Hélène Boucher

Entre réalité d’un parcours et construction d’une mythologie, vie et mort d’une aviatrice de l’entre-deux-guerres

Résumés

La vie d’Hélène Boucher (1908-1934), femme pilote célèbre de l’entre-deux-guerres, illustre le phénomène de l’aviation féminine française et les enjeux de sa représentation. L’appréhension de sa vie et de sa courte carrière cristallisent ses différentes dimensions : de sa formation à la réalisation de ses exploits en passant par sa collaboration avec des entreprises ou avec le ministère public. C’est son accident mortel qui la fait passer du statut de célébrité à celui d’icône nationale, voire de sainte laïque, entraînant une réappropriation et une mise à l’exemple sur le registre de la femme exceptionnelle. Il s’agit alors d’évoquer un certain nombre des aspects entourant les représentations des aviatrices, ultra médiatisées par la presse et autres canaux, à travers son parcours singulier, et de rendre compte d’une certaine fabrique de l’exceptionnel au féminin à travers une profession rare et célébrée.

The life of Hélène Boucher (1908-1934), famous aviatrix of the inter wars, is an illustration of the French feminine aviation phenomenon and the challenges of her representation. From her formation to the realization of her achievements through her collaboration with industries and the public ministry, the seizure of her life and her short career crystallize her different dimensions. Her fatal accident transformed her from a celebrity to a national icon and even a secular saint, leading to an appropriation of her identity by the media. She is set as an example of exceptional women. Thus, several aspects of the representations of aviatrixes must be considered. With her singular itinerary and through this attempt, a construction of feminine exceptionality into a rare and famous profession can be achieved.

Plan

Texte

« Et alors qu’une pluie fine semblait exprimer la tristesse de tous, accompagné seulement de quelques intimes, un fourgon funèbre prit la route de Yermenonville, une petite bourgade d’Eure-et-Loir, où repose désormais celle qui, vivante, de plain-pied, entra dans la gloire1. »

Introduction

Lorsque Hélène Boucher, aviatrice renommée de l’entre-deux-guerres, trouve la mort dans un accident d’avion à Guyancourt le 30 novembre 1934, l’événement suscite une émotion nationale palpable. Après une veillée funèbre aux Invalides et une messe d’obsèques à Saint-Louis-des-Invalides devant le Tout-Paris, la jeune femme de vingt-six ans est inhumée dans l’intimité familiale dans le village d’Yermenonville. Dans les années qui suivent, des cérémonies de commémoration y ont lieu et la famille aide à faire ériger un monument dans le cimetière. Plus de quatre-vingts ans plus tard, en 2019, la redécouverte des archives de l’aviatrice à l’occasion d’un dégât des eaux dans la mairie, archives léguées à la municipalité par la famille, réveille sa mémoire et suscite des initiatives locales de préservation, de classification, mais aussi de diffusion et d’exploitation. Une association – les Amis d’Yermenonville – se consacre à défendre et faire connaître le destin de la femme-pilote. La réapparition de ces archives, composées de plusieurs centaines de documents, mais aussi d’un grand nombre d’objets personnels, dont les débris et l’hélice du Rafale avec lequel elle a eu son accident, sa combinaison, ses carnets de vols, affecte la géographie de la commune avec notamment l’ouverture d’un restaurant nommé « Le Rafale », d’un musée Hélène-Boucher et de panneaux explicatifs. Ce fonds exceptionnel, resté dans les archives de la commune, n’a pas d’équivalent concernant l’aviation féminine des pionnières, dont la plupart des archives privées ont disparu – le fonds Adrienne Bolland, autre aviatrice, aux archives départementales du Loiret ne recèle que des dossiers lacunaires. Il témoigne à la fois d’un destin particulier qui a fasciné et fascine encore les foules, mais qui offre aussi une dimension performative, transformant un village.

L’histoire particulière d’Hélène Boucher prend place dans celle des aviatrices françaises, intimement liée à la conquête des airs, à ses périodes et à ses enjeux. Cette histoire, du moins pour la France, a été peu étudiée mis à part par les amateurs et quelques historiens comme Luc Robène pour l’avant-Première Guerre mondiale2 et Guillaume de Syon3. La biographie de Bernard Marck, journaliste spécialiste de l’aviation, est insuffisante, car elle s’appuie essentiellement sur les biographies contemporaines de la jeune femme et non sur des fonds nouveaux et sans une perspective renouvelée. Élisa Deroche obtient le brevet de pilote n° 36 de l’Aéro-club de France dès le 8 mars 1910. Sans être la première femme à voler ou à piloter, elle ouvre pourtant la voie à une reconnaissance, à une représentation et à une institutionnalisation de ces femmes volantes. Les pionnières de l’avant-guerre – Marie Marvingt, Jeanne Herveu ou Hélène Dutrieux – participent aux compétitions4. Leur présence est remarquée tant et si bien que le directeur de Femina, Pierre Lafitte, organise avant-guerre une coupe féminine qui doit susciter l’enthousiasme de son lectorat bourgeois5. La femme passée de spectatrice à passagère, puis à pilote, fascine déjà un public en quête de sensations fortes et soulève l’intérêt de la presse qui participe et construit le succès de l’aviation6. L’après-guerre, qui constitue une pause dans la pratique féminine de l’aviation, voit l’émergence d’une nouvelle génération qui puise sa motivation dans le récit des pionniers et les exploits des as pendant le conflit. Adrienne Bolland, leur première représentante, franchit les Andes le 1er avril 1921 et d’autres femmes la rejoignent dans les années qui suivent : Maryse Bastié, Maryse Hilsz, Madeleine Charnaux. Les médias s’emparent de leurs exploits pour satisfaire le public et un réseau de représentations est tissé autour de leur image, en lien avec la mode féminine, l’idée d’une vocation de la femme, la question du sport, du travail et de la famille. Les aviatrices, femmes exceptionnelles, deviennent le prétexte d’une réflexion et un miroir des préoccupations sociétales. La femme pilote, du fait de sa notoriété et du consensus qui l’entoure, devient aussi un instrument de propagande, au sens de publicité, en lien avec les entreprises de l’aéronautique et des institutions.

Hélène Boucher fait pleinement partie de cette deuxième génération. Elle commence sa formation en 1931, avant de mourir en 1934. Sa carrière aéronautique dure ainsi trois ans et son destin fulgurant, tout autant que ses représentations, constituent un archétype concernant les aviatrices, en cristallisant divers aspects. La conservation de ses archives, ainsi que la place privilégiée que tient Hélène Boucher dans l’histoire de l’aviation française et parmi les aviatrices, offrent une possibilité d’étude ciblée de la figure féminine du pilote et de ses enjeux. Avant sa mort, la jeunesse et le courage de cette jeune femme la placent sur un piédestal. Son décès rend son histoire d’autant plus marquante que les articles, livres et hommages se multiplient, diffusant son image et son nom, à la fois dans la géographie – à travers les noms de rue – et dans les mentalités.

L’étude des différents aspects de sa vie, des discours et du vocabulaire tenus pour la décrire ou la désigner permettent de saisir à travers un exemple singulier différents enjeux de la fabrique de l’héroïsme au féminin qui se joue au cœur de la figure de l’aviatrice dans l’entre-deux-guerres.

