Désenclaver la bibliothèque des aïeules : critiques féminines et féministes du canon littéraire cubain

  • Opening up the library of grandmothers : female and feminist critiques of the Cuban literary canon
  • Abriendo la biblioteca de las abuelas: críticas femeninas y feministas al canon literario cubano

C’est à partir des dernières décennies du XXe siècle que s’accélère, sur la scène de la critique cubaine, le mouvement de contestation d’un canon littéraire jugé androcentrique. Depuis 1980, à l’intérieur et en dehors de l’île, rencontres et publications se multiplient afin de contester la chronologie littéraire partielle selon laquelle les femmes n’auraient que tardivement et faiblement participé à la vie littéraire cubaine (Rodríguez, 2020). Si ce moment critique est influencé par les vifs débats qui se jouent, alors, dans les universités nord-américaines, l’histoire de cette refonte du canon cubain n’est pas tout à fait soluble dans celle des autres espaces littéraires mondiaux. La critique d’une historiographie littéraire androcentrée, l’archéologie des œuvres oubliées, l’identification d’une tradition littéraire féminine ou l’invention de nouvelles poétiques féminines ou féministes poursuivent bien un but commun, féminiser le champ littéraire cubain, mais elles ne s’adressent pas de la même manière, en convoquant le même outillage argumentatif, à l’objet « canon » et aux mécanismes d’institutionnalisation qui le façonnent. Ce sont ces différentes spécificités que nous tentons ici d’analyser en retraçant une brève histoire critique de l’approche féminine et féministe du canon à Cuba et en isolant certains de ses fondements argumentatifs.

The last decades of the 20th century saw the acceleration of a movement on the Cuban critical scene to challenge a literary canon deemed androcentric. Since 1980, both inside and outside the island, meetings and publications have multiplied to challenge the partial literary chronology according to which women were only late and weakly involved in Cuban literary life (Rodríguez, 2020). If this critical moment is influenced by the lively debates, then taking place in North American universities, the history of this recasting of the Cuban canon is not entirely soluble in that of other global literary spaces. The critique of an androcentric literary historiography, the archaeology of forgotten works, the identification of a feminine literary tradition or the invention of new feminine or feminist poetics all pursue a common goal - to feminize the Cuban literary field - but they do not address the object "canon" and the institutionalization mechanisms that shape it in the same way, using the same argumentative tools. It is these different specificities that we attempt to analyze by tracing a brief critical history of the feminist approach to the canon in Cuba.

Fue en las últimas décadas del siglo XX cuando cobró fuerza en la escena crítica cubana el movimiento de impugnación de un canon literario considerado como androcéntrico. Desde 1980, tanto dentro como fuera de la isla, proliferaron encuentros y publicaciones que cuestionaban la cronología literaria parcial según la cual las mujeres sólo han desempeñado un papel tardío y menor en la vida literaria cubana (Rodríguez, 2020). Si bien este momento crítico estuvo influido por los animados debates que tenían lugar en las universidades norteamericanas de la época, la historia de esta revisión del canon cubano no es del todo soluble en la de otros espacios literarios del mundo. La crítica a una historiografía literaria androcéntrica, la arqueología de obras olvidadas, la identificación de una tradición literaria femenina y la invención de nuevas poéticas femeninas o feministas comparten un objetivo común -feminizar el campo literario cubano- pero no abordan el objeto del "canon" y los mecanismos de institucionalización que lo conforman de la misma manera, utilizando las mismas herramientas argumentativas. Son estas diferentes especificidades las que intentamos analizar aquí trazando una breve historia crítica de la aproximación feminista al canon en Cuba.

