Introduction : l’invention du système solaire (xvie-xviiie siècles). Faire l’histoire d’un concept astronomique récent : le système planétaire. Pertinence épistémologique et précautions méthodologiques

  • The invention of the solar system (16th-18th centuries) : Introduction. Making the history of a recent astronomical concept : the planetary system. Epistemological relevance and methodological precautions

Plan

Texte

La notion de « système planétaire » est devenue un véritable concept astronomique avec la découverte des exoplanètes en 1995. Pourtant, dès l’Antiquité les savants ont appris à distinguer les planètes, le Soleil et la Lune, en observant que leur cours diffère de celui des « étoiles fixes », et en élaborant des schémas géocentriques décrivant leurs mouvements dans un Cosmos structuré. Quant à la révolution astronomique des xvie et xviie siècles, qui, après Copernic, forge laborieusement les expressions « système planétaire » et « système solaire », en donnant au Soleil un rôle central dans une dynamique planétaire incluant désormais la Terre, elle a élargi les champs du visible, expliqué la dynamique des astres gravitant autour de cette étoile, en montrant que les planètes pouvaient également être entourées de systèmes de nature comparable…

Alors que depuis la révolution copernicienne, le système solaire était le seul système planétaire connu de l’astronomie moderne, à partir du moment où d’autres systèmes planétaires ont été découverts, tout l’acquis de presque cinq siècles de travaux astronomiques prend une autre dimension : ce corpus de connaissances sert en quelque sorte de point de repère pour comprendre les autres systèmes planétaires, car ce que l’on sait du système solaire et de ses composants constitue un socle bien plus solide que ce que nous ont appris les données encore bien ténues recueillies dans l’observation des exoplanètes.

À condition de faire preuve de rigueur et de méthode, et en la poursuivant jusqu’à nos jours, une recherche sur l’origine et le développement de la notion de système planétaire s’avère ainsi à la fois intrinsèquement légitime comme objet d’histoire des sciences et utile pour aider la planétologie et l’astrophysique à affronter les défis théoriques que leur posent les nouveaux systèmes planétaires qui se révèlent chaque jour.

1. « Système planétaire » dans le lexique des astronomes coperniciens

Il semble que ce soit Kepler qui, dans l’Astronomia nova ait le premier employé l’expression « systemata planetaria »1, en la rapportant à l’astronome danois Tycho Brahe. Toujours en relation avec ce dernier, il la réutilise à plusieurs reprises dans le traité sous une forme légèrement différente ; par exemple : « … Sol ipse in centrum mundi (Copernico) vel saltem in centrum systematis Planetarii (Tychoni) veniat [… le soleil lui-même [vient] au centre du monde (selon Copernic) ou tout au moins au centre d’un système de planètes (selon Thyco)] »2. En fait, Kepler, comme cela ressort nettement de ce passage, s’en sert pour la distinguer du « système du monde », qui renvoie à une conception globale et structurée du Cosmos, puisque les deux savants attribuent un centre à ce dernier : pour Copernic le Soleil et pour Tycho la Terre. Sur ce point précis, le Danois demeure fidèle à Aristote et à Ptolémée, mais son originalité est d’avoir imaginé à l’intérieur de son système géocentrique, un autre système formé par cinq planètes (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne) qui, elles, tourneraient autour du Soleil, tout en étant entraînées par lui dans sa révolution autour de la Terre. C’est ce système secondaire que Kepler baptise systemata planetaria/planetarii, système planétaire. Toutefois, dans l’Epitome, publié en 1620, l’expression prend nettement un autre sens : « 2. Est-ce que l’ensemble des orbes des cinq planètes, la Terre se trouvant au milieu, sont entraînés par un mouvement circulaire autour du Soleil, comme si le Soleil était enserré en leur sein ? 3. Est-ce que le Soleil occupe le centre même de tout le système planétaire [...]3 ? » Dans ce cas-là, il ne peut y avoir d’équivoque : en employant « système planétaire », l’astronome allemand se réfère exclusivement au système formé par le Soleil et les six planètes (Terre comprise) qui gravitent autour, à l’exclusion notable des étoiles fixes.

Au xviie siècle, dans le sillage tumultueux des travaux de Galilée, la compétition cosmologique, laissant progressivement de côté l’éphémère et baroque système de Tycho, se concentre autour des « deux plus grands systèmes du monde », pour reprendre le titre du livre qui a conduit le Toscan devant l’Inquisition. Placée comme dans l’ombre de cet affrontement, la notion de système planétaire ne focalise guère l’intérêt des savants. Elle n’est pas totalement abandonnée. En témoignent : la carte intitulée Planisphaerium sive Muni totius Tychonis plano, publiée en 1661 (fig. 1), qui contient la mention « systema palnetarum [...] solem [...] comitantium [système des planètes accompagnant le Soleil] » pour désigner, comme pour Kepler dans l’Astronomia nova, l’espace délimité par les cinq planètes centrées sur le Soleil dans le système tychonien, ou bien la Description and Use of the Planetary System Together with Easy Tables (1674) de l’astronome anglais Thomas Streete, utilisant pour la première fois l’expression dans le titre d’un livre.

(Fig. 1). Le système du monde de Tycho Brahe

(Fig. 1). Le système du monde de Tycho Brahe

(Planisphaerium sive Muni totius Tychonis plano. In Cellarius Andreas, Harmonia macrocosmica, 1661).

