L’engendrement du monde. Circulations des modalités génésiques du système solaire du xviie au xixe siècle

  • Generate the World. Circulations of the Genesis Models of the Solar System from the 17th to the 19th Century

Résumés

La cosmogonie a d’abord été investie par les approches religieuses. Le xviie siècle constitue une rupture : le champ littéraire comme le champ scientifique sont le théâtre d’une réappropriation rationnelle de l’histoire de la création de l’Univers. Descartes introduit ainsi une tension entre l’idée d’une création du monde qui suivrait les principes divins de perfection et l’évolution progressive de l’Univers. Cyrano de Bergerac, quant à lui, semble s’être affranchi des exigences religieuses pour imaginer une cosmogonie nouvelle. Le xviie siècle engage donc une pluralisation des interprétations sur l’origine du système solaire.

Cosmogony was first taken up by religious approaches. The seventeenth century marked a break: the literary field as well as the scientific field were the scene of a rational reappropriation of the history of the creation of the Universe. Descartes thus introduced a tension between the idea of a creation of the world that would follow the divine principles of perfection and the progressive evolution of the Universe. Cyrano de Bergerac seemed to have freed himself from religious requirements to imagine a new cosmogony. The seventeenth century thus saw a pluralisation of interpretations of the origin of the solar system.

Plan

Texte

Ce dossier poursuit le dessein général d’une histoire des façons de concevoir le système solaire telle que nous l’avons engagée précédemment. Après avoir exploré les conditions d’émergence d’une conceptualisation du système solaire (2018) puis l’historicité des éléments constituants le système solaire (2019), il s’agit de saisir les façons dont la cosmogonie s’est peu à peu formée comme un domaine rationnel de spéculation1.

L’enjeu est d’importance car la progressive constitution de la cosmogonie comme objet scientifique légitime suppose une série de rupture avec d’autres récits d’engendrement du monde, ceux liés aux croyances religieuses ou aux mythes.

Cet ancrage profond des discours cosmogoniques invite à les saisir d’un point de vue anthropologique y compris pour la période moderne. C’est, à notre sens, le meilleur moyen de comprendre les transformations qui s’opèrent, d’en comprendre les causes, les modalités et les effets sur les différents champs de l’activité humaine dans lesquels ils ont cours.

Dans leur Dictionnaire critique de la mythologie, Jean-Loïc Le Quellec et Bernard Sergent résument les processus anthropologiques qui gouvernent la production de cosmogonies de la manière suivante : « la naissance ou création et mise en ordre de l’Univers, soit spontanée, soit sous l’impulsion d’être primordiaux, qui peuvent être des divinités responsables de sa création, généralement au sein d’un vide, d’un néant originel ou d’un chaos premier »2. Les anthropologues repèrent « deux types » de cosmogonies : d’une part, celles qui « vont de pair avec la théogonie, dans la mesure où les phases de le genèse sont liées à des générations successives de divinités » ; d’autre part, celles dans lesquelles « le créateur précède absolument sa création, comme c’est le cas dans la Genèse biblique »3. L’époque moderne correspond à une progressive mise à distance des cadres religieux dans la pratique scientifique4, ce qui ne va pas sans tensions majeures si l’on songe en particulier aux condamnations de Giordano Bruno et de Galilée.

La cosmogonie savante telle qu’on peut la voir émerger à partir du xvie siècle en Occident, parce qu’elle interroge les fondements mêmes des croyances liées à la religion chrétienne, constitue un foyer de réflexions théoriques multiples. Et celles-ci se donnent à voir aussi bien dans les ouvrages de littératures que dans les traités de philosophie. À un moment où les champs d’activités ne sont pas encore fermement clôturés, l’histoire de l’engendrement du monde intéresse de nombreux lettrés et érudits. Les circulations sont donc nombreuses, qui donnent à voir les modalités d’investissement d’un objet auparavant monopolisé par la théologie.

