Les archives aéronautiques et spatiales conservées aux Archives départementales de la Haute-Garonne

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La vocation des Archives départementales est de collecter, conserver et communiquer, à des fins administratives et juridiques tout d’abord, puis patrimoniales dans un second temps, les documents émanant essentiellement de deux sources administratives distinctes : le Département et l’État. Ce dernier est en effet représenté dans chaque département, non seulement par le corps préfectoral mais par l’ensemble des services dépendant directement de l’administration centrale, les directions départementales interministérielles, qui couvrent un large éventail de domaines d’intervention (éducation, agriculture, action sociale, équipement…). Parallèlement aux versements administratifs concrétisant cette politique légale de collecte et de conservation, les Archives départementales accueillent également – selon différents modes d’entrée que l’on verra plus loin – des fonds d’origine privée, dont l’importance comme matériau historique est désormais reconnue tant par les archivistes que les chercheurs.

Ainsi, tous les services départementaux d’archives français détiennent des documents relatifs à l’aéronautique civile et militaire, en plus ou moins grand nombre au gré des différents fonds administratifs conservés : ceux ayant trait à la police de l’air évidemment, mais aussi les documents à portée économique provenant des services préfectoraux, les rapports de gendarmerie en cas d’accident... La multiplicité des sources documentaires est ainsi importante, tant l’aviation apparaît présente dans la vie locale dès son apparition à l’aube du XXe siècle.

La Haute-Garonne ne déroge pas à la règle : le premier meeting aérien toulousain a eu lieu, comme à peu près partout ailleurs en France, dès 1911 et les journaux s’en sont fait spontanément l’écho. Outre les catégories d’archives déjà mentionnées, on trouve aux Archives départementales de la Haute-Garonne un certain nombre de documents isolés acquis au fil du temps, répertoriés en sous-série 1 J (pièces isolées et petits fonds entrés par voie extraordinaire), comme par exemple des cours théoriques sur l’aéronautique datant du début de la Première Guerre mondiale, accompagnés de notices techniques concernant des avions Breguet, Farman et Voisin (1 J 192). Cependant, ce qui donne sa spécificité à ce service et qui justifie le fait qu’un archiviste soit expressément affecté au domaine aéronautique est la présence de quelques fonds exclusivement consacrés à l’aviation ou à l’espace. Cela est évidemment dû à la situation propre à la région toulousaine, pôle aéronautique par excellence et aujourd’hui « capitale européenne » du secteur, du fait de la présence d’Airbus et de ses différents équipementiers et systémiers d’une part, de celles du Centre national d’études spatiales (CNES) et des écoles aéronautiques implantées à Toulouse depuis les années 19601, ainsi que de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) d’autre part.

La création d’une usine d’aviation dès 1917 par Pierre-Georges Latécoère est bien sûr à l’origine de cet état de fait. Sans Latécoère, Émile Dewoitine ne serait sans doute jamais venu à Toulouse, il n’y aurait donc pas créé sa propre entreprise, celle-ci n’aurait par conséquent pas été nationalisée en 1937, et les SNCAM, SNCASE, Sud-Aviation puis Aérospatiale n’auraient pas fait partie de l’environnement économique de la ville. Airbus aurait vraisemblablement aujourd’hui son siège ailleurs… Et Toulouse n’aurait pas été choisie pour accueillir les organismes nationaux cités ci-dessus.

Parmi les acteurs du secteur industriel aéronautique toulousain, certains se sont préoccupés de la conservation des fonds documentaires qu’ils avaient été amenés à constituer ou utiliser dans le cadre de leurs fonctions. Au-delà de leur intérêt purement professionnel, la valeur patrimoniale des documents ne leur a pas échappé. Et c’est par leur médiation voire leur implication directe que ces fonds sont entrés aux Archives départementales de la Haute-Garonne : par la volonté d’un pilote d’essai de Sud-Aviation et Aérospatiale, et non des moindres puisqu’il s’agit d’André Turcat à qui l’on doit le premier vol de Concorde ; d’un ingénieur d’Aérospatiale en la personne de Raymond Danel, historien amateur – au sens noble du terme – de l’aéronautique française ; d’une grande société de construction aéronautique, en l’occurrence Airbus ; ou d’une unité de recherche scientifique, l’Institut de mécanique des fluides de Toulouse (IMFT), à laquelle on doit le versement des archives de la soufflerie aérodynamique de Banlève située sur l’île du Ramier.