Sa carrière rapide et éclectique – son apprentissage, sa tentative d’expédition vers Saïgon et ses succès sous l’aile de Michel Détroyat, champion de l’acrobatie, et ses records – est le ferment d’une première caractérisation à la fois a priori et a posteriori. Toutefois, si Hélène Boucher a une histoire que l’on peut qualifier d’archétypale, elle est de plus exemplaire. Jeune fille consensuelle, elle recueille les suffrages et les louanges, devenant même une icône chez Renault-Caudron. Sa fin en vol, accidentelle, donne à son destin une dimension spectaculaire et figée dans le temps. Elle devient un personnage mythique qui s’inscrit en continuité avec une galerie de figures nationales et constitue un exemple pour les générations présentes et à venir.

1. Devenir aviatrice : motivations et réalisations

Tenter de décrire le phénomène de représentation qui entoure la vie d’Hélène Boucher demande de traiter en premier lieu la carrière réelle de la jeune femme à travers une progression exponentielle, qui la mène à une très grande célébrité en peu de temps. Ces différents aspects sont relus a posteriori par les biographes et les journalistes qui édulcorent le récit et lui offrent une dimension téléologique.

1. 1. Se former, à l’école de Mont-de-Marsan

Hélène Boucher ne correspond pas, du moins dans un premier temps, aux femmes qui se lancent dans l’aviation. Adrienne Bolland, Maryse Bastié et Maryse Hilsz sont issues de milieux souvent modestes : si la première vient d’une famille sportive, voire aventurière, la seconde tient un commerce de chaussures avec son mari tandis que la dernière est couturière. La jeune Hélène Boucher, elle, née en 1908, est issue de la bourgeoisie parisienne, seule fille et second enfant. Son père est architecte. Ils habitent dans le XVe arrondissement et elle étudie au lycée Montaigne. Assez indépendante d’esprit, elle est envoyée à quinze ans, selon ses désirs, pour étudier à l’étranger sur l’île de Wight. Ses biographes contemporains évoquent avec ardeur cette enfance, dans une entreprise téléologique assumée : « on a d’abord envie de hausser les épaules quand on vous raconte ces histoires de bébés : c’est un tort. Car nous naissons tout faits : Hélène Boucher, dans les bras de sa bonne, était déjà pareille à la fille ardente qui s’envolerait un jour à six mille mètres dans les cieux7. » Elle commence par utiliser la motocyclette de son frère puis annonce à ses parents sa décision de voler. Elle fréquente déjà un cercle de jeunes aviateurs et la mort de l’un d’eux semble avoir accéléré son entreprise : « Un ami de son frère, jeune pilote militaire, trouva la mort dans un accident d’avion. Son attention, soudain attirée par ce mot magique : “aviation” ; elle s’y complut et s’y fixa8. » La tentative de « relever le flambeau » est un élément topique dans ces vies de pilote : par exemple, Maryse Bastié embrasse définitivement la carrière d’aviatrice après la mort accidentelle de son mari pilote en 19269. Il existe également un film en noir et blanc, L’Autre Aile, de 1923, qui présente une femme devenant aviatrice comme elle entrerait en religion après la mort en vol de son amant10.

Henri Farbos accueille Hélène Boucher à Mont-de-Marsan dans l’aéro-club des Landes en 1931. De là-bas, elle écrit régulièrement à sa famille, décrivant ses camarades, son entraînement, la famille Farbos, et réclame des vêtements à sa mère : « Plus je vole, plus j’aime ça, c’est véritablement passionnant11. » Elle se retrouve dans un environnement de jeunes hommes rompus aux compétitions : « des jeunes gens avec l’accent très prononcé ; ils sont très sportifs dans ce pays et ils ont tous des Bugatti, ils ont tous plus ou moins couru en voiture, en moto12… », des camarades qu’elle évoque finalement assez peu, se concentrant dans l’évocation de sa passion.

Ces cours sont onéreux. Hélène Boucher demande à ses parents l’avance d’une somme qu’elle doit récupérer le 14 avril 1931 : « pouvez-vous m’envoyer d’un seul coup les 18 000 francs […] cette somme me sera très suffisante pour mes heures de vol et mon brevet13 ». Ce brevet, elle l’obtient le 21 juin 1931. La formation est chère, les avions sont hors de prix. Le financement de l’aviation est un casse-tête auquel se heurte plus d’un aviateur dont la fortune personnelle ne suffit pas à financer les aventures. Hélène Boucher obtient ainsi de Michel Détroyat un prêt de 25 000 francs en décembre 1933 pour l’achat d’un avion, ce qui équivaut à 16 220 euros en 202114.

À l’instar des autres grandes aviatrices de cette période, Hélène Boucher vit des affres financières pour acheter ses appareils et financer ses raids, difficultés qu’elles évoquent et qui contribuent à forger leur légende dorée. Héroïnes face à l’adversité, leur sport leur a coûté, elles y ont beaucoup sacrifié et ce sont ces sacrifices qui donnent de la valeur à leurs exploits ainsi qu’une profondeur à leur vie telle qu’elle est présentée au public. Les débuts d’Hélène Boucher sont ainsi relus à la lumière de sa carrière, tous tendus vers cette renommée.

1. 2. Voyager : la tentative de Paris-Saïgon

Ce ne sont pas d’abord ses succès qui construisent la renommée d’Hélène Boucher, mais ses échecs, comme l’exprime bien son professeur Henri Farbos en 1946 : « Ma foi, il est assez curieux de noter qu’on parla surtout d’elle à l’occasion de son premier échec15… » En effet, les premières tentatives de la jeune fille n’ont pas toutes le succès escompté, mais offrent tout de même une ouverture médiatique pour l’aviatrice qui a tout pour séduire un large public. Jeune, célibataire donc disponible aux désirs des hommes comme à la projection des femmes, sa classe sociale : toutes ces caractéristiques lui donnent une aura consensuelle. Elle est la fille ou la sœur idéale de tout un chacun : courageuse, insouciante, lisse. Elle n’a pas une personnalité clivante comme celle d’Adrienne Bolland, originale et délurée qui n’hésite pas à s’insurger contre les journalistes après une critique sur le financement d’un meeting16. Elle a également un profil plus classique que celui de Léna Bernstein, juive et russe ayant obtenu la nationalité française en 1932, qui, malgré sa popularité, se débat avec des problèmes financiers et finit par se suicider par désespoir dans le désert17.

Le quotidien Paris-Midi évoque le premier accident du 22 juillet 1932, à la suite d’une panne moteur, dans son article du 4 août 1932 au titre « Une aviatrice qui vient : Hélène Boucher » :

Le courage n’est pas toujours récompensé : on a beaucoup parlé, la semaine dernière, du rallye de Deauville, mais personne n’a connu l’odyssée malheureuse de l’aviatrice Léno Boucher qui eût été sûrement à l’honneur, sans des ennuis de matériel qui auraient eu les plus graves conséquences sans son sang-froid et son habileté18.

