Félix Amiot (1894-1974) : une figure originale de grand entrepreneur, de la construction aéronautique à la construction navale

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Félix Amiot, Aéronautique, Industrie, Biographie, Construction navale

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Soutenue en décembre 2015, ma thèse eut pour objet de retracer la vie de Félix Amiot, un industriel au parcours atypique et relativement méconnu, surtout concernant son activité dans l’aéronautique. Voici un résumé et une mise en perspective des problématiques soulevées par mon étude.

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Félix Amiot à la barre de son yacht à la fin des années 1940

Archives personnelles de la Famille Amiot-Lang

Parcours atypique d’un industriel de l’aéronautique reconverti dans la construction navale

Né à Cherbourg (50) le 17 octobre 1894, Félix Amiot y poursuit son cursus scolaire, puis, suite au décès de son père, déménage avec sa famille en 1908 à Issy-les-Moulineaux (92), au moment même où les premiers pionniers de l’aviation, comme Henri Farman ou Gabriel Voisin, s’y installent1.

Autodidacte passionné de mécanique, Félix Amiot se lance dans la réalisation d’un avion en 1912-1913, l’Amiot 01, ce qui le place à une époque charnière, appartenant à la fois aux derniers expérimentateurs de l’aviation et à la première « relève » de ceux-ci devenus industriels de l’aéronautique.

Engagé volontaire en septembre 1914, Félix Amiot rejoint le front, puis est, en octobre 1915, détaché à l’arrière à Issy-les-Moulineaux auprès d’un sous-traitant de l’avionneur Morane-Saulnier2. En mars 1916, il obtient le soutien financier des frères Wertheimer rencontrés sur le front et héritiers des parfums Bourjois, et de leurs cousins les Fribourg. Ensemble, ils fondent la SECM - Société d’Emboutissage et de Constructions Mécaniques - qui produit sous licence ou répare des avions de différentes marques dans son atelier, avenue des Ternes à Paris, puis, à partir de 1918, à Colombes (92).

Après un formidable essor, l’industrie aéronautique plonge dès novembre 1918 dans une grave crise, fatale à la plupart des sociétés aéronautiques3. La SECM survit à cette restructuration grâce à la sous-traitance et au développement de modèles propres (Amiot XXIII, Amiot 120, Amiot 143) et s’accroît en 1929 avec le rachat de l’usine Latham à Caudebec-en-Caux (76). De 1930 à 1934, la SECM intègre la Société Générale Aéronautique, groupement de constructeurs privés autour du motoriste Lorraine.

Les modèles de la SECM s’illustrent dans des raids aériens et grâce aux commandes de l’armée, installent la société parmi les grands noms de l’aéronautique de l’entre-deux-guerres, aux côtés de Bloch, Potez ou Dewoitine. En 1937, la SECM est partiellement nationalisée et perd, dans le cadre de la politique menée par le ministre de l’Air Pierre Cot, son usine de Caudebec-en-Caux.

La fin des années 1930 marque l’apogée de la carrière aéronautique de Félix Amiot : l’Amiot 370, basé sur la recherche de la meilleure aérodynamique, bat une dizaine de records de vitesse entre 1937 et 1939 ; le prototype de bombardier Amiot 340 sert à transporter le chef de l’armée de l’Air en visite en Allemagne en 1938 ; la version finale, le bombardier Amiot 351/354, est commandée à plusieurs centaines d’exemplaires par l’armée de l’Air.