Cette année 2015 se révèle riche en apports documentaires au regard de la disette des années passées. D’une part, l’Académie de l’air et de l’espace (AAE) a récemment déposé un ensemble de petits fonds provenant de certains de ses membres, première étape d’une politique de conservation qui devrait se poursuivre dans les mois et années à venir. D’autre part, un service de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), le Service national d’ingénierie aéroportuaire (SNIA) chargé des infrastructures, est actuellement en train de préparer le versement d’archives concernant les sites de Francazal et Blagnac, ce qui laisse augurer l’entrée, dans les mois à venir, de documents intéressant l’histoire aéronautique locale.

Avant d’entamer la description de ces fonds, il peut être utile de rappeler la signification des cotes employées dans les services départementaux d’archives. Le mode d’entrée normal des documents administratifs postérieurs à juillet 1940 aux Archives départementales est le versement, symbolisé par la lettre W précédée d’un numéro. Les documents antérieurs sont conservés selon un cadre de classement auquel chaque lettre de l’alphabet correspond à un domaine particulier. Ainsi la lettre J indique-t-elle un fonds entré par voie extraordinaire, c’est-à-dire autrement que par versement : dépôt, achat, don, legs… L’origine en est généralement privée. Certaines catégories de documents se voient attribuer une cote spécifique, comme FI qui indique que l’on est en présence de fonds figurés (photographies, cartes, plans, etc.). Les fonds concernés peuvent être publics comme privés.

Malgré leur caractère résolument technique, les différents fonds dits « aéronautiques » se révèlent intéressants pour le chercheur en histoire. Leur consultation dans la salle de lecture des Archives départementales est possible, plus ou moins facilement selon l’état d’avancement des travaux de classement les concernant.

Passons maintenant à une présentation plus détaillée de chacun de ces fonds, dans l’ordre chronologique de leur entrée aux Archives départementales.

Le fonds Danel (56 J)

Le premier de ces fonds a été acquis sous la forme d’un don en septembre 1982. Raymond Danel, par ailleurs ingénieur au bureau d’études de Sud-Aviation puis de la SNIAS-Aérospatiale et grand admirateur d’Émile Dewoitine, est connu comme étant l’un des plus réputés historiens aéronautiques français des années 1960 et 1970. Sa somme sur Dewoitine – tant l’homme que ses avions – fait l’objet de trois gros ouvrages parus aux éditions Larivière2, qui font toujours autorité de nos jours, malgré l’absence de mention des sources consultées par l’auteur.

Se sachant très malade, il avait fait don avant sa disparition en 1987 de son importante documentation à divers organismes toulousains : les Archives départementales de la Haute-Garonne, mais aussi l’Aérothèque3, association créée en 1988 à l’initiative de salariés et retraités d’Aérospatiale et depuis élargie au personnel d’Airbus, le Musée des transports et communications de Toulouse4 et peut-être d’autres encore, non identifiés à ce jour.

Les documents confiés aux Archives départementales sont essentiellement des dossiers techniques émanant des bureaux d’études et des méthodes de la Société aéronautique française (SAF), de la Société nationale de constructions aéronautiques du Midi (SNCAM), son successeur nationalisé en 1937 et de la SNCASE (Sud-est) qui a absorbé la SNCAM en 1941. On peut distinguer les liasses de plans de fabrication, dont la plus importante quantitativement est celle du chasseur D.520 (4 120 plans), des autres documents techniques composés de dossiers de calculs (résistance des matériaux, devis de poids, etc.) et autres cahiers des charges. C’est à partir de documents de ce type que l’association Réplic’Air a lancé il y a un an et demi la construction d’un Dewoitine D.551 dont le premier vol est prévu pour 2017. Des étudiants de l’ISAE et des aérodynamiciens associés au projet viennent régulièrement consulter les dossiers concernés en salle de lecture.

Un autre ensemble, plus restreint, regroupe des documents divers, dont on peut mettre en évidence un lot de comptes-rendus de réunions du conseil d’administration de la SNCAM de 1939 et 1940, ainsi que quelques avis d’imposition d’Émile Dewoitine et un livre de comptes du bureau d’étude privé de l’avionneur. Le tout est complété par une collection de photographies consacrées aux avions Dewoitine.