Déjà connue par son surnom, fréquentant les meetings, le journal l’excuse de son accident en en faisant une prouesse. Après cet accident, succombant à l’appel du voyage, Hélène décide de tenter l’aventure en reliant Paris et Saïgon : « au printemps dernier, Hélène Boucher a tenté le raid Paris-Saïgon, raid qu’elle n’a pu accomplir, ayant dû atterrir près de Bagdad par suite d’une avarie de moteurs19… » Son départ est couvert par les actualités filmées Pathé, témoignant de sa notoriété grandissante20, et n’est pas sans susciter des critiques, comme cet entrefilet de l’hebdomadaire Cyrano, qui, non sans remettre en question l’utilité première de l’aventure, s’étonne que le matériel utilisé soit britannique : « Quelle propagande Mlle Boucher peut-elle faire pour l’aéronautique française21 ? » Elle écrit un journal, conservé dans ses archives, décrivant les paysages traversés, les fluctuations climatiques et les populations rencontrées – les récits des aviatrices ou des aviateurs sont pour le public une ouverture vers un ailleurs. Ce journal n’a rien d’un recueil de confidences, elle n’y évoque que très peu ses sentiments et n’y réfléchit pas sur sa condition. Elle y recense les territoires parcourus pour pouvoir ensuite en faire un récit cohérent pour le public. Une fois de plus, sa tentative est dans tous les médias malgré l’échec. Elle est une marque de ténacité et de réalisme au vu de la difficulté du sport.

1. 3. Le temps du succès : acrobaties et records

Elle s’essaie ensuite aux records de vitesse dans lesquels elle excelle et dans l’acrobatie aérienne, domaine périlleux auquel peu de femmes se sont attaquées, mise à part Adrienne Bolland. La nécessité de se distinguer toujours plus et de dépasser les limites humaines et techniques est essentielle pour les pilotes qui n’ont que ce moyen pour continuer à assurer leur subsistance. L’aviatrice signe un contrat de représentation avec Air Propagande, agence qui gère ses propositions et reçoit de nombreuses demandes de meetings combinées à des cachets importants : entre 6 000 et 8 000 francs, et jusqu’à 10 000 francs pour certaines victoires22. L’image d’Hélène Boucher est alors indissociable de celle de son professeur Michel Détroyat, célèbre pour ses acrobaties aériennes et avec lequel elle connaît la gloire.

Le meeting de Villacoublay du 8 septembre 1933 constitue un exemple intéressant, à l’image de ce qu’on peut lire dans cet article des Nouvelles de Versailles qui en relate le programme prévu :

En réplique au match Fieseler-Détroyat, deux aviatrices, l’une allemande, Vera von Bissing, l’autre française, Hélène Boucher, se feront applaudir au cours des démonstrations acrobatiques. Il convient de souligner que Vera von Bissing est l’élève de Fieseler tandis que Hélène Boucher est de l’école de Détroyat23.

Les deux matchs qui doivent avoir lieu révèlent une double opposition. Tout d’abord entre aviateurs et aviatrices, Vera von Bissing et Hélène Boucher représentant le pendant féminin de cette compétition. Elles sont des élèves par rapport à leurs maîtres. Dans cet article, comme dans un grand nombre d’autres, elles sont évoquées très succinctement, sans être nommées dans les titres. Le lien du professeur à l’élève est particulièrement notable dans le récit de la vie d’Hélène Boucher, élément central de la transmission de personne à personne au cœur de l’apprentissage et de la maîtrise du pilotage.

Le second élément d’opposition au sein de ce match d’acrobatie est la nationalité des deux compétitrices. Vera von Bissing est allemande et cette rencontre s’effectue dans le contexte de la prise de pouvoir d’Hitler et de la mise en place de la politique nazie dans les affaires intérieures et extérieures. Les aviatrices, comme les autres sportifs, sont intégrées dans des spectacles diplomatiques où sont figurées les rivalités étatiques. L’annonce des deux matchs qui opposent Fieseler et Détroyat, Vera von Bissing et Hélène Boucher apparaît même dans la revue Ambassades et consulats24. Les femmes pilotes sont tout autant présentées comme rivales et amies dans une terminologie schizophrène :

Elle venait de parler au micro à côté de sa rivale et amie française Hélène Boucher […]. Les deux championnes montèrent dans une voiture pour aller ensemble faire le tour des modistes et des couturières. Car on a beau être championne, on n’en est pas moins femme25

Il n’en est pas moins vrai qu’Hélène Boucher représente son pays aux yeux des médias et de l’opinion publique et que ses exploits contribuent à la gloire nationale. Elle remporte divers records de vitesse qui lui valent le surnom de la « femme la plus vite du monde »26 et en juillet 1934, le 8 août, elle remporte à la deuxième place les 12 Heures d’Angers. Ses records et exploits, ainsi que sa jeunesse, la portent au premier plan de la scène médiatique, donc à même de pouvoir porter un discours, des idées et surtout de susciter les rêves de l’opinion publique.

2. La minerve casquée : exploitation d’une figure

La courte carrière d’Hélène Boucher suscite commentaires et admirations à la fois dans les échecs et les réussites. L’aviatrice véhicule une image de jeunesse, de candeur et surtout d’innocence. Suzy Mathis dans un article du 17 septembre 1933 écrit ainsi : « Très modeste, charmante camarade, ayant horreur de la publicité, mais ne se laissant pas ennuyer, voici en quelques mots le caractère d’Hélène Boucher27. » Elle est associée à la camaraderie, l’humilité dans l’héroïsme et le détachement. Le mot « publicité » est pourtant ici à contre-emploi, car l’aviatrice est avant tout une femme publique, pleinement associée à la propagande aéronautique que les entreprises, autant que les institutions, ne manquent pas d’utiliser pour leur promotion.

2. 1. Le visage idéal de l’aviatrice

Le cas d’Hélène Boucher est particulièrement révélateur du traitement médiatique des femmes aviatrices en général. Son âge, son physique et sa simplicité l’ont rendue emblématique d’un phénomène qu’elle n’a pourtant vécu que trois années. Dans un milieu dit masculin, sportif et surtout très technique, les aviatrices présentent un être double, métamorphosé, où la combinaison et le casque de pilote qui dissimulent leur identité sexuée accompagnent une ambiguïté qui inspire la mode et fait de ces femmes des icônes.

Les caractéristiques physiques sont ainsi particulièrement mises en valeur dans le descriptif des journalistes comme dans cet article de L’Écho d’Alger en 1932 : « Car cette jeune fille aux blonds cheveux cendrés, aux yeux gris-vert couleur d’océan, possède une volonté farouche et aime son “zinc” par-dessus tout »28. L’écrivain Joseph Kessel dans son hommage posthume en 1934 raconte une émotion semblable en se souvenant de l’aviatrice, mettant en valeur l’apparence de la jeune femme qui semble dans son discours encore une enfant : « Et je vis sortir de la carlingue une jeune fille aux traits lisses, aimables, où la résolution se mêlait à la fraicheur de l’adolescence29. » À nouveau les particularités physiques viennent servir un discours d’idéalité et d’exceptionnalité. L’aviatrice est un visage, un des visages de l’aéronautique.

