro. Seito no kosei ya tekisei to kōkō o dō musubitsukeru ka 中学生の学校での行動を縛る「調査書(内申書)支配」、よい子競争の岐路―生徒の個性や適性と高校をどう結び付けるか (Le « contrôle par le rapport scolaire confidentiel » qui règlemente le comportement des élèves au collège, carrefour de la course à qui sera un bon élève – comment faire le lien entre la personnalité et les aptitudes des élèves et le lycée ?) », Tōyō Keizai 東洋経済, 14 mars 2023 ; https://toyokeizai.net/articles/-/658310 (consulté en septembre 2023). Retour au texte

24 Marine Depléchin, « La domination du livret scolaire au Japon », L’Asie en 1000 mots – Bulletin d’analyse sur l’Asie de l’Est et du Sud-Est, Centre d’études asiatiques (CÉTASE), Université de Montréal, 6 novembre 2023 ; https://asie1000mots-cetase.org/La-domination-du-livret-scolaire-au-Japon (consulté en novembre 2023). Retour au texte

25 Tatsumi Toshio 辰見敏夫, Kyōiku hyōka no sōten 教育評価の争点 (Conflits autour de l’évaluation pédagogique), Kyōiku kaihatsu kenkyūjo, 1984, p. 38 ; cité dans Takaura Katsuyoshi 高浦勝義, Shidō yōroku no ayumi to kyōiku hyōka 指導要録のあゆみと教育評価 (L’évolution du livret scolaire et l’évaluation pédagogique), Nagoya, Reimei shobō, 2011, p. 83. Retour au texte

26 Tanaka Kōji 田中耕治 (dir.), Yoku wakaru kyōiku hyōka (dai 3 ban) よくわかる教育評価(第3版) (Bien comprendre l’évaluation pédagogique – 3e éd.), Kyōto, Minerva shobō, 2021, p. 17 Retour au texte

27 Takaura K., 2011, op. cit., p. 79. Retour au texte

28 Ibid., p. 74. Retour au texte

29 Dans un sens strict, les termes « évaluation absolue » renvoient à la modalité évaluative d’avant-guerre qui reposait exclusivement sur l’enseignant. Dans une acception plus large, elle désigne encore aujourd’hui toute pratique évaluative évaluant l’élève per se, telles que l’évaluation intra-individuelle ou l’évaluation de la maîtrise des acquis. Cf. Tanaka K., 2021, op. cit., p. 17. Retour au texte

30 Dans un groupe de 40 élèves, environ 3 élèves (ceux ayant obtenus les plus mauvais résultats) recevront ainsi un positionnement « 1 », 10 autres un positionnement « 2 », 14 un positionnement « 3 », 10 un positionnement « 4 », et 3 (ceux ayant obtenus les meilleurs résultats) un positionnement « 5 ». Retour au texte

31 M. Depléchin, 2023, op. cit. Retour au texte

32 Tanaka Kōji, Nishioka Kanae, Ishii Terumasa (dir.), Curriculum, Instruction and Assessment in Japan. Beyond Lesson Study, New York, Routledge, 2016 ; version numérique. Retour au texte

33 Ibid. Retour au texte

34 Christian Galan, Yves Cadot, Aline Henninger, Loyauté et Patriotisme (le retour) – Éducation et néo-conservatisme dans le Japon du xxie siècle, Rennes, PUR, 2023, p. 72. Retour au texte

35 Tanaka K., 2021, op. cit., p. 20. Retour au texte

36 Depuis 1955, chaque matière fait ainsi l’objet d’une évaluation au moyen d’un positionnement synthétique (hyōtei), et en fonction de différents items (intégrés à l’intérieur des « perspectives » à partir de 1980, voir ci-après) spécifiques à chacune d’elle (par exemple, « rédaction » ou « écriture » en langue japonaise, « attitude et intérêt envers les nombres » ou « raisonnement logique » en mathématiques, etc.). Ibid., p. 164. Retour au texte

37 Une « controverse liée aux bulletins de notes » (tsūshinbo ronsō 通信簿論争) éclata en février 1969, quand la lettre d’un père s’exprimant au sujet de l’évaluation de cohorte fut relayée dans un programme télévisé. Ce fut le point de départ de plus larges critiques de la part des parents d’élèves, et le début de la remise en question de cette modalité évaluative. Ibid., p. 19. Retour au texte