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C’est à partir des dernières décennies du XXe siècle que s’accélère, sur la scène de la critique cubaine, le mouvement de contestation d’un canon littéraire jugé androcentrique1. Depuis 1980, à l’intérieur et en dehors de l’île, rencontres et publications se multiplient afin de contester la chronologie littéraire partielle selon laquelle les femmes n’auraient que tardivement et faiblement participé à la vie littéraire cubaine (Rodríguez, 2020). En pratique, les mondes académiques et militants déclinent alors, à un rythme plus élevé que lors des décennies précédentes, une série d’événements centrés sur les écritures féminines : en 1990 se déroule la première rencontre cubano-mexicaine autour du thème « Mujer y literatura », sous le patronage de la Casa de las Américas, l’année suivante s’ouvre une première « chaire de la femme » à l’Université de la Havane tandis que, entre 1993 et 1994, la chercheuse Nara Araújo tient, au sein du département de Lettres de cette même université, le premier séminaire sur le discours littéraire féminin (González, 2015 ; Campuzano, 2004). Dans la théorie, ce renouvellement de la critique s’établit en plusieurs temps, sur la base d’un élargissement progressif de l’approche du canon : on tente, d’abord, de réinscrire des écrivaines méconnues dans la bibliothèque des classiques, puis de repenser plus largement les modalités d’établissement du canon avant, enfin, d’interroger la nécessité même de ce processus de sélection parfois décrié pour son arbitraire. Cet élargissement repose donc sur un retour permanent de la critique sur elle-même, sur un désir explicite de déranger les mises en ordres antérieures du paysage littéraire de l’île et d’offrir un regard réflexif sur les partialités de la critique et les zones d’ombre de sa prétendue objectivité. Ce renouveau de la critique est également amplifié, comme l’analyse Raiza Rodríguez dans un riche article de 2020, par l’apport de la critique féministe et des recherches en études de genre qui, à partir de la fin du XXe siècle, apportent un souffle nouveau à l’approche des objets littéraires à Cuba, au prix de quelques polémiques et tensions méthodologiques (Araújo, 1996 ; Araújo, 1997 ; Sarmiento, 2003 ; Rodríguez, 2020). La critique du canon constitue en effet l’un des axes principaux de la théorie littéraire féministe des XXe et XXIe siècles, soit pour analyser les mécanismes de cette « prédisposition défavorable à l’égard des femmes dans le processus de constitution du canon », soit pour « remettre en question les critères mêmes de l’évaluation » littéraire (Bahar et Cossy, 2003, p. 6)2. À la suite, notamment, des travaux d’Elaine Showalter sur les littératures britanniques (1977), un large chantier de réflexion s’est amorcé autour de la place des écrivaines sur la scène des littératures nationales, d’abord, et mondiales ensuite, chantier dont plusieurs chercheuses cubaines se sont saisies donc au tournant du XXIe siècle (Robinson, 1986).

S’il est nécessaire de saisir l’influence de cette critique nord-américaine et ouest-européenne dans le paysage académique et militant de l’île caribéenne, il apparaît aussi que l’histoire de cette refonte du canon cubain n’est pas tout à fait soluble dans celle des autres espaces littéraires mondiaux. L’ensemble des débats auxquelles les universités nord-américaines furent aux prises dans les décennies 1980 et 1990, et que l’on désigne (non sans emphase) comme les Canon Wars (Gates, 1992), ne se transplantèrent pas parfaitement, ni dans leur intensité, ni dans les concepts mobilisés, au sein du monde académique cubain. C’est ce que rappelle notamment Sandra Monet-Descombey Hernández dans l’article qu’elle consacre à l’« afro-féminisme et [l’]écriture critique à Cuba » (2015). Interrogeant l’usage du terme « afro-cubain », l’autrice rappelle (en mentionnant la position du poète Nicolas Guillén), que le préfixe « afro » peut apparaître comme redondant si l’on admet que l’adjectif « cubain » « signifie déjà un mélange de plusieurs origines culturelles rassemblées dans le processus de créolisation américain puis transculturées » (Monet-Descombey Hernández, 2015, p. 72). Cela n’est pas à dire que Cuba (et son champ littéraire) serait un espace parfaitement égalitaire dans les pratiques et tout à fait post-racial dans ses réalités. Plutôt, cela indique que le préfixe ignore le fait que la nation s’est, depuis la Révolution castriste, constituée en discours comme un état multi-racial et égalitaire, quand bien même les faits contestent souvent cet affichage politique. Dans cette perspective, noircir le canon littéraire cubain ne relève pas d’une critique radicale de ses fondements, puisque l’affichage est déjà celui d’une société multi-raciale. Le geste s’inscrit plutôt dans un projet d’élargir le canon pour le faire correspondre à l’idéal affiché par le discours révolutionnaire. Il s’agit donc, comme le formule la chercheuse à propos de Nancy Morejón, de « remettre en cause les positions de certains intellectuels qui considèrent comme acquises la reconnaissance du Noir dans la société cubaine actuelle ou la prise en compte des racines africaines dans les cultures afro-américaines, ce qui reste encore à prouver dans certaines régions, parfois même à définir et à revendiquer » (Monet-Descombey Hernández, 2015, p. 75). En outre, du fait de la scission entre littératures insulaires et littératures diasporiques3, du fait de la position spécifique de Cuba au sein de la « République mondiale des Lettres » (Casanova, 2008), l’approche du canon put s’établir à partir de deux espaces : on put en effet analyser, d’une part, l’inscription des œuvres cubaines dans le canon hispano-américain établi depuis l’Amérique du Nord (Brown et Johnson, 1998 ; Grodman, 2016) et, de l’autre, l’établissement d’un canon national dans le champ littéraire insulaire. Ce dernier point invite également à envisager l’inscription des écrivain·es diasporiques (et parfois anglophones) au sein du canon littéraire national (Keller, 1992). Enfin, il importe d’établir une distinction entre les différents projets (critiques ou créatifs) touchant aux littératures féminines de Cuba, dont toutes ne concernent pas directement, immédiatement ou d’égales manières la ressaisie du canon. La critique d’une historiographie littéraire androcentrée, l’archéologie des œuvres oubliées, l’identification d’une tradition littéraire féminine ou l’invention de nouvelles poétiques féminines ou féministes poursuivent bien un but commun, féminiser le champ littéraire cubain, mais elles ne s’adressent pas de la même manière, en convoquant le même outillage argumentatif, à l’objet « canon » et aux mécanismes d’institutionnalisation qui le façonnent. Ce sont ces différentes spécificités que nous tenterons ici de garder à l’esprit en retraçant une brève histoire critique de l’approche féminine et féministe du canon à Cuba.