La notion se répand ensuite lentement. Dans l’édition de 1762 du Dictionnaire de l’Académie, l’entrée « Système » précise par exemple : « …On appelle aussi Système, Un assemblage de corps. Le système planétaire ». Si ce qui est entendu ici derrière cette expression n’est guère explicite, il n’en va pas de même dans le livre publié par Samuel Pye à Londres en 1766 et intitulé The Mosaic Theoy of the Solar, or Planetary System qui, sans équivoque, confronte le système issu des théories de Copernic avec les textes de la Genèse4

Cette faible utilisation de l’expression « système planétaire » peut nous paraître aujourd’hui paradoxale car, si l’on se penche sur les grandes problématiques qui orientent les recherches des savants après Newton, cette notion, par sa précision, possède une plus grande fécondité heuristique que celle de « système du monde », davantage employée. De fait, c’est justement parce que les conditions d’observation et de calcul astronomique de l’époque ne facilitaient guère les investigations bien au-delà du système solaire (dont la composition s’est trouvée enrichie en 1781 par la découverte d’Uranus), que « système du monde » et « système planétaire » n’étaient pas clairement distingués. Ainsi, le livre III des Principes mathématiques de philosophie naturelle de Newton, intitulé pourtant De systemate mundi, traite-t-il essentiellement des lois de la gravitation appliquées aux corps célestes qui composent le seul système solaire5. Un siècle plus tard, en 1787, une « Exposition du Systême du Monde » par le professeur royal Cousin débute de semblable manière par : « Les corps célestes qui composent notre systême planétaire se divisent en planetes principales qui ont le Soleil pour centre de leur mouvement, et en planetes secondaires, qu’on appelle satellites, qui tournent autour de la planete principale »6.

Last but not least, en 1796, Pierre Simon Laplace offre au public sa magistrale Exposition du système du monde7, mais l’on peut remarquer avec Jacques Merleau-Ponty et Bruno Morando qu’il se contente d’y présenter « une théorie du système solaire », soit une « très petite partie de l’univers »8.

2. « Système solaire » et systèmes planétaires secondaires

N’accordant aux autres formations de l’univers qu’un intérêt limité, l’astronomie s’est donc longtemps concentrée sur le seul système planétaire connu, le système solaire. Ajoutons que, tandis qu’en tant que système du monde, l’héliocentrisme est, dès les premières décennies du xviie siècle, couramment appelé « système de Copernic », il faut en attendre la fin pour que, timidement l’on commence à parler de « système solaire ». En 1696, A New Theorie of the Earth de William Whiston s’ouvre sur une représentation du Systema solare qui, stricto sensu figure un authentique système planétaire (fig. 2)9. Le Soleil occupe une position centrale et est entouré des « orbites » des planètes. De la même manière sont dessinées les orbites de la Lune, des quatre satellites de Jupiter et de cinq satellites de Saturne. Fait remarquable, une « orbite de comète » elliptique s’étire depuis la proximité du Soleil jusqu’au-delà de celle de Saturne, ce qui la situe bien dans le système qui, alors qu’aucune étoile n’est représentée, ne peut en aucune manière être considéré comme un système du monde.

(Fig. 2). Première représentation du « système solaire »

(Fig. 2). Première représentation du « système solaire »

(A New Theorie of the Earth, from its Original, to the Consummation of All Things, by William Whiston, Printed by R. Roberts, London, 1696, fausse page de titre).

C’est donc tardivement et lentement que « système solaire » s’est introduit dans le discours des savants. En 1702, un autre Anglais, David Gregory10, dans les Astronomiae physicae et geometricae elementa, reprend l’expression. John Locke, en 1706, aurait forgé l’anglais « solar system » dans les Elements of Natural Philosophy. L’année suivante, sous une forme latine, elle apparaît pour la première fois dans le titre d’un essai astronomique ; il s’agit de l’Ausfürliche Erklärung über zwei neue homännische Charten als über das Systema solare et planetarium copernico-hugenianum und europam Eclipsatam [Explication complète de deux cartes de Homman sur le système solaire et planétaire de Copernic et de Huygens et l’éclipse européenne (NDLR : du 10 mai 1706)] de Johann Gabriel Doppelmayer, rédigé en allemand et publié à Nuremberg (fig. 3). Signalons à ce propos que si les deux syntagmes « système solaire » et « système planétaire » sont utilisés par Doppelmayer, ce ne sont pas sous sa plume des synonymes, puisque le second renvoie explicitement aux systèmes secondaires formés par la Terre, Jupiter et Saturne et leurs satellites respectifs11.

(Fig. 3). Le système solaire et des planètes selon Homann et Doppelmayer

(Fig. 3). Le système solaire et des planètes selon Homann et Doppelmayer

(Johann Baptist Homman, Johann Gabriel Doppelmayer, Systema solare et planetarium : ex hypothesi Copernicana secundum elegantissimas Illustrissimi quondam Hugenij deductiones, novissime collectum et exhibitum à Iohanne Bapt. Homanno, Noribergae, 1742).

De tels exemples montrent combien hésitante a été la dénomination des systèmes formés par une planète et par les satellites qui gravitent autour d’elle. Cela n’est certainement pas étranger aux atermoiements des savants pour fixer la dénomination des astres qui composent ces systèmes planétaires secondaires. Lorsque, dans le Sidereus nuncius, Galilée fait pour la première fois état de la découverte des satellites de Jupiter, il emploie les expressions stellula [petite étoile], stella [étoile], sidus [astre, étoile], associées parfois au qualificatif de vagans [errant], avant de considérer que ces astres sont des planetae medicei [planètes médicéennes] en les dédiant à la famille régnante de Toscane12. C’est Kepler, en 1611, qui utilise le premier le mot satelles [garde du corps, compagnon] pour qualifier ces astres errants autour de Jupiter, dans la Narratio de observatis a se quatuor Jovis satellitibus erronibus13. Mais, alors que Iovialis [Jupitérien] est sous sa plume le nom propre qu’il leur donne, la dénomination de satelles prend une dimension universelle en étant employée indifféremment pour les deux systèmes planétaires connus alors par lui, celui de la Terre et celui de Jupiter14. Il lui arrive cependant d’employer d’autres mots pour désigner les satellites. Il ne proscrit pas planeta mais en l’assortissant d’un qualificatif : planeta jovialis15 [jupitérienne] ou secundarius planeta de la Terre16 ou de Jupiter17, par opposition aux six planetae primarii18. Il utilise également pedissequa [suivante] ou bien comes [compagnon de voyage] comme synonymes19. Pour sa part, l’autre découvreur des satellites de Jupiter, Simon Marius, utilise de nombreux termes pour désigner ces derniers mais n’emploie pas satelles20, alors qu’il était en relation avec Kepler qui lui avait suggéré de les baptiser Io, Europe, Ganymède et Calisto21. Une certaine imprécision lexicale demeure également dans les décennies suivantes. Ainsi, le 5 juin 1655, lorsque Huygens donne à Saturne son premier satellite, Titan, se contente-t-il de parler de noviluna ou de luna en annonçant sa découverte à Frans van Schooten. Luna figure également dans le décryptement de l’anagramme envoyée peu après à John Wallis et à Kinner, et « lune » dans sa correspondance en français avec Chapelain l’année suivante, tandis que Roberval lui annonce qu’il a diffusé autour de lui la nouvelle de la « lune de Saturne » le 6 juillet 1656. Toutefois, lorsqu’il écrit à son frère, le 6 novembre 1655, c’est une autre expression qu’il utilise, celle de « satellite saturnien »22. Alors que les aspects changeants de Saturne troublaient la communauté savante depuis les observations de Galilée, Huygens, pourvu d’une lunette très puissante, enrichit encore la connaissance de l’environnement de cette planète en révélant l’existence d’un anneau. De ce flottement du vocabulaire, résulte celui qui concerne la dénomination du système formé par les corps qui gravitent autour d’une planète (satellites et anneaux). Huygens lui-même et bien d’autres parlent aussi bien de « monde » que de « système », mais en ajoutant « saturnien » ou « de Saturne »23. Newton lui-même, s’il emploie fréquemment satelletes, utilise aussi planeta en faisant la distinction entre planetae circumjoviales et planetae primarii ou circumsolares24.

