Spectre de la défaite et mirage de la revanche. Conséquences coloniales et aériennes de la bataille de France au Tchad (juin 1940-janvier 1941)

Résumés

Le double prisme aérien et colonial offre une autre approche de la bataille aérienne de France et des conséquences de la défaite. À ce titre, le Tchad, colonie d’Afrique équatoriale française dotée d’un détachement aérien en raison de sa position stratégique, constitue un observatoire intéressant. Entre juin et septembre 1940, les forces présentes sur ce territoire sont bouleversées par une défaite vécue à distance et la division de l’Empire qu’elle provoque. Entre septembre et décembre 1940, le Tchad devient un berceau inattendu et ambigu des FAFL. Entre décembre 1940 et janvier 1941, s’y fait particulièrement ressentir chez les différents acteurs l’écart entre l’ambition géopolitique d’effacer la défaite française et la fragilité des forces aériennes sur place.

Both the aerial and colonial prisms provide another approach of the Air Battle of France and of the defeat’s consequences. From this prospective, Tchad, colony of French Equatorial Africa (the AEF) endowed with an aerial detachment due to its strategic position, represents an interesting observatory. From June to September 1940, the forces stationed there, are upset by a defeat lived from afar and the division within the Empire that involves. From September to December 1940, Tchad becomes an unexpected and ambiguous cradle of the FAFL. From December 1940 to January 1941, one can notice a gap between the geopolitical ambition to erase the defeat and the fragility of the local aerial forces.

Plan

Texte

Réfléchissant à la défaite en tant qu’objet d’histoire, l’historien Pierre Laborie montre en quoi perdre la guerre produit des idées, des attitudes et des imaginaires à la fois paradoxaux et paroxystiques :

[la défaite] conduit à la cécité et désembue les regards, elle étale la douleur et la garde au secret, elle mêle l’abattement de l’humiliation aux engagements et aux risques les plus inconsidérés, l’incompréhensible ou l’insaisissable aux explications les plus rudimentaires, le sacrifice à la trahison. […] Elle peut fermer obstinément les visages ou faire craquer la cire des masques, elle peut faire surgir dans l’anéantissement le désir enragé de révolte, trouver dans le sang et la souffrance les ressources de l’évolution créatrice1.

Notre propos vise précisément à voir comment ce « désir enragé de révolte », cette « évolution créatrice » et une mémoire immédiate de la bataille aérienne de France se concrétisent par l’émergence des Forces aériennes françaises libres (FAFL) au Tchad entre juin et décembre 1940 et comment elle se reflètent dans la doctrine d’emploi comme dans l’organisation de ces unités. Au cours de cette période, ce territoire d’Afrique centrale connaît une trajectoire particulière suite à l’armistice et à l’occupation de la métropole. Le 26 août 1940, les officiers et les administrateurs qui gouvernent la colonie du Tchad prennent la décision de se « rallier » au général de Gaulle et à la France libre au terme d’une désobéissance collective qui commence à prendre forme sitôt la défaite connue dans cette partie isolée de l’Empire. En décembre 1940, le colonel Philippe de Hauteclocque alias Leclerc y est nommé commandant militaire en vue de mettre en œuvre, dans les confins sahariens, le projet gaullien consistant à faire émerger un front contre la Libye italienne sous commandement français libre. Infliger rapidement des revers à l’Axe – en s’emparant notamment du groupe d’oasis de Koufra – constitue le moyen le plus efficace de montrer à la fois que la défaite française n’est pas irréversible et que la France libre est une organisation militaire légitime et crédible. Le Tchad constitue ainsi un observatoire particulièrement pertinent pour comprendre comment une force aérienne dissidente se constitue en terrain colonial au nom du refus de la défaite.

L’Afrique équatoriale française (AÉF) est en effet l’un des berceaux mal connus des FAFL. Dans son étude pionnière, Eric Jennings ne consacre par exemple que peu de pages à la dimension aérienne, préférant concentrer son analyse des aspects militaires de l’Afrique française libre (AFL) sur le Régiment de tirailleurs sénégalais du Tchad (RTST) et les Bataillons de marche (BM). Ce tropisme terrien s’explique par deux raisons. Tout d’abord, Eric Jennings cherche à comprendre comment les différences entre Européens et Africains structurent ces unités tant dans les opérations contre l’Axe que dans la répression coloniale. Cette approche se heurte à l’écart entre les représentations et les pratiques de l’aéronautique impériale. Bien que celle-ci suscite un renouveau de l’exotisme colonial dans l’entre-deux-guerres2, son insertion dans le quotidien des systèmes coloniaux contemporains est en effet à nuancer : on ne trouve aucun colonisé à bord des appareils civils ou militaires, ni dans le personnel navigant ni dans le personnel au sol sous statut militaire3. En AÉF, un avion est ainsi un espace réservé aux Européens et les postes de mécaniciens sont uniquement occupés par des Blancs. Par ailleurs, le prisme de l’infanterie coloniale domine largement les sources en raison du déséquilibre des effectifs en Afrique française libre (AFL). Par exemple, en novembre 1940, les FAFL comptent en Afrique 200 pilotes4 (pour un total de 500 pilotes FAFL en 19405) alors que rien qu’au Tchad, le Régiment de tirailleurs sénégalais du Tchad (RTST) est une unité composée de 5 664 tirailleurs6.

En outre, les publications relatives aux FAFL ont peu pris en compte la période de transition africaine entre la bataille de France et les premières opérations des FAFL à Koufra (février-mars 1941). Les raisons de ce relatif silence ne sont pas que coloniales. Contrairement aux unités d’infanterie ou de la marine, l’identité combattante et l’encadrement des FAFL sont flous et mouvants : du 1er juillet 1940 au 1er juillet 1941, l’amiral Muselier assume en effet le commandement des Forces navales françaises libres et « provisoirement des forces aériennes7 » (à l’exception des « détachements permanents8 » dans les colonies). De cette confusion du commandement procède la rareté et la dispersion des sources, à l’instar du journal de Marche et Opérations du groupement réservé de bombardement n° 1 (GRB 1) « retrouvé à moitié calciné dans la carcasse d’un Blenheim écrasé près de Khartoum (Soudan)9 ». De même, fait aussi défaut dans le cas africain la « littérature de témoignage et de mémoire, voire de célébration10 » sur lesquelles l’historiographie des FAFL s’appuie souvent pour pallier les points aveugles des archives. Philippe Garraud rappelle ainsi la marginalité des FAFL d’Afrique dans les publications mémorielles comme dans les témoignages, ceux-ci se concentrant principalement sur l’Angleterre et le Moyen-Orient11. Enfin, l’engagement dans la France libre en terrain colonial comporte des spécificités. Les réponses aux questionnaires que les futurs FAFL remplissent au camp de Camberley entre avril et septembre 1941 ont permis à François Pernot de montrer comment « l’écœur[ement]12 » à l’égard d’une France défaite, la « volonté de régénération13 » et « le patriotisme14 » sous-tendent les engagements individuels sur le sol britannique de volontaires ayant quitté la France occupée. Or, le ralliement du Tchad du 26 août 1940 constitue une façon différente de « rejoindre » la France libre : la défaite et l’occupation sont des événements traumatiques mais lointains, la démarche pour entrer en dissidence est collective et la transgression consiste non pas à rejoindre une terre étrangère mais de rester à son poste et empêcher la démobilisation en attendant qu’une autorité nouvelle encadre la reprise du combat. Les parcours individuels des aviateurs du Tchad ainsi que leurs motivations étant de facto difficiles à reconstituer, c’est surtout à l’échelle de l’unité et de son commandement que les analyses qui suivent seront développées.