Ces descriptions sont intrinsèquement liées à leur métier alors qu’elles font jaillir la grâce, grâce mimétique du rêve de voler et de la demoiselle, l’appareil de Santos-Dumont, au nom tout à fait signifiant. Hélène Boucher est présentée par les films Pathé comme partant en raid avec des chaussures de ville et une robe sous son manteau de cuir30. Cette union très importante entre la machine et la pilote qui s’exprime à travers le vêtement est temporaire et les journalistes insistent sur ces mues entre les vols : « Mlle Hélène Boucher n’est pas toujours l’aviatrice intrépide, casquée de cuir, dont l’image est devenue si populaire. La voici, chez elle, se reposant entre deux exploits, comme une femme simple… et charmante31. »

À l’instar de ce qu’on peut lire dans un article de 1933 de L’Afrique du Nord illustrée : « Puisse ce magnifique “climat” aéronautique que nous avons découvert à Tunis, susciter quelque adorable Maryse Bastié ou Hélène Boucher32 », les femmes pilotes font des émules. Si, à leur exemple, de jeunes femmes souhaitent embrasser la carrière aéronautique, de manière plus générale, les nombreux articles et photographies des aviatrices inspirent la mode, car les femmes veulent ressembler aux femmes exceptionnelles.

2. 2. Représentante : aviatrice chez Renault

Adrienne Bolland est débauchée par l’entreprise Caudron en 1920 comme pilote d’essai après son apprentissage. Elle est envoyée en Amérique du Sud pour faire des démonstrations et réalise son exploit qui la rend célèbre dans les Andes, offrant gloire et renommée à ses employeurs. Plus de dix ans plus tard, Hélène Boucher est approchée par l’entreprise Caudron-Renault en juin 1934, et engagée par François Lehideux selon une stratégie tout assumée33. L’aviatrice obtient un appareil à la pointe pour les compétitions qu’elle entreprend et à travers lesquelles elle devient la porte-drapeau de l’entreprise. Hélène Boucher avait déjà été accompagnée dans ses projets par des marques, comme la foire de Paris34 ou les huiles Castrol35. Elle reçoit ainsi un contrat de 5 000 francs pour le champagne Pommery et Greno le 13 février 1933, à charge pour elle de mentionner le nom de la marque à son arrivée, de prendre dans l’avion des bouteilles et de peindre le logo sur le côté droit de l’avion36. L’appareil comme l’aventure de l’aviatrice deviennent des panneaux publicitaires et ces collaborations ne manquent pas d’être l’objet de critiques, comme c’est le cas pour la publicité que fait Amelia Earhart à la marque de cigarettes Lucky Strike, qui reçoit un exemplaire de l’affiche avec écrit à la main : « Is this the face of a Lady ? What Price Glory ? », c’est-à-dire : « Est-ce bien là le visage d’une dame ? Quel est le prix de la gloire37 ? » Face aux critiques, Amelia Earhart doit remettre l’argent de sa collaboration à la Byrd Antartic Expedition qui organise des expéditions en bateau et en avion en Arctique afin de justifier cette publicité38.

Cette fois, l’aviatrice n’a pas des collaborateurs occasionnels, mais devient la représentante d’une société dans une réelle interdépendance et intelligence. Cette entraide est mise en valeur par la revue Lectures pour tous le 1er janvier 1934 qui dans un long article de Jacques Mortane fait du record une réalisation commune de la femme-pilote et des ingénieurs Renault :

Tout autre aurait pu se déclarer satisfait, mais en descendant de machine, la recordwoman déclara :

– Je crois que je peux faire mieux. J’en suis même sûre, car j’ai été gênée par la visibilité, une base étant mal indiquée.
– Vous voulez recommencer ?
– Oui, dès demain.
[…] L’ingénieur Albert, des usines Renault, s’occupa aussitôt de faire modifier les signaux et, le 11 août au matin, Hélène Boucher repartit à 7 h39.

Hélène Boucher participe aux compétitions au nom de son entreprise avec laquelle elle partage les bénéfices et les honneurs, c’est le cas, entre autres, des Douze Heures d’Angers, le 8 juillet 193440. Elle sert aussi dans la stratégie commerciale au jour le jour, à l’image d’une demande de Christian du Jonchay pour une exhibition du Rafale, le 27 octobre 1934 :

Voulez-vous nous faire l’honneur de déjeuner encore […] pour irradier de votre présence, les cent-Suisses, qui viennent à Genève pour vous voir ? D’autre part, je vous préviens que nous vous demanderons l’après-midi, si le temps le permet, de bien vouloir faire une démonstration du Rafale41.

Hélène Boucher est le visage de l’entreprise et leur sert au-delà même du simple secteur de l’aéronautique, puisque Renault met en place une campagne de promotion pour sa voiture Vivasport 6 cylindres : l’aviatrice est au volant, photographiée dans un angle original. L’affiche est légendée ainsi : « Pour connaître toutes les joies de la vitesse sur la route, Hélène Boucher, la célèbre aviatrice, la plus rapide du monde, ne pouvait choisir que la sportive et fougueuse 6 cylindres Vivasport Renault42. » La femme pilote fait profiter l’entreprise des retombées de sa gloire tout en acquérant une professionnalisation et des financements.

2. 3. Un versant politique ?

Si une entreprise peut choisir d’être représentée par une femme pilote, l’aviatrice est de fait, en tant que sportive, représentante de son pays et de sa nation, à la fois par ses records battus, mais aussi par les raids aériens à l’étranger qui évoquent les conquêtes de territoire, l’exotisme des colonies et l’expansion de l’influence française dans le monde. Le choix d’Hélène Boucher d’un moteur anglais pour son vol Paris-Saïgon est critiqué dans la presse : « Mais pourquoi faut-il qu’une fois de plus une Française utilise un matériel étranger pour une tentative appelée à un certain retentissement43 ? » La femme pilote n’est pas indifférente politiquement et si elle peut être critiquée pour ses choix, elle suscite surtout l’intérêt des institutions et des groupements politiques.

La féministe et journaliste Louise Weiss qui fonde en 1934 un mouvement de propagande « La Femme nouvelle » pour l’accès au droit de vote des femmes, met au point des actions marquantes et spectaculaires, à l’image des suffragettes britanniques44. Elle s’entoure alors de personnalités de la scène politique et médiatique pour diffuser son combat. Les aviatrices faisant entièrement partie de cette stratégie, elle invite Hélène Boucher, Adrienne Bolland et Maryse Bastié à l’inauguration du centre parisien de son mouvement et à participer à une réunion politique à Bordeaux le 8 octobre 1934 pour y faire des discours45. Hélène Boucher répond à cet appel sans avoir l’engagement de Maryse Bastié, qui s’investit, elle, de manière durable dans cette cause. Son discours cherche à établir un parallélisme et un lien avec sa profession, sans réellement y parvenir :

Ce n’est point l’aviatrice qui parle, l’aviatrice parle peu, mais la femme aviatrice qui essaiera de vous dire en quelques mots non point l’injustice qu’elle a constatée, ce mot serait absolument inexact, mais le manque d’équilibre qui existe entre la situation d’un aviateur et celle d’une aviatrice. Je tiens tout d’abord à rendre un hommage public à l’esprit de solidarité et de camaraderie qui règne dans le milieu de l’aviation, j’allais dire dans notre corporation46.