En dépit de l’analogie qui s’impose à eux avec le système Terre-Lune, que Galilée le premier souligna25, la plupart des savants du xviie siècle manifestent une certaine hésitation à inclure pleinement les trois systèmes planétaires secondaires connus dans une problématique unique, elle-même étroitement liée à celle du système principal qui gravite autour du Soleil. En fait c’est surtout à partir des travaux de Newton que la loi de la gravitation place ces quatre systèmes dans un cadre théorique universel capable même de s’appliquer à d’éventuelles découvertes ultérieures. Pour Newton en effet, la force qui retient dans leur orbite les satellites de Jupiter et de Saturne, la Lune et les six planètes « primaires », tend vers l’astre autour duquel ils gravitent ; elle est inversement proportionnelle au carré de la distance à son centre et proportionnelle à la quantité de matière contenu en chacun26.

3. Découverte des exoplanètes et élargissement du champ théorique du concept « système planétaire »

Excités par les découvertes de l’astronomie nouvelle, des savants et des écrivains n’ont pas hésité à postuler une pluralité de mondes, autrement dit une pluralité de systèmes planétaires. Dans l’Antiquité, un grand nombre de penseurs présocratiques se rangeaient à cette idée. Plus tard, dans la Grèce classique, alors qu’en suivant Aristote, une partie des savants la rejetaient, en se ralliant au géocentrisme et à l’incorruptibilité des cieux, c’est surtout l’épicurisme qui continua de l’enseigner jusqu’à l’époque romaine, comme en témoigne le second livre du poème de Lucrèce De Natura rerum (De la Nature). Considérée comme impie par le christianisme médiéval, la pluralité des mondes retrouva une timide place dans les débats philosophiques de la fin du Moyen Âge, notamment lors de la publication de La Docte ignorance de Nicolas de Cues. C’est cependant dans le sillage des travaux de Copernic qu’aux dernières décennies du xvie siècle, resurgissent avec force les thèses de l’infinité de l’univers, de la pluralité des mondes. Giordano Bruno en fait l’objet de son traité De l’infini, de l’univers et des mondes ; il périt sur le bûcher à Rome en 1600 pour avoir refusé de se rétracter sur ce point devant l’Inquisition. L’utilisation de la lunette astronomique par Galilée, en montrant les reliefs de la Lune, les taches du Soleil ou les satellites de Jupiter, ruine l’idée que la Terre jouirait d’un statut à part dans le Cosmos et, en conséquence, accrédite implicitement le fait que ces astres ne diffèreraient pas d’elle et pourraient même être habités. Philosophes et astronomes, s’emparent alors de ces divers thèmes pour les intégrer à la conception qu’ils se font de l’univers (Descartes, Fontenelle, Huygens) ; certains y voient un moyen d’accorder l’astronomie nouvelle avec l’enseignement de la Bible (Wilkins, Borel), d’autres enfin en font des fictions littéraires, où le récit d’un voyage fantastique peut servir de prétexte à des critiques implicites des sociétés de leur temps ou à des considérations utopistes (Kepler, Campanella, More, Godwin, Cyrano de Bergerac)27.

Pourtant, si cette notion connaît dès le xviie siècle et pour longtemps, une grande fortune littéraire, l’on est en droit de lui contester alors un authentique statut épistémologique de concept : un seul objet scientifiquement prouvé (le système solaire, même accompagné des systèmes gravitant autour de ses planètes) ne pouvant avoir cette prétention. Aussi fallut-il attendre plus de trois siècles pour que la notion de système planétaire (planetary system), sortant enfin de la science-fiction, trouve une réelle dignité astronomique.

En 1985, les astronomes qui s’appétaient à observer le retour de la comète de Halley, pouvaient encore se désoler avec Mario Rigutti :

En dépit du grand développement de l’astronomie de ces dernières décennies, l’origine du système solaire est encore matière d’hypothèses et de conjectures. Bien que les recherches n’aient pas manqué, et même qu’elles aient été réalisées avec tous les moyens que fournissent les techniques modernes et avec l’utilisation de tous les types d’instruments adaptés dans ce but, tant à terre que dans l’espace, notre système planétaire est l’unique effectivement connu28.

L’humanité était pourtant à la veille de conjurer cette malédiction. En 1995, alors que la communauté scientifique s’interrogeait à propos de l’annonce faite en 1992, de la découverte de deux planètes autour du pulsar PSR B1257+12 par le polonais Alexander Wolszczan, deux astronomes suisses, Michel Mayor et Didier Queloz, découvraient à l’observatoire de Haute-Provence l’exoplanète 51 Pegasi b. C’était la première fois qu’on identifiait formellement une planète hors du système solaire. Très rapidement, un très grand nombre d’astres de même nature ont été repérés en différents lieux de notre galaxie. Depuis, les découvertes se font avec une progression quasi exponentielle, à tel point qu’il faut réviser les chiffres jour après jour : au 20 février 2018, 2795 systèmes planétaires étaient formellement authentifiés, dont 622 formés de plusieurs planètes (multiple planet systems). Soit au total 3729 exoplanètes29.