Examiner comment les FAFL se structurent en terrain colonial est aussi d’autant plus important que les colonies africaines de la France apparaissent comme la zone où, au sein des forces aériennes, les logiques de refus comme celles d’acceptation de la défaite sont les plus structurées. C’est ce que rappelle Claude d’Abzac-Épezy en étudiant la manière dont, soucieux de préserver le potentiel de guerre intact de l’aviation militaire en Afrique du Nord et en Afrique occidentale française (AOF), le général Huntziger obtient des Allemands de « surseoir au désarmement aérien et naval de l’Afrique15 » en raison de la dissidence gaulliste. Ce calcul place ainsi précocement l’armée de l’Air dans la spirale de la collaboration :

Entre la fin août et la fin septembre, l’armée de l’Air d’Afrique, qui représente 49 % du personnel total et 66 % des avions joue sa survie. Une seule chose peut la sauver : un engagement violent si possible, contre les Anglais. […] À Dakar, puis peu de temps après au Gabon, […], les forces aériennes françaises donneront la preuve de leur fidélité et de leur détermination dans leurs combats contre les ennemis de l’Axe. Cette collaboration indirecte porte vite ses fruits : bien que théoriquement démobilisables à tout moment, les groupes maintenus ne seront plus jamais menacés de disparition. Bien au contraire, des renforcements successifs viendront peu à peu étoffer la petite aviation militaire de Vichy16.

Toutes ces raisons conduisent à proposer ici une mise en perspective coloniale aux études sur la difficile émergence comme « élément français distinct et autonome17 » après la défaite ainsi qu’un contrepoint français libre au versant africain de l’étude de Claude d’Abzac-Épezy. Le cas du Tchad nous permet en effet d’examiner la manière dont la bataille de France y est vécue, puis comment les différences d’expérience combattante structurent l’organisation des confins sahariens et enfin comment l’aviation militaire est au cœur des enjeux politico-militaires qui président la tentative gaulliste de faire émerger un théâtre d’opérations entre Tchad et Libye.

1. Une défaite si proche et si lointaine : la bataille de France vue par le détachement aérien du Tchad (juin-septembre 1940)

Pour décrire l’Empire français à l’orée du second conflit mondial, l’historien britannique Martin Thomas emploie la formule suivante : « dans la conception impériale de la France [en 1939], la guerre totale n’est pas la guerre globale18 ». La mobilisation au Tchad, colonie de l’AÉF d’1,5 million d’habitants (dont 6 000 Européens)19, se fait donc dans le flou, sur fond de luttes entre administrateurs coloniaux et officiers et sous-officiers européens du RTST. Les pistes d’atterrissage qui sont aménagées en hâte à côté des garnisons de Fort-Lamy, de Fort-Archambault et de Faya-Largeau témoignent de ces jeux de pouvoir. Ces terrains d’aviation jugés inutiles par le ministère des Colonies en 1938 montrent que les autorités militaires obtiennent, au nom de la défense du territoire, la haute main sur les travaux publics, les officiers recevant tout pouvoir en matière d’affectation des personnels et sur le salaire de la main-d’œuvre20. Les conséquences concrètes de ces chantiers se font surtout sentir sur les populations locales. Ceux qui refusent de prendre part à ces travaux ne sont plus sanctionnés par une amende au titre du refus des « prestations » mais sont considérés comme « déserteurs » et de facto passibles de la peine de mort21.

Comment utiliser ces toutes nouvelles infrastructures en juin 1940 ? À cette date, les autorités de l’AÉF sont complètement écartelées par des impératifs contradictoires : d’une part, dès la percée allemande dans les Ardennes, le haut-commandement français réclame en urgence l’envoi de régiments coloniaux d’AÉF en métropole ; d’autre part, alors que l’Italie entre en guerre aux côtés de l’Allemagne le 11 juin 1940, le Tchad se trouve sous la menace des troupes fascistes stationnées en Libye. Pierre Boisson, alors gouverneur de l’AÉF, et le général Louis Husson, commandant militaire de cette fédération de colonies, tentent de surmonter cette ambivalence stratégique : plusieurs bataillons du RTST reçoivent l’ordre de gagner les villes portuaires de Pointe-Noire (Congo) et Douala (Cameroun) afin de s’embarquer pour la France alors que les « vingt Potez 63022 » – dont dispose Brazzaville en guise d’aviation militaire – sont envoyés à Fort-Lamy, la capitale tchadienne, pour parer à toute incursion italienne dans les confins sahariens. Cette absence de directives claires et cohérentes contribue largement à abîmer la légitimité de la hiérarchie coloniale auprès des Européens du Tchad et explique la désobéissance collective qui se dessine sitôt la défaite et l’armistice connus23.

Le ralliement du Tchad au général de Gaulle le 26 août 1940 n’est ni une révolte coloniale (la rébellion contre les autorités métropolitaines n’émane pas en effet des populations colonisées) ni le résultat d’une soudaine inspiration héroïque. Il est l’aboutissement de transgressions émanant d’administrateurs coloniaux et de militaires européens qui refusent la démobilisation induite par l’armistice du 22 juin 1940. Une majorité d’officiers et sous-officiers blancs du RTST refusent en effet de sortir d’une guerre dans laquelle ils n’ont pas combattu24. Si, dans les confins sahariens, des méharistes (qui appartiennent à des unités mobiles et autonomes chargées d’administrer les zones désertiques où vivent des peuples nomades) prennent chacun de leur côté la décision de quitter clandestinement la colonie pour rejoindre le Nigeria ou le Soudan britanniques, la désobéissance ne devient véritablement collective que dans les garnisons des villes du Sud telles que Fort-Lamy ou Fort-Archambault25. Les actes de rébellion y sont publics : des pétitions et des listes circulent, des insultes fusent contre les représentants de l’autorité, et les lieux traditionnels de la sociabilité militaire (mess, dortoirs, cercles de jeux) deviennent autant de théâtres pour des débats violents faisant fi des relations hiérarchiques26. Les infrastructures aéronautiques sont d’ailleurs des endroits représentatifs de ce délitement des hiérarchies. Pour arrêter le mouvement d’insubordination au Tchad, le gouverneur Pierre Boisson et le général Louis Husson réunissent le 23 juillet 1940 les officiers et les administrateurs présents à Fort-Lamy dans les hangars du terrain d’aviation pour expliquer pourquoi, après avoir appelé à refuser l’armistice, ils ont finalement reconnu l’autorité du gouvernement de Vichy27. Apprenant que Boisson est promu par Pétain « Haut-commissaire pour l’Afrique française », c’est-à-dire envoyé à Dakar pour diriger l’AOF et l’AÉF et que Husson prend sa place à Brazzaville où il cumule pouvoirs civils et militaires, la réaction des Européens de Fort-Lamy est une si vive désapprobation que les deux nouveaux proconsuls sont contraints de reprendre leur avion28. Le terrain d’aviation de Fort-Lamy est aussi l’endroit où l’Intendant militaire Dupin et le chef de bataillon Ingold rencontrent les deux plus proches collaborateurs du gouverneur Félix Éboué, le secrétaire général du Tchad Henri Laurentie et le directeur de cabinet du gouverneur Cazenave de la Roche29. Au-delà des appareils militaires mis à la disposition d’Henri Laurentie pour aller négocier l’appui du Nigeria britannique à la rébellion du Tchad, il est important de remarquer que ces dépositaires locaux de l’autorité coloniale, qui ont passé des années à s’entredéchirer sur le périmètre de leurs attributions, tombent alors d’accord pour désobéir, mais seulement quand sera apparue une autorité assez forte et légitime. Après deux mois de débats houleux et de réflexions intenses, la leçon à tirer de la défaite de juin 1940 prend la force de l’évidence : en mettant en œuvre les clauses de l’armistice, Vichy trahit la France. Le régime pétainiste ne dispose donc d’aucune légitimité à gouverner un empire que les nazis n’occupent pas et qui n’a pas encore donné la pleine mesure de sa puissance dans cette guerre. Le Tchad étant trop enclavé et démuni pour peser dans le conflit mondial, il lui faut trouver une tutelle de rechange, une autorité influente à laquelle se rallier sans être accusé de passer sous domination étrangère. La solution à cette équation géopolitique en apparence insoluble prend forme le 26 août 1940. En proclamant ce jour-là que le Tchad se rallie au général de Gaulle, le gouverneur Félix Eboué et le colonel Pierre Marchand, commandant militaire du territoire, font de celui-ci une « base de souveraineté30 » pour la France libre ainsi qu’un réservoir d’hommes à recruter et de ressources à exploiter pour l’organisation gaulliste qui veut y démontrer sa capacité opérationnelle.