RÉFECTIONS D’UN PANORAMA INCOMPLET : RÉÉVALUER L’HISTOIRE LITTÉRAIRE DE CUBA

Au premier lieu de cette ressaisie de l’histoire et du canon littéraire cubain se trouve un recensement de ses absentes, une sorte d’anti-décompte qui semble se dérouler de deux manières. Une partie des écrivaines – en particulier les écrivaines noires – font état d’un désœuvrement, d’une impression de dénuement qui les saisit lorsqu’elles se mettent en quête de leurs aïeules littéraires. Dans « Imago y escritura de la mujer negra en el Caribe », Nancy Morejón confesse par exemple être bien en peine lorsqu’il s’agit de répondre aux universitaires et journalistes qui l’interrogent sur ses modèles littéraires (Morejón, 2005). Quand les écrivaines afro-américaines peuvent selon elle retracer leur généalogie auctoriale, par exemple en célébrant la figure tutélaire de Phillis Wheatley, poétesse afro-américaine du dernier XVIIIe, Nancy Morejón se présente comme une « orpheline littéraire » : « Huérfana de madre literaria, sentía un vacío immenso en un pasado apenas existente » (p. 152). Face à ce désœuvrement premier, Nancy Morejón propose d’inventer une tradition littéraire dont la source serait en partie orale, familiale et extra-littéraire. Elle trace ainsi les contours d’un canon personnel (en dépit du caractère oxymorique de l’expression) et trouve dans des figures féminines non-auctoriales ses propres modèles esthétiques. Ainsi, outre la filiation poétique qui la lie au poète Nicolás Guillén, Morejón évoque sa dette intellectuelle à l’égard de sa mère, qu’elle désigne dans un entretien de 2012 comme le « modèle de [sa] poésie » : « Siempre hablo de mi madre no tanto porque haya contribuido a que yo existiera sino porque ella es todo un canon para mi poesía » (Morejón, 2012, p. 193). Cette reconnaissance d’un héritage participe d’un mouvement plus général – et que l’on reconnaît notamment dans le reste des littératures noires des Amériques – de redéfinition de la tradition et de l’héritage littéraires au-delà des limites de la littérature. Ainsi procèdent également, par exemple, Alice Walker dans In Search of Our Mother’s Garden (Walker, 1984) ou la barbadienne Paule Marshall avec son article « From The Poets in the Kitchen » (Marshall, 1983). Dans ces trois cas, les écrivaines font de leurs mères les modèles d’une tradition créatrice qui, s’exprimant dans d’autres domaines que la littérature, n’en informe pas moins leurs propres conceptions esthétiques et constructions poétiques (l’art du jardinage chez Walker, celui de la discussion informelle chez Marshall). Du côté des écrivaines, donc, ce désœuvrement premier, cette « grande carence » (« gran carencia ») pour reprendre l’expression de Mirta Yáñez (2000) conduit à hybrider héritages littéraires et héritages familiaux et à trouver en dehors de la littérature des modèles pour leur propre création. Ces premières propositions reposent sur une vision individuelle du canon, qui interroge moins les mécanismes de l’institutionnalisation des œuvres que celle de l’incorporation des héritages au sein d’une tradition littéraire en voie de constitution.

Du côté critique et académique, les dernières décennies du XXe siècle ont vu se multiplier les propositions qui réévaluent la place des écrivaines passées dans l’histoire littéraire de l’île. Selon les textes et les projets, ces instigatrices proposent des lectures neuves, offrent un outillage critique supplémentaire pour aborder les œuvres ou s’attèlent, tout simplement, à les rendre à nouveau matériellement disponibles. En premier lieu, donc, le travail se porte sur l’accessibilité matérielle et la visibilité élargie de textes jugés méconnus et, partant, peu utilisables ou canonisables. C’est en ce sens que Mirta Yáñez et Marylin Bobes, à l’origine de l’ouvrage Estatuas de sal: cuentistas cubanas contemporáneas en 1998, conçurent l’organisation de leur recueil. Dans une note sur l’édition de l’œuvre, Mirta Yáñez explique en effet pourquoi elle préfère la désigner comme un panorama plutôt que comme une anthologie :

Un PANORAMA no es una antología, aunque son parientes cercanos. En una antología hay –o debe haber– un criterio de selección excluyente. En este PANORAMA, la intencionalidad ha sido reconstruir el proceso de la voz narrativa femenina cubana, con la mayor inclusividad posible, que permita seguir el discurso en su desarrollo histórico. Por supuesto, en un PANORAMA también hay elecciones (libres). (Yáñez et Bobes, 1998, p. 7-8)

