Musée Aeroscopia – Espace Pierre-Sparaco, un centre de ressources documentaires au service de l’histoire de l’aéronautique

Plan

Texte

Outil de conservation et de valorisation du patrimoine aéronautique, le musée Aeroscopia ne cesse d’enrichir sa collection d’aéronefs et de documents aéronautiques grâce à des acquisitions de la ville de Blagnac, des mises à disposition d’Airbus et des associations partenaires ou des dons de propriétaires privés. Qu’ils soient professionnels de l’aéronautique ou amateurs éclairés, les donateurs sont conscients de la situation d’urgence de leurs archives et généralement, ils sont soucieux d’en assurer la pérennité.

Tous les fonds confiés au musée sont déposés ou donnés par convention à la ville de Blagnac. Les ouvrages de bibliothèque sont classés selon la classification décimale de Dewey et rattachés à leur collection d’origine. Les fonds d’archives privées sont enregistrés sous la cote S CRDA, le S correspondant à la série des entrées par voie extraordinaire (dépôt, don, legs, achat) dans les archives communales et CRDA spécifiant que les documents sont conservés au Centre de ressources documentaires Aeroscopia.

L’ouverture du centre de ressources documentaires Pierre-Sparaco en juin 2017 et le déploiement d’un outil informatique de gestion des collections donnent accès à une bibliothèque et à des fonds d’archives d’origine privée recélant des documents parfois inattendus.

1. Des fonds hétérogènes, mais une passion commune…

Sans entrer dans la définition de la notion d’archives privées1, il est important de noter l’hétérogénéité de ces fonds résultant aussi bien de l’activité professionnelle de certains donateurs que de l’activité documentaire de collectionneurs ou autres amateurs éclairés. Les documents d’archives émanant de sociétés industrielles, qu’elles soient publiques ou privées, se mêlent ainsi à une documentation très large d’articles de presse, de photographies anciennes, de recueils bibliographiques…

Plusieurs fonds, dont la bibliothèque personnelle et les documents d’archives du journaliste Pierre Sparaco (1 S CRDA), constituent le point de départ du centre de ressources. En effet, son épouse a fait don des 1 000 ouvrages de sa bibliothèque personnelle en parfaite adéquation avec les collections du musée. Les ouvrages se complètent de 10 mètres linéaires de documents d’archives, carnets de notes, enregistrements d’entretiens, documentation, documents produits par les sociétés industrielles françaises, britanniques ou américaines, photos… Le fonds comprend également l’ensemble de sa production journalistique et un recueil unique de la revue Spotter international fondée par Pierre Sparaco alors âgé de 15 ans et sans aucun doute à l’origine de sa vocation de journaliste. Un premier classement accessible en ligne recense ses grandes thématiques de travail.

Le fonds Claude Aubé (5 S CRDA) retrace la carrière exceptionnelle de ce pilote d’essais d’hélicoptères de Marignane qui a rejoint le service des essais en vol de Sud-Aviation à la demande de Jean Boulet en 1963. Les 2 mètres linéaires de notes et courriers issus des sociétés Sud-Aviation et Aerospatiale permettent de documenter la collection des voilures tournantes du musée mais également de comprendre le parcours atypique d’un pilote autodidacte et indépendant au sein des essais en vol depuis les années 1950.

Des fonds plus anciens ont également fait leur entrée en 2018. Un ensemble de documents, carnets de vol, courriers, photos, articles de presse appartenant à la famille de Léopold Galy, pilote d’essais de l’Armagnac, ont notamment été numérisés en complément d’un entretien avec son fils, Jean-Jacques Galy. Des photos prises dans le cadre professionnel ou familial, en présence d’Emile Dewoitine ou d’autres personnalités, donnent à voir l’entourage d’un pilote à la carrière riche en événements.