Ce désir de reprendre le combat depuis l’Afrique centrale que l’organisation gaulliste endosse et canalise produit en réalité une division de l’Empire qui prend des allures d’affrontement entre colonisateurs. À peine le ralliement du Tchad proclamé, il est immédiatement contesté par une minorité, très active et très résolue, d’officiers et d’administrateurs qui refusent que soit rompu le lien entre le Tchad et la métropole alors même que cette dernière est défaite et occupée31. Eboué et Marchand incitent donc les loyalistes à quitter la colonie rebelle et à se diriger vers l’Afrique occidentale française tout en leur interdisant d’utiliser les avions militaires présents au Tchad pour cela32. Un antigaullisme colonial émerge de manière précoce et virulente alors même que le Cameroun, l’Oubangui-Chari et le Congo français reconnaissent l’autorité de la France libre les 27 et 28 août 1940. Le mythe gaulliste des « Trois Glorieuses » des 26, 27 et 28 août 1940, qui présente l’AÉF et le Cameroun se mettant en ordre de bataille derrière l’homme du 18 juin, est largement à nuancer dans la mesure où, suivant le précédent tchadien, de nombreux Européens loyalistes quittent leurs fonctions et où les autorités du Gabon proclament une fidélité inébranlable au régime pétainiste.

À la mi-septembre 1940, les Européens qui ont refusé le ralliement considèrent ce dernier moins comme une désobéissance qu’un moment d’égarement collectif. Pour les loyalistes du Tchad désormais regroupés au Niger, la division de l’Empire n’est pas encore actée, comme le prouvent les mirifiques projets de pédagogie de la défaite et de l’armistice à l’attention de leurs camarades qui ont basculé dans la dissidence. Ils imaginent en effet jeter des tracts sur Fort-Lamy avec des bulletins de presse d’AOF, acheminer les courriers privés pour leur rappeler qu’ils ont des familles à charge en métropole occupée, il est même proposé de « faire appel à l’autorité d’un chef militaire qui s’est battu, ceci est essentiel, et au nom connu et unanimement respecté dans l’armée coloniale » à l’instar du général Weygand qui, accompagné du colonel Garnier, ancien commandant militaire du Tchad et vétéran de la campagne de France, viendrait expliquer qu’« aux heures les plus tragiques de notre histoire, le maréchal Pétain a assumé la tâche douloureuse de traiter avec l’adversaire pour sauver la partie du sol national qui n’avait pas été encore atteinte et que nous ne pouvions plus défendre33 ». Cette conception d’une remise au pas négociée prend brutalement fin quelques jours plus tard. Les 24 et 25 septembre 1940, l’opération Menace, voulue par le gouvernement britannique et commandée en personne par le général de Gaulle, échoue devant Dakar suite à la riposte organisée par le haut-commissaire Boisson prêt à lancer ses troupes au combat pour maintenir la souveraineté de Vichy sur l’Afrique occidentale française34. Des soldats français ont ainsi tiré sur les Forces françaises libres qui accomplissaient au large du Sénégal leur première opération militaire en tant que troupe autonome soucieuse de maintenir la France dans la guerre malgré l’armistice. Le sang français a coulé sous le feu des canons britanniques et, sans doute plus grave pour ces Européens qui croient à l’empire, sous le regard des populations colonisées. Avant Dakar, les ralliés du Tchad étaient des dissidents égarés ; après Dakar, ils deviennent des ennemis dans une guerre civile larvée qui acte la division de l’Empire français35.

2. Expérience du combat aérien ou connaissance du terrain : dilemme et émergence des FAFL en Afrique équatoriale (septembre-décembre 1940)

L’échec devant Dakar n’est pas seulement un choc moral pour de Gaulle et ses hommes : il constitue un défi majeur concernant l’encadrement et l’emploi des FFL qui auraient dû débarquer à Dakar et qui sont finalement déroutées vers le Cameroun. Où et comment employer ces renforts, pour la plupart dépourvus d’expérience coloniale, dans une AÉF qui n’a les ressources suffisantes ni pour les équiper ni pour les armer ? Avant même l’opération Menace, le commandant Carretier, chef de l’aviation de l’AÉF, alertait le général de Larminat sur l’impossible maîtrise du ciel des colonies ralliées avec les moyens hérités de la mobilisation de 1939 : la vingtaine de vieux Potez dont dispose Brazzaville pour les « liaisons rapides telles que transports d’autorités et liaisons postales indispensables à la vie même du groupe [de colonies]36 » ne pourra pas être simultanément utilisée pour mettre en œuvre des « représailles immédiates37 » en cas de bombardement ennemi. Face à cette double menace, Carretier rappelle que, bien qu’il regroupe la majorité des effectifs de l’infanterie, le Tchad est la colonie la plus vulnérable à une attaque venant de pilotes vichystes ou italiens car il est dépourvu de batteries anti-aériennes et que l’artillerie qui y est disponible a une puissance de feu limitée en cas d’attaque aérienne38.

