Volochinov, la sociologie et les Lumières

p. 89-108

Résumés

Volochinov n’est pas un clone de Bakhtine, mais un chercheur bien réel, dont on connaît bien maintenant la biographie. Mais, à la différence de la réception de son œuvre par les intellectuels marxistes occidentaux, il était loin d’être un révolutionnaire. Il est l’antithèse de Gramsci son contemporain.

Si l’on s’appuie sur la thèse du sociologue américain R. Nisbet sur le conservatisme anti-révolutionnaire (de J. de Maistre et L. de Bonald à A. Comte) comme origine idéologique de la sociologie, on voit que, par beaucoup d’aspects, Volochinov s’inscrit parfaitement dans cette ligne de pensée qui fait de l’individu un produit parfait du déterminisme « social ». Par ses notions d’enthymème et de support choral, Volochinov construit un modèle irénique d’une société bien sage où les « gens » se communiquent leurs pensées en tenant compte les uns des autres, un monde où la littérature tient lieu de réel de la vie quotidienne, où le social se réduit à l’interaction interindividuelle et où la division sociale se réduit à la stratification inférieurs / supérieurs ; un monde, enfin, de consciences pleines et non de sujets divisés, en harmonie totale avec le « milieu », vu de façon plus écologique que sociologique ; un monde de plénitude et de refus explicite de toute notion d’inconscient.

On explorera ce monde dans son contexte historique propre, qui doit plus à Croce et Vossler qu’à Saussure ou Benveniste.

« Voloshinov, Sociology and the Enlightenment »

Voloshinov is not Bakhtin’s clone, but a fully-fledged scientist, whose biography is now well known. But, unlike his reception by Western marxist intellectuals, he was far from being a revolutionary. He was the opposite of Gramsci, his contemporary.

If we rely on the American sociologist Robert Nisbet’s thesis that anti-revolutionary conservatism (from J. de Maistre and L. de Bonald to A. Comte) is the ideological origin of sociology, we can see that, in many respects, Voloshinov fits perfectly in this conservative line of thought, for which the individual is but a product of « social » determinism. With his notions of enthymeme and choral support, Voloshinov builds a model of a well-behaved society, where « the people » communicate their thoughts to one another while taking into account each other, a world in which literature takes the place of real « everyday life », where sociality is reduced to interindividual interaction, and where social division is reduced to inferior / superior hierarchy ; finally, a world of full consciousnesses and not of divided subjects, in total harmony with a « milieu », seen rather in an ecological than in a sociological way ; a world of fullness and of an explicit refusal of any notion of unconscious.

This paper will study this world in its particular historical context, which owes more to Croce and Vossler than to Saussure or Benveniste.

Texte

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Citer cet article

Référence papier

Patrick Seriot, « Volochinov, la sociologie et les Lumières », Slavica Occitania, 25 | 2007, 89-108.

Référence électronique

Patrick Seriot, « Volochinov, la sociologie et les Lumières », Slavica Occitania [En ligne], 25 | 2007, mis en ligne le 12 novembre 2019, consulté le 19 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/slavicaoccitania/951

Auteur

Patrick Seriot

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