Les fonds André Leymarios (10 S CRDA) et le fonds numérisé Etienne Duthuron (Arnum.2018.DUTH), tous deux membres d’équipage du D.338 d’Air France Ville de Toulouse qui s’est écrasé sur le Canigou en 1938, ont été confiés par les familles lors de la commémoration de l’accident qui s’est déroulée au musée en mars 2018. Des documents rares, parmi lesquels un message capté par la radio d’André Leymarios d’un sous-marin espagnol attestant de la première manifestation de l’aide nazie aux Franquistes, le 27 juillet 1936, deux jours seulement après l’appel à l’aide lancé par Franco à Hitler. Le fonds Étienne Duthuron, quant à lui, se compose essentiellement de photographies anciennes et de documents émis par Air France dans les années 1930.

D’autres fonds donnent à voir des documents techniques, manuels de vol, manuels d’instruction, cours de technologies des Arts et Métiers de 1933, photographies, plans et documents divers.

Le fonds documentaire patiemment constitué par Alain Arthus pendant près de cinquante ans est le reflet d’une passion inhabituelle. Chimiste, il a fait carrière à l’Office national industriel de l’azote, puis AZF. Cet homme a dédié son temps libre à la réalisation d’un corpus bibliographique via le dépouillement de nombreux ouvrages et revues aéronautiques. Les références d’articles relatifs aux aéronefs, constructeurs, aviateurs, pays, événements sont ainsi compilées sur des centaines de fiches.

Dans la même veine, le travail de Lucien Fulchic a permis de conserver des photos et des articles de presse depuis les années 1930 sur des sujets très divers.

Le centre de ressources offre également une place de choix au fonds de photographies aéronautiques réalisées par le photographe toulousain Jean Dieuzaide entre 1954 et 1972, et acquis par la ville de Blagnac en 2005, soit plus de 3 000 tirages photographiques, négatifs ou diapositives retraçant l’histoire des entreprises Sud-Aviation et Aérospatiale. Ce fonds entièrement numérisé et identifié est visible sur place.

Au mois de février 2018, un premier lot de 10 000 photos numérisées et identifiées, prises par Guy Viselé entre 1950 et 1960, a été déposé au titre du partenariat avec l’Académie de l’air et de l’espace (AAE). Ces photos d’une grande qualité esthétique et d’un intérêt documentaire certain retracent la carrière de spotter de Guy Viselé, consultant en aéronautique et membre de l’AAE depuis 2013.

Enfin, en 2018, la ville de Blagnac a fait l’acquisition du fonds artistique « Roger Astruc ». Salarié de l’aéronautique (Dewoitine, SNCASO, SNCAC, Sud-Aviation et enfin Aérospatiale), il a exercé les fonctions de dessinateur industriel puis chef de section des notices techniques et publicité industrielle. Fort de ses capacités artistiques, il a réalisé un grand nombre de documents de communication, cartes de vœux de la société, publicités, premières de couverture (Alouette, Super Frelon, Corvette, Super Guppy, Airbus, Caravelair…) qui apparaissent dans les revues d’époque. Plus de 1 400 dessins, gouaches sur papier, huiles sur toile, caricatures, photographies (1940-1945) entrés dans les collections Aeroscopia sont en cours d’inventaire. Sa production professionnelle mais surtout personnelle révèle un artiste aux multiples facettes qui mériterait d’être reconnu à sa juste valeur.

Sur les 1 469 pièces du fonds Roger Astruc, les 205 pièces principales ont d’ores et déjà été inventoriées (les sous-fonds photographiques évoquant la Seconde Guerre mondiale), les caricatures le seront ultérieurement.

2. La sauvegarde du patrimoine immatériel, une priorité du musée

La mémoire est un matériau transmissible. Le patrimoine immatériel, tout comme les aéronefs ou la documentation, rentrent dans le champ des acquisitions et des projets de valorisation du musée2. Aujourd’hui, il importe de consigner la mémoire des plus anciens, ceux-là même qui ont connu les usines Dewoitine, participé à l’aventure Caravelle ou Concorde. Les anciens salariés sont désireux de transmettre des valeurs, une expérience, un savoir-faire et un savoir-être, il est donc important de leur donner la parole et de valoriser leurs témoignages dans le cadre du Centre de ressources documentaires du musée.