38 Takaura K., 2011, op. cit., p. 28. Retour au texte

39 Autrement dit, de distribuer les positionnements sans tenir compte des proportions rigides auparavant attribuées à chaque valeur (7 % de positionnements « 1 », etc.). Cf. figure no 1. Retour au texte

40 L’évaluation diagnostique intervient en début de séquence d’apprentissage afin de vérifier, d’abord, la maîtrise des prérequis, ensuite, les connaissances éventuelles au regard des nouveaux objectifs pédagogiques, et ne fait généralement pas l’objet d’une notation chiffrée. L’évaluation formative intervient quant à elle tout au long de l’apprentissage et fournit à l’élève et à l’enseignant un retour sur les progrès ou les difficultés rencontrées, afin de permettre une adaptation des enseignements aux besoins. Elle ne porte que sur le contenu étudié en classe. Théorisée par Michael Scriven (1928-2023), elle fut ensuite reprise par Benjamin Bloom. Enfin, l’évaluation sommative a lieu en fin de cycle d’apprentissage et mesure la maîtrise des connaissances et des compétences. Elle débouche souvent sur l’attribution d’une note. On dit également que l’évaluation formative est une « évaluation au service des apprentissages », tandis que l’évaluation sommative est une « évaluation des apprentissages ». Tanaka Kōji 田中耕治, « Gakushū hyōka to wa nani ka 学習評価とは何か (En quoi consiste l’évaluation des apprentissages ?) », in Tanaka Kōji 田中耕治 (éd.), Manabi o kaeru atarashii gakushū hyōka – Shishitsu, nōryoku no ikusei to atarashii gakushū hyōka (riron, jissenhen 1) 学びを変える新しい学習評価―資質・能力の育成と新しい学習評価(理論・実践編1) (Une nouvelle évaluation qui transforme les apprentissages – Formation des qualités et des compétences et nouvelle évaluation des apprentissages (théorie et pratique 1), Tōkyō, Gyōsei, 2020, p. 2-26 ; Pierre Merle, Les pratiques d'évaluation scolaire : Historique, difficultés, perspectives, Paris, PUF, 2018. Retour au texte

41 Monbukagakushō 文部科学省 (Ministère de l’Éducation), Shotō chūtō kyōiku kyoku 初等中等教育局 (Département de l’enseignement primaire et secondaire), Kyōiku kateika 教育課程課 (Division des programmes scolaires), « Shōgakkō, chūgakkō, kōtōgakkō oyobi tokubetsu shien gakkō-tō ni okeru jidō seito no gakushū hyōka oyobi shidō yōroku no kaizen-tō ni tsuite (tsūchi) 小学校,中学校,高等学校及び特別支援学校等における児童生徒の学習評価及び指導要録の改善等について(通知) (Concernant les améliorations apportées à l’évaluation des apprentissages scolaires et du livret scolaire des élèves de primaire, collège, lycée et des écoles spécialisées – notification) », 29 mars 2019 (2019b) ; https://www.mext.go.jp/b_menu/hakusho/nc/1415169.htm (consulté en mars 2023). Retour au texte

42 Ibid. Retour au texte

43 Tanaka K., 2021, op. cit., p. 160-169 ; Takaura K., 2011, op. cit., p. 29. Retour au texte

44 C. Galan et al., 2023, op. cit., p. 30. Retour au texte

45 Expression désignant, à partir des années 1980, un ensemble de mesures visant à alléger les contenus d’enseignement, afin de libérer du temps pour le développement de compétences afin de contrebalancer l’enseignement par accumulation de connaissances. On rencontre à partir de la fin des années 2000 l’expression inverse, datsu yutori kyōiku 脱ゆとり教育, « fin de l’éducation allégée », qui s’est traduite notamment par une ré-augmentation des contenus d’enseignement dans les directives officielles. Retour au texte

46 « Programme International pour le Suivi et les Acquis des élèves », organisé tous les trois ans par l’OCDE, qui cible les élèves de 15 ans, et auquel participent les pays membres de l’organisation. Retour au texte