Alors que de Gaulle décide de faire débarquer au Cameroun les FFL du corps expéditionnaire prévus à Dakar, remontent à la surface des différences marquées d’expérience combattante. Fantassins et aviateurs qui accompagnent le chef de la France libre ont combattu les troupes allemandes durant la bataille de France ou ont vécu de près la défaite de juin 1940, leur arrivée dans les rangs gaullistes s’est faite au terme d’un engagement individuel. C’est aussi le moment où ils découvrent l’environnement africain et le système colonial. À l’inverse, les seconds n’ont connu que par la radio l’invasion allemande et, s’ils ont été mobilisés, c’est dans un cadre colonial où les combats de métropole constituaient un horizon lointain. Dans la perspective d’une reprise des combats depuis l’AÉF, de Gaulle et son entourage sont confrontés à un dilemme. En vue d’opérations contre Vichy ou contre l’Axe dans les confins sahariens, faut-il confier le commandement des unités à des officiers ayant combattu les Allemands en France – donc à même de tirer les leçons qui ont conduit les armées françaises à la défaite – ou bien à leurs homologues issus des troupes coloniales, peu au fait des dernières évolutions de la guerre mais qui connaissent très bien le terrain africain ? Les chefs gaullistes, en réalité, ne tranchent pas la question et tentent de mettre au point des hiérarchies qui mêlent les différents profils.

La réorganisation de l’aviation militaire que de Gaulle entreprend est tout à fait représentative de cette façon de procéder. Après l’échec de Menace, le lieutenant-colonel de Marmier conduit le Groupe mixte de combat n° 1 (le GMC 1) des FAFL d’abord à Takoradi (Gold Coast) puis à Douala. Cette unité est composée de six bombardiers moyens Blenheim, quatre avions d’observation Lysander, deux chasseurs Dewoitine et deux avions de liaison Luciole39. As français de la Première Guerre mondiale et ancien de l’Aéropostale, Lionel de Marmier conçoit son engagement dans la France libre comme la suite logique de ses actions de liaison et de ravitaillement des républicains espagnols entre 1936 et 1938. À Brazzaville, il rencontre le lieutenant-colonel Pierre Carretier, lui aussi vétéran de la Grande Guerre et ancien de l’Aéropostale, qui a pris la tête de la modeste aviation de l’AÉF en septembre 1939 dans la mesure où, bien que de réserve, il était alors l’officier de l’air le plus gradé présent sur place à cette date40. Lors de la campagne des FFL pour réduire le Gabon vichyste, de Gaulle laisse les deux unités employées à parts égales pour la maîtrise du ciel gabonais et pour fournir un appui-feu aux troupes au sol qui évoluent dans la forêt gabonaise41. Les combats du Gabon permettent à de Gaulle de négocier avec les autorités britanniques l’envoi d’une deuxième formation, en l’occurrence l’escadrille de huit Blenheim commandée par le capitaine Astier de Villatte. Une fois le Gabon intégré à l’Afrique française libre, Larminat, sur l’instruction de De Gaulle, dissout le 10 décembre 1940 l’ensemble des unités existantes. Lionel de Marmier est envoyé au Caire, aux côtés du général Catroux, avec une double mission : organiser des liaisons aériennes entre les différents territoires ralliés à la France libre et user de sa notoriété dans les rangs de l’armée de l’Air pour convaincre les pilotes des bases aériennes du Syrie et du Liban de rejoindre les FAFL avec leurs appareils. Le 24 décembre 1940, le lieutenant-colonel Carretier garde ses fonctions de commandant aérien de l’AÉF avec pour principale unité sous ses ordres le groupe réservé de bombardement n° 1 tout juste créé et placé sous les ordres du capitaine Astier de Villatte. Ce savant équilibre entre pilotes connaissant le terrain africain et ceux ayant fait une expérience de guerre récente dans la bataille aérienne de France est aussi présent dans les deux escadrilles qui composent le GRB 1. La première basée à Fort-Lamy, composée de six Blenheim et un Luciole de liaison, est placée sous les ordres du capitaine Gustave Lager et la deuxième qui compte six Blenheim s’installe à Maidiguri (Nigeria britannique) avec à sa tête le lieutenant Pierre Tassin de Saint-Péreuse42. Les deux chefs d’escadrille se connaissent très bien dans la mesure où tous deux, le 30 juin 1940, ont illégalement quitté le centre d’entraînement de Meknès (Maroc) pour gagner Gibraltar et rejoindre à Londres le général de Gaulle dont ils ont entendu l’appel. Même s’ils n’ont pas combattu eux-mêmes la Luftwaffe dans le ciel français, tous deux sont marqués par l’action de la chasse britannique durant la bataille d’Angleterre.

Si l’encadrement témoigne d’un sens de l’équilibre et du compromis, il n’en est pas de même quant à l’efficacité sur le terrain. Les pilotes français libres arrivés du Royaume-Uni sont désarçonnés par le climat et la géographie africains. Formés soit en France soit sur des appareils de la Royal Air Force (RAF) métropolitaine, ils doivent réapprendre un grand nombre de gestes et de repères pour être aptes à piloter dans l’environnement saharien et tropical. Ainsi, à Maidiguri (Nigeria britannique), le lieutenant Kacew (qui deviendra plus tard l’écrivain Romain Gary) découvre, lors de son premier vol sur le sol africain en décembre 1940, que toute son expérience acquise dans les escadrilles françaises et britanniques ne lui est d’aucune utilité dans les contreforts du Sahara :

Notre avion fut pris dans une tempête de sable, toucha un arbre et alla au tapis, faisant un trou d’un mètre dans le sol ; nous sortîmes de là hébétés mais indemnes, à la grande indignation du personnel de la RAF, car le matériel volant étant alors rare et précieux, bien plus précieux que la vie de ces Français maladroits43.

Au-delà de cette impression d’avoir à réapprendre une pratique qu’ils pensaient maîtriser, les pilotes prennent souvent conscience au fil de diverses avanies de l’aspect « rare et précieux » du matériel. En Europe, les aviateurs évoluent dans un univers où l’armement est produit et distribué en abondance en raison de la proximité d’usines aéronautiques dont les productions permettent de remplacer très vite les appareils détruits ou abîmés lors des combats. La difficulté de convoyer du matériel vers l’Afrique centrale et le manque d’infrastructures de l’Afrique française libre déterminent des pratiques de préservation et de récupération. À Fort-Lamy, à Moussoro et à Faya-Largeau, les mécaniciens quittent leurs hangars pendant plusieurs jours avec des goumiers afin de retrouver les avions qui se sont écrasés lors des exercices et les cannibaliser44 (c’est-à-dire les désosser et ramener des pièces détachées réutilisables sur d’autres appareils). Ces opérations de récupération sont d’autant plus nécessaires que les hommes des FAFL doivent en permanence bricoler le matériel qui leur parvient du Royaume-Uni, des États-Unis et d’Afrique du Sud pour l’adapter au désert. Même les bombardiers tout juste sortis des usines britanniques doivent être tropicalisés car :

les Blenheim sont des avions qui n’ont pas été conçus pour être utilisés dans le sable du désert. Les prises d’air des carburateurs sont très basses, à moins d’un mètre du sol, de sorte que quand le moteur tourne au ralenti pour se chauffer, on voit un tourbillon de sable soulevé par l’hélice45.