Hélène Boucher, qui soutient par sa présence la demande du droit de vote des femmes, s’affirme comme pilote avant tout, non comme militante. Son engagement prend sens dans le contexte, mais il ne s’inscrit pas dans une posture totalement assumée. Il est plutôt intégré au sein d’une campagne de publicité pour le droit de vote dont l’aviatrice devient, presque malgré elle, l’égérie en acte d’un mouvement qui la dépasse. Louise Weiss orchestre sa communication avec la presse sans oublier la force des images avec des photographies et des images filmées47. Elle consacre même un chapitre de ses mémoires à cette opération de communication.

Cependant, au-delà de cette participation au mouvement pour le droit des femmes, Hélène Boucher a aussi une carrière liée aux institutions et surtout au ministère de l’Air qui accompagne son parcours. L’aviatrice rédige ainsi une lettre adressée au ministre Paul Painlevé le 26 décembre 1932 pour présenter son voyage et montrer son caractère de propagande pour le pays. Elle demande une aide financière, mais aussi des appuis pour un suivi diplomatique pendant son voyage. Au moment de ses records, elle reçoit aussi les félicitations du général Denain, ministre de l’Air en 1934. Le 17 novembre 1933, Suzy Mathis, pour Les Dimanches de la femme, évoque alors une mission de propagande au Portugal pour l’industrie aéronautique française : « Actuellement, elle fait partie de la Mission française près du gouvernement portugais et va, avec six autres avions, à la réception organisée en leur honneur à Lisbonne48. » Si les échanges entre le ministère et la femme pilote ne peuvent être tous recensés, les documents qui subsistent démontrent un réel échange et une collaboration entre les institutions publiques et la célèbre sportive, à l’image des autres femmes pilotes. Le ministère public se sert des femmes pilotes pour faire la publicité de ce nouveau moyen de transport, élément stratégique et enjeu économique et militaire pour lequel il faut engendrer l’adhésion de l’opinion. Cependant, c’est sans doute lors de sa mort qu’Hélène Boucher est la plus utilisée et réappropriée par différents canaux de représentation.

3. Mourir en vol : à l’exemple d’Hélène Boucher

Le 30 novembre 1934, la mort d’Hélène Boucher dans un accident, somme toute banal, provoque une émotion nationale intense. C’est une jeune fille au sommet de sa gloire qui s’éteint et qui reçoit un hommage spectaculaire. Première femme à être veillée aux Invalides, recevant les honneurs militaires, le traitement de son souvenir offre des éléments étonnants et symboliques qui entraînent une canonisation laïque de la figure.

3. 1. Une histoire nationale

L’accident de l’aviatrice est un événement en 1934. Le décès en vol d’une jeune femme renommée suscite avant tout de l’émotion et une réaction institutionnelle importante. Les funérailles sont, au cœur de la IIIe République, un outil de communication politique et symbolique, jouant au sein de mémoires conflictuelles. Mais ce sont avant tout des hommes : politiques, écrivains, artistes qui sont concernés par de tels hommages. Aucune femme n’est évoquée par la somme écrite à ce sujet par Avner Ben Amos, Le Vif saisit le mort. Funérailles, politique et mémoire en France (1789-1996)49. Oubli ou omission, cette absence est certainement la conséquence du silence des archives ministérielles. Toutefois, l’attention qui entoure l’enterrement d’Hélène Boucher témoigne du soin pris par les officiels au sujet de l’aviatrice et du bruit que fit son décès. Le général Denain, alors ministre de l’Air, se rend à son chevet pour lui remettre la Légion d’honneur, à titre posthume. Son corps est d’abord veillé par les élèves de l’École militaire de Versailles :

Très douloureusement ému, il s’inclina devant le corps d’Hélène Boucher, puis sur la poitrine de la jeune fille. Il épingla la croix de la Légion d’honneur. […] La chambre fut transformée en chapelle ardente, où vinrent s’entasser les fleurs apportées par les pilotes. Le colonel de Montbarty et un groupe d’aviateurs militaires montèrent pendant la nuit une garde d’honneur près du corps de leur jeune camarade50.

Ensuite, son corps est déposé dans la chapelle Saint-Louis-des-Invalides et est veillé par des pilotes militaires et civils, hommes et femmes. La population parisienne se rend à son chevet tandis que les télégrammes de condoléances et les lettres affluent pour témoigner leur chagrin à la famille51. Parmi ces lettres, on retrouve un mot du président de la République, Albert Lebrun : « Votre fille regrettée, reste, comme le dit la belle citation qui vient de lui être décernée, l’exemple le plus parfait et le plus noble de la jeune fille française. Nous la pleurons tous avec vous52. » La messe rassemble le Tout-Paris et la jeune femme est ensuite enterrée à Yermenonville. Un contraste peut être souligné entre ces cérémonies en grande pompe au cœur de la capitale et les honneurs qui lui sont rendus, et la mise en terre dans le village familial, entre la fiction construite autour de l’aviatrice et la réalité d’un drame individuel.

Ce drame est intégré par le jeu des discours et des représentations dans le cycle des héroïnes françaises, rassemblant le pays dans un consensus. Ces femmes exceptionnelles, à l’exemple de Louise de Bettignies, agent secret française pendant la Première Guerre mondiale, surnommée « la Jeanne d’Arc du Nord53 », sont ramenées à l’illustre bergère devenue chef de guerre. Le général Denain appuie cette idée dans son discours à l’occasion des hommages :

Aussi héroïque que modeste comme tant d’autres jeunes filles du pays de France qui aidèrent au rayonnement de leur patrie en la servant ou en la défendant jusqu’à la mort, Hélène Boucher qui a donné sa vie pour l’aviation vient d’entrer dans la légende54.

Avec ses cheveux courts, son bonnet d’aviatrice qui fait l’effet d’un casque, c’est une sportive qui devient une sorte d’héroïne militaire, nouvelle Jeanne d’Arc rassemblant la nation, que des forces politiques diverses et antagonistes divisent. C’est effectivement en février 1934 qu’ont lieu les manifestations des ligues qui critiquent le parlementarisme, la corruption et les lenteurs alors même que dans les pays voisins, les idéologies inquiètent.

3. 2. À l’exemple de l’aviatrice

Le traitement médiatique et institutionnel du décès d’Hélène Boucher, combiné à l’aura des aviatrices dans l’entre-deux-guerres, entraîne une adhésion forte à sa mémoire. Cette adhésion n’est pas seulement le fait d’individualités dispersées, mais correspond à un phénomène plus général. Le consensus construit autour d’une femme de la bonne société, vertueuse, jeune et héroïque, en fait un modèle par excellence pour édifier les jeunes générations et provoquer des vocations.

