Unité d’action ou dualité : l’organisation du haut-commandement aérien pendant la « drôle de guerre »

Abstracts

L’organisation du haut-commandement aérien pendant la campagne de France constitue un des facteurs explicatifs de la défaite française de 1940. Celle-ci change plusieurs fois de la création de l’armée de l’Air en 1933 jusqu’à l’invasion de mai 1940. Alors que l’armée de l’Air doit trouver les formes d’une organisation propre adaptée à l’emploi de l’arme aérienne, les aviateurs sont confrontés à l’exigence, inscrite sur son acte de baptême, de distinguer les forces aériennes affectées à l’appui des armées de surface et les forces aériennes destinées à opérer indépendamment. Cet article examine le rôle de ces deux facteurs clés dans l’organisation du haut-commandement aérien – d’une part la nécessité de préserver la capacité des forces aériennes à agir immédiatement en distinguant le commandement des troupes et des services et d’autre part le respect du principe d’unité d’action tout en adoptant une organisation duale destinée soit à appuyer les forces de surface soit à combattre indépendamment – en examinant tout d’abord l’organisation du haut-commandement aérien avant la déclaration de guerre, puis sa mise en place lors de la déclaration de guerre et, enfin, son évolution durant la « drôle de guerre ».

The organization of the Air high command during the Battle of France was one of the factors explaining the French defeat in 1940. It changed several times from the creation of the Air Force in 1933 until the invasion of May 1940. While the Air Force had to find the forms of an organization adapted to the use of air power, airmen were faced with the requirement, written on its baptismal certificate, to distinguish between air forces assigned to support land armies and air forces intended to operate independently. This article examines the role of these two key factors in the organization of the Air high command – on one hand the need to preserve the Air Force’s ability to act immediately by distinguishing command of troops from command and services and on the other hand respect for the principle of unity of action while adopting a dual organization intended either to support land forces or to fight independently – by first examining the organization of the Air high command before the declaration of war, then its establishment at the time of the declaration of war and, finally, its evolution during the Phoney War.

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En matière d’organisation du haut-commandement au xxe siècle, rien de plus simple n’a été conçu que le cumul réalisé par le général von Falkenhayn, déjà ministre de la Guerre, lorsque l’empereur Guillaume II lui confie, après la première bataille de la Marne, les fonctions de chef d’état-major général des armées en campagne en remplacement du général von Moltke1. Cette simplicité prussienne tranche avec celle du haut-commandement français en 1939-1940 que l’historien britannique Alistair Horne, qualifie d’« anormale et peu satisfaisante » et que le général Paul de Villelume, conseiller militaire de Paul Reynaud au ministère des Affaires étrangères, décrit comme « une machine à trier les responsabilités2 ».

Les historiens ont principalement retenu et commenté la rivalité et la répartition des responsabilités entre le général Gamelin et le général Georges. En effet, la réorganisation décidée, en janvier 1940, par le général Gamelin avec la création de l’état-major du général Doumenc a suscité de vives controverses dès qu’elle fut connue et fut considérée comme un facteur de la défaite lors du procès de Riom3. Comparativement, le haut-commandement aérien, qui a subi également au cours de la période de la « drôle de guerre » de profondes transformations, n’a pas éveillé l’intérêt des observateurs ou des chercheurs4. Pourtant, le facteur aérien dans la campagne de 1940 et l’infériorité de l’armée de l’Air française ont fait l’objet de nombreux commentaires de la part des acteurs et des historiens. Il est donc légitime de se demander si les carences relevées dans l’emploi des moyens aériens français ne relèveraient pas de défauts dans l’organisation du haut-commandement aérien.

Les quelques remarques relevées dans la littérature ne traitent pas réellement cette question. Elles se limitent à des observations générales. Alistair Horne souligne ainsi l’indépendance de l’armée de l’Air par rapport à l’armée de Terre en notant que : « L’aviation commandée par le général Vuillemin, avait tendance à n’en faire qu’à sa tête5. » Il signale ensuite les défaillances de l’organisation des forces aériennes en affirmant : « Le chef d’une armée individuelle ne parvenait pas à obtenir une concentration convenable de puissance aérienne au bon moment6. » Il est vrai que l’organisation mise en place en 1939-1940 est de nature à décourager toute véritable tentative d’analyse face à son incroyable complexité7.

Cet article a donc pour objet d’étudier l’organisation du haut-commandement aérien pendant la campagne de France afin de déterminer le rôle qu’elle a joué dans la conduite de la bataille. Après guerre, le général de Gaulle a écrit qu’« il est établi […] que le désastre de 1940 fut le résultat d’une défaillance de la stratégie et de l’organisation8 ». Quelle fut la part de l’organisation de l’armée de l’Air dans cette défaillance ? Nous examinerons cette question en considérant tout d’abord l’organisation du haut-commandement aérien avant la déclaration de guerre, puis sa mise en place lors de la déclaration de guerre et, enfin, son évolution durant la « drôle de guerre ».