Pour éviter ces problèmes qui mettent en péril la vie des pilotes et des passagers dès le décollage, le chef des mécaniciens de la base de Fort-Lamy, l’adjudant-chef Thomas, invente deux procédés : fabriquer un « paravent fait en feuille de palmiers tressés » pour protéger le cockpit et vidanger l’huile des moteurs sous les carburateurs « pour créer sur le sol des nappes d’huile et de sable agglutinés qui évitent ces tourbillons46 ». Au sol comme dans les airs, l’inventivité des hommes est le seul moyen de suppléer aux défaillances techniques des appareils à Croix de Lorraine. D’autant plus que, dans un ensemble de territoires aussi vaste et enclavé qu’est l’AÉF, avant d’être une arme, l’avion militaire est en effet le moyen de transport par excellence du commandement colonial, qui n’est pourtant pas sans risque.

L’étude de la correspondance de Leclerc entre octobre et décembre 1940 permet en effet d’observer que, dès les lendemains des ralliements, le crash constitue une expérience partagée par la quasi-totalité des personnalités de premier plan de l’AFL. Claude Hettier de Boislambert débute ainsi le compte-rendu de son voyage de Pointe-Noire jusqu’à Fort-Lamy les jours suivant le ralliement du Cameroun : « La fin du voyage un peu émotionnante, parachutes au dos, avec un réservoir qui, fuyant, menaçait de mettre le feu à tout l’appareil47. » L’allusion à ce tumultueux atterrissage est d’autant plus piquante que l’on apprend dans la même lettre que Boislambert, Éboué et Leclerc partagent à ce moment-là le même Potez 621 pour leurs déplacements, faute d’en avoir un chacun. Alors que la distance qui sépare les postes de commandement en impose l’usage, un trajet en avion, souvent accompli à bord d’appareils vétustes et dans conditions climatiques mauvaises, devient synonyme d’insécurité. Même les personnages les plus hauts placés ne sont pas à l’abri de telles avanies. Le 15 octobre 1940, lors de sa première visite en Afrique française libre, le Potez 140 du général de Gaulle s’abîme à la frontière du Tchad et du Cameroun et le contraint à passer la nuit dans des marécages infestés de moustiques. Pendant une nuit, les autorités sont sans nouvelles de l’homme du 18 juin48. Le récit des crashs des officiers du RTST rythme la correspondance de Leclerc à l’instar de l’avion du capitaine Quilichini49 qui s’écrase dans une forêt du Mayo-Kebbi le 24 novembre 1940 et ne sera repéré que le 4 décembre avec ses passagers sains et saufs50. Ces multiples accidents d’avion sont ressentis comme autant d’humiliations.

3. S’imposer comme un belligérant : l’aviation comme instrument de la crédibilité militaire (décembre 1940-janvier 1941)

Le rapport de Leclerc à la composante aérienne a souvent été lu au prisme de sa mort dans un accident d’avion le 29 novembre 1947, certains voyant dans l’accident le résultat d’une négligence liée à un mépris constant pour l’aviation militaire51. Il est certain que le manque d’efficacité des raids aériens lors de la prise de Koufra puis la décision trop tardive de faire appel à un appui aérien lors de la première campagne du Fezzan52 contribuent à dégrader les relations entre Leclerc et les FAFL sur place. Pourtant, dès qu’il devient commandant militaire du Tchad et chef du RTST en décembre 1940, le colonel Philippe de Hauteclocque a besoin du GRB 1 pour donner corps à son ambition d’aller chercher dans les confins sahariens une première revanche des humiliations infligées à l’armée française durant la campagne de France.

Aristocrate influencé par l’Action française, Leclerc voit dans la défaite la sanction d’une dégénérescence morale53. Sa conception intransigeante et austère de la discipline militaire – qui jure avec la désobéissance collective qui a permis au Tchad son ralliement à la France libre – ne s’appuie pas seulement sur des fondements idéologiques. Elle résulte des observations qu’il a faites en tant que capitaine de cavalerie lors des combats contre l’armée allemande. Dans une note qu’il adresse à tous les officiers du RTST, il précise sa pensée :

L’instruction et l’entraînement des cadres et des hommes doivent être poussés sans arrêt dans le sens de la manœuvre et de l’offensive. Sous le feu, les hommes acquièrent vite des réflexes d’utilisation du terrain et de camouflage, mais beaucoup moins celui de la manœuvre et de la progression. Il est essentiel, en particulier, de ne pas tomber dans la paralysie générale, dès qu’un avion apparaît. Cette faute est une des causes principales de nos désastres en France. Quant à nous, quelles que soient les difficultés et les fatigues rencontrées, jamais nous ne devons céder au découragement si nous nous rappelons ces paroles que me disait, il y a six mois, un lieutenant-colonel allemand : après la victoire, nous nous arrangerons pour que la France ne puisse jamais recommencer la guerre54.

Le traumatisme de la troupe paralysée par les bombardements aériens est tel chez Leclerc que son biographe André Martel décèle chez lui la volonté d’organiser une Blitzkrieg55 en terrain colonial. Dès la préparation de la prise de Koufra, Leclerc cherche à mettre au point une coordination entre RTST et GRB 1 qui rappelle la façon dont les unités et l’aviation nazies avaient décimé la 4e Division d’infanterie où il servait en mai-juin 194056.

Il serait cependant erroné de réduire la stratégie des Français libres du Tchad à une simple vengeance contre la première troupe vulnérable de l’Axe à leur portée. La présence de l’ennemi italien aux frontières du Tchad représente en effet pour les autorités gaullistes à la fois une menace et une opportunité. En décembre 1940, si les Français libres veulent saisir l’opportunité de battre une infanterie fasciste considérablement affaiblie, ils n’en redoutent pas moins la menace aérienne que fait peser la Regia aeronautica (aviation italienne) sur les confins sahariens. Deux facteurs expliquent cette situation paradoxale : d’une part, la façon particulière dont la tutelle italienne sur le Sud libyen a été mise en place ; d’autre part, le retournement de situation militaire auquel le régime mussolinien fait face entre juin et septembre 1940. Le groupe d’oasis de Koufra, dans le Sud libyen, est d’ailleurs représentatif de cette double tendance.