Après sa mort, un projet de monument est formé pour le cimetière d’Yermenonville avec le lancement d’une souscription nationale sous le patronage du président de la République et que soutiennent de grands noms de l’aviation française : des aviatrices, dont Adrienne Bolland, Maryse Hilsz et Maryse Bastié, des constructeurs parmi lesquels René Caudron, Louis Renault et Henry Potez et d’autres figures illustres à l’instar de Sadi-Lecointe, René Fonck et Jean Mermoz55. Il est inauguré le 30 novembre 1935. Le buste de l’aviatrice est entouré de deux ailes monumentales surélevées sur quelques marches. Deux palmes sont plaquées sur le côté. Ce détail n’est pas anodin. En effet, dans les codes de l’iconographie chrétienne, la palme est associée au martyr. Si le mot n’est pas employé dans les articles ou les discours à son sujet, la terminologie reste parlante : Hélène Boucher a « donné sa vie pour l’aviation56 », lit-on dans la citation à l’ordre de la nation.

Cet aspect entraîne une multiplication de baptêmes de rues à son nom, motivés par la volonté d’offrir aux habitants un modèle, et de lui rendre hommage, comme en témoignent les débats du conseil municipal de Paris. Une proposition du 6 avril 1935 a pour conséquence le baptême d’un square situé entre le boulevard des Maréchaux et la rue Fernand Widal. Des groupes, institutionnels ou informels, féminins ou mixtes, liés à l’aviation ou à la formation de la jeunesse, s’emparent du nom de l’aviatrice, pour s’inscrire dans son sillage et se réclamer de son courage ou de ses vertus. Des clubs d’aviation57, un clan de guides-ainées58 – cheftaines des Guides de France, mouvement dédié à l’éducation de la jeunesse en lien avec le dépassement de soi et la proximité avec la nature, une promotion de l’école Polytechnique féminine qui forme des techniciennes et ingénieures de l’aviation59, une réunion de petites filles malades dans un sanatorium60… Des exemples précis peuvent être donnés grâce aux lettres envoyées pour recueillir l’autorisation voire la bénédiction de la mère d’Hélène Boucher. Toutefois le phénomène ne peut être dénombré : beaucoup de ces groupements sont informels et la dévotion particulière est invisible. Une correspondance avec Mme Boucher dévoile une jeune fille, orpheline de mère, pour laquelle Hélène Boucher devient une figure tutélaire qui lui permet de s’extraire de son chagrin, de rêver à un avenir et suscite une véritable adoration61.

Germaine Libault, qui s’occupe de jeunes filles souffrantes, interroge ainsi la mère de l’aviatrice en évoquant leur motivation : « Le champ d’action que nous leur proposons est le relèvement du prestige de la jeune fille française partout où elles se trouvent. Votre fille n’est-elle pas un vivant modèle62 ? » Dans les lettres conservées, le simple mot d’une amie de Mme Boucher, Emma Stautner, témoigne encore de cette dimension exemplaire : « Pour retrouver quelque courage, je regarde le portrait d’Hélène. J’ai honte de ma mollesse à la vue de cette enfant si simplement vaillante.63 »

Hélène Boucher est devenue une figure mystique, dont le souvenir est évoqué de manière religieuse, comportant reliques et icônes. Les adeptes de cette sainte laïque entretiennent son souvenir et leur culte grâce à des images et des objets : « Je serais heureuse de posséder quelque chose, un rien, un tout petit rien, mais qui lui ait appartenu, ce serait pour moi presque une relique », écrit ainsi Jane Guere64. Anecdotes, citations, photographies, tout est prétexte à entretenir le souvenir et à fournir un élan vers la vertu pour la jeunesse. Des as de la Première Guerre mondiale ou des aviateurs de la période héroïque ont pu susciter une admiration semblable et causer des vocations de pilotes militaires comme le révèlent les archives orales de l’Armée de l’Air65. Dans ces mêmes archives, on retrouve le témoignage d’Élisabeth Boselli, pilote formée avant la Seconde Guerre mondiale et intégrée dans le corps des pilotes militaires féminins en 1944. Cette aviatrice, restée dans l’armée après-guerre, évoque le souvenir d’Hélène Boucher et de son accident comme essentiel dans son choix de carrière.

3. 3. Une ébauche de mémoire

L’idée d’un modèle et d’une figure exceptionnelle subsiste depuis son accident et jusqu’à nos jours. Les auteurs qui se sont emparés de son image ont contribué à la construction d’une figure post-mortem, une sorte de masque mortuaire offert à la fascination du public et sensible aux fluctuations de l’intérêt et des mœurs. Du lendemain de l’accident à l’immédiat après-guerre, les biographies se multiplient. Les auteurs divers n’ont pas toujours d’intérêt premier pour l’aviation, mais ils souhaitent édifier leur lectorat, au risque même de provoquer l’ironie des critiques :

Le livre de René Chambe met en lumière cette noble et pure figure de jeune femme. Mais l’histoire est belle par elle-même. On aurait aimé que l’auteur la contât plus simplement et appuyât moins souvent le pied sur la pédale66.

Antoine Redier est le premier à ouvrir le bal des biographies. Son ouvrage, Hélène Boucher, une jeune fille française, est édité chez Flammarion en 1935, préfacé par le ministre de l’Air, le général Victor Denain67. La maison d’édition Plon et les éditions Baudinière publient ensuite en 1936 et 1937 Hélène Boucher, aviatrice de Jacques Mortane68 et Hélène Boucher, pilote de France de René Chambe69. Ces trois ouvrages sont intégrés dans des logiques de collection liées au milieu de l’aviation et à la diffusion de ces valeurs70. Marguerite d’Escola obtient un prix de l’Académie française pour son livre sorti en 1946 : Hélène Boucher, celle qui a vaincu la peur.

Visant un public plus jeune, des ouvrages illustrés voient le jour comme celui de Roland Tessier, Hélène Boucher, en 1943 et un homonyme de la plume de Paul Thoraval en 1947. La collection Rouge et Or Dauphine des éditions Hachette qui s’adresse aux adolescentes évoque Hélène Boucher dans un livre de 1954, Princesses de l’air, écrit par Paluel-Marmont. Son histoire est racontée dans le premier chapitre qui la met en avant. Il semble que, à l’instar d’autres biographes, l’auteur ait consulté les archives familiales, car il évoque notamment les lettres de Mont-de-Marsan envoyées à ses parents.

Le point commun de certains de ces auteurs est leur proximité avec des partis d’ultradroite ou réactionnaires : Antoine Rédier crée une ligue d’extrême droite en 1925 ; Roland Tessier, pilote pendant la drôle de guerre, devient chef du service de presse de Radio-Paris – organe de l’occupant allemand ; et Paluel-Marmont reçoit une décoration de l’État français pendant l’occupation, la Francisque. Les vertus prônées par ces ouvrages concernent le dépassement de soi, le courage, le désintéressement, la recherche de la gloire pour la nation. Ils doivent alors édifier, grâce à cette figure, une femme exceptionnelle, objet de récupération politique ou symbolique. L’aviatrice fait l’objet d’une réappropriation et d’une réassignation a posteriori, son exemple est mis au service d’une rhétorique spécifique. Le choix d’Hélène Boucher plutôt qu’une autre est lié à la spécificité de son parcours et à l’hagiographie, immédiatement construite après sa mort sans qu’elle n’ait pourtant jamais exprimé de son vivant ses sensibilités politiques – mises à part pour le droit de vote des femmes.