Mais la guerre va changer la donne. Non préparée à l’afflux soudain de commandes, la SECM installe en urgence une nouvelle usine à Cherbourg, bouleversant la production de l’Amiot 351/354 dont le retard s’accumule et s’aggrave, à cause des modifications incessantes demandées au constructeur par l’armée. Sur les centaines d’avions commandés, seuls cinq sont livrés en avril 1940 et une soixantaine sortent des chaînes avant l’Armistice de juin 1940. Sa position pendant l’occupation apparaît ambiguë : il est pris entre la collaboration au programme aéronautique allemand sur demande de Vichy et son opposition à l’occupant, par la soustraction de son bureau d’étude et sa main d’œuvre au STO et par son soutien au réseau de Résistance dans ses usines ou encore à la protection des biens des Wertheimer. Il est ainsi inquiété par Vichy comme responsable de la défaite, puis par les Allemands à propos de la fausse aryanisation de Chanel et Bourjois, on l’accuse aussi de collaboration à la Libération. Arrêté en septembre 1944, puis libéré, il perd cependant son usine de Colombes, réquisitionnée depuis novembre 1944, lors d’une vente à l’amiable à l’État en décembre 1945.

Privé de son usine et conscient du retard français dans l’aéronautique, Félix Amiot se replie sur Cherbourg, où il se reconvertit dans la construction navale : son usine, devenue CMN (Constructions Mécaniques de Normandie), à proximité immédiate de la mer, est équipée d’un slipway de mise à l’eau, vestige de ses rêves d’hydravions transatlantiques ; il y bénéficie du soutien de la municipalité et du contexte de reconstitution des flottilles de pêche.

C’est donc par les chalutiers que Félix Amiot débute dans la construction navale, en y introduisant ses idées et son expérience issues de l’aéronautique. La construction en bois devient la spécialité du chantier dans les années 1950 avec le lancement de dragueurs de mines. Le début de la décennie suivante voit une diversification des activités et de la sous-traitance. La situation change en 1965 avec le marché des vedettes lance-missiles israéliennes. Conçues à partir de plans du chantier allemand Lürssen, spécialiste de ce type de navires, celles-ci ouvrent de nouveaux marchés à Félix Amiot qui développe sa propre version : la Combattante II.

Le coup médiatique de « l’affaire des Vedettes de Cherbourg4 » assure une publicité mondiale aux CMN qui voient leur carnet de commandes gonfler : 20 Combattante II vendues en 1970, puis de nouveau 28 Combattante II en 1974, année de la disparition de Félix Amiot. Voici rapidement retracés la vie et le parcours de Félix Amiot.

Le traitement du parcours de Félix Amiot

Au travers du titre : « Une figure originale de grand entrepreneur, de la construction aéronautique à la construction navale », l’objectif est de dépasser la simple évocation chronologique des faits marquants du parcours d’un homme dans le cadre d’une biographie et de les questionner en y recherchant et analysant les éléments déterminant l’orientation prise par la carrière de Félix Amiot.

L’énoncé de la vie et du parcours de cet industriel nous permettent de soulever des pistes de réflexions :

- l’importance du contexte. Félix Amiot accède au milieu aéronautique entre deux périodes charnières : la transition des expérimentations du vol vers la constitution d’une industrie aéronautique entre 1910 et 1914, qu’il peut admirer « au jour le jour » par son installation à Issy-les-Moulineaux, principal cœur de l’activité aéronautique en France ; et la Première Guerre mondiale avec l’exceptionnel essor que connait l’industrie aéronautique suite au rôle majeur pris par l’avion dans le conflit.

- la rencontre avec un mécène. Au début de sa vie, Félix Amiot ne dispose pas de capitaux suffisants pour se lancer dans l’aventure aéronautique, réservée alors à la grande bourgeoisie5. Les rencontres et liens noués peu avant et au cours du conflit vont lui permettre de construire un premier avion, l’Amiot 01, de déposer des brevets et surtout de lancer sa propre société aéronautique.

- les compétences techniques et entrepreneuriales de Félix Amiot. Pour attirer l’attention de personnes prêtes à miser des capitaux sur ses projets, celui-ci doit démontrer ses capacités dans le domaine technique. Il dispose d’une formation scolaire sommaire et se distingue des industriels de sa génération, ayant tous bénéficié des enseignements dispensés par les premières structures destinées à former les ingénieurs de l’aéronautique comme l’Ecole Breguet et surtout « SUPAERO6 ». C’est en autodidacte qu’il se lance dans la réalisation d’un avion en 19127.