La question est d’autant plus complexe que, dans la suite de nos deux précédentes publications, au cours desquelles nous avons collectivement tenté de comprendre comment le système solaire avait progressivement été conçu comme un objet à part entière, l’engendrement du système solaire suppose un effort d’unification du monde observé. La théorie de Copernic, les observations de Galilée, la physique de Newton, les découvertes de Herschel et les hypothèses de Laplace jalonnent l’histoire des façons d’envisager rationnellement l’engendrement du système solaire. Dans cette perspective, ce que nous souhaitons mettre au jour, ce sont toutes les formes de discours qui se situent au croisement de la spéculation philosophique et de l’astronomie, dans cet espace incertain où des configurations possibles de l’univers – dont on comprend peu à peu qu’il n’est pas l’univers dans son ensemble – fournissent les éléments d’une réflexion sur le commencement.

Dans cette introduction, je souhaiterais fixer les termes de notre problématique, précisément en interrogeant ces mouvements et ces déplacements des questions cosmogoniques qui caractérisent la modernité savante. Il ne s’agira donc pas, ici, de dépeindre les séries de propositions savantes sur les formes génésiques du système solaire, mais de décrire des formes spécifiques de mobilités conceptuelles ; nous y repérerons les attributs essentiels de ce qui constitue moins une rupture qu’un lent processus de distanciation à l’endroit de la vérité révélée. En l’absence de preuves expérimentales directes sur l’origine du système solaire, c’est la solidarité des arguments cosmogoniques dans des systèmes d’énonciation variés qui constitue la forme argumentative la plus courante. Cette séparation lente ne signifie nullement un renoncement à la religion, ni à la croyance en Dieu de la part des érudits que la question génésique anime. Ce qui est en jeu c’est moins le renversement des valeurs individuelles liées à la conviction religieuse que la possibilité d’élaborer un raisonnement savant fondé qui interroge le recours au divin.

Pour ne pas allonger indéfiniment la démonstration, je me concentrerai uniquement sur le xviie siècle, en ciblant plus précisément les translations qui s’opèrent entre les œuvres de Descartes et de Cyrano de Bergerac. Entre le philosophe et le libertin, le sujet cosmogonique fournit l’occasion de rapprochements nombreux. Commençons par relever les grandes lignes de l’engendrement du système solaire dans l’œuvre de Descartes ; je discuterai ensuite la cosmogonie présentée dans Les États et Empire du Soleil pour mieux saisir cette cristallisation savante d’un engendrement du monde. Enfin, je présenterai très brièvement les différentes communications de cette publication.

1. Descartes et la création du système solaire

Dans la cinquième partie du Discours de la méthode, paru en 1634, Descartes expose quelques éléments sur la cosmogonie du système solaire. En amont, il semble hésiter à s’engager dans les discussions de son époque sur le sujet :

Il seroit maintenant besoin que ie parlasse de plusieurs questions, qui sont en controverse entre les doctes, avec lesquels ie ne desire point me brouiller, ie croy qu’il sera mieux que ie m’en abstiene, et que ie die seulement en général quelles elles sont, affin de laisser juger aux plus sages, s’il seroit utile que le public en fust plus particulièrement informé. Ie suis tousiours demeuré ferme en la resolution que j’avois prise, de ne supporter aucun autre principe, que celuy dont ie vien de me servir pour demonstrer l’existence de Dieu et de l’ame, et de ne recevoir aucune chose pour vraye, qui ne me semblast plus claire et plus certaine que n’avoient fait auparavant les demonstrations des Geometres5.

Le philosophe assure cependant qu’il a compris que « certaines loix, que Dieu a tellement establies en la nature, et dont il a imprimé de telles notions en nos ames », qu’il ne peut « douter qu’elles ne soient exactement observées »6. Cet ensemble de lois permet d’avancer « plusieurs veritez plus utiles et plus importantes, que tout ce qu[’il] av[ait] appris auparavant »7. Descartes formule ce qui s’apparente à une expérience de pensée :

Ie me resolu [..] de parler seulement de ce qui arriveroit dans un nouveau [monde], si Dieu creoit maintenant quelque part, dans les Espaces Imaginaires, assez de matiere pour le composer, et qu’il agitast diversement et sans ordre les diverses parties de cete matiere, en sorte qu’il en composast un Chaos aussy confus que les Poetes en puisse feindre, et que, par apres, il ne fist autre chose que prester son concours ordinaire a la Nature, et la laisser agir suivant les Loix qu’il a establies8.