La notion de « système planétaire », formulée comme une notion descriptive de la structure du système solaire puis comme une hypothèse philosophique et astronomique, est ainsi devenue, en prenant une dimension universelle, un concept cosmologique définissant tout système formé par une étoile (ou, de manière secondaire, par tout astre) et par les corps célestes qui orbitent autour : planètes, planètes naines, satellites naturels, comètes, astéroïdes, nuages ou disques de poussières, de roches ou de blocs de glace, auxquels il faut ajouter des gaz, des particules chargées, des plasmas, des fluides magnétiques…

4. De l’Antiquité à Newton : penser la mise en place des notions constitutives d’un système planétaire

Il est donc tout à fait légitime de considérer que c’est Copernic qui jette les premières fondations de la notion moderne de système planétaire. Mais avant ce moment fondateur, centré sur le système solaire, est-il licite de pousser encore plus avant notre enquête sur l’histoire du concept30 ?

D’autres historiens des sciences ont en effet abordé ce genre de problème. Parmi eux, Georges Canguilhem, qui s’est penché sur La formation du concept de réflexe aux xviie et xviiie siècles, alors que c’est autour de 1840 que les physiologistes l’ont introduit dans le champ de leur science. Lisons comment Canguilhem justifiait sa démarche :

Si [un] concept, logiquement ébauché ou formé dans un tel contexte, se trouve ultérieurement capté par quelque théorie qui l’utilise dans un contexte et un sens différents des premiers, cela ne fait pas que ledit concept soit condamné à n’être plus, dans la théorie initiale, qu’un mot vide de sens. Car il y a certains concepts théoriquement polyvalents [...]. Il est exclu, en tout cas, que la vigueur d’un concept dans un terrain théorique donné puisse constituer une présomption suffisante pour limiter aux terrains théoriques de même composition la recherche des lieux de sa naissance31.

Autrement dit, si l’on transpose son propos dans l’étude de la formation du concept de système planétaire, le contexte théorique actuel qui lui donne toute sa richesse, ne doit pas nous interdire de rechercher dans d’autres contextes, dans d’autres conceptions de l’univers, des éléments qui auraient pu participer à son émergence moderne, même avant qu’il ne soit formulé et défini pour ce qu’il est dans la cosmologie contemporaine. Quelques remarques sur les conditions dans lesquelles s’est effectuée la révolution astronomique des xvie et xviie siècles justifieront une telle prise de parti :

- Ce que renverse Copernic en plaçant le Soleil au centre du Cosmos et non plus la Terre, c’est la nature de ce centre cosmique et non pas le fait que le Cosmos s’organise autour d’un centre. Or cette notion de centre, dont l’origine plonge loin dans la tradition astronomique, au-delà des Grecs chez les Babyloniens, est conservée dans la conception copernicienne de système planétaire. Étudier comment les astronomies anciennes ont émis ce postulat et ont tenté de le théoriser en s’appuyant sur une observation du ciel, appartient donc pleinement à la recherche que nous entamons ; notamment en nous penchant sur les théories cosmologiques dont la continuité a conduit au seuil de la révolution copernicienne : celle des Mésopotamiens, celle des Grecs, celle des Arabes et celle des savants chrétiens médiévaux

- Corollaire de la notion de centre, l’on trouve celle de révolution des astres selon un mouvement circulaire et régulier. En dépit des correctifs apportés par Kepler, il y a là un schéma dynamique qui mérite d’autant plus attention qu’il repose sur une pratique et des instruments de mesure angulaire de la position des corps célestes, que l’astronomie moderne n’a pas remis fondamentalement en cause. Cela suppose aussi, l’idée de prédictibilité (ou celle de détermination rétroactive) de la position des astres et donc d’une traduction mathématique (géométrique et plus tard trigonométrique et algébrique) de ces recherches. Que celles-ci soient en grande partie guidées par des préoccupations astrologiques importe peu ici, puisque qu’elles reposent sur le paradigme (clairement formulé par Pythagore et Platon, avant d’être repris par Aristote, Ptolémée et les astronomes qui les ont suivis) d’un monde céleste gouverné par les nombres et les figures mathématiques. Ce que, dans un univers mental très différent, ne conteste nullement l’astronomie moderne, depuis Kepler, Newton ou même Einstein.

- Alors que les astronomes anciens imaginaient un huitième ciel formant une voûte céleste sur laquelle étaient fichées les étoiles fixes visibles, ils ont repéré des astres ayant un mouvement autonome qui les faisait circuler dans un secteur du ciel relativement étroit qu’ils ont baptisé le Zodiaque. En avant-plan des douze constellations qu’ils y ont décrites, sept corps ne suivaient pas le cours immuable des étoiles. Deux étaient de taille remarquable ; le Soleil et la Lune ; ils les ont appelés luminaires ; les cinq autres sont plus difficiles à observer même si la lumière qu’ils émettent ne scintille pas comme celle des étoiles : leur mouvement relatif au fond du ciel est en effet bien plus lent ; il ne devient évident que si l’on multiplie, nuit après nuit, les observations. Ce sont des astres errants (en grec planêtês : « errant, vagabond ») d’où dérivent le latin planeta et le français « planète ». Très tôt, dans l’Antiquité, certaines particularités du cours des planètes ont été étudiées et bien décrites : notamment les rétrogradations, qui les font revenir en arrière par rapport à leur mouvement antérieur. De la même manière, la durée de révolution de ces astres a été assez bien connue ; elle a servi de base à la détermination des grandes divisions du temps (jour, mois, année).