La reconversion réussie, élément d’originalité du parcours de Félix Amiot

Félix Amiot est successivement un constructeur aéronautique (1916-1945) puis un constructeur naval (1945-1974). Cette césure rend son parcours atypique, d’autant qu’il consacre un temps à peu près équivalent à chacun de ces deux domaines et qu’il en retire une réussite et une reconnaissance analogues et exposant la porosité entre les 2 activités sur le plan technique. L’originalité de son parcours tient dans la réussite de cette reconversion. En effet, se reconvertir est un fait commun à de nombreuses sociétés aéronautiques, au gré des restructurations et des crises, comme celle qui touche la construction aéronautique au sortir du conflit et jusqu’au milieu des années 1930 ; à l’image du pionnier Gabriel Voisin qui abandonne l’aviation pour l’automobile de luxe8, ou encore Marcel Bloch quittant temporairement l’aéronautique9, y revenant dès 1928 avec le soutien actif du Ministère de l’Air dont il appuie la politique, liens lui garantissant une place de choix dans l’aviation d’après-guerre sous le nom de Dassault.

Quant à Félix Amiot, après avoir été « un grand de l’aéronautique » pendant les années 1930, il devient, dès la fin des années 1950, un constructeur naval réputé au niveau national et international dans le créneau des navires en bois ou en acier d’un tonnage inférieur à 1 000 tonnes. Il doit cette réussite à la fois aux avancées qu’ils proposent, ainsi qu’à sa proximité avec les acteurs influents de ce domaine (industriels, ministres, grands officiers de la Marine).

Au début des années 1970, les CMN – régulièrement nommées « chantier Félix Amiot » – sont l’un des leaders mondiaux dans la construction de petits navires de guerre rapides grâce à leur modèle : le patrouilleur lance-missiles type Combattante II, qui fut produit à plus de 80 exemplaires jusqu’au milieu des années 1980 et en service dans plus d’une dizaine de marines à travers le monde10.

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Félix Amiot (3e à partir de la gauche) discutant avec des officiers de la Marine Nationale devant la maquette d’une Combattante II lors d’un salon naval

Archives personnelles de la Famille Amiot-Lang

Choix des axes d’analyses et présentation des sources

Plus que la réussite de cette reconversion, c’est bien l’analyse de ses mécanismes qui nous intéresse, nous amenant à prendre l’exemple de Félix Amiot comme « prisme » pour exposer des questionnements qui dépassent son cas particulier. Parmi ces questionnements, retenons trois grands axes :

1) l’importance des réseaux et des rencontres ;

2) la question de l’attitude des patrons pendant l’Occupation ;

3) l’impact des relations entre le parcours d’un industriel et l’État.

La pertinence du choix de Félix Amiot pour aborder ces problématiques trouve sa justification au travers de la variété des activités présentes dans son parcours, qui, en dehors de l’aéronautique et de la construction navale, ont vu cet industriel s’impliquer aussi dans les moteurs, l’agriculture, la pêche, … Mais surtout, en raison de la quantité des sources disponibles pour retracer son parcours, en premier lieu, grâce aux archives des sociétés du groupe Amiot, conservées au Service Historique de la Défense de Cherbourg.

Ce fonds d’archives, déposé en 1987, regroupe l’ensemble des documents conservés par la société depuis 1916, ainsi qu’une partie des archives privées de Félix Amiot (correspondances, actions, factures, discours, propriétés). Très complet, ce fonds présente cependant des lacunes sur les premières années de l’entreprise qui ont disparu lors de l’incendie de l’usine de Colombes en juin 1940 ou ont été confisquées par les Allemands.