Descartes évoque la création divine d’un chaos primitif, à partir d’une matière déjà-là. Celle-ci est ensuite organisée selon les lois de la nature. C’est une double séquence cosmogonique que le philosophe imagine : d’une part une intervention divine capable de générer un substrat inchoatif, d’autre part un régime de structuration du monde qui émerge de lois de la nature, elles-mêmes inscrites dans le plan de Dieu. Précisément, dans l’hypothèse cartésienne d’un monde encore à créer – car ici Descartes ne parle pas du système solaire, mais de l’engendrement d’un autre monde – il s’agit de comprendre comment

la matiere de ce Chaos devoit, en suite de ces loix, se disposer et s’arrenger d’une certaine façon qui la rendoit semblable a nos Cieux ; comment cependant, quelques unes de ses parties devoient composer une Terre, et quelques unes des Planetes et des Cometes, et quelques autres un Soleil et des Estoiles fixes9.

Descartes n’ignore pas que son raisonnement sur la double production divine du monde (i.e. le chaos puis les lois de la nature ordonnant les corps célestes) est parcouru de contradictions. En particulier, il lui revient d’expliquer pourquoi Dieu intervient directement dans l’engendrement du désordre premier, puis que ce sont les lois de la nature qui produisent un certain ordre (les lois de la nature étant elles-mêmes le résultat de l’intention divine). Si bien que Dieu intervient directement dans le premier cas et très indirectement dans le second. Le philosophe ajoute donc :

Il est bien plus vraysemblable que, dés le commencement, Dieu [...] a rendu [le monde] tel qu’il devoit estre. Mais il est certain, et c’est une opinion communement receuë entre les Theologiens, que l’action, par laquelle maintenant il le conserve, est toute la mesme que celle par laquelle il l’a creé ; de façon qu’encore qu’il ne lui auroit point donné au commencement, d’autre forme que celle du Chaos, pourvuû qu’ayant establi les Loix de la Nature, il luy prestast son concours, pour agir ainsi qu’elle a de coustume, on peut croyre, sans faire tort au miracle de la creation, que par cela seul toutes les choses qui sont purement materielles auroient pû, avec le tems, s’y rendre telles que nous les voyons à present. Et leur nature est bien plus aysée à concevoir, lorsqu’on les voit naistre peu a peu en cette sorte, que lorsqu’on ne les considere que toutes faites10.

Le rôle du divin est incontestablement ambigu : à la fois créateur de lois de la nature et propagateur de la matière, il manque à son action une unité que Descartes ne parvient pas totalement à restituer. Et le fait que les « choses [..] purement materielles » devaient fatalement nous apparaître telles qu’elles sont maintenant, relativise largement la portée du geste primordial de Dieu.

Dans ses Principes de la philosophie, en 1644, Descartes précise encore sa cosmogonie parallèlement à une première mise à distance des principes théologiques :

Et tant s’en faut que je veuille que l’on croye toutes les choses que j’écriray, que mesme je prétens en proposer icy quelques unes que je croy absolument estre fausses. A sçavoir, je ne doute point que le monde n’ait esté créé au commencement avec autant de perfection qu’il en a, en sorte que le Soleil, la Terre, la Lune, les Estoiles ont esté deslors, et que la terre n’a pas eu seulement en soy les semences des plantes, mais que les plantes mesmes en ont couvert une partie ; et qu’Adam et Eve n’ont pas été créez enfans, mais en âge d’hommes parfaits. La Religion Chrestienne veut que nous le croyons ainsi, et la raison naturelle nous persuade entièrement cette vérité, pource que, considerant la toute-puissance de Dieu, nous devons juger que tout ce qu’il a fait a eû dés le commencement toute la perfection qu’il devoit avoir ; mais néantmoins, comme on connoistroit beaucoup mieux quelle a esté la nature d’Adam et celle des arbres du Paradis, si on avoit examiné comment les enfans se forment peu à peu au ventre des meres, et comment les plantes sortent de leurs semences, que si on avoit seulement consideré quels ils ont esté quand Dieu les a créez : tout de mesme, nous ferons mieux entendre quelle est generalement la nature de toutes les choses qui sont au monde, si nous pouvons imaginer quelques principes qui soient fort intelligibles et fort simples, desquels nous facions voir clairement que les astres et la terre, et enfin tout le monde visible auroit pu être produit ainsi que de quelques semences, bien que nous sçachions qu’il n’a pas été produit en cette façon ; que si nous le décrivions seulement comme il est, ou bien comme nous croyons qu’il a esté creé. Et pource que je pense avoir trouvé des principes qui sont tels, je tascheray ici de les expliquer11.