De fait, même si le système géocentrique est, à proprement parler, un système planétaire imaginaire, il constitue une matrice théorique qui ne manque pas de pertinence et ne peut être rejeté d’une histoire des systèmes planétaires ; à maints égards il appartient pour ses périodes les plus anciennes, celles où les éléments qui le composent commencent à être identifiés, à la préhistoire du concept de système planétaire, et à sa protohistoire pour le schéma le plus élaboré, celui que synthétisent Aristote et surtout Ptolémée, enrichi ensuite par les savants arabes et chrétiens du Moyen Âge. Sans ce lent travail millénaire d’élaboration, à partir d’observations méticuleuses et de calculs, ni Copernic ni ses successeurs n’auraient pu réaliser les avancées qu’ils ont fait faire à l’astronomie ; tout au plus auraient-ils été capables, comme dans l’Antiquité les Pythagoriciens ou Aristarque de Samos, d’inventer au milieu de bien d’autres, un schéma héliocentrique dépourvu de solides soubassements rationnels et expérimentaux.

Toutefois, lorsque l’on examine plus en détail ce qu’a été la révolution astronomique, force est de constater que le savant polonais n’a fait qu’amorcer celle-ci. Certes si ce recentrement sur le soleil a une portée épistémologique déterminante, de même que le ravalement de la Terre au rang de simple planète, il s’en faut toutefois de beaucoup qu’il ait bien rendu compte de la structure de l’ensemble de ce système planétaire. Ainsi entre le milieu du xvie et la fin du xviie siècle, le schéma copernicien s’est affiné pour aboutir à la détermination d’un « système solaire » capable de s’étoffer et se complexifier pendant plusieurs siècles sans pourtant voir sa structure remise en cause.

5. Précautions méthodologiques et épistémologiques préalables

Avant de clore ce survol et pour montrer combien les influences entre astronomies ancienne et moderne sont complexes, et cela en dépit des ruptures fondamentales opérées après Copernic, l’on peut prendre un dernier exemple, qui est au cœur même de la conception moderne des systèmes planétaires : la théorie de la gravitation universelle. Pour en parler, il est nécessaire de se prémunir d’un travers qui entache souvent les travaux d’histoire des sciences : l’anachronisme. Rechercher dans le passé l’origine d’un concept, ne signifie pas postuler son existence cachée de toute éternité et sa révélation progressive aux yeux des savants. Les concepts ne sont pas des « idées » platoniciennes éternelles, des « formes » aristotéliciennes ou des « essences » scolastiques, ayant une existence propre ; ce sont des constructions théoriques produites par les hommes dans leur effort pour comprendre les phénomènes qu’ils observent. Ils ne prennent tout leur sens qu’à l’intérieur d’une conception du monde, où peuvent se mêler divers éléments rationnels ou irrationnels (notamment religieux et magiques). Appréhender ces constructions idéologiques, soit, pour ce qui nous concerne ici, des théories cosmologiques plus ou moins marquées par des données cosmogoniques ou astrologiques, suppose qu’on se départe des schémas mentaux qui sont ceux du temps et du milieu dans lesquels on vit. Le philosophe des sciences et historien de l’astronomie, Alexandre Koyré, a lancé sur ce point un avertissement clair :

Il est parfois nécessaire non seulement d’oublier des vérités qui sont devenues parties intégrantes de notre pensée, mais même d’adopter certains modes, certaines catégories de raisonnement ou du moins certains principes métaphysiques qui, pour les gens d’une époque passée, étaient d’aussi valables et d’aussi sûres bases de raisonnement et de recherche que le sont pour nous les principes de la physique mathématique et les données de l’astronomie32.

Tel est le cas lorsqu’on se penche sur la notion d’attraction. Dans la cosmologie ancienne d’inspiration astrologique (Ptolémée est, rappelons-le, l’auteur d’un traité astrologique, La Tétrabible33, au moins aussi influent que l’Almageste34, son grand traité astronomique) les corps de l’univers, notamment ceux du monde supralunaire (le macrocosme) et ceux du monde sublunaire (le microcosme) exercent des influences les uns sur les autres. C’est ainsi, par exemple, qu’observant le rythme des marées, les savants antiques ont établi des corrélations avec les phases de la Lune et, plus secondairement avec les positions du soleil35. Si l’on admet ces jeux d’influences occultes, cachées, mystérieuses, l’on peut donner des explications très satisfaisantes des marées. Mais pour un rationaliste mécaniste, cette hypothèse est sans valeur : pour ces savants (ce fut le cas de Galilée, très hostile à tout ce qui touchait à l’astrologie et à l’hermétisme36) de telles suppositions étaient pures fantaisies. Newton, qui, on le sait, était très féru de sciences occultes (notamment d’alchimie) n’avait pas cette prévention. Puisque toutes les données d’observations et les calculs qui s’étaient multipliés en son siècle, tant dans la dynamique des corps physiques (Galilée en a été un promoteur) que dans celles des corps célestes (à la suite des travaux de Kepler), n’infirmaient pas ses hypothèses mais au contraire les confirmaient, il n’a pas tenu compte des obstacles épistémologiques qui retenaient les physiciens mécanistes (les cartésiens en première ligne) et a postulé une « attraction universelle », permettant, pour la première fois, de relier les lois de la physique à celles de l’astronomie dans une théorie unificatrice. Quelle est la nature mystérieuse de cette attraction ? Nul ne le sait et Newton ne prétend pas l’expliquer37. Mais depuis plus de trois siècles, c’est sur elle que reposent les calculs astronomiques et ceux qui préparent les vols interplanétaires vers les corps les plus éloignés de notre Terre.

L’on voit donc combien autant il serait dangereux d’importer imprudemment la notion ancienne d’attraction dans l’étude de l’élaboration de la cosmologie moderne, autant il serait discutable de l’en exclure totalement en la détachant du reste de l’univers mental qui lui a donné naissance.