S’y ajoutent les archives de l’État Français. Le Service Historique de la Défense détient des informations sur les marchés passés, mais aussi sur les recommandations techniques. Les Archives Nationales disposent des dossiers sur la société, mais surtout sur les différentes affaires judiciaires impliquant Félix Amiot.

Les sources imprimées ne sont pas à négliger : les articles de presse nous donnent ainsi la perception des contemporains sur les actions de Félix Amiot. Citons des journaux comme Ouest-éclair devenu Ouest-France ou encore L’Humanité, sans oublier les journaux spécialisés comme Les Ailes ou L’Aérophile, tous aisément consultables grâce à leurs numérisations par la BNF au travers de Gallica.

Autres sources essentielles pour retracer le parcours d’un industriel : les brevets, disponibles en ligne via la base de données de l’Office Européen des Brevets et de l’INPI11.

Dernier support pour l’étude : les sources audiovisuelles conservées par l’INA, l’ECPAD ou encore Pathé-Gaumont.

Face aux limites d’un plan chronologique ou d’un plan sectoriel, j’ai opté pour une solution intermédiaire en traitant le sujet au travers de trois grands thèmes :

- Contextes du parcours industriel de Félix Amiot,

- Relations et réseaux comme déterminants d’un parcours professionnel et personnel,

- Confrontations aux bouleversements politiques de son temps et aux interventions de l’État.

Présentation du plan choisi

La première partie permet de faire connaissance avec Félix Amiot en présentant ses origines et le début de son parcours dans l’aéronautique, fortement conditionné par le contexte de la Première Guerre mondiale et l’accueil reçu par son activité au sein de cette industrie nouvelle. Elle décrit son talent d’ingénieur et l’importance que revêt l’innovation technique dans son parcours et est suivie d’une présentation de son groupe industriel et des stratégies mises en place par Félix Amiot pour le gérer et le développer.

La deuxième partie met en évidence l’importance prise par les rencontres faites par Félix Amiot pendant son parcours en recensant plusieurs réseaux développés. Les plus proches et les plus déterminants dans son activité furent l’apport financier et la mise à disposition du réseau des frères Wertheimer. Vient ensuite le cas de l’entourage de Félix Amiot : les collaborateurs au sein de son groupe industriel et le maintien des réseaux noués pendant l’enfance ou en lien avec sa ville natale, Cherbourg. Une ville qui bénéficie, à son tour, des relations de Félix Amiot pour assurer son développement économique.

La fin de ce développement aborde la variété des réseaux tissés par Félix Amiot pour assurer l’activité de ses sociétés auprès des industriels et surtout des milieux politiques ainsi que des utilisateurs de ses productions : les cadres de l’armée de l’Air ou de la Marine.

Enfin, la dernière partie s’intéresse à deux aspects marquants de son parcours : à savoir la Deuxième Guerre Mondiale et les rapports entre un industriel et l’État.

La période de l’Occupation, bien renseignée par les archives et par sa correspondance personnelle, permet de souligner la situation unique et complexe de son groupe industriel : collaboration « contrainte » pour la SECM, mais résistance active pour les CAN en Zone Libre. Cette complexité se retrouve pour son cas personnel : il a la volonté de protéger son personnel et les biens des Wertheimer, impliquant parfois des compromissions, tout en répondant aux sollicitations des membres de son réseau, morcelés politiquement.

L’étude du parcours de Félix Amiot est indissociable des rapports qu’il entretient avec l’État et ses administrations dont les aléas de choix politiques, favorables ou non, ont de fortes répercussions sur le destin de son groupe industriel, à l’image de la nationalisation de la SECM et de sa reconversion dans la construction navale, révélant ainsi, dans le cas de Félix Amiot, la forte dépendance aux décisions de l’État, celui-ci restant l’un des premiers clients et dont l’aval est nécessaire pour toute exportation.