Cette double mission de conservation et valorisation s’inscrit dans le projet scientifique et culturel de l’établissement et plus largement, elle participe au rayonnement culturel du complexe d’activités touristiques englobant la ferme de Pinot et l’atelier des avions. Au-delà de la seule mission de conservation, la collecte de témoignages est toujours l’occasion de créer des moments d’échange et de convivialité indispensables à la vie du musée. Le plaisir de créer du lien dans un souci de solidarité intergénérationnelle fait également partie des objectifs du projet.

Pour que ce travail de collecte puisse s’inscrire sur le long terme et qu’il soit utile aux générations futures, des méthodes d’entretien bien établies dans les sciences sociales, notamment en sociologie, ont été mises en place3.

La section 5 de l’Académie de l’air et de l’espace, également engagée dans cette démarche, rend sa participation effective en procédant aux enregistrements de ses membres4.

Une charte de travail posant les repères méthodologiques, les types d’entretiens, les principes d’identification et d’indexation des documents et le cadre juridique est disponible au centre de ressources.

Ce sont donc au total près de 18 000 références, archives, ouvrages, dossiers documentaires, photographies ou documents audiovisuels consultables sur place. De plus, 3 500 notices sont accessibles en ligne : http://documentation.musee-aeroscopia.fr/.

Chaque fonds d’archives nécessite d’être classé et décrit, toutefois un premier instrument de recherche donne une description générale des articles, également accessibles via l’arborescence des fonds. D’ores et déjà, un certain nombre de pièces numérisées sont visibles en ligne.

Enfin, signalons que la collection de revues et périodiques renvoie directement aux collections numérisées du musée Air France sur le site Gallica de la BnF.

Collecter, conserver mais surtout valoriser et favoriser un accès rapide à l’information sont autant de priorités du centre de ressources du musée Aeroscopia5.

Notes

1 Even Pascal, Nougaret Christine (dir.), Les Archives privées, manuel pratique et juridique, La Documentation française, Paris, 2008, p. 8.
Longtemps négligées, les archives privées deviennent au cours du xixe siècle une notion mieux formalisée, même si initialement, il s’agissait pour les archivistes de récupérer des documents d’archives publiques passés en mains privées et non réintégrés dans leur fonds d’origine privée. C’est le souci de préserver les archives publiques qui est à l’origine de l’intérêt porté aux archives. Afin de faciliter l’entrée des documents d’origine privée, la direction des Archives de France par une circulaire datée du 15 avril 1944 décide d’ajouter au cadre de classement des archives départementales une série destinée aux entrées par voie extraordinaire (dons, achats, dépôts) : la série J. Retour au texte

2 Descamps Florence, « L’histoire orale, une chance à saisir pour les archivistes et les historiens », Revue suisse d’histoire : Les Archives et l’écriture de l’histoire, vol. 53, 2003, p. 310-318. Retour au texte

3 Descamps Florence, « L’entretien de recherche en histoire : statut juridique, contraintes et règles d’utilisation », Histoire@politique.fr, n° 3, novembre-décembre 2007 [en ligne] http://www.cairn.info/revue-histoire-politique-2007-3-page-14.htm [consulté le 6/09/2018]. Retour au texte

4 Les témoignages de Jean Pinet (pilote d’essai du Concorde) ou de Jean-Claude Wanner viennent en complément des documents déposés aux Archives départementales sous la cote : 206 J. Retour au texte

5 Le centre de ressources est ouvert le mardi et jeudi de 14h à 17h30 et sur rendez-vous les autres jours de la semaine. L’entrée se fait par la cour ouest de la Ferme de Pinot. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Fabienne Péris-Raimbault, « Musée Aeroscopia – Espace Pierre-Sparaco, un centre de ressources documentaires au service de l’histoire de l’aéronautique », Nacelles [En ligne], 5 | 2018, mis en ligne le 01 décembre 2018, consulté le 02 mai 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/630

Auteur

Fabienne Péris-Raimbault

Responsable des collections et de la diffusion culturelle du musée Aeroscopia

fabienne.peris@manatour.fr

Articles du même auteur