Koufra est en effet une position défendue au début de l’année 1941 par 29 officiers et sous-officiers italiens et 273 Askaris (supplétifs indigènes)57. L’oasis et ses environs ont certes été annexés par les Italiens conformément à un décret du 6 novembre 1912 mais il a fallu attendre le 16 septembre 1931 pour que les couleurs du royaume d’Italie flottent sur le fort El Tag, la forteresse qui domine la région. Koufra était en effet un des derniers bastions de la Sanusiyya, une organisation en rébellion ouverte contre la domination italienne sur la Cyrénaïque et le Fezzan58. La conquête de l’Ethiopie par le régime fasciste en 1935-1936 ouvre de nouvelles perspectives impériales pour les postes sahariens car elle permet au régime fasciste de caresser l’ambition de créer un continuum de ses conquêtes au sud du Sahara. Si l’expansion coloniale italienne se poursuivait entre le Sahara et l’Afrique de l’Est, Koufra deviendrait un carrefour impérial à aménager, à moderniser et à peupler de colons venus d’Italie. Simultanément, l’aviation militaire est placée au cœur du projet colonial fasciste dans le Sud libyen. Inquiet de la vulnérabilité des familles italiennes qui viendraient s’y installer, Italo Balbo, un des rares dignitaires fascistes issus des rangs de l’armée de l’Air59, propose d’assigner à celle-ci une double mission : assurer les communications entre le Sahara et la métropole ainsi que réprimer des soulèvements indigènes60. Cette idée suscite d’autant plus l’attention que les ingénieurs italiens mettent au point en 1937 l’appareil de reconnaissance et de bombardement Caproni Ca. 309. Surnommé le Ghibli (qui est le nom d’un vent saharien), cet appareil très léger dispose d’un train d’atterrissage particulier qui lui permet de manœuvrer au sol en milieu désertique et d’un stabilisateur de vol capable d’orienter le tir de ses mitrailleuses en fonction de la forme des dunes61. À partir de cette date, les oasis libyennes sont donc aménagées en fonction des innovations et des besoins de la Regia Aeronautica et non plus selon les critères de l’infanterie coloniale. Les bâtiments militaires de l’oasis de Koufra sont d’ailleurs représentatifs de ces nouvelles logiques impériales. À partir de 1938, c’est non plus à l’intérieur du fort El Tag mais le long de la toute nouvelle piste d’atterrissage que sont construits les nouveaux hangars, arsenaux et casernements. Cet effort de modernisation coloniale reposant sur l’aviation militaire prouvera son efficacité par l’absurde en permettant au Commando Fronte Sud de conserver la maîtrise du ciel libyen et une capacité offensive en dépit des échecs du régime fasciste en Méditerranée de 1940. En effet, si l’Italie négocie à Villa Incisa en tant que puissance victorieuse, sa domination sur la Libye est simultanément en grand péril. Chargé par Mussolini d’atteindre le canal de Suez le 9 septembre 1940, Graziani voit sa tentative d’invasion échouer piteusement mais les troupes qu’il commande se trouvent contraintes de battre en retraite en territoire italien en raison de la contre-offensive britannique. Le bilan de deux mois et demi de combats le long du littoral de la Cyrénaïque est très lourd du côté italien puisque « Graziani a perdu 134 000 hommes (sur 170 000) dont 20 000 tués ou blessés, ainsi que 800 km de territoire et la quasi-totalité de ses blindés. Les Britanniques déplorent seulement 486 morts, 125 blessés et quelques centaines de prisonniers62. » Aux pertes humaines s’ajoutent de graves problèmes de ravitaillement des troupes fascistes. La priorité donnée par Mussolini à l’invasion de la Grèce à partir du 1er novembre 194063 et la destruction des bâtiments de la flotte italienne en Méditerranée suite au bombardement de Tarente par la RAF les 11 et 12 novembre 1940 dérègle le trafic maritime entre l’Italie et la Libye. Les défenseurs de Koufra ont donc fait eux aussi l’expérience de la défaite en 1940.

Le GRB 1 n’est pas essentiel aux FFL du Tchad uniquement pour contrer un ennemi italien dont les initiatives ne peuvent être qu’aériennes en décembre 1940. Les escadrilles des FAFL constituent des leviers décisifs pour affirmer la crédibilité des troupes à Croix de Lorraine face à leur allié britannique. Militairement parlant, la frontière entre le Tchad et la Libye n’intéresse guère les Britanniques en ce début d’année 1941. Il ne s’agit à leurs yeux que d’une petite marge isolée au sein de l’immense zone de combats sur laquelle s’impose l’autorité du Middle East Command que le général Wavell dirige depuis le Caire. Ce théâtre d’opérations est immense puisqu’il s’étend de l’Irak à la Libye, de la Grèce à la Côte des Somalis. Parce que le Royaume-Uni et le Japon ne sont pas encore en guerre, les autorités impériales de Londres y ont concentré dès l’été 1939 toutes les troupes venues des possessions d’Asie (notamment d’Inde) ainsi que les renforts qui arrivent des Dominions d’Australie, de Nouvelle-Zélande et d’Afrique du Sud. Au début de l’année 1941, 250 000 hommes combattent sous les couleurs britanniques64. L’avancée britannique est telle que, en janvier 1941, les oasis fortifiées du Sud libyen ne sont que des enclaves fascistes dénuées de toute possibilité de secours et de renforts. Selon Wawell, un simple commando devrait suffire à l’emporter65. Dans cette optique, est envoyée au Tchad une partie du Long Range Desert Group (LRDG) dirigé par le major Ralph Bagnold, unité irrégulière de 350 Européens dont l’objectif n’a jamais été de s’emparer de postes italiens dans le désert. Assiéger une garnison, investir un ouvrage fortifié, contrôler une région impliquent selon lui de perdre du temps et de l’énergie dans des opérations peu efficaces. Le but du LRDG est en réalité d’entretenir un sentiment d’insécurité profonde. Les raids foudroyants et les mouvements permanents ont pour finalité de désorganiser le dispositif italien dans le désert en donnant l’impression aux troupes de Mussolini que, même à des milliers de kilomètres de la zone des combats entre les forces de l’Axe et les troupes de l’Empire britannique, elles ne sont en aucun cas à l’abri d’un assaut. Contrairement aux FFL, l’ambition de Bagnold n’est donc pas de conquérir des positions dans le Sud Libyen mais de mettre à rude épreuve les nerfs des troupes fascistes en mettant ces dernières en alerte pour des offensives qui n’ont pas lieu66.

Une telle conception de la guerre irrégulière est insupportable à tous les chefs militaires gaullistes. Ils veulent démontrer que, malgré leur faible nombre, ils sont une armée souveraine et conventionnelle, cherchant à conquérir à faire flotter le drapeau à Croix de Lorraine sur des positions ennemies pour montrer à quel point ils sont des belligérants sérieux. La présence du GRB 1 au Tchad évite aux FFL de la colonie d’être réduits au rang de simple commando. Dès janvier 1941, les pilotes du GRB 1 sont envoyés en reconnaissance au-dessus du Sud Libyen. Les témoignages des hommes du capitaine Astier de Villatte reflètent tous le même étonnement à être engagés si précocement et si loin en territoire ennemi : aucun ne dispose de cartes complètes de la région. De même, les sources primaires des FAFL, comme les témoignages ultérieurs, mettent en avant que la planification du raid sur Koufra dévoile dès janvier 1941 trois faiblesses du GRB 1 qui fragilisent le projet de Leclerc de coordonner FAFL et GRB 1 pour s’emparer de Koufra. Tout d’abord, les aviateurs français libres n’ont pas d’information météorologique fiable. La seule station météo de l’Afrique française libre se trouve à Brazzaville et, par conséquent, les pilotes du Tchad n’ont pour seule ressource que les « prévisions anglaises vieilles de 24 heures67 ». En outre, l’approvisionnement du GRB 1 loin de sa base de Fort-Lamy s’avère particulièrement complexe. Comme l’affirme le capitaine d’Astier de Villatte :

Au 30 janvier [1941], il manquait notamment la presque totalité des bombes [illisible], le matériel de chargement des bombes, le matériel de couchage et une grande partie des vivres. Un [avion de transport] Bombay mis à la disposition des FFL par la RAF a pu monter les bombes manquantes de Faya à Ounianga68.

En outre, les navigateurs français libres venus d’Angleterre ont été affectés au Tchad en décembre 1940 sans avoir reçu la moindre formation pratique puisque les personnels techniques les plus expérimentés en matière de navigation aérienne étaient alors tous mobilisés par la bataille d’Angleterre69.