47 Kuramoto Naoki 倉元直樹 (dir.), Daigaku nyūshi sentā shiken kara daigaku nyūgaku kyōtsū tesuto e 大学入試センター試験から大学入学共通テストへ (Du concours du centre national des admissions à l’université au test commun d’entrée à l’université), Tōkyō, Kaneko shobō, 2020. Retour au texte

48 C. Galan, 2017, op. cit., p. 75. Retour au texte

49 Ibid., p. 73. Retour au texte

50 C. Galan et al., 2023, op. cit., p. 46-47. Retour au texte

51 Et ce, dans le but de rendre obligatoire l’utilisation de manuels scolaires autorisés par le ministère et l’évaluation de la matière dans le livret scolaire au même titre que les autres disciplines. Retour au texte

52 Deux manuels d’histoire en particulier, publiés par les éditeurs Ikuhōsha et Jiyūsha parmi les sept ou huit autorisés par le ministère de l’Éducation, ont un contenu factuel « révisé » selon des thèses néo-conservatrices et négationnistes, en particulier concernant l’histoire du Japon de la première moitié du xxe siècle. Pour autant, le système de sélection des manuels scolaires limite leur diffusion dans les établissements scolaires (respectivement 3,7 % et 0,1 % des parts de marché en 2012 au niveau collège). Ibid., p. 167. ; « […] on confond en réalité ce qu’enseignent quotidiennement les enseignants avec ce que les hommes politiques et les lobbies révisionnistes voudraient leur voir enseigner. Si des manuels d’histoire “purement japonais” sont ardemment désirés par ceux-ci, lesquels ne se privent effectivement pas de défrayer régulièrement la chronique par leurs propos négationnistes ou xénophobes (et sexistes) ou leurs visites au sanctuaire Yasukuni, l’enseignement de l’histoire tel qu’il s’est déroulé jusqu’ici et tel qu’il se déroule encore majoritairement aujourd’hui dans les classes japonaises est de nature bien différente. Et c’est d’ailleurs justement parce qu’il est différent – et plutôt en phase avec l’histoire savante ou universitaire – que ces derniers ne décolèrent pas et font tant de bruit. » Ibid., p. 128. Retour au texte

53 Monbukagakushō 文部科学省 (Ministère de l’Éducation), « Gakkō kyōikuhō-tō no ichibu o kaisei suru hōritsu ni tsuite (tsūchi) 学校教育法等の一部を改正する法律について(通知) (Au sujet de la loi révisant en partie la Loi sur l’éducation scolaire – notification) », 31 juillet 2007 ; https://warp.ndl.go.jp/info:ndljp/pid/11402417/www.mext.go.jp/b_menu/hakusho/nc/07081705.htm (consulté en mars 2023). Retour au texte

54 Kajita Eiichi 梶田叡一, Katō Akira 加藤明 (dir.), Jissen kyōiku hyōka jiten (kaitei) 実践教育評価辞典(改訂) (Encyclopédie de l’évaluation pédagogique – édition révisée), Tōkyō, Bunkeidō, 2010. Retour au texte

55 Dans la révision de 2010 du livret scolaire qui eut lieu après la promulgation de la loi, les perspectives sont encore déclinées selon les spécificités de chaque matière, et non pas complètement transversales. Monbukagakushō 文部科学省 (Ministère de l’Éducation), « Shōgakkō, chūgakkō, kōtō gakkō oyobi tokubetsu shien gakkō-tō ni okeru jidō seito no gakushū hyōka oyobi shidō yōroku no kaizen-tō ni tsuite (tsūchi) 小学校、中学校、高等学校及び特別支援学校等における児童生徒の学習評価及び指導要録の改善等について(通知) (Au sujet de l’amélioration de l’évaluation des apprentissages et du livret scolaire des élèves de primaire, de collège, de lycée et des écoles spécialisées – notification) », Shōtō kyōiku shiryō 小等教育資料 (Documentation pour l’enseignement primaire), juin 2010, p. 71-72 ; cité dans Tanaka K., 2021, op. cit., p. 169. Retour au texte