Descartes tente de concilier les principes d’un engendrement du monde aligné sur la perfection nécessaire de Dieu et les principes évolutifs d’une constitution progressive de l’univers. La même tension court dans ce texte que dans le Discours de la méthode : la théologie chrétienne est mise en concurrence avec les principes de la philosophie expérimentale (i.e. l’observation des arbres du paradis renseigne davantage sur leur genèse que la seule croyance en un acte divin princeps).

Comment circule ce corpus complexe d’idées sur la fondation du monde ? Il ne s’agit pas d’interroger seulement les moyens par lesquels se déplacent les principes d’une histoire des origines, mais de comprendre ce que le transfert fait au discours de Descartes lui-même.

2. Cyrano interprète de Descartes

Que Savinien Cyrano de Bergerac soit cartésien, de nombreux travaux l’ont déjà amplement démontré12. Que ses romans soient un moyen de faire connaître des idées inscrites dans le mouvement libertin, la chose est peu douteuse13. Ses ouvrages sont également une manière de discuter des thèses philosophiques de son temps, de se les approprier en les interprétant.

Dans les États et empires du Soleil, paru en 1662, Cyrano met en scène l’ascension du héros Dyrcona, à l’aide d’une machine qu’il a construite, vers le Soleil. Pendant son périple, il détaille le plan du système solaire, constate que les planètes ne sont pas productrices de lumière et distingue leurs satellites naturels14. Puis il expose brièvement une hypothèse cosmogonique :

Rêvant depuis aux causes de la construction de ce grand Univers, je me suis imaginé qu’au débrouillement du Chaos, après que Dieu eut créé la matière, les corps semblables se joignirent par ce principe d’amour inconnu, avec lequel nous expérimentons que toute chose cherche son pareil15.

Le dilemme cartésien de la double intervention (i.e. directement dans la formation inchoative de la matière, puis indirectement par les lois de la nature) est ici purement et simplement ignoré. Certes, comme le souligne Madeleine Alcover, le « chaos » initial dont parle Cyrano « est un des principes de l’atomisme antique et de Gassendi »16, mais la formulation même d’une phase primordiale d’inorganisation de la matière avant sa structuration progressive suit le schéma cartésien. Ce qui retient l’attention de Cyrano, c’est la logique d’appariement de la matière : « [d]es particules formées de certaine façon s’assemblèrent, et cela fit l’air. D’autres à qui la figure donna possible un mouvement circulaire, composèrent en se liant les globes qu’on appelle astres »17. Ici, l’on retrouve les échos des propositions de Descartes sur la formation de « la matiere dont le monde est composé » et qui est « divisée en plusieurs parties égales [qui] n’ont pu d’abord être toutes rondes »18. Le philosophe cherche un principe générique de constitution des sphères célestes, là où le libertin retient un principe possible de constitution. Le transfert partiel des principes explicatifs cartésiens dans la matière romanesque de Cyrano s’effectue par la plus grande distance que l’auteur des États et Empires de la Lune prend avec la recherche d’une cohérence globale propre au philosophe.