Conclusion

Pour conclure ces séries de remarques, il apparaît, à condition de s’entourer de solides précautions méthodologiques, qu’il n’est pas sans pertinence de se pencher sur les conditions historiques qui, depuis l’Antiquité, ont permis de concevoir, autour de la Terre, des systèmes cosmiques, en grande partie formés de planètes ; des systèmes qui peuvent paraître comme des sortes d’ébauches de ce que l’on entend aujourd’hui par « système planétaire ». Il est tout aussi important d’étudier comment certains éléments de ces systèmes n’ont pas été abandonnés lorsque les théories qui les supportaient se sont écroulées, mais ont été réemployés lors de la révolution astronomique et recomposés dans la représentation théorique du système solaire ; comment aussi (points que je n’ai pas abordés ici) se complexifie la compréhension de ce système et se multiplient les nouveaux domaines de recherche de la planétologie à partir du xixe siècle ; avec une forte accélération au cours des cinquante dernières années, marquées notamment par la conquête spatiale et par l’envoi de nombreuses sondes dans différentes directions du système solaire. Enfin, alors que les mondes extrasolaires se révèlent si riches en exoplanètes et que le concept de système planétaire prend une dimension universelle, il ne sera pas inutile de voir comment ces découvertes font émerger de nouveaux modèles de systèmes planétaires, différents du système solaire, et d’étudier la confrontation de ces modèles à construire avec les problématiques que l’étude du système solaire avait mises à l’épreuve. Ces recherches sont certes des chantiers qui engagent la science à venir ; mais un retour lucide et rigoureux sur l’expérience des générations passées et sur ses apports théoriques et méthodologiques peut s’avérer utile pour aider les planétologues à franchir cette étape si cruciale de leur discipline.

Notes

1 Astronomia nova, Heidelberg, 1609, III- 22, p. 129. C’est, à ma connaissance, Michel-Pierre Lerner, qui a le premier attribué la paternité de l’expression « système planétaire » à Kepler. Voir Lerner Michel-Pierre, Le monde des sphères, tome 2, Vrin, Paris, 2008, p. 210. Retour au texte

2 Kepler Johannes, Astronomiaop. cit., III-33, p. 169. Autre exemple : « Par quelle cause physique le circuit du centre du système planétaire (pour Tycho) ou le circuit de la Terre (pour Copernic) ou l’épicycle portant l’axe (Ptolémée) est-il augmenté ou diminué ? » ; il reprend l’expression dans une note pour préciser ce qu’il entend par centrum systematis planetarii (III-22, p. 125). Pour la traduction française, voir Kepler Jean, Astronomie nouvelle, (trad. J. Peyroux), Bordeaux, 1979, p. 156, p. 216. Retour au texte

3 « 2. An orbes omnes quinque planetarum, & Terrae illorum médii, circa Solem circumducti sint, sic, ut Sol in omnium complexu sit. 3. An sol occupet centrum ipsum totius systematis planetarii… ». In Kepler Johannes, Epitome astronomiae copernicanae, Fancofurti, Ioannes Godefridius Schönwetterus, 1635, IV, V, p. 535. C’est à cette édition que renvoient nos notes ultérieures. Retour au texte

4 C’est à partir des années 1780 que l’expression tend à devenir courante. Voir Astronomy Improved : or, A New Theory of the Harmonious Regularity Observable in the Mechanism or Movements of the Planetary System, (auteur anonyme), Newhaven, 1784 ; Jones William, The Description and Use of a New Portable Orrery, on a Most Simple Construction, Representing in Two Parts-the Motions, and Phenomena of the Planetary System, Londres, 1787. Retour au texte

5 Newton Isaac, Philosophiae naturalis principia mathematica, Joseph Streater, London, 1687, pp. 401 et s. Il est vrai qu’il s’agissait surtout pour Newton, de justifier la force centripète introduite dans le livre I et la force de gravitation présentée dans le livre III. Remarquons également qu’à la fin du traité, Newton émet l’hypothèse de l’existence de systèmes planétaires extrasolaires : « Et si chaque étoile fixe est le centre d’un sistême semblable au nôtre, il est certain que tout portant l’empreinte d’un même dessein, tout doit être soumis à un seul et même Être » ; mais c’est dans une perspective apologétique et non plus scientifique. Cité dans Principes mathématiques de la philosophie naturelle (trad. É. du Châtelet), tome 2, Saillant, Paris, 1759, p. 175). Retour au texte

6 Cousin Jacques-Antoine-Joseph, Introduction à l’étude de l’astronomie physique, Didot l’aîné, Paris, 1787, p. 1. Retour au texte

7 Réédité dans le Corpus des œuvres de philosophie en langue française, Fayard, Paris, 1984. Retour au texte

8 Merleau-Ponty Jacques, Morando Bruno, Les trois étapes de la cosmologie, Robert Laffont, Paris, 1971, p. 86. Cité par Lerner Pierre-Michel, Le monde des sphèresop. cit., p. 217. Retour au texte

9 William Whiston ou Wiston (1667-1652) est un pasteur, théologien et mathématicien anglais. Sa Nouvelle théorie de la Terre, est une tentative d’accorder les enseignements de la Bible avec les découvertes scientifiques de son temps. Croyant que les grandes catastrophes étaient associées au passage de comètes et partageant les conceptions astronomiques de Newton ainsi que l’hypothèse (émise par Cassini et que fera triompher Halley) de leur périodicité selon une révolution autour du Soleil de forme elliptique, il induit que le Déluge a été provoqué par la comète qu’il avait observée en 1680. Retour au texte

10 David Gregory (1661-1708) est un mathématicien et astronome écossais qui a notamment collaboré avec Newton. Retour au texte

11 Doppelmayer Johann Gabriel, Ausfürliche Erklärung über zwei neue homännische Charten als über das Systema solare et planetarium copernico-hugenianum und europam Eclipsatam, Johann Bapt. Homann, Nürnberg, 1707, p. 4. Homann (1664-1724) est un célèbre cartographe allemand, qui a réuni l’ensemble de ses réalisations dans le Grosser Atlas über die ganze Welt (1716). Il a longtemps collaboré avec Doppelmayer (1677-1750), mathématicien, astronome et cartographe, qui a poursuivi son œuvre et réédité l’Atlas avec des compléments au sein de la maison d’édition tenue à Nuremberg par ses héritiers. La fig. 3, extraite de l’Atlas de 1742, est une reproduction de celle réalisée après l’éclipse solaire totale de 1706 et dont le fascicule de Doppelmayer constitue un commentaire. Parmi d’autres emplois anciens de l’expression « système solaire » dans un titre, citons : Neale John, The Description of the Planetary Machine, for which His Majesty has Granted his Royal Patent. With a Brief Account of the Solar System, from the Reverend Mr. Whiston, London, 1745. Retour au texte