Ensuite, Hélène Boucher ne fait pas l’objet d’une publication importante avant la biographie écrite par le journaliste et spécialiste de l’aviation Bernard Marck en 2003 : Hélène Boucher, la fiancée de l’air71. S’appuyant sur les publications précédentes, il ne consulte pas les archives familiales, oubliées à Yermenonville. Son discours met en avant la beauté de l’aviatrice, évoquée à de nombreuses reprises. Il ne tente pas de fournir une image neutre, mais met au goût du jour la figure de l’aviatrice et transmet sa fascination.

Depuis, avec le développement des évocations des figures exceptionnelles féminines, Hélène Boucher vit un renouveau. Le documentaire en 2021 de Valérie Manns, Le Ciel est à elles, la saisit ainsi dans un triptyque composé d’Adrienne Bolland et Maryse Bastié72. Un texte poétique accompagne les images d’archives. Le destin d’Hélène Boucher est donc relu à l’aune des préoccupations contemporaines. Elle devient une figure féministe. L’aviatrice fut certes une femme dans un milieu fermé et masculin, mais elle cherchait avant tout la performance sportive et la gloire, et n’était pas à l’aise avec le fait de devenir porte-parole d’une cause. L’aviatrice devient alors prétexte, fascine pour des raisons différentes, chaque fois idéalisée par les auteurs qui la décrivent et qui deviennent de nouveaux prisonniers de ces charmes.

Conclusion

Ainsi, le cas d’Hélène Boucher a cristallisé un certain nombre des enjeux de représentations qui gravitent autour des femmes aviatrices de l’entre-deux-guerres. Sa carrière courte de trois ans offre une densité particulièrement importante, d’autant plus que sa vie a marqué le récit national de manière durable, par les noms de rues, de places ou de lycées qui creusent la mémoire de l’opinion dans le temps long, même si la réalité de son parcours reste floue dans son ensemble. À ce jour, cinq cent vingt voies comportent le nom d’Hélène Boucher selon les chiffres de la base FANTOIR. À titre de comparaison, le nom d’Antoine de Saint-Exupéry concerne neuf cent vingt-cinq rues. Ces deux noms sont parmi les plus attribués en France. Si la base ne permet pas de quantifier précisément par année le phénomène, la quantité de rues concernées rend compte de son importance, qui conjugue à la fois une frénésie immédiate avec un regain d’intérêt, les baptêmes de rue par des personnalités féminines étant devenus aujourd’hui une action militante voire un passage obligé dans un objectif de rééquilibrage mémoriel.

Hélène Boucher reste une silhouette, incarnant les dimensions de l’aviatrice héroïque par le traitement spectaculaire de sa mort. La singularité de son parcours rappelle que chaque vie de ces aviatrices porte aussi ses particularités. Mais ces vies exceptionnelles doivent aussi nous encourager à interroger des parcours moins connus et la réalité de la pratique féminine de l’aéronautique dans les aéro-clubs de l’entre-deux-guerres, les motivations et les raisons d’une vocation particulière sans la médiatisation qui l’accompagne.

Notes

1 « Les émouvantes obsèques d’Hélène Boucher à Saint-Louis-des-Invalides », Le Journal, 5 décembre 1934, Document 16, Dossier « Hélène Boucher », DOS BOU, Bibliothèque Marguerite Durand. Retour au texte

2 Robene Luc, « L’aviation, c’est du sport ! Images et représentations de l’aéronautique dans la presse sportive de la Belle Époque. L’exemple de La Vie au Grand Air (1900-1914) », Nacelles [en ligne], n° 1, « Pour une histoire sociale et culturelle de l’aéronautique au XXe siècle », Dossier thématique, 2016, https://revues.univ-tlse2.fr:443/pum/nacelles/index.php?id=145. Retour au texte

3 De Syon Guillaume, « The Female Flier, National Icon in Interwar France », in Moore Alison M. (dir.) Sexing Political Culture in the History of France, New-York, Cambria Press, 2012, pp. 205-220. Retour au texte

4 Ameye Thomas, Bieke Gils et Pascal Delheye, « Daredevils and Early Birds: Belgian Pioneers in Automobile Racing and Aerial Sports During the Belle Époque », International Journal of the History of Sport, 2011, p. 213. Retour au texte

5 « La Coupe d’aviation “Femina” », Femina, 15 juin 1910, p. 342. Retour au texte

6 Chadeau Emmanuel, Le Rêve et la puissance, l’avion et son siècle, La Flèche, Fayard, coll. « Pour une histoire du xxe siècle », 1996, p. 56. Retour au texte

7 Rédier Antoine, Hélène Boucher, jeune fille française, Paris, Flammarion, 1935, p. 12. Retour au texte

8 « La passion d’Hélène Boucher », La Femme, 30 janvier 1946, p. 6. Retour au texte

9 Bastié Maryse, Ailes ouvertes : carnet d’une aviatrice, Paris, Collection Voyageuses de lettres, Fasquelle, 1937, p. 42. Retour au texte

10 Andréani Henri, L’autre Aile, 1923, 73 min. Retour au texte

11 Ibid. Retour au texte

12 Lettre d’Hélène Boucher à son père du 14 avril 1931, Dossier Lettres de Mont-de-Marsan, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

13 Lettre d’Hélène Boucher à son père du 14 avril 1931, Dossier Lettres de Mont-de-Marsan, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

14 Lettre de Michel Détroyat du 11 décembre 1933, Dossier Factures, achats et entretien, Document 1, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

15 « La passion d’Hélène Boucher », La Femme, 30 janvier 1946, p. 6. Retour au texte

16 Houard Georges, « Suite à une critique », Les Ailes, 30 avril 1925, p. 1. Retour au texte

17 Rennes Juliette, Femmes en métier d’hommes. Cartes postales 1890-1930, Bleu autour, Saint-Pourçain-sur-Sioule, 2013, p. 135. Retour au texte

18 « Une aviatrice qui vient », Paris-Midi, 4 août 1932, p. 6. Retour au texte

19 Mathis Suzy, « Une nouvelle victoire des ailes féminines », Les Dimanches de la femme, 17 septembre 1933, p. 3. Retour au texte

20 « Départ d’Hélène Boucher pour l’Indochine », 8 février 1933, AF 19 2, Archives Gaumont-Pathé. Retour au texte

21 « Propagande pour nos voisins », Cyrano, 5 mars 1933, p. 21. Retour au texte

22 Contrat avec l’Office commercial de l’Aéronautique, Document 20, Dossier Meetings, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

23 « Le Français Détroyat et l’allemand Fieseler deux as de l’acrobatie aérienne se livreront un match sévère », Les nouvelles de Versailles, 3 octobre 1933, p. 3. Retour au texte

24 « Michel Détroyat vainqueur de la coupe d’acrobatie », Ambassades et consulats, 1er janvier 1934, p. 24. Retour au texte

25 S. G., « Quand Vera von Bissing championne allemande de l’acrobatie aérienne est… “parisienne” », Paris-midi, 12 octobre 1933, p. 2. Retour au texte