Félix Amiot, un prisme de connaissance sur les entrepreneurs de son domaine

L’étude du parcours de Félix Amiot s’est révélé un formidable exemple pour mettre à jour les prérequis nécessaires aux entrepreneurs de son temps, dans ses domaines d’activités :

- posséder des compétences techniques et d’organisations pour se démarquer et obtenir des capitaux et des commandes ;

- créer et entretenir des liens forts avec les différents acteurs de son activité, en particulier avec les élus, les hauts fonctionnaires et les utilisateurs que sont les officiers de l’armée de l’Air ou de la Marine ;

- mettre à profit ses bonnes relations avec les milieux précités pour faire pencher les décisions de l’État en faveur de ses intérêts.

Bien que Félix Amiot ait connu des déconvenues en utilisant ces trois stratégies, celles-ci lui ont permis de devenir un grand entrepreneur au niveau national, un ingénieur-constructeur reconnu au niveau international et une figure économique incontournable dans l’histoire de Cherbourg au XXe siècle, où son souvenir reste vivace depuis sa disparition. L’exemple en est donné par cet extrait du discours d’inauguration à son nom du boulevard bordant son usine, par Jacques Hébert, Maire de Cherbourg, en 197612 :

« (…) Madame, je n’ai pas parlé du grand industriel que fut votre mari, ni du patron toujours soucieux du plan de charge de son entreprise, ni du chef parfois très exigeant, mais bien plus souvent fort bienveillant et compréhensif si j’en juge par les déclarations de ses collaborateurs, ni de l’homme éminent sagace et tenace qui, pour obtenir un contrat, lorsqu’il était mis à la porte, savait rentrer par la fenêtre comme me le déclarait un jour un ancien Chef d’État-Major de la Marine.

(…) Ses qualités que j’ai soulignées m’ont semblé plus importantes et plus exemplaires pour nos concitoyens, surtout pour nos jeunes, car ce sont eux qui se demanderont plus tard qui était Félix Amiot. Nous, nous savons qu’il fut avant tout un grand ingénieur qui s’était fait lui-même, un précurseur qui sut deviner l’évolution de son époque, un organisateur hors pair qui, malgré des difficultés considérables n’abdiqua jamais, un homme enfin qui fit honneur à Cherbourg.

Il fut flatté et admiré quand il connut la réussite. Il fut critiqué et dénigré quand il connut l’échec. Plus que d’autres il eut des amis et sans doute quelques ennemis, cela fait partie de la condition humaine de ceux qui osent entreprendre. Mais il resta toujours à l’avant du navire : n’en est-il pas ainsi des figures de proue qui, avec hardiesse, malgré vents et tempêtes, fendent la mer nouvelle toujours recommencée et rejettent loin en arrière l’écume de l’ordinaire. »

La redécouverte d’une figure aujourd’hui méconnue de l’aéronautique

Si son nom reste associé à la construction navale de part ses « vedettes de Cherbourg », il demeure cependant largement méconnu dans la mémoire de l’aéronautique par rapport aux autres grands constructeurs de son temps : Bloch-Dassault, Potez ou Dewoitine. De plus, la quasi-totalité des raids, records, ou encore pilotes pouvant y être associés a, lui, été quasiment « occulté » des connaissances communes dans ce domaine. Pensons au pilote Maurice Rossi, l’un des grands pilotes de records de son temps, qui a aujourd’hui totalement « disparu » de cette « mémoire collective » et ce, malgré l’important « battage médiatique » dont il bénéficia. De même, en nous écartant du domaine historique pour celui de l’uchronie, nous pourrions nous interroger sur sa place dans la mémoire aéronautique, si les Polonais Idzikowski et Kubala, pilotant l’Amiot 123, avaient réussi leur tentative de traversée de l’Atlantique en 1928… Le souvenir de Félix Amiot, comme constructeur aéronautique, aurait été certainement tout autre.