Plus loin, Cyrano de Bergerac imagine que les planètes peuvent être d’anciens soleils dont la chaleur s’est épuisée par émission continue de lumière19. Il suggère donc que « ces taches qui sont au Soleil » puissent correspondre à « une croûte qui se forme en sa superficie »20, annonçant un refroidissement en cours. Comme l’a mis en évidence Madeleine Alcover, « [c]ette idée Descartes l’a émise dans ses Météores et l’a réaffirmée dans ses Principes »21. En effet, dans ce dernier ouvrage, le philosophe assure que « cette Terre où nous sommes a esté autrefois un astre composé de la matière du premier element toute pure [...], en sorte qu’elle ne differoit en rien du Soleil, sinon qu’elle estoit plus petite »22. Cependant « les moins subtiles parties de sa matiere s’attachant peu à peu les unes aux autres, se sont assemblées sur sa superficie »23. Au point parfois de constituer une incrustation à la surface du soleil. La Terre, quant à elle, a vu se former des « corps obscurs » à sa « superficie » qui « l’ont peu à peu toute couverte et offusquée »24.

Là où Cyrano privilégie une explication liée à la chaleur décroissante des astres, Descartes vise surtout une compréhension des mécanismes physiques similaires qui régissent la vie des globes célestes – qu’ils soient ou non des étoiles.

Que retenir de ce petit exercice introductif sur la circulation des schémas cosmogoniques au xviie siècle ? Tout d’abord, nous voyons que dans ce domaine hautement spéculatif des modalités d’engendrement du monde, la fiction ne cherche pas moins que le traité philosophique à produire des explications rationnelles. Surtout, Cyrano ne s’embarrasse guère des principes complexes que Descartes ménage pour concilier l’acte divin et la logique de constitution de la matière. Si Dieu reste présent chez l’auteur des États et Empires du Soleil, il n’envisage pas une action indirecte par les lois de la nature. Cyrano ne cherche pas, non plus, à rendre cohérente la formation sphérique des astres ; il formule juste une hypothèse plausible, là où Descartes conçoit une genèse capable de saisir tout le grain du réel. Enfin, Cyrano promeut surtout une explication thermique des astres de même nature, quand Descartes imagine des processus physiques.

Il est indéniable que Cyrano de Bergerac a puisé dans la matière spéculative cartésienne pour nourrir son roman ; il s’est cependant senti probablement moins contraint par la logique globale d’une compréhension absolument cohérente de l’engendrement du monde. La diffusion d’une philosophie de la genèse, travaillée par la place du divin et son ambivalence dans la modernité naissante, configurée par des tentatives très spéculatives d’interprétation des premières formations de la matière du système solaire, laisse entrevoir un processus complexe d’appropriation des idées cosmogoniques. Quelque chose se joue dans le rapprochement de phénomènes physiques lointains – dans le temps et dans l’espace – qui participe d’une sécularisation des manières de considérer le système solaire et sa genèse. Entre Descartes et Cyrano, l’espace anthropologique des interrogations sur notre monde tel qu’il est advenu s’est donc ouvert à la pluralité interprétative.

3. Plan du dossier

Le dossier « L’engendrement du monde. Circulations des modalités génésiques du système solaire du xviie au xixe siècle » privilégie les approches plurielles des conceptions savantes de la genèse du monde du début de l’époque moderne au seuil de l’époque contemporaine. L’intrication entre la théorie newtonienne et la place du religieux, les spéculations philosophiques de Leibniz, les interrogations sur les formes plurielles de vie, les représentations populaires de la naissance du monde, la formalisation progressive d’une physique et d’une mathématique de la genèse, ainsi que toutes les tentatives littéraires de rendre compte de l’origine du système solaire pourront en constituer des points d’entrée.

Dans son article Florent Libral évoque le rapport des astronomes chrétiens à l’héliocentrisme et les implications de cette question pour l’Église. Puis Didier Foucault s’interroge sur la façon dont Descartes a conçu l’histoire des systèmes planétaires et de leurs mécanismes tourbillonnaires. Maria de Jesus Espada explore les effets des cosmogonies chinoises dans la philosophie de Leibniz. Jean-Christophe Sanchez s’intéresse, à propos de Newton et de la gravitation universelle, aux conséquences de cette nouvelle façon d’envisager la mécanique céleste sur les idées cosmogoniques.

Nous avons fait le choix d’associer des articles de synthèse (qui rendent compte de l’ensemble des développements en histoire des sciences dans le domaine de la cosmogonie) et des études de cas plus situées (qui donnent à voir des aspects particuliers de la problématique cosmogonique). L’enjeu est de restituer les points d’appui d’un programme de recherche toujours en cours sur les différentes façons d’appréhender les structures du monde depuis le début de l’époque moderne.