Le 6 mars 1941, le GRB 1 quitte définitivement l’AFL70 : Koufra a été prise mais uniquement par le RTST. Si la participation du GRB 1 à l’offensive Leclerc se traduit par la « destruction de tout le soutien aérien italien 71», les faiblesses structurelles des FAFL du Tchad demeurent un obstacle sur lequel le commandant français libre ne cessera de buter jusqu’en janvier 1943. Les mots violents que Leclerc ne cessera de décocher par la suite contre l’aviation militaire s’explique sans doute par le fait que, sur les routes de Koufra, le spectre de la défaite a plusieurs fois menacé son projet de revanche. Demeure cependant, dans l’imaginaire guerrier de Philippe de Hauteclocque, la conviction que le traumatisme de la défaite ne peut être surmonté si le commandement s’avère incapable d’intégrer dans un dispositif commun des unités ayant chacune une expérience différente des combats de juin 1940. Les mirages de revanche immédiate dans les confins sahariens joueront sans doute un rôle important au moment de la création de la Deuxième Division blindée.

Mais il importe finalement de dépasser le cadre tchadien. L’expérience des FAFL du Tchad permet d’aborder la dimension aérienne d’un angle mort de l’historiographie du phénomène guerrier : peut-on ne pas sortir de la guerre alors que, pourtant, la défaite devrait y conduire ? Telle est la question fondatrice du gaullisme qui, dès juin 1940, cherche à canaliser, utiliser, politiser ce désir de guerre en orchestrant un blocage de la démobilisation et en convainquant certains acteurs isolés qu’ils peuvent refuser de subir le processus que le pouvoir vichyste cherche à leur imposer. Cet horizon du gaullisme de guerre ne se concrétise pour les forces aériennes à Croix de Lorraine qu’à partir du 1er juillet 1941. De ce jour commence l’« affirmation72 » des FAFL, qui échappent à la tutelle de l’amiral Muselier et des FNFL pour passer sous le commandement du colonel Martial Valin. L’« action déterminante73 » de ce dernier fait en effet des FFL une arme politique aux mains du général de Gaulle pour affirmer dans les airs la souveraineté française libre.

Notes

1 Laborie Pierre, « La défaite : usages et masques du déni », in Cabanel Patrick et Laborie Pierre (dir.), Penser la défaite, Privat, Toulouse, 2002, pp. 10-11. Retour au texte

2 Venayre Sylvain, La Gloire de l’aventure. Genèse d’une mystique moderne 1850-1940, Aubier, Paris, 2002, p. 17. Retour au texte

3 Certains territoires coloniaux sont toutefois des exceptions à ce constat. Pour une comparaison internationale, voir Omissi David, Air Power and Colonial Control: the Royal Air Force, 1919-1939, Manchester University Press, Manchester, 1990, 288 pages. Retour au texte

4 Christienne Charles, « Typologie et motivation des Forces aériennes françaises libres », Recueil d’articles et études (1984-1985), Service historique de l’armée de l’Air, Vincennes, 1991, p. 110. Retour au texte

5 Pernot François, « Les Forces aériennes françaises libres en 1941, motivations des engagés et création des premiers groupes », in actes du colloque L’année 1941 en Europe, La mondialisation du conflit, CRHQ – Université de Caen, Mémorial de Caen « Un musée pour la Paix », édition du Lys, 1991, 208 pages, p. 124. Retour au texte

6 Vincent Jean-Noël, Les Forces françaises libres dans la lutte contre l’Axe en Afrique. Les Forces françaises libres en Afrique (1940-1943), Vincennes, éditions du Service historique de l’armée de Terre, 1983, p. 52. Retour au texte

7 Christienne Charles et Lissarague Pierre (dir.), Histoire de l’aviation militaire française, Paris, Lavauzelle, 1980, p. 412. Retour au texte

8 Ibid., p. 414. Retour au texte

9 Buffotot Patrice, « Les Forces françaises libres en Afrique. L’escadrille “Topic” du GRB 1 à Koufra en février 1941 », Revue Historique des Armées, 1980/2, p. 172. Retour au texte

10 Garraud Philippe, « Pour une étude extensive du personnel navigant des FAFL : sources, méthode, obstacles et limites », in Harismendy Patrick et Le Gall Erwan, Pour une histoire de la France libre, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2010, p. 62. Retour au texte

11 Ibid. p. 66. Voir Baldini Charles, « Les pilotes de chasse de la France libre : portraits et spécificités », Guerres mondiales et conflits contemporains, 2013/4, n° 252, pp. 81-93. Retour au texte

12 Pernot François, « Les FAFL : une étude de motivation », Revue historique des Armées, n° 2/1990, p. 116. Retour au texte

13 Ibid. Retour au texte

14 Ibid., p. 117. Retour au texte

15 d’Abzac-Epezy Claude, L’Armée de l’Air des années noires. Vichy 1940-1944. Paris, Economica, 1998, p. 58. Retour au texte

16 Ibid., p. 59. Retour au texte

17 Pernot François, « Les Forces aériennes françaises libres en 1941 […] », op. cit., p. 127. Retour au texte

18 Thomas Martin, The French Empire at War 1940-1945, Manchester University Press, Manchester, 2005, p. 315. Retour au texte

19 Recensement du territoire du Tchad en 1939. Dossier 7I, Fonds F22-16, Fondation Charles de Gaulle (Paris). Retour au texte

20 « Notes sur les travaux du Tchad » par l’ingénieur Ruais en date du 20 mars 1940. Dossier 3, Fonds F22-16, Fondation Charles de Gaulle (Paris). Retour au texte

21 Ibid. Retour au texte

22 « Compte-rendu du Lieutenant d’aviation Mouton, auparavant commandant du détachement aérien du Tchad, au sujet des événements ayant abouti au rattachement du Tchad au mouvement de la “France libre” en date du 23 septembre 1940 (Zinder) », Dossier d’instruction « Adolphe Éboué », Audience du 5 juin 1941 de la Cour martiale de Gannat, Dépôt central des Archives de la justice militaire (Le Blanc). Retour au texte

23 « Souvenirs du ralliement du Tchad à la France libre » par Mercier Jean, dossier « Enquête Legoux-Pleven », Archives de l’ordre de la Libération (Paris). Retour au texte

24 Voir Létang Géraud, Mirages d’une rébellion. Être français libre au Tchad (1940-1943), Institut d’études politiques de Paris, Thèse de doctorat en histoire sous la direction de Guillaume Piketty, soutenue le 29 novembre 2019, pp. 172-185. Retour au texte

25 « Souvenirs du ralliement du Tchad à la France Libre » par Jean Mercier, dossier « Enquête Legoux-Pleven », Archives de l’Ordre de la Libération (Paris). Retour au texte

26 « Souvenirs du capitaine Combes », dossier « Enquête Legoux-Pleven », Archives de l’ordre de la Libération (Paris). Retour au texte

27 Ramognino Pierre, L’Affaire Boisson. Un proconsul de Vichy en Afrique, Les Indes Savantes, Paris, 2006, p. 77. Retour au texte