56 Cf. annexe no 1. Retour au texte

57 Les trois piliers communs à toutes les matières autour desquels s’organisent les objectifs d’enseignement sont « connaissances, savoir-faire », « réflexion, jugement, expression » et « motivation à l’étude et formation du caractère humain ». Monbukagakushō 文部科学省 (Ministère de l’Éducation), Chūō kyōiku shingikai 中央教育審議会 (Conseil central de l’éducation), « Jidō seito no gakushū hyōka no arikata ni tsuite (hōkoku) 児童生徒の学習評価の在り方について(報告) (Au sujet de l’état de l’évaluation des apprentissages des écoliers et des collégiens – compte rendu) », 21 janvier 2019 (2019a) ; https://www.mext.go.jp/component/b_menu/shingi/toushin/__icsFiles/afieldfile/2019/04/17/1415602_1_1_1.pdf (consulté en mars 2023). Retour au texte

58 Expression introduite dans le rapport du ministère de l’Éducation : Monbukagakushō 文部科学省 (Ministère de l’Éducation), Shotō chūtō kyōiku kyoku 初等中等教育局 (Département de l’enseignement primaire et secondaire), Shōgakkō ka 小学校課 (Division de l’école primaire), « Jidō seito no gakushū to kyōiku katei no jisshi jōkyō no hyōka no arikata ni tsuite 児童生徒の学習と教育課程の実施状況の評価の在り方について (État des apprentissages des écoliers et des collégiens et de l’évaluation de la mise en pratique des curriculums scolaires) », 1er décembre 2000 ; https://warp.ndl.go.jp/info:ndljp/pid/11293659/www.mext.go.jp/b_menu/shingi/old_chukyo/old_katei2000_index/toushin/1310309.htm (consulté en mars 2023). Retour au texte

59 Tanaka K., 2021, op. cit. Retour au texte

60 Ralph W. Tyler, Basic Principles of Curriculum and Instruction, Chicago, The University of Chicago Press, 1949 ; version numérique de 2013. Retour au texte

61 Kajita E., Katō A., 2010, op. cit., p. 132-133 ; C. Galan et al., 2023, op. cit., p. 220. Retour au texte

62 D’après Takaura K., 2011, op. cit et Tanaka K., 2021, op. cit., Retour au texte

63 Cf. annexe no 1. Retour au texte

64 Monbukagakushō, 2019a, op. cit. Retour au texte

65 Ibid., p. 20. Retour au texte

66 Pierre Merle, Moeko Hosoo, « L’évaluation des écoliers et collégiens, une approche comparative France-Japon », Carrefours de l’éducation, no  44, février 2017, p. 211-227. Retour au texte

67 Tanaka Kōji 田中耕治, « “Mokuhyō ni junkyo shita hyōka” o meguru genjō to kadai – naishinsho mondai o teiki suru mono 『目標に準拠した評価』をめぐる現状と課題― 内申書問題を提起するもの (État actuel et problèmes concernant “l’évaluation se référant aux objectifs” – problèmes du bulletin scolaire), Kyōiku mokuhyō, hyōka gakkai kiyō 教育目標・評価学会紀要 (Bulletin de l’Association sur les objectifs pédagogiques et l’évaluation), vol. 18, 2008, p. 1-7. ; cité dans P. Merle, M. Hosoo, 2017, op. cit., p. 221. Retour au texte

68 La préparation des élèves aux concours s’organise autour du hensachi 偏差値, un « indice synthétique qui mesure d’année en année la difficulté d’accès à l’établissement et donc le niveau scolaire requis pour avoir une chance d’y être reçu » (Claude Lévi Alvarès, « Une privatisation inégalitaire des usages scolaires », Revue internationale d’éducation de Sèvres, no 62, 2013, p. 39-48 ; cité dans C. Galan, 2021, op. cit. p. 185). Cet indice joue un rôle déterminant dans l’entretien de la compétition scolaire, ce qui justifie sans nul doute la demande de certains comités locaux d’éducation (et des parents) d’encourager le maintien d’une forme de distribution normale des positionnements. Retour au texte

69 Shimizu Hirokichi, « Le “roman de formation” dans les collèges – Éducation et sélection dans l’orientation scolaire », in Claude Lévi Alvarès, Sato Manabu (dir.), Enseignants et Écoles au Japon : acteurs, système et contexte, Paris, Maisonneuve & Larose, 2007, p. 115-136, p. 118. Retour au texte