En refusant de présenter son travail comme une anthologie, Mirta Yáñez dit sa réticence à l’égard du processus de sélection des œuvres collectées, préalable pourtant nécessaire à l’établissement d’un recueil. Puisqu’il a bien fallu aux deux autrices convenir de critères pour produire un ouvrage raisonné, elle affiche l’objectif premier de Estatuas de sal de la manière suivante : collecter, compiler puis exposer un large échantillon des écritures cubaines du second XXe siècle : « La primera tarea después de tomar conciencia de la existencia de un cuerpo literario es mostrarlo. » (Yáñez et Bobes, 1998, p. 8). Pour cette raison, les autrices semblent neutraliser partiellement la question de la valeur littéraire au profit d’une sélection purement formelle des œuvres compilées. Aussi, explique Yáñez, pourront être étudiées dans Estatuas de sal toutes les autrices ayant publié au moins une œuvre complète ou, pour certaines, ayant vu l’une de leurs nouvelles récompensée par un prix littéraire. Le travail de Yáñez et Bobes se présente donc en partie comme un préambule à la révision du canon : en élargissant le champ de la visibilité des écritures féminines – ce que signale l’image du panorama –, elles travaillent à le constituer en un corpus conséquent dont une partie pourra, à terme, être intégrée au canon national cubain. Comme elles, de nombreuses chercheuses se sont, depuis 1980, attelées à une collecte archéologique des textes du passé, soit par le panorama soit, plus souvent, par l’anthologie critique. Les recueils critiques de littératures féminines se sont ainsi multipliés, à la fois pour visibiliser les œuvres qui le constituent et pour réfléchir à leurs rapports aux traditions, qu’il s’agisse d’identifier des traditions littéraires féminines ou d’analyser la participation des autrices à des mouvements et courants littéraires passés. Mirta Yáñez le fait elle-même dans son recueil Cubanas a capítulo, paru en 2000 puis augmenté d’une seconde version, sous-titrée Segunda temporada, en 2012. Son travail d’anthologisation n’évacue pas, précisons-le, un regard critique sur la lettre des œuvres et Yáñez s’efforce de rester sensible aux distinctions entre ces différents écrits, entre les tentatives d’innovations (dans la forme ou les représentations) et les récits plus conventionnels, notamment. Parmi les publications majeures participant de cette nouvelle approche des littératures cubaines, citons notamment La Narrativa femenina cubana 1923-1958 de Susana Montero (1989) ; Las Muchachas de la Habana no tienen temor de Dios de Luisa Campuzano (2004) ou encore La Nación íntima de Zaida Capote Cruz (2008). On peut en outre y ajouter les travaux publiés hors de Cuba, notamment dans le contexte nord-américain, comme le riche ouvrage A Place in the Sun: Women Writers in Twentieth-Century Cuba que fit paraître Catherine Davies en 1998. La critique littéraire travaille ici à amender la bibliothèque des classiques cubains en réorganisant ses zones de visibilité et d’invisibilité, d’accessibilité et d’inaccessibilité et en offrant un dispositif critique et éditorial suffisant pour engager ou renforcer leur saisie académique.

CRITIQUE DE LA CRITIQUE : LUISA CAMPUZANO ET LA RÉCEPTION DES « DAMES DE LA HAVANE »

La critique, il faut le noter, ne se contente pas de postuler qu’un a priori négatif touchant au genre des écrivaines aurait conduit à leur secondarisation au sein de l’histoire littéraire institutionnalisée. Pour beaucoup, elle cherche aussi dans les textes les éléments (génériques, thématiques, poétiques) à l’origine du mépris, tantôt neutre, tantôt hostile, qu’ils suscitèrent auprès de la critique. Le travail archéologique se scinde dès lors en deux parts interdépendantes : à l’archéologie des textes retrouvés, relus, republiés et nouvellement commentés, s’adjoint une archéologie des contextes, la quête d’une explication socio-historico-littéraire aux mésusages du passé4. Ce chantier s’ancre tout à fait dans le paysage de la critique littéraire féministe : Elaine Showalter ne faisait pas autrement quand elle identifiait la manière dont les romancières britanniques furent encouragées à pratiquer un éventail restreint de genres littéraires ou à traiter une palette réduite de sujets, avant d’être précisément décriées pour la prétendue étroitesse de leur littérature (Showalter, 1977). Ainsi procède par exemple Asunción Homo Delgado, qui décortique dans « Alegatos a la representación: el canon poético femenino cubano desde sus orígenes hasta la Avellaneda » (1993) une sélection des arguments convoqués par la critique littéraire pour justifier l’inscription de quelques poétesses, et l’exclusion d’une large partie d’entre elles au sein du canon poétique cubain. Luisa Campuzano fait de même dans un article de 1992 consacré à la marquise Jústiz de Santa Ana, qu’elle désigne comme « la première écrivaine cubaine » et décrit en ces termes :