12 Galiléi Galileo, Sidereus nuncius, Zacharia Palthenius, Francofurti, 1610, pp.17 et s. Le développement complet du titre mentionne que l’auteur les dénomme « Medicea sidera ». Retour au texte

13 Kepler Johannes, Narratio de observatis a se quatuor Jovis satellitibus erronibus Francofurti, Zacharia Palthenius, 1611. Retour au texte

14 Par exemple : «… sic etiam Terram Luna sua, Iovem suis satellitibus… ». Voir Kepler Johannes, Epitome... op. cit., IV, VI, p. 555. Retour au texte

15 Kepler Johannes, Epitome... op. cit., VI, II, p. 824 ; VI, VII, p. 873. Retour au texte

16 Ibid., IV, III, p. 452. Retour au texte

17 Ibid., VI, VII, p. 873. Retour au texte

18 Ibid., IV, III, p. 449. Retour au texte

19 Ibid., IV, III, p. 449. Retour au texte

20 Marius Simon, Mundus iovialis anno m.dc.ix. detectus ope perspicili belgici, hoc est quatuor Jovialium planetarum, Norimbergis, 1614. Outre iovialis planeta, utilisé dès le titre (il est aussi question de secundarius jiovialis planeta, p. 34), on trouve en général associés à l’adjectif iovalis (également employé seul dans une forme substantivée), sidus (p. 5), stellula (p. 12), stella (p. 13), corpus (p. 13, qualifié d’errans p. 25), corpusculum (p. 23), circulator (p. 23), erro (vagabond, p. 26). Nota : la pagination n’est pas signalée dans le traité. Retour au texte

21 Ibid., p. 31. Marius avait initialement baptisé les quatre satellites : « Saturne », « Jupiter », « Vénus » et « Mercure », en les qualifiant de « jupitériens » (p. 23-25) ; conscient de la confusion que cela pouvait engendrer avec les planètes « primaires », il se rallia à la suggestion de Kepler (p. 32). Dans une vision très nationaliste de la nomenclature astronomique et concurremment avec Galilée qui les avait dédiés aux Médicis, il les dénommait Sidera Brandenburgica (astres brandebourgeois, p. 30) en l’honneur de ses protecteurs. En 1620, Jean Tarde, prenant les taches du Soleil pour des planètes, les nomma de la même manière Borbonia Sidera (astres bourboniens) en hommage à la dynastie royale française. Retour au texte

22 Textes cités par Marscart Jean, « La découverte de l’anneau de Saturne par Huygens », La Revue du mois, 1906, pp. 77 et s. Retour au texte

23 Par exemple : « Je travaille encore au système de Saturne qui ne me donne pas peu de peine » ; lettre à Claude Mylon, 8 décembre 1656 ; « Je vous supplie de ne communiquer à personne ce que vous savez du monde saturnien, ni même de faire voir la figure que j’ai tracée, jusqu’à ce que j’aurais publié tout le système », lettre à Ismaël Boulliau du 26 décembre 1657, dans laquelle il énonce sa théorie de l’anneau de Saturne. Ibid., p. 167. Lorsque Huygens met pour la première fois sous presse l’exposé de ses découvertes, il donne à son essai le titre de Systema Saturnium (La Haye, 1659) ; il répondra ensuite aux objections des savants dans la Brevis assertio systematis Saturni sui (La Haye, 1660). Retour au texte

24 Newton Isaac, Philosophiae naturalis… op. cit., pp. 402 et s. Retour au texte

25 Galiléi Galileo, Sidereus nunciusop. cit., pp. 52-54. Voir Le Messager des étoiles (trad. F. Hallyn), Le Seuil, Paris, 1992. Retour au texte

26 Newton Isaac, Philosophiae naturalis… op. cit., l. III, prop. II et s., pp. 405 et s. Retour au texte

27 Voir de Cues Nicolas, De docta ignorantia, 1440 ; 1ère édition, in Opera, Argentorati, Martin Flach, 1488 (trad. H. Pasqua, La docte ignorance, Payot-Rivages, Paris, 2008) ; Bruno Giordano, De l’infinito universo et mondi, Venise, 1584 (texte latin et trad. J-P. Cavaillé, De l’infini, de l’univers et des mondes, Les Belles Lettres, Paris, 1995) ; Campanella Tommaso, Civitas solis, Francofurti, E. Emmelius, 1623 (trad. A. Tripet, La cité du soleil, Droz, Genève, 2000) ; Kepler Johannes, Somnium, seu opus posthumum de astronomia lunari, Francofurti, 1634 (trad. T. Miocque, Le Songe ou l’astronomie lunaire, Waknine, Angoulême, 2013) ; Wilkins John, The Discovery of a World in the Moon, John Gillibrand, London, 1638 (trad. J. de la Montagne, Jacques Calloüé, Rouen, 1655) ; Godwin Francis, The Man in the Moone, 1638 (trad. J. Baudoin, L’homme dans la Lune, François Piot et I. Guignard, Paris, 1648) ; Descartes René, Principia philosophiae, Louis Elzevier, Amstelodami, 1644 (trad. abbé Picot, Les principes de la philosophie, Henri Le Gras, Paris, 1647) ; More Henry, « Insomnium Philosophicum », Philosophical Poems, London, 1647 ; Borel Pierre, Discours nouveau prouvant la pluralité des mondes, Genève, 1657 (trad. D. Sashott, A New Treatrise proving a Multiplicity of Worlds, John Streater, London, 1658) ; Cyrano de Bergerac Savinien, L’Histoire comique des États et empires de la Lune, Charles de Sercy, Paris, 1657 ; Cyrano de Bergerac Savinien, Histoire comique des États et empires du Soleil, in Nouvelles œuvres, Paris, 1662 (édition critique de M. Alcover, Les États et empires de la Lune et du Soleil, Honoré Champion, Paris, 2004) ; Fontenelle Bernard Le Bouyer de, Entretiens sur la pluralité des mondes, Vve C. Blageart, Paris, 1686 ; Huygens Christian, Cosmotheoros, sive de Terris coelestibus, earumque ornatu conjecturae, La Haye, 1698 (trad. M. Dufour, La pluralité des mondes, Jean Moreau, Paris, 1702). Principales études sur le sujet : Flammarion Camille, La pluralité des mondes habités, Didier, Paris, 1862 ; Dick Steven J., Plurality of Worlds: The Origins of the Extraterrestrial Life Debate from Democritus to Kant, Cambridge University Press, 1982 (trad. M. Rolland, La pluralité des mondes, Actes Sud, Arles, 1989) ; Del Prete Antonella, Bruno, l’infini et les mondes, PUF, Paris, 1999 ; Seidengart Jean, Dieu, l’univers et la sphère infinie : Penser l’infinité cosmique à l’aube de la science classique, Albin Michel, Paris, 2006. Retour au texte