26 « Hier s’est tuée Hélène Boucher, la femme la plus vite du monde », L’Écho d’Alger, 1er décembre 1934, p. 1. Retour au texte

27 Mathis Suzy, « Une nouvelle victoire des ailes féminines », Les Dimanches de la femme, ibid. Retour au texte

28 « Une politesse en vaut une autre », L’Écho d’Alger, 25 juillet 1932, p. 2. Retour au texte

29 Kessel Joseph, « La Flamme Volante », Matin, 3 décembre 1934, Document 20, Dossier « Hélène Boucher », DOS BOU, BMD. Retour au texte

30 « Hélène Boucher », 15 août 1934, AF 98 1, Archives Gaumont-Pathé. Retour au texte

31 « Mlle Hélène Boucher bat le record féminin du monde de vitesse en avion à la moyenne horaire de 429 km/h », Excelsior, 11 août 1934, p. 1. Retour au texte

32 « L’aviation de tourisme en Tunisie », L’Afrique du Nord illustrée, 26 août 1933, p. 15. Retour au texte

33 Chadeau Emmanuel, Louis Renault, Paris, Plon, 1998, p. 90. Retour au texte

34 Pneumatique du 3 février 1933, Document 14, Dossier Voyage Saïgon, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

35 Lettre des Huiles Castrol du 3 avril 1934, Document 15, Dossier Factures, achats et entretien, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

36 Contrat du champagne Pommery et Greno du 13 février 1933, Document 22, Dossier Voyage SaÏgon, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

37 Affiche publicitaire Lucky Strike et Amelia Earhart, 28 x 21 cm, 1928, AECD-92, Dossier Friendship 1928, Boite 1, AEP, Purdue University Library. Retour au texte

38 Lettre de Richard Byrd du 30 juillet 1928, AECD-195, Dossier Friendship 1928, Boite 1, AEP, PUL. Retour au texte

39 Mortane Jacques, « La jeune fille aux 7 records », Lectures pour tous, 1er janvier 1934, p. 32. Retour au texte

40 Contrat de la Société des Avions Caudron du 7 juillet 1934, Document 41, Dossier Meetings, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

41 Lettre du 27 novembre 1934, Document 51, Dossier Meetings, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

42 Publicité Vivasport Renault 6 cylindres, Société Renault, 1934. Retour au texte

43 « L’actualité aéronautique », À la page, 23 février 1933, p. 14. Retour au texte

44 Jacquemond Louis-Pascal, L’Espoir brisé : 1936, les femmes et le Front populaire, Paris, Belin, p. 111. Retour au texte

45 Bougle-Moalic Anne-Sarah, Le Vote des Françaises : cent ans de débats, 1848-1944, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2012, p. 292. Retour au texte

46 Discours Hélène Boucher, Document 11, Dossier Interventions publiques, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

47 « La Femme Nouvelle », 1 octobre 1934, CM 635, Archives Gaumont-Pathé. Retour au texte

48 Mathis Suzy, « Une nouvelle victoire des ailes féminines », ibid. Retour au texte

49 Ben-Amos Avner, Le Vif saisit le mort. Funérailles, politique et mémoire en France (1789-1996), Paris, EHESS, coll. « En temps & lieux », 2013, 452 p. Retour au texte

50 « Le corps d’Hélène Boucher sera transporté ce soir à la chapelle Napoléon aux Invalides. », Document 20, Dossier « Hélène Boucher », DOS BOU, BMD. Retour au texte

51 Dossier Obsèques, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

52 Lettre d’Albert Lebrun aux parents d’Hélène Boucher, non numéroté, Dossier Obsèques, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

53 Ripa Yannick, « Louise de Bettignies, “la Jeanne d’Arc du Nord” », in Ripa Yannick (dir.), Femmes d’exception. Les raisons de l’oubli, Le Cavalier Bleu, 2018, pp. 189-199. Retour au texte

54 « Toute l’aviation s’est inclinée devant le corps d’Hélène Boucher », Le Figaro, décembre 1934, Document 23, Dossier « Hélène Boucher », DOS BOU, BMD. Retour au texte

55 « Souscription Hélène Boucher », Document 4, Dossier Monument funéraire, Fonds Hélène Boucher, Association des amis d’Yermenonville. Retour au texte

56 Délibération n° 200, Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, Paris, 6 avril 1935, p. 1682. Retour au texte

57 Lettre du 22 juillet 1935 du Groupe Hélène Boucher à M. et Mme Boucher, Document 11, Dossier Hommages Posthumes, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

58 Lettre du 1er décembre 1937 de Henriette Thiébault, Document 24, Dossier Hommages Posthumes, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

59 « Les élèves de la promotion “Hélène Boucher” au travail sur un plan, à Paris, France, le 10 juillet 1936 », Keystone-France, k007120_014.jpg. Retour au texte

60 Lettre de février 1938 de Denise Renoncourt à Mme Boucher, Document 27, Dossier Hommages Posthumes, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

61 Lettre du 30 novembre 1937 de Jane Guere à Mme Boucher, Document 22, Dossier Hommages Posthumes, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

62 Lettre du 11 mars 1936 de Germaine Libault à M. et Mme Boucher, Document 23, Dossier Hommages Posthumes, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

63 Lettre du 13 août d’Emma Stautner à Mme Boucher, Document 23, Dossier Hommages Posthumes, Fonds Hélène Boucher, AAY. Retour au texte

64 Lettre du 30 novembre 1937 de Jane Guere à Mme Boucher, Document 22, Dossier Hommages Posthumes, Retour au texte

Fonds Hélène Boucher, AAY.

65 Boselli Elisabeth, AI/8/Z/229, Série Histoire Orale, SHD. La série « Histoire orale » est issue d’une collecte d’entretien effectuée depuis 1974 par le Service historique de la Défense, en particulier concernant les acteurs de l’Armée de l’Air. Retour au texte

66 Jaloux Edmond, s. t., s. d., Document 18, Dossier « Hélène Boucher », DOS BOU, BMD. Retour au texte

67 Redier Antoine, Hélène Boucher, jeune fille française, ibid. Retour au texte

68 Mortane Jacques, Hélène Boucher, aviatrice, Paris, Plon, 1936, 93 p. Retour au texte

69 Chambe René, Hélène Boucher, pilote de France, Paris, éditions Baudinière, coll. « La Bibliothèque de l’Aviateur », 1937, 288 p. Retour au texte

70 Simard-Houde Mélodie, « La plume et l’aile. L’épopée aéronautique française, entre presse et édition (1908- 1945) », Mémoires du livre / Studies in Book Culture, vol. 8, n° 2, Printemps 2017. Retour au texte

71 Marck Bernard, Hélène Boucher, la fiancée de l’air, Paris L’Archipel, 2003, 405 p. Retour au texte

72 Manns Valérie, Le Ciel est à elles, Zadig Productions, 2021, 52 min. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Laure Bouglé-Bal dit Sollier, « Hélène Boucher », Nacelles [En ligne], 12 | 2022, mis en ligne le 20 juin 2022, consulté le 20 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/1646

Auteur

Laure Bouglé-Bal dit Sollier

Élève à l’École normale supérieure
laurebougle21@gmail.com