Voy a hablar con el desafuero de los neófitos, de la primera escritora cubana, poco o nada conocida en Cuba, porque el carácter transgresor de sus textos y de su persona le concitó la animadversión de sus contemporáneos y aun de estudiosos posteriores que intentaron disminuirla, ignorarla, escamotearla o que, simplemente, no se preocuparon por ella. (Campuzano, 1992, p. 307)

Luisa Campuzano s’arrête dans cet article sur le contexte de production et sur les modes de réception de « Dolorosa métrica expresión del sitio y entrega », poème en décasyllabes à tonalité pamphlétaire, et d’un texte non moins critique contre le pouvoir espagnol, « Memorial dirigido a Carlos III por las señoras de la Habana ». Les deux écrits furent composés à La Havane en 1762 et publiés anonymement (pour le premier) et collectivement (pour le second). Le Memorial, autour duquel règne un certain nombre d’incertitudes, notamment sur l’identité de ses autrices, fut rédigé en réaction au siège de la Havane et au bref passage de Cuba sous pavillon britannique5. En dépit de nombreuses incertitudes, les deux textes sont généralement attribués, en partie ou intégralement, à la marquise Jústiz de Santa Ana.

Avec « Las muchachas de la Habana no tienen temor de Dios », Luisa Campuzano décortique l’équilibre fragile entre un ton provocateur (par exemple, dans la comparaison entre le courage des combattants esclaves et l’apathie des généraux de l’armée) et des tentatives d’apaisement discursifs (notamment par l’affichage d’une modestie et d’une pudeur féminine dans l’adresse). En parallèle, Campuzano analyse le dispositif de dé-légitimation de cette parole politique précoce dans les commentaires contemporains et ultérieurs du texte. Elle revient notamment sur les critiques adressées aux responsables du « Memorial », de manière générale, et à la marquise Beatriz de Jústiz, en particulier. Les « femmes de la Havane » furent en effet très tôt accusées de malséance : on leur reproche des positionnements politiques indignes de leur genre et les accuse d’avoir contrevenu à la pudeur discrète qu’auraient dû leur imposer leur religion, leur honneur, leur amour de la patrie et, sur un plan plus prosaïque, leur statut d’épouse. Ailleurs, on moque les prétentions poétiques de celles qui osent se présenter comme des femmes de lettre, érudites et désireuses d’entretenir un dialogue politique avec leurs contemporains. La force contestatrice de ces deux textes est par ailleurs minorée quand on accuse sa principale instigatrice de ne les avoir composés qu’afin de servir les ambitions personnelles de son époux. Ainsi procède l’historien Jacobo de la Pezuela, qui sous-entend que la marquise n’aurait acquis son titre qu’en récompense de ces écrits agitateurs, rédigés selon lui à l’adresse de la Reine (quand ils sont, en vérités, adressés au Roi) et probablement sous la dictée de son époux. Pour Luisa Campuzano, ces commentaires, dont le contenu est parsemé d’approximations ou de fausses vérités, permettent d’atténuer la force contestatrice de ces écrits, à la fois sur le plan générique et sur le plan politique. Ces œuvres appartiennent en effet à des genres de discours considérés alors comme éminemment masculins, du fait de leurs commentaires sur la stratégie politico-militaire et de leur mode d’adresse direct au roi d’Espagne. Par ses imprécisions factuelles, Pezuela propose donc une « tranquille réorganisation » de la transgression et du désordre initiaux, en réinterprétant le dispositif de communication sur lequel il repose :

El receptor no será el rey, sino la reina madre doña Isabel Farnesio; el “Memorial” no será tal, sino una representación; los objetivos del gesto no son político-militares, sino debidos a las ambiciones personales del marido de la marquesa Jústiz, que la utiliza para que influya en muchas señoras de La Habana; las autoras no son ellas, ni lo es la marquesa, sino él, su marido. Con esto, todo vuelva a la paz, al equilibrio: cada cosa a su lugar, aunque para ello haya habido que deformar la historia de la adquisición del marquesado por Manuel José de Manzano y que inventar la existencia de un documento, enviado a la reina madre, el cual nadie ha visto jamás. (p. 316)

Le travail de Campuzano, qu’elle prolonge en 2004 dans un ouvrage du même nom, nous semble révélateur des différents niveaux de lecture et des approches critiques de l’histoire littéraire cubaine qu’engagent ces exégèses féministes. D’un même geste, elle plaide pour la ressaisie du travail de Jústiz de Santa Ana, analyse les dispositifs contestant la valeur littéraire de ses textes et confronte quelques-unes des critiques traditionnellement adressées aux littératures féminines et à la critique féministe. En amendant la version de Pezuela, Campuzano réfute l’idée selon laquelle la méconnaissance des autrices cubaines trouverait une explication dans l’anhistoricité de leurs écrits, dans l’absence d’enjeux politiques de leurs textes, qui expliquerait leur caducité au sein d’une histoire littéraire mêlant si étroitement portée historique et valeur littéraire. La perte de valeur politique des deux textes de la marquise relève moins, montre-t-elle, de leur contenu que de leur traitement. Elle s’établit ultérieurement à leur publication et au prix de quelques lectures fautives de leur contexte. De manière plus discrète, Campuzano pointe aussi les écueils d’une critique historico-littéraire qui, se voulant objective, se montre tantôt lacunaire, tantôt tout à fait erratique. Pointant les partis pris de certaines des critiques du « Memorial », elle confronte implicitement un argument métacritique adressé aux approches féministes de la littérature, accusées d’évacuer les questions relatives à la littérarité des textes en les traitant comme des simples discours sociaux. Pour le formuler autrement, Campuzano réfute l’idée selon laquelle la critique féministe ne disposerait que d’outils sociologiques pour appréhender la littérature et négligerait donc les questions proprement littéraires que posent ces textes (et qu’il est nécessaire de leur poser). L’exemple de Pezuela montre bien, au contraire, que ces processus de délégitimation minorent eux-mêmes la littérarité des textes féminins lorsqu’ils réduisent le ton pamphlétaire du « Memorial » à de viles manœuvres politiques et les procédés stylistiques aux coquetteries de marquises désireuses de jouer une spiritualité éclairée.