70 En février 2024, près d’un quart des élèves de 6e année de primaire de Tōkyō et des trois départements voisins ont passé un concours pour essayer d’entrer dans un collège privé. Asahi shinbun朝日新聞 (Journal Asahi), « Shutoken no chūgaku juken ritsu, kako saikō suijun ka – tonai shiritsuchū no ippan nyūshi sutāto 首都圏の中学受験率、過去最高水準か 都内私立中の一般入試スタート (Taux de candidats au concours d’entrée au collège dans la zone métropolitaine à son plus haut niveau – début du concours général d’entrée dans les collèges privés de Tōkyō », 1er février 2024 ; https://digital.asahi.com/articles/ASS106H9BS10UTIL00M.html?_requesturl=articles%2FASS106H9BS10UTIL00M.html (consulté en février 2024). Retour au texte

71 François Dubet, Marie Duru-Bellat, L'École peut-elle sauver la démocratie ?, Paris, Éditions du Seuil, 2020, p. 38. Retour au texte

72 Parcours qui commence tôt dans la scolarité des élèves par le concours d’entrée au lycée, mais parfois dès l’entrée au collège ou même de l’école élémentaire pour les établissements privés. Le film du réalisateur japonais Kore-Eda Hirokazu, Tel père, tel fils (Soshite chichi ni naru そして父になる), sorti en 2013 en est une très belle illustration. Retour au texte

73 Anne Gonon, Christian Galan, Occupy Tôkyô : SEALDs, le mouvement oublié, Lormont, Éditions Le Bord de l’eau, 2021, p. 33. Retour au texte

74 Ibid., p. 34-35. Retour au texte

75 Pierre Bourdieu, Jean-Claude Passeron, Les Héritiers, Paris, Les Éditions de minuit, 1964. Retour au texte

76 F. Dubet, M. Duru-Bellat, 2020, op. cit., p. 45. Retour au texte

77 Respectivement soixante et un mille euros et vingt-quatre mille euros (au 25 novembre 2023). Retour au texte

78 A. Gonon, C. Galan, 2021, op. cit., p. 37-38. Retour au texte

79 Michael Young, The Rise of the Meritocracy – 1870-2033, London, Thames & Hudson, 1958. Retour au texte

80 Honda Yuki 本田由紀, Kyōiku wa nani o hyōka shite kita no ka 教育は何を評価してきたのか (Qu’en est-on venu à évaluer dans l’éducation ?), Tōkyō, Iwanami shincho, 2020, p. 33. Retour au texte

81 Ibid., p. 34. Retour au texte

82 La recherche de l’expression « 努力主義とは » sur le moteur de recherche Google n’a donné que 9500 résultats, contre 213000 résultats pour la recherche « 能力主義とは » (réalisée en février 2024). Retour au texte

83 Honda Y., 2020, op. cit. Retour au texte

84 « International Social Survey Programme », GESIS, Leibniz Institute for the Social Sciences, 1999 ; https://www.gesis.org/en/issp/modules/issp-modules-by-topic/social-inequality/1999 (consulté en novembre 2023). Retour au texte