28 « Rapport de l’administrateur en chef Louis Michel et de l’administrateur adjoint André Micheau sur les événements survenus à Fort-Lamy depuis l’Armistice jusqu’au 31 août 1940 », Dossier d’instruction « Adolphe Éboué », Audience du 5 juin 1941 de la Cour martiale de Gannat, DCAJM (Le Blanc). Retour au texte

29 Manuscrit « On n’attache pas un Français Libre, ou la vie du général Ingold par Gérard Ingold », Dossier « Ingold », Archives de l’ordre de la Libération (Paris). Retour au texte

30 Crémieux-Brilhac Jean-Louis, La France libre. De l’Appel du 18 juin à la Libération de Paris, Gallimard, Paris, 1996, p. 108. Retour au texte

31 Voir Létang Géraud, « La promesse de l’ordre. Quête de crédibilité militaire et imaginaires du commandement », in Miot Claire, Piketty Guillaume et Vaisset Thomas (dir.), Militaires en Résistance. Presses Universitaires du Septentrion, Villeneuve d’Ascq, 2020, pp. 15-26. Retour au texte

32 « Compte-rendu du Lieutenant d’aviation Mouton », op. cit. Retour au texte

33 Ibid. Retour au texte

34 Ramognino Pierre, op. cit., pp. 103-110. Retour au texte

35 Cf. Létang Géraud, « Traque impériale et répression impossible. Vichy face aux Français libres du Tchad », European Review of History / Revue européenne d’histoire, n° 25/2, février 2018, p. 277-294. Retour au texte

36 Lettre du commandant Carretier au gouverneur général de l’AÉF du 6 septembre 1940. Dossier « Commandement », dossier 4D57, Série 4D, Service historique de la Défense (Vincennes). Retour au texte

37 Ibid. Retour au texte

38 Ibid. Retour au texte

39 Astier de Villatte Jean, « Le Groupe de bombardement n° 1 », La revue de la France libre, n° 29, juin 1950 (consulté en ligne le 13 mars 2021 : https://www.france-libre.net/groupe-bombardement-1/). Retour au texte

40 Oulmont Philippe, « Le haut-commissaire de l’Afrique française libre (1940-1941) », in Oulmont Philippe (dir.), Larminat. Un fidèle hors-série, LBM, Paris, 2008, p. 75. Retour au texte

41 Cf. Ebako Eliane, Le ralliement du Gabon à la France libre. Une guerre franco-française (septembre-décembre 1940, Thèse de doctorat sous la direction de Jean Martin, université Paris IV, 2004, 386 pages. N’nang Ndong Léon Modeste, L’Effort de guerre de l’Afrique. Le Gabon dans la Deuxième Guerre mondiale (1939-1947), L’Harmattan, Paris, 2011, 284 pages. Retour au texte

42 Buffotot Patrice, « Les Forces françaises libres en Afrique. L’escadrille “Topic” du GRB 1 à Koufra en février 1941 », Revue Historique des Armées, 1980/2, p. 172. Retour au texte

43 Gary Romain, La Promesse de l’aube, Folio, Paris, 2010 [1960], p. 353. Retour au texte

44 Béné Charles, Carnet de route d’un rat du désert alsacien de la France libre, Fetzer, Raon-L’Etape, 1991, p. 331. Retour au texte

45 de Pange Jean, Nous en avons tant vu… (1940-1945). De Koufra au Normandie-Niemen, éditions Serpenoise, Metz, 1994, p. 167-168. Retour au texte

46 Ibid. Retour au texte

47 Lettre de Claude Hettier de Boislambert à Leclerc le 3 septembre 1940. Boîte n° 6a, chemise n° 1. Mémorial du maréchal Leclerc de Hauteclocque et de La Libération de Paris – Musée Jean Moulin (Paris). Retour au texte

48 de Pange Jean, Op. cit., p. 100. Retour au texte

49 Lettre de Leclerc à Cournarie le 26 novembre 1940. Boîte n° 6a, chemise n° 1. MMLHLP- MJM (Paris). Retour au texte

50 Lettre de Koenig à Leclerc du 4 décembre 1940. Boîte n° 6a, chemise n° 1. MMLHLP- MJM (Paris). Retour au texte

51 Notin Jean-Christophe, Leclerc, Perrin, Paris, 2005, pp. 688-690. Retour au texte

52 Vincent Jean-Noël, op. cit., pp. 270-285. Retour au texte

53 « Juin-Août 1940 à Fort-Lamy », récit rédigé en mai 1984, dossier « Enquête Legoux-Pleven », Archives de l’ordre de la Libération (Paris). Retour au texte

54 Béné Charles, op. cit., p.141. Retour au texte

55 Martel André, op. cit., p. 228. Retour au texte

56 Ibid. Retour au texte

57 Massu Jacques, Sept ans avec Leclerc, Plon, Paris, 1974, p. 37. Retour au texte

58 Triaud Jean-Louis, « Les métamorphoses d’une confrérie : le cas de la Sanusiyya », Annuaire de l’Afrique du Nord, tome XXXVIII, CNRS éditions, Paris, 1994, p. 281. Retour au texte

59 Gooch John, Mussolini and his generals. The Armed Forces and the Fascist Foreign Policy.1922-1940, Cambridge University Press, Cambridge, 2007, p. 388. Retour au texte

60 Rainero Romain, « Le Serment de Koufra ». Regards italiens sur la campagne saharienne de Leclerc, Publisud, Paris, 2010, p. 34. Retour au texte

61 Knox Macgregor, Hitler’s Italian allies. Royal Armed Forces, Fascist Regime and the War of 1940-1943, Cambridge University Press, Cambridge, 2009, pp. 32-33. Retour au texte

62 Schiavon Max, Mussolini. Un dictateur en guerre, Perrin, Paris, 2016, p. 163. Retour au texte

63 Knox Macgregor, op. cit., p. 80. Retour au texte

64 Johnston-White Iain, The British Commonwealth and Victory in the Second World War, Palgrave Macmillan, Londres, 2016, pp. 205-249. Retour au texte

65 Télégramme du général de Larminat au commandant militaire de Fort-Lamy en date du 24 décembre 1940. Dossier « Mourzouck Koufra », 6H19, SHD (Vincennes). Retour au texte

66 Gordon John, op. cit., p. 53. Retour au texte

67 Note de service du colonel Carretier du 5 janvier 1941. Dossier « Commandement », dossier 4D57, SHD (Vincennes). Retour au texte

68 « Compte-rendu des opérations aériennes sur Koufra » par le capitaine Astier de Villatte. Dossier « Commandement », dossier 4D57, Série 4D, SHD (Vincennes). Retour au texte

69 Ibid. Retour au texte

70 Patrice Buffotot. op. cit. p. 184. Retour au texte

71 François Pernot. « Les Forces aériennes françaises libres en 1941, motivations des engagés et création des premiers groupes », op. cit. p. 127. Retour au texte

72 Ibid. Retour au texte

73 Ibid. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Géraud Létang, « Spectre de la défaite et mirage de la revanche. Conséquences coloniales et aériennes de la bataille de France au Tchad (juin 1940-janvier 1941) », Nacelles [En ligne], 10 | 2021, mis en ligne le 10 mai 2021, consulté le 29 mars 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/1275

Auteur

Géraud Létang

Chercheur au Service historique de la Défense de Vincennes.
geraud.letang@sciencespo.fr