VIGILANCES FÉMINISTES ET LACUNES DES CONTRE-CANONS

Nous évoquions, plus haut, la manière dont la critique du canon élargit ses aires d’application à mesure qu’elle s’affute. Ce travail métacritique s’accompagne également, il faut le préciser, d’une série de micro-exégèses qui analysent et interrogent les représentations et les imaginaires qu’alimentent les textes devenus canoniques. Sans céder à la tentation de la tabula rasa ou du déboulonnage, nombre d’autrices et critiques offrent à sonder les textes fondateurs des identités nationales cubaines, que ceux-ci soient critiques, fictifs ou poétiques, pour y analyser les zones de tension de leurs représentations des identités collectives. Plusieurs d’entre elles se livrèrent par exemple à une exégèse du canon national cubain pour montrer non seulement, nous l’avons vu, qu’il négligea les écritures féminines, mais également qu’il interrogea peu les représentations genrées qui, pourtant, soutiennent une partie de ses représentations. Il faut préciser ici que cette critique n’est pas spécifique à Cuba et qu’on en trouve des traces dans le reste de la Caraïbe, où émergèrent dès le second XXe siècle des discours féministes pointant les failles ou les dangers de certains imaginaires politiques fondés, pourtant, sur une grammaire de l’émancipation collective. De tels dialogues s’ouvrirent notamment à propos des mouvements littéraires se proclamant les instigateurs et les représentants de nouveaux modes d’expression politico-littéraires, à l’instar de la négritude, du negrismo ou de la créolité. À l’analyse, en effet, nombre de ces mouvements ont fait la preuve de leurs difficultés à penser les questions de genre de manière satisfaisante. Les écrivaines qui y prirent une part active furent majoritairement négligées et leurs apports théoriques grandement ignorés. Ainsi, pour le contexte des Caraïbes francophones, l’engagement des sœurs Nardal ou de Suzanne Césaire se trouva rapidement éclipsé à la faveur des figures masculines de la négritude, en particulier du martiniquais Aimé Césaire, rapidement élevé au rang de principal représentant de la négritude caribéenne (Santiago-Torres, 2010 ; Zimra, 1984 ; Sharpley-Whiting, 2003). La réception extra-archipélique des textes, comme le montre notamment Lydie Moudileno, se fit au détriment de ces participantes, bientôt évacuées de l’histoire du mouvement de la négritude : « De la masse des pamphlets publiés dans la Revue du Monde Noir ou Tropiques, l’Occident choisira par exemple d’en valoriser (lire “publier”) un seul, pour la consécration, celui d’Aimé Césaire Discours sur le colonialisme. » (Moudileno, 1997, p. 24) De fait, poursuit-elle, la réception française de la négritude semble s’être établie à partir d’un imaginaire explicitement phallique, Jean-Paul Sartre célébrant par exemple dans son « Orphée noir » l’âme du « grand mâle de la terre, du sperme du monde » (Moudileno, 1997, p. 25) dont la Négritude permettrait l’expression poétique. De la même manière, James Arnold considère que « le mouvement de la créolité a hérité de ses prédécesseurs, l’antillanité ou la Négritude, une identité fortement genrée », qui n’est pas « seulement masculine mais aussi masculiniste » (Arnold, 1994, p. 5, je traduis). Parmi les critiques adressées aux chantres de la créolité, Arnold signale l’absence de questionnement de genre au sein de leurs essais et de leurs fictions, ainsi que leur empressement à reprendre certains des topoï conventionnels de la représentation du féminin. Sandra Pouchet-Paquet formule une critique similaire au canon littéraire jamaïcain qui se constitua à partir des années 70 : « In Jamaica in the 1970s, nationalist and institutional politics shaped a pedagogical canon that privileged nation formation as an anti-imperialist, anti-colonialist enterprise; it was male-dominated and attuned to diversity after the imposed sameness of imperial domination. » (Pouchet-Paquet, 2009, p. 100) Or, en reproduisant des canons masculins, les auteurs n’ont pas seulement invisibilisé la moitié de l’archipel. Ils ont, comme le montre notamment la Jamaïcaine Sylvia Wynter, prolongé un effacement colonial des femmes caribéennes, l’oubli de Miranda qui s’ajoute à celui de Caliban (Wynter, 1990). Partant, la critique féministe du canon caribéen ne soulève pas seulement des enjeux de genre : elle met au défi auteurs et critiques de s’affranchir d’un système de genre directement hérité de la pensée coloniale et pointe les dangers d’une ressaisie qui, prétendant déboulonner l’ancienne hiérarchie coloniale, travaille à réimplanter la hiérarchie de genre sur laquelle elle reposait aussi. Pour le formuler autrement, elle interroge l’usage, par des mouvements littéraires qui se prétendent contre-canoniques, d’anciens schémas et de représentations éculées des personnages féminins.