À travers ma thèse, j’ai tenté de rappeler ces exploits, ces personnes, ces succès, ces drames, ces avions qui ont forgé le parcours de grand entrepreneur qu’a été Félix Amiot et qui sont devenus des « grands noms disparus » – tel que le présentait Jean Liron, concluant ainsi sa série d’articles publiés en 196213 :

« L’avion (Amiot 358) disparut définitivement, tout comme devait disparaître le 370, rayant définitivement du ciel le nom d’Amiot, précurseur aux idées trop personnelles. »

La « disparition du ciel » des avions Amiot aboutit à l’oubli de leur créateur, tant pour l’aéronautique que pour la mémoire de l’aviation, auprès du grand public ou des chercheurs. Et pourtant son apport à l’aéronautique fut conséquent dans la période de l’entre-deux-guerres par ses brevets, ses innovations et ses idées, parfois à contre-courant avec son temps.

Il en va autrement pour la construction navale : les CMN sont toujours en activité à Cherbourg où ils conservent une place de choix dans l’industrie navale.

Notes

1 BARBIER Agnès, Issy, berceau de l’aviation : exposition présentée au théâtre municipal et au musée d’Issy-les-Moulineaux, 27 avril-20 juin 1982. Retour au texte

2 Archives Départementales de Paris, Feuillet matricule de Félix Amiot, classe 1914, matricule 5383. Retour au texte

3 À la fin de 1919, l’industrie aéronautique n’emploie plus que 10 000 personnes, 18 fois moins qu’un an auparavant ! Chadeau Emmanuel, L’industrie aéronautique en France 1900-1950, Fayard, Paris, 1987, p. 153. Retour au texte

4 Lecarpentier Justin, Rapt à Cherbourg. L’affaire des vedettes israéliennes, Éditions L’ancre de Marine, Louviers, 2010. Retour au texte

5 ROBENE Luc, L’homme à la conquête de l’air : des aristocrates éclairés aux sportifs bourgeois. Tome 2, L’aventure aéronautique et sportive 19e-20e siècles, L’Harmattan, Paris, 1998. Retour au texte

6 L’École Supérieure d’Aéronautique et de Construction Mécanique » fondée en novembre 1909 par Jean-Baptiste Roche à Paris. http://bibliotheques.isae.fr/fr/patrimoine/histoire_supaero/supaero_1909_1918.html consulté le 7 novembre 2016 Retour au texte

7 Notons que cet avion, seul survivant de son parcours aéronautique, est conservé dans les réserves du Musée de l’Air du Bourget depuis 1986 suite au don par la famille Amiot. Retour au texte

8re Emmanuel, Gabriel Voisin ou Le pionnier magnifique, Nanton, Éd. Hérode, 2002. Retour au texte

9 Carlier Claude, Marcel Dassault: la légende d’un siècle, Paris, Perrin, 1992, page 40. Retour au texte

10 Patard Frédéric, L’aventure Amiot-CMN. Des hommes, le ciel et la mer, Mayenne, Éditions des champs, 1998. Retour au texte

11 http://bases-brevets.inpi.fr/fr/accueil.html, consulté le 7 novembre 2016. Retour au texte

12 SHD Cherbourg, Fonds Amiot CMN 5P1 : « Historique du groupe industriel Amiot de 1916 à 1976 ; Biographie de Félix Amiot et hommage à l’occasion de son décès ; inauguration du boulevard Félix Amiot, réalisation d’un buste » Retour au texte

13 Liron Jean, « un grand nom disparu AMIOT – SECM (14) », Aviation Magazine International n°348, 1er juin 1962. Retour au texte

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Citer cet article

Référence électronique

Justin Lecarpentier, « Félix Amiot (1894-1974) : une figure originale de grand entrepreneur, de la construction aéronautique à la construction navale », Nacelles [En ligne], 1 | 2016, mis en ligne le 01 novembre 2016, consulté le 25 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/222

Auteur

Justin Lecarpentier

Docteur en histoire

CRHQ - Axe Territoires, environnements, sociétés (TES)

Université Caen Normandie

justin.lecarpentier@wanadoo.fr