1. La correction des défauts d’organisation initiaux

L’organisation du haut-commandement aérien en 1939-1940 procède tout d’abord du compromis de 1934 qui avait permis la création de l’armée de l’Air puis d’un certain nombre de textes qui en précisent ou en modifient les modalités dans la période d’avant-guerre9.

1. 1. Une première tentative par Pierre Cot en 1936

En 1934, la longue gestation de l’armée de l’Air se conclut par un compromis institutionnel assurant à l’armée de Terre et à la Marine la garantie qu’elles pourraient continuer à bénéficier de l’appui de forces aériennes dédiées10. L’article 24 de la loi du 2 juillet 1934 fixant l’organisation de l’armée de l’Air prévoit la séparation des moyens de l’armée de l’Air entre forces réservées et forces de coopération :

En temps de guerre, la répartition des formations aériennes mobilisées, entre les forces aériennes réservées et les forces aériennes mises à la disposition des armées de Terre et de Mer, est fixée par le Gouvernement, en fonction des opérations. Les forces aériennes réservées sont placées sous l’autorité d’un officier général de l’armée de l’Air commandant en chef, qui a droit d’inspection sur toutes les forces aériennes et prend, éventuellement, la direction des opérations aériennes que le Gouvernement décide de lui confier. Les forces aériennes, mises à la disposition de l’armée de Terre, sont commandées par un officier général de l’armée de l’Air, placé sous l’autorité de l’officier général de l’armée de Terre commandant le théâtre d’opérations terrestres intéressé. […]

Prévue dès sa naissance, l’organisation de l’armée de l’Air en temps de guerre rend donc difficile le respect des principes de concentration des efforts et d’unité d’action en répartissant les moyens aériens de l’armée de l’Air entre deux chefs aériens principaux : le chef d’état-major général de l’armée de l’Air pour l’aviation réservée et un autre officier général de l’armée de l’Air subordonné à un général de l’armée de Terre pour l’aviation de coopération.

Si la loi organique de juillet 1934 fixe les grands principes de l’organisation de l’armée de l’Air en temps de guerre, il semble que rien n’a été entrepris pour mettre en œuvre réellement ces dispositions. D’autant plus que l’organisation de l’armée de l’Air en temps de paix, reprenant les principes de la loi de juillet 1927 sur l’organisation de l’armée, repose sur les régions aériennes dont les chefs disposent à la fois du commandement des troupes et de celui des services et que cette organisation doit être démantelée à la mobilisation. En janvier 1936, lorsque le général Denain quitte le ministère de l’Air, l’armée de l’Air n’a donc pas encore été organisée pour le temps de guerre11.

Il faut attendre les grandes réformes entreprises, à l’automne 1936, par Pierre Cot, ministre de l’Air du Front populaire, et son chef de cabinet militaire, le général Jauneaud, pour que l’armée de l’Air adopte une organisation de temps de guerre12. Un décret du 3 septembre 1936 regroupe en deux corps aériens l’ensemble des escadres stationnées en métropole13. Puis un autre décret du 3 octobre 1936 réorganise l’armée de l’Air en s’inspirant toujours de la loi de juillet 1927 qui prévoyait la formation de grandes unités autonomes. Il stipule tout d’abord la création de groupes aériens régionaux (GAR) d’observation et de chasse adaptés aux commandements terrestres et destinés à coopérer avec eux. Ces GAR sont issus des cercles aériens régionaux créés en 1933, transformés en Centres aériens régionaux. À la mobilisation, les Air régionaux devaient donner naissance à deux commandements : l’un assurant le commandement territorial et les services en restant sur place et l’autre suivant le corps d’armée mis sur pied localement14.

Le décret du 3 octobre 1936 précise ensuite que les corps aériens sont placés sous l’autorité d’un général commandant une région aérienne. Ces grandes unités aériennes sont destinées à agir immédiatement et indépendamment de l’armée de Terre. Mais afin de rendre les corps aériens projetables sans délai, la réforme les décharge de toute responsabilité en matière de soutien qui reste une prérogative du commandement territorial15. Cette réforme conduit donc à la formation de deux chaînes hiérarchiques correspondant au commandement des troupes et au commandement des services qui ne sont réunis qu’à l’échelon de la région aérienne.

Enfin, le décret aborde la question du soutien qui est assuré par le Service de l’air, ancien Service de l’aéronautique