Des débats similaires apparaissent, pour le contexte cubain, dans la relecture critique du negrismo hispanophone que livre Nancy Morejón avec son essai « Imago y escritura de la mujer negra en el Caribe » (2005). Dans ce texte, la poétesse cubaine se penche sur la représentation de la femme noire chez quelques-unes des grandes figures du negrismo hispano-américain, de ce « mouvemen[t] littérair[e] fondamental pour saisir les racines de la littérature caribéenne » et soucieux d’« apport[er] un regard nouveau sur les valeurs du monde noir » (p. 135, je traduis). L’essai de Morejón offre un discours à trois branches sur les failles de ce contre-canon. Comme critique littéraire et comme chercheuse, elle analyse les limites de certaines des représentations engendrées par ses participants. Comme poétesse, elle raconte comment elle a cherché par ses œuvres à échapper à ces imaginaires et à y substituer un regard nouveau sur les féminités noires. En tant que lectrice, enfin, et héritière d’une histoire littéraire qu’elle dit partielle, Morejón revient, nous l’avons vu plus haut, sur le sentiment d’incomplétude et de désœuvrement que lui laisse cette bibliothèque inachevée, bien qu’occupée par des figures tutélaires à l’égard desquelles elle rappelle son admiration. En premier lieu, donc, Morejón offre une analyse critique des représentations des féminités noires. À l’instar des représentants de la négritude, nombre de poètes n’offrirent selon elle que des images archétypales, fictives, rarement référentielles de cette « femme noire » que ses auteurs ne sont pourtant pas sans évoquer dans leurs poèmes. Du Colombien Hugo Salazar Valdés au Nicaraguayen Rubén Darío, en passant par Francisco Muñoz del Monte ou Luis Lloréns Torres, ce sont les mêmes imaginaires éculés qui se déploient, et que Morejón résume en ces termes : « Así crearon un arquetipo de mujer negra, dispuesta a la conquista, a la mordida, a un sadomasoquismo pestilente y a ciertas aberraciones sólo imaginables en víctimas de un sistema opresivo y aniquilador de individualidades. » (2005, p. 137). Entre diabolisation des protagonistes féminins, animalisation de figures désignées comme bestiales ou érotisation à outrance, ces représentations de la femme noire semblent fondamentalement insatisfaisantes pour la poétesse cubaine. Cela ne signifie pas pour autant qu’elle appelle à faire l’inventaire de cette poésie et Morejón s’attache bien à préciser que des auteurs – Emilio Ballagas, Luis Palés Matos et, surtout, Nicolás Guillén – sont parvenus à s’affranchir de ces représentations héritées et éculées. Mais ces constats conduisent Morejón à amender ce negrismo qui s’arrangea parfois de « l’attirail raciste et sexiste » (« la parafernalia racista y sexista », p. 149, je traduis) hérité de l’époque coloniale. Ainsi procède-t-elle avec son poème « Mujer negra », paru pour la première fois en 1975. Désireuse de combler les failles du negrismo, d’offrir un point de vue incarné et interne qu’aucun poète, pas même Guillén, n’eut la capacité d’offrir jusqu’alors, Morejón conçoit son poème comme la réponse impérieuse de la poétesse aux mécontentements de la lectrice et de la chercheuse.

Ce dernier exemple montre combien le canon est un objet malléable, sans cesse reconfiguré, et dont les formes renouvelées deviennent bientôt, à leur tour, objet de critiques et de contre-propositions. Cet objet qui, en dépit de sa longévité, connaît peu de défenseurs (officiels) et nombre de pourfendeurs (explicites) forge un contenu en mouvement perpétuel, de sorte que le contre-canonique d’hier devient aisément le classique d’aujourd’hui, et que ce qui servait d’abord à critiquer devient à son tour critiquable. On peut dès lors postuler que les critiques et reconfigurations du canon littéraire sont, par nature, infinies et impossibles à épuiser : chaque discours critique sur le canon, chaque proposition pour ouvrir à de nouvelles œuvres la bibliothèque des classiques expose ses propres lacunes et ses restants d’oubli. Les reconfigurations ne peuvent, dès lors, se réclamer d’une version finale du canon mais d’une correction partielle et temporaire de ses principales lacunes. Dans le cas de la critique féministe, cette spécificité du canon conduit à une pratique de vigilance critique, dont l’article de Nancy Morejón constitue ici un parfait exemple : sans désirer tout à fait retourner la table de l’histoire littéraire cubaine, autrices et critiques offrent une série de veilles attentives qui, tantôt, redonnent aux écrivaines la place qui leur est due et, tantôt, identifient les territoires à amender d’un canon littéraire en recomposition permanente.