Le fonds Danel, coté 56 J, occupe 10,30 mètres linéaires (ml) de rayonnages et est en cours de classement. Son accès est donc actuellement limité, nécessitant un rendez-vous préalable.

Le fonds Turcat (55 J)

Un deuxième ensemble documentaire, entré sous forme de dépôt il y a tout juste trente ans, en juin 1985 (dépôt converti en don en 2008 par la volonté de son déposant), a été classé en 2013 par Fabienne Péris5 lors du stage qu’elle a effectué aux Archives départementales dans le cadre d’une licence professionnelle en documentation. Il s’agit des archives professionnelles du pilote d’essai André Turcat, constituées au cours de sa carrière civile au sein de la SNCAN/Nord-Aviation de 1951 à 1962, puis de Sud-Aviation/Aérospatiale6 de 1962 à 1976 en tant que directeur-adjoint puis directeur des essais en vol. 

La première partie du fonds est composée de dossiers relatifs aux différents avions testés, dans lesquels on trouve de la documentation technique sur chaque appareil concerné et les rapports et comptes-rendus de vols des différents essais effectués. Deux avions sont particulièrement documentés : le Gerfaut et le Griffon (avion sur lequel André Turcat franchit la vitesse bi-sonique en février 1959). Ces deux appareils font partie des prototypes les plus marquants de l’aéronautique française des années 1950.

La seconde partie est essentiellement consacrée au programme Concorde, de sa genèse avec la Super Caravelle à la fin des années 1950, à sa promotion technologique et commerciale au cours des années 1970, en passant par les programmes d’essais (développement du poste de pilotage, train d’atterrissage et freins, manettes, motorisation, système de navigation et pilotage automatique), les certifications (vols d’essai et leurs comptes-rendus), la formation (en particulier l’élaboration des manuels de vols), les vols spéciaux (endurance, observation des éclipses, démonstration à l’étranger), et enfin les études environnementales (conséquences des vols stratosphériques, nuisances sonores) avec pour point d’orgue le procès américain de 1976. Une revue de presse complète le fonds.

Classé sous la cote 55 J, ce fonds représentant 9,80 ml est librement accessible.

Le fonds Airbus (62 FI)

En 2007 a eu lieu la signature d’un contrat de dépôt entre la société Airbus France et le Conseil général de la Haute-Garonne : l’avionneur a en effet confié au service public ses archives photographiques anciennes, soit l’ensemble des clichés d’usine réalisés par les différentes entreprises aéronautiques qui se sont succédé dans l’ouest toulousain (SAF-Dewoitine, SNCAM, SNCASE, Sud-Aviation) entre 1920 et 1960. Il s’agit d’une collection d’environ 22000 plaques de verre, négatifs souples et tirages sur papier. Entièrement numérisée, il reste toutefois à identifier et décrire précisément les clichés avant mise à disposition au public, ce qui n’est pas une mince affaire : en plus des photographies d’aéronefs que l’on s’attend évidemment à trouver, cet ensemble documentaire regorge de vues relatives aux bâtiments, aux ateliers, aux outillages, aux personnels, mais aussi - ce qui est moins attendu – aux lieux d’hébergement, aux crèches pour les enfants du personnel, aux réfectoires, etc. Les productions extra-aéronautiques des années 1941-1944 sont également présentes : gazogènes, fours à charbon de bois, tracteurs, mobilier, containers de chemin de fer et autres carrosseries d’autocars ainsi qu’un prototype de bicyclette en tôle emboutie, qui illustrent la poursuite de l’activité des usines durant cette période particulière. Les visites protocolaires sont également représentées, que ce soit l’accueil de délégations étrangères, militaires ou civiles dans le cadre d’un programme précis (de futurs clients pour Caravelle au cours de la deuxième moitié des années 1950, par exemple) ou une visite officielle comme celle du ministre de l’air Charles Tillon en 1945, ou encore celle du général de Gaulle, alors nouveau président de la République, en 1959. L’ensemble donne au final un panorama complet de ce qu’étaient ces entreprises, au-delà de leur stricte production industrielle. La grande majorité de ces clichés est due au photographe Roger Harriague, entré au service de la SNCAM dès 1937 et dont la carrière s’est achevée vers 1970. Ami de Jean Dieuzaide, les deux photographes ont souvent couvert ensemble les mêmes événements au cours des années 1950, notamment l’épopée Caravelle, et certains clichés attribués à Jean Dieuzaide sont en fait dus à Roger Harriague, dont le talent artistique transparaît dans nombre de ses photos, même les plus techniques. Le volume de ce fonds est tel que son classement apparaît comme une gageure, les images étant actuellement rangées dans l’ordre chronologique des reportages, ce qui est d’un grand intérêt pour la compréhension du fonds, mais qui rend la recherche de sujets précis des plus compliquées… Il faudra donc attendre encore quelque temps avant de pouvoir consulter librement et facilement ces images en salle de lecture (il est à noter que l’éventuelle mise en ligne de l’ensemble du fonds sur le site des Archives départementales de la Haute-Garonne est exclue, conformément au contrat de dépôt passé avec Airbus).