85 Shōgakukan 小学館 (éd.), Dejitaru daijisen デジタル大辞泉 (Dictionnaire digital Daijisen), 2012. Retour au texte

86 Honda Y., 2020, op. cit., p. 40-45. Retour au texte

87 C. Galan, 2021, op. cit. Retour au texte

88 Il nous semble important de préciser que le « capabilisme » tel que défini par l’auteur, s’appuie sur la diffusion d’une pensée eugénique dans le Japon de l’après-guerre, y compris dans le système éducatif : « la diffusion des idées eugéniques dans la société japonaise a instillé progressivement – comme prémisse de la conception de l’élève dans ce pays – le fait que tous les enfants étaient au départ “sains” ou “normaux”, du simple fait que 1) on les avait fait naître, 2) on les avait laissé vivre et 3) on les avait scolarisés – sous-entendu “avec les autres”. […] L’implicite de cette conception de l’élève est en effet que tout enfant qui n’est pas capable de manifester les capacités attendues et de produire les efforts nécessaires n’a pas à vivre. » (Ibid., 190). Ce qui permet par ailleurs de proposer une explication à la réinterprétation égalitariste de la Loi fondamentale sur l'éducation de 1947 par le gouvernement japonais : « Le principe d’égalité, lorsqu’il consiste à donner à chacun ce qu’il a plus particulièrement besoin pour parvenir à un potentiel équivalent à tous les autres, n’implique bien sûr pas en lui-même une quelconque pensée eugénique. En revanche la conception japonaise de l’égalité, ramenée à un égalitarisme forcené conçu comme un outil de normalisation permettant le contrôle des populations et de l’activité des enseignants tout en ayant une utilité et une finalité économiques, et qui consiste à donner à tous exactement la même chose, fonctionne lui en articulation avec les présupposées de la pensée eugénique. […] Le principe d’égalité en vigueur au Japon au niveau du système éducatif n’a en effet de sens et n’est opératoire que si les enfants sont au départ égaux ou, pour le moins, considérés comme tels. Pour le dire crûment : ceux qui ne peuvent être “égaux” n’ont rien à faire là. » (Ibid., p. 194-195). Retour au texte

89 Ibid., p. 182. Retour au texte

90 Ibid., p. 184. Retour au texte

91 Shimizu H., 2007, op. cit., p. 118. Retour au texte

92 Nakamura Takayasu 中村高康, Hayashikawa Yūki 林川友貴, « Kōkō nyūshi ni okeru chōsasho no imi to kinō ni kansuru jisshōteki kenkyū (1) – “Nyūshi seido to gakkō seikatsu ni kansuru chōsa” no shiyō to kiso bunseki – 高校入試における調査書の意味と機能に関する実証的研究(1) –「入試制度と学校生活に関する調査」の仕様と基礎分析(Étude empirique concernant la signification et la fonction du rapport scolaire confidentiel dans le cadre du concours d’entrée au lycée (1) – Méthode et analyse fondamentale de l’“enquête concernant le système de concours d’entrée et la vie à l’école”) », Tōkyō daigaku daigakuin kyōiku kenkyūka kiyō 東京大学大学院教育研究科紀要 (Bulletin de la Faculté de recherche en éducation de l’Université de Tōkyō), no 60, 2020, p. 373-382. Retour au texte

93 Nakamura T., Hayashikawa Y., 2020, op. cit. ; M. Depléchin, 2023, op. cit. Retour au texte

94 Nihon wakamono kyōgikai 日本若者協議会 (Youth Conference), « Monbukagakushō ni “Gakkō ni okeru kodomo no kenri hoshō” ni kan suru teigen o shukō shimashita 文部科学省に「学校における子どもの権利保障」に関する提言を手交しました (Remise en main propre de la proposition concernant la “Protection des droits de l’enfant à l’école au ministère de l’Éducation”) », 14 juin 2023 ; https://youthconference.jp/archives/6962/ (consulté en novembre 2023). Retour au texte

95 Ibid. Retour au texte

96 Honda Y., 2020, op. cit. Retour au texte

97 C. Galan et al. 2023, op. cit. Retour au texte

98 Nakamura T., 2023, op. cit. Retour au texte

99 Kokuritsu kyōiku seisaku kenkyūjo 国立教育政策研究所 (National Institute for Education Policy Research), Kokusai kenkyū, kyōikubu 国際研究・教育部 (Bureau de recherche et de coopération internationales), « OECD Seito no gakushū tōtatsudo chōsa(PISA) OECD生徒の学習到達度調査(PISA) (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves - PISA) », « PISA 2022 no pointo PISA2022のポイント (Aperçu de PISA 2022) », décembre 2023 ; https://www.nier.go.jp/kokusai/pisa/pdf/2022/01_point.pdf (consulté en décembre 2023). Retour au texte

100 Ibid. Retour au texte

101 Monbukagakushō, 2019b., op. cit. Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Marine Depléchin, « Égalité et diversité : que raconte le livret scolaire des élèves au Japon ? », Etudes japonaises [En ligne],  | 2024, mis en ligne le 30 juin 2024, consulté le 17 septembre 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/etudes-japonaises/198

Auteur

Marine Depléchin

Doctorante, Inalco-IFRAE