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Notes

1 Les dernières décennies du XXe siècle permettent d’intensifier et d’accélérer des dynamiques préexistantes, elles ne les font pas apparaître. Pensons notamment aux débats engagés, dès le XIXe siècle, autour du patriotisme et de la cubanidad des écrivaines cubaines, qui interrogent par extension leur inscription parmi les classiques de la littérature postindépendance puis révolutionnaire. Les travaux consacrés à la poétesse Gertrudis Gómez de Avellaneda en fournissent de nombreux exemples. Née à Cuba en 1814, Gómez de Avellaneda vécut en Espagne à partir de 1836. Aussi son identité d’écrivaine cubaine fit elle fréquemment l’objet de polémiques, d’aucuns considérant son œuvre comme n’étant pas représentative de l’esprit de la cubanidad (par exemple Vitier, 1958) quand d’autres rappellent son importance et sa postérité pour l’histoire littéraire de l’île (voir en particulier Cruz, 1973 ; Alzaga, 1975 ; Alzaga & Núñez, 1979 ; Carlos, 1970). Sur la question de l’autorité littéraire concernant les textes d’Avellaneda, voir également Albin, 2004. Return to text

2 Le canon semble en effet, dans une large part de ces travaux, être saisi comme un objet multiforme et peu circonscrit. La critique du canon peut à la fois se formuler à l’égard du processus (éditorial, critique, académique) distinguant certains textes sur la base d’une valeur littéraire jugée supérieure. Mais elle peut également prendre le canon comme un ensemble d’objets, une bibliothèque des classiques que la critique féministe travaillera alors à amender ou à réorganiser. En ce sens, nous interrogerons ici le canon à la fois comme un processus de reconnaissance et comme un ensemble de textes jugés classiques, dont les représentations sont régulièrement mises en cause par la critique féministe. Return to text

3 Du fait de la situation politique et historique de Cuba, une large partie de la littérature cubaine est en effet produite en-dehors de l’île, soit dans le cas d’exils permanents soit en raison de migrations plus ponctuelles et moins politiques (Rojas, 1999). Or, comme le rappelle notamment Ambrosio Fornet, à mesure que croissent les productions extra-insulaires se pose, d’abord, la question de l’inscription de ces œuvres au canon national et, ensuite, celle de l’émergence d’un canon diasporique indépendant (Fornet, 2002. Voir aussi Álvarez-Borland, 1998). Return to text

4 Ce travail s’établit également hors du champ académique et littéraire strictement cubain. Pensons par exemple, pour le contexte espagnol, aux travaux de Susan Kirkpatrick sur les écrivaines romantiques (1989). Return to text

5 Dans le contexte de la Guerre de Sept Ans, La Havane est soumise en 1762 à un siège de deux mois et demi, qui se termine par la reddition de Juan de Prado Portocarrero, capitaine général de l’île, livrant la ville à la puissance coloniale britannique. Cette occupation s’achève onze mois plus tard, à la faveur du Traité de Paris, qui redistribue largement les possessions coloniales et restitue Cuba à la couronne espagnole. C’est cette reddition militaire et politique que condamnent les autrices du « Memorial ». Return to text

References

Electronic reference

D’ORLANDO Natacha, « Désenclaver la bibliothèque des aïeules : critiques féminines et féministes du canon littéraire cubain », Sociocriticism [Online], XXXVII-1 | 2023, Online since 06 octobre 2023, connection on 07 octobre 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/sociocriticism/3449

Author

D’ORLANDO Natacha

Docteure en Littérature générale et comparée & Études de genre. UMR LEGS (Laboratoire d’Études de Genre et des Sexualités. Natacha d’Orlando a soutenu en 2022 une thèse de littérature générale et comparée intitulée « Des apories de la filiation au rêve de l’a-filiation : mauvaises mères, orphelines et nullipares dans les littératures caribéennes féminines. » Cette thèse, menée à l’Université Paris 8 sous la direction de Nadia Setti, examine les enjeux liés à la transmission généalogique dans le contexte des Caraïbes contemporaines, à travers l’étude de quelques œuvres de l'Antiguaise Jamaica Kincaid, de la Cubaine Cristina García, des Guadeloupéennes Maryse Condé et Gisèle Pineau et de l’Haïtienne Edwidge Danticat. Elle a co-dirigé avec Pauline Amy de la Bretèque l’ouvrage Paysages littéraires : nature, écologie, écocritique dans les littératures caribéennes, paru en 2023 aux éditions Classiques Garnier.