28 Rigutti Mario, « Presentatione degli Atti », in Le Comete nell’astronomia moderna. Il prossimo incontro con la cometa di Halley, Guida Editori, Napoli, 1985, p. 9. Trad. D. Foucault. Retour au texte

29 Exoplanet team, The Extrasolar Planets Encyclopaedia [en ligne] http://exoplanets.eu [consulté le 23/02/2018]. Retour au texte

30 Le biographe de Tycho Brahe, John Louis Emil Dreyer, est, semble-t-il, le premier à avoir tenté une approche de la question en 1906 dans l’History of the Planetary Systems from Thales to Kepler, publiée 1906 (rééd. Cambrige University Press, 2014). Bien que la problématique de son survol des astronomies antiques, médiévales et renaissantes demeure prioritairement centré sur l’objet « système planétaire », le propos de l’auteur est plus descriptif qu’analytique ; il n’établit pas une démarcation épistémologique rigoureuse entre « système cosmique » et « système planétaire ». Cela apparaît dès la préface du livre : « In this book an attempt has been made to trace the history of man’s conception of the Universe from the earliest historical ages to the completion of the Copernician system by Kepler in the seventeenth century. Among the various branches of physical science there is no other wich in its historical development so closely reflects the general progress of civilisation as the doctrine of the position of the earth in space and its relation to the planetary system. [...] What chiefly induced me to write this book was the circumstance that a number of legends on subjects connected with the history of the cosmical systems have been repeated time after time… » (p. 1, éd. 1906). Retour au texte

31 Canguilhem Georges, La formation du concept de réflexe aux xviie et xviiie siècles,Vrin, Paris, 1977 (2e éd.), p. 6. Retour au texte

32 Koyre Alexandre, Mystiques, spirituels, alchimistes du xvie siècle allemand, Gallimard, Paris, 1971, p. 77. Retour au texte

33 Ptolémée Claude, Manuel d’astrologie. La Tétrabible (trad. N. Bourdin), Les Belles Lettres, Paris, 1993. Retour au texte

34 Ptolémée Claude, Almageste, ou Composition mathématique (trad. N. Halma), éd. annotée par Jean-Baptiste Joseph Delambre (1813-1816), Hermann, Paris, 1927. Retour au texte

35 Le premier qui aurait émis cette hypothèse serait, selon Strabon, le stoïcien Posidonius de Rhodes (135-51/50 av. notre ère). Pline l’Ancien la reprend et la développe dans l’Histoire naturelle (Il, 97) ; Augustin la mentionne dans La Cité de Dieu (V-6) ; Thomas d’Aquin, en la soutenant dans la Somme théologique, renforce son autorité dans l’enseignement scolastique. Par ailleurs, le rôle que jouent les « sympathies » dans la physique et la cosmologie stoïciennes et le fait que Ptolémée ait évoqué l’action de la Lune sur les marées dans La Tétrabible ont orienté les courants de la pensée de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance, influencés par la magie naturelle et l’hermétisme, vers ce type d’explication. Voir notamment Gillet André, Une histoire des marées, Belin, Paris, 1998 ; Russo Lucio, Flussi e riflussi. Indagine dull’origine di una teoria scientifica, Feltrinelli, Milano, 2003. Retour au texte

36 Cette question est traitée dans la quatrième journée du Dialogue sur les deux grands systèmes du monde (1632). Voir la traduction française de R. Frédeux et F. De Gandt, Le Seuil, Paris, 1992, pp. 599 et s. Retour au texte

37 « Comment ces attractions peuvent-elles être produites, je ne l’examine pas ici. Ce que j’appelle attraction peut être produit pas l’impulsion, ou par quelques autres moyens que j’ignore. J’use ici de ce mot seulement pour désigner d’une manière générale toute force en vertu de laquelle les corps tendent les uns vers les autres, qu’elles qu’en soient les causes. » Newton Isaac, Optice, Londres, p. 335, cité d’après Koyré Alexandre, Du monde clos à l’univers infini, Gallimard, Paris, 1988, p. 253. Retour au texte

Illustrations

  • (Fig. 1). Le système du monde de Tycho Brahe

    (Fig. 1). Le système du monde de Tycho Brahe

    (Planisphaerium sive Muni totius Tychonis plano. In Cellarius Andreas, Harmonia macrocosmica, 1661).

  • (Fig. 2). Première représentation du « système solaire »

    (Fig. 2). Première représentation du « système solaire »

    (A New Theorie of the Earth, from its Original, to the Consummation of All Things, by William Whiston, Printed by R. Roberts, London, 1696, fausse page de titre).

  • (Fig. 3). Le système solaire et des planètes selon Homann et Doppelmayer

    (Fig. 3). Le système solaire et des planètes selon Homann et Doppelmayer

    (Johann Baptist Homman, Johann Gabriel Doppelmayer, Systema solare et planetarium : ex hypothesi Copernicana secundum elegantissimas Illustrissimi quondam Hugenij deductiones, novissime collectum et exhibitum à Iohanne Bapt. Homanno, Noribergae, 1742).

Citer cet article

Référence électronique

Didier Foucault, « Introduction : l’invention du système solaire (xvie-xviiie siècles). Faire l’histoire d’un concept astronomique récent : le système planétaire. Pertinence épistémologique et précautions méthodologiques », Nacelles [En ligne], 4 | 2018, mis en ligne le 01 juin 2018, consulté le 18 mai 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/393

Auteur

Didier Foucault

Professeur émérite d’histoire moderne

Laboratoire FRAMESPA (UMR 5136 Université de Toulouse Jean Jaurès/CNRS)

foucault@univ-tlse2.fr

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