L’accès de ce fonds coté 62 FI n’en est pas pour autant bloqué, mais il se fait exclusivement sur rendez-vous.

Versement de la DDE, service des bases aériennes (6782 W)

En 2009 a été versé par la Direction départementale de l’équipement (DDE) un vrac de documents émanant du Service des bases aériennes, consacré au Centre national d’aviation légère et sportive de la Montagne Noire sis sur l’aérodrome de Revel-Montgey et concernant l’infrastructure de celui-ci : aménagement des pistes, bâtiments, équipement. En grande partie constitué de plans, ce versement permet d’appréhender l’évolution physique d’un aérodrome dédié à l’aviation de tourisme, des années d’après-guerre aux années 1980. Créé en 1931, le centre de la Montagne Noire est très tôt devenu une école de vol à voile de renommée nationale, formant l’élite des vélivoles français, enchaînant les records… Sa reprise d’activité dès 1945, sur matériel allemand, a confirmé son rôle d’acteur incontournable de la vie aéronautique du département.

Non traité, cet ensemble de 1,60 ml, coté 6782 W, n’est pas encore accessible au public.

Le fonds Cayrol (160 J)

Il ne s’agit pas là d’archives spécifiquement aéronautiques mais syndicales. Lucien Cayrol, donateur de ce petit fonds fin 2009, a effectué toute sa carrière au sein des entreprises de constructions aéronautiques publiques, de la SNCAM où il est entré en 1937 à Aérospatiale d’où il a pris sa retraite 1978. Dessinateur industriel en bureau d’étude, il s’est très tôt engagé dans l’action syndicale, à la CGT tout d’abord, puis à la CGT-FO. Il a notamment contribué, en créant un comité de défense, au maintien du bureau d’études toulousain lorsqu’en 1951 a été décidée la centralisation à Paris des différents bureaux d’études de la SNCASE. Il a participé à tous les grands programmes aéronautiques toulousains, des Dewoitine D.338 et D.520 aux Airbus, en passant par les Armagnac, Caravelle et Concorde, menant en parallèle et même au-delà une activité syndicale dont toute la richesse transparaît dans les documents qu’il a confiés aux Archives départementales, intéressant la période 1947-1998.

Ce petit fonds de 2,70 ml a été classé en avril 2014 sous la cote 160 J par Marie-Madeleine Rotelli, au cours d’un stage de professionnalisation dans le cadre d’un master II en histoire contemporaine. Le répertoire qui en est résulté doit encore être mis en forme avant d’intégrer prochainement la bibliothèque d’instruments de recherche des archives.

Le fonds IMFT – Banlève (7003 W)