Notes

1 Voir Foucault Didier (dir.), « L’invention du système solaire (xvie-xviiie siècles)/The invention of the solar system (16th-18th centuries) », Nacelles, numéro/issue : 4, printemps/Spring 2018, <https://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/384> ; Lamy Jérôme (dir.), « Faire système. Planètes, satellites, comètes, astéroïdes, xvie-xixe siècles/Construction of the Planetary System. Planets, Satellites, Comets, Asteroids, 16th-19th Centuries », Nacelles, numéro/issue : 7, automne/Autumn 2019, <https://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/799>. Retour au texte

2 Le Quellec Jean-Noël et Sergent Bernard, Dictionnaire critique de mythologie, Paris, CNRS éditions, 2017, p. 234, article « Cosmogonie ». Retour au texte

3 Ibidem. Retour au texte

4 Mazauric Simone, Histoire des sciences à l’époque moderne, Paris, Armand Colin, 2009, p. 194-207. Retour au texte

5 Descartes René, Discours de la méthode, in Œuvres, éd. Charles Adam et Paul Tannery, Paris, Léopold Cerf, t. VI, 1902, p. 40-41. Retour au texte

6 Ibid., p. 41. Retour au texte

7 Ibid. supra. Retour au texte

8 Ibid., p. 42. Retour au texte

9 Ibid., p. 43. Retour au texte

10 Ibid., p. 45. Retour au texte

11 Descartes René, Les principes de la philosophie, l. III, § 45, traduction de l’abbé Picot, in, Œuvres, op. cit., t. IX, 1904, p. 123-124. Retour au texte

12 Gengous Nicolas, « Cyrano de Bergerac, ou être cartésien, c’est raconter des fables », in Kolesnik-Antoine Delphine (dir.), Qu’est-ce qu’être cartésien ?, Lyon, ENS éditions, 2013, p. 95-116. Dans les États et empires du Soleil, Cyrano évoque la découverte de « la Physique de M. Descartes » qui contient « les cercles par lesquels ce philosophe a distingué le mouvement de chaque planète » (Cyrano de Bergerac Savinien, Les États et Empires du Soleil, in L’Autre Monde, Paris, Gallimard, 2004 [1662], p. 179). Retour au texte

13 Torera-Ibad Alexandra, Libertinage, science et philosophie dans le matérialisme de Cyrano de Bergerac, Paris, Honoré Champion, 2009. Retour au texte

14 Cyrano de Bergerac Savinien, Les États et Empires du Soleil, in L’Autre Monde, Paris, Gallimard, 2004 [1662], p. 200-201. Retour au texte

15 Ibid., p. 201. Retour au texte

16 Alcover Madeleine, La pensée philosophique et scientifique de Cyrano de Bergerac, Paris, Genève, Droz, 1970, p. 101. Retour au texte

17 Cyrano de Bergerac Savinien, Les États et Empires du Soleil, op. cit., p. 201. Retour au texte

18 Descartes René, Les principes de la philosophie, III, § 48, op. cit., p. 201-202. Retour au texte

19 Cyrano de Bergerac Savinien, Les États et Empires du Soleil, op. cit., p. 201-202 Retour au texte

20 Ibid., p. 202. Retour au texte

21 Alcover Madeleine, La pensée philosophique et scientifique de Cyrano de Bergerac, op. cit., p. 102. Retour au texte

22 Descartes René, Les principes de la philosophie, op. cit., IV, § 2, p. 201-202. Retour au texte

23 Ibid., p. 203. Retour au texte

24 Ibid. supra. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Jérôme Lamy, « L’engendrement du monde. Circulations des modalités génésiques du système solaire du xviie au xixe siècle », Nacelles [En ligne], 13 | 2022, mis en ligne le 30 juin 2023, consulté le 28 avril 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/1870

Auteur

Jérôme Lamy

Jérôme Lamy est historien et sociologue des sciences, chargé de recherche au CNRS. Membre du laboratoire CESSP (CNRS-EHESS), il a publié en 2018, Faire de la sociologie historique des sciences et des techniques (Hermann).

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