L’Institut de mécanique des fluides de Toulouse7 a effectué en 2011 le versement de la totalité des rapports d’essais de la soufflerie aérodynamique de Banlève, soit un ensemble de documents produits entre 1937 et 1985, représentant 15 ml au total. Créée, comme pour les autres instituts de mécanique des fluides, sous l’impulsion d’Albert Caquot, directeur général technique au ministère de l’air de 1928 à 1934, la soufflerie toulousaine est achevée en 1937 et entre aussitôt en service. Les premiers essais sont effectués au bénéfice de l’entreprise Latécoère et concernent des flotteurs d’hydravion. Bientôt, les deux avionneurs toulousains font procéder régulièrement aux essais de leurs différents prototypes sous la forme de maquettes à l’échelle, car la soufflerie est de petites dimensions : veine de 2,40 m de diamètre pour une longueur de 26 m, la vitesse est de 40 m/s. Par la suite, et notamment au cours de la période de guerre, plusieurs études seront menées pour quantité d’entreprises (situées en zone non occupée jusque fin 1942) comme la SNCASO, CAPRA (future MATRA), Morane-Saulnier, la société Louis Breguet… De ce fait, les archives de la soufflerie révèlent la grande richesse des recherches aéronautiques françaises, tant au cours des années sombres (alors même qu’on évoque généralement pour cette période des projets clandestins, on s’aperçoit que ces essais étaient faits en toute transparence vis-à-vis des autorités allemandes) que durant la période d’après-guerre, où les études ont véritablement foisonné. La fin des années 1950 a vu un infléchissement vers l’étude de missiles sol-air et air-air. Par la suite, l’aéronautique a progressivement laissé la place à d’autres domaines d’études, jusqu’à l’arrêt de l’activité extérieure en 1985. Depuis, la soufflerie est toujours utilisée mais uniquement en interne, au profit des étudiants de l’IMFT. Elle a été inscrite à l’inventaire des Monuments historiques au titre de la protection du patrimoine industriel en 1997.

Ces 15 ml de documents, versés sous la cote 7003 W, sont actuellement en cours de classement. Le but avoué de l’IMFT vis-à-vis de ce versement étant de faciliter l’accès de ces documents au public, il est prévu d’achever le classement et de publier un instrument de recherche au plus tôt. Les conditions d’accès sont pour le moment les mêmes que celles du fonds 56 J.

Le fonds de l’Académie de l’air et de l’espace (206 J)

Tout récemment, le 9 avril dernier pour être précis, l’Académie de l’air et de l’espace, fondée en 1983 par André Turcat et dont le siège est à Toulouse, a déposé aux Archives départementales un certain nombre de documents émanant de ses membres. Il s’agit en grande partie de collections de journaux aéronautiques anciens comme L’Aérophile (1911-1914, 1918-1927) et Les Ailes (1935-1938, 1944-1963), ou encore le magazine allemand Flugsport (1916-1918), mais aussi de documents plus rares et précieux pour le chercheur, dont des rapports d’études de Robert Esnault-Pelterie sur la motorisation par réaction et le voyage spatial datant de la fin des années 1932 et 1938, ou encore des communications d’auteurs comme Jean-Claude Wanner (spécialiste de la sécurité aérienne) ou André Turcat et Jean Pinet (pilotes d’essai).

Coté 206 J, ce nouveau fonds d’actuellement 7 ml est donc consacré expressément à l’aéronautique mais aussi à l’espace. À noter que l’Académie de l’air et de l’espace envisage de continuer à déposer aux Archives départementales les ensembles documentaires confiés à l’avenir par ses membres : il s’agit donc d’un fonds ouvert. De par leur entrée très récente et n’ayant pas encore été traités, ces documents ne sont, pour le moment, pas accessibles au public.

Les archives du CNES

Cette présentation ne serait pas complète si l’on omettait de citer les documents régulièrement versés depuis près de vingt ans par le Centre national d’études spatiales (CNES) via son centre de documentation et d’information technique, sous la forme de cédéroms contenant les différents dossiers relatifs aux programmes désormais achevés. Il s’agit pour la plupart de projets d’envoi de satellites ou de sondes spatiales comme par exemple DORIS (détermination d’orbite et radiopositionnement intégrés par satellite, 1969-1995) ou SPOT4 et SPOT5 (observation de la Terre, 1979-2004), ou encore GIOTTO (1982-1990). Ces projets peuvent être expérimentaux ou commerciaux, voire les deux comme pour le satellite franco-allemand SYMPHONIE, un programme de télécommunication tout d’abord à vocation commerciale et devenu par la suite expérimental (1970-1981). On peut rattacher à ces projets une étude de CORALIE, le 2ème étage du lanceur EUROPA en 1970. Une autre catégorie d’archives intéressantes est sans aucun doute celle consacrée aux travaux de coopération franco-soviétique puis franco-russe de 1970 à 2005. Enfin, on peut également trouver des versements concernant les activités de membres du CNES, comme par exemple Jacques Blamont, directeur scientifique et technique (1962-1973) puis haut conseiller scientifique (1973-1982), pour la période 1957-19948. Chaque document est protégé par un délai de communicabilité de 25 ans à compter de sa date de clôture.

Un versement est réputé communicable dès l’extinction du délai concernant son dossier le plus récemment clôturé. Tout accès précédant la libre communication des documents est donc dérogatoire.

Pour terminer ce tour d’horizon des fonds conservés par les Archives départementales de la Haute-Garonne, il reste à préciser que la bibliothèque historique de la direction des archives est régulièrement étoffée par l’acquisition d’ouvrages consacrés à l’aéronautique et à l’espace en rapport avec ces fonds, de manière à proposer aux lecteurs des aides à la compréhension des documents mis à leur disposition. Les ouvrages sont consultables sur place uniquement. La base de données de la bibliothèque historique est interrogeable sur l’intranet de la salle de lecture. Une bibliographie établie sur une sélection de mots-clés peut éventuellement être éditée sur demande.

Les Archives départementales sont entrées depuis 2007, sous l’impulsion de leur ancien directeur, Jean Le Pottier9, dans une dynamique de prospection d’archives aéronautiques amorcée la même année par le dépôt du fonds Airbus et la création subséquente d’un « pôle aéronautique » géré et animé par un archiviste. Nécessitant une reconnaissance préalable de la part des acteurs du milieu aéronautique, il a fallu quelques années à l’entité « Archives départementales », par essence généraliste, pour se faire une place dans les domaines professionnel et associatif du patrimoine aéronautique, place effectivement obtenue grâce à la contribution des archives dans le projet de centre de ressources documentaires du musée Aeroscopia au titre de conseil technique et à leur participation régulière au séminaire Histoire de l’aéronautique et de ses acteurs et de leurs réseaux (Labex SMS et thématique 4 de Framespa) organisé depuis 2012 au sein de l’Université Toulouse-Jean Jaurès. Cette implication a été confirmée par Anne Goulet, directrice des Archives départementales de Haute-Garonne depuis septembre 2014. Par ailleurs, le prochain versement du SNIA évoqué en introduction est l’annonce du développement de la dynamique d’acquisition dans une voie encore peu usitée, celle des archives publiques. Il est à espérer que cette première action entraînera l’aboutissement d’autres versements envisagés de longue date mais en panne de réalisation, comme ceux de la direction de la sécurité de l’aviation civile Sud (DSAC Sud) ou de l’École nationale de l’aviation civile (ENAC).

Notes

1 L’École nationale supérieure d’aéronautique (Sup’Aéro) et l’École nationale supérieure d’ingénieurs de constructions aéronautiques (ENSICA), aujourd’hui regroupées au sein de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE) et l’École nationale de l’aviation civile (ENAC), Retour au texte

2 Le Dewoitine 520, coll. Docavia n° 4, 1975 ; Les avions Dewoitine, coll. Docavia n° 17, 1982 ; Émile Dewoitine, créateur des usines Aérospatiale, coll. Docavia n° 18, 1982. Les deux premiers ouvrages ont été écrits en collaboration avec Jean Cuny. Retour au texte

3 Situé 4 rue Roger Béteille, 31700 Blagnac. Retour au texte

4 Situé 93 avenue Jules-Julien 31400 Toulouse. Retour au texte

5 Aujourd’hui responsable des collections et de la diffusion culturelle du musée Aeroscopia. Retour au texte

6 Dénomination simplifiée de la Société nationale industrielle aérospatiale (SNIAS) créée en 1970, officiellement employée dès mars 1978. Retour au texte

7 Unité mixte de recherche associant le CNRS, l’Institut national polytechnique (INP) de Toulouse et l’Université Toulouse 3. Retour au texte

8 Les archives personnelles relatives à ses activités parisiennes (1978-2004) ont fait l’objet d’un versement spécifique (sous la cote 6740 W). Retour au texte

9 Aujourd’hui directeur des Archives départementales du Tarn. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Pascal Gaste, « Les archives aéronautiques et spatiales conservées aux Archives départementales de la Haute-Garonne », Nacelles [En ligne], 1 | 2016, mis en ligne le 01 octobre 2016, consulté le 29 mars 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/133

Auteur

Pascal Gaste

Archiviste

Archives départementales de Haute-Garonne

pascal.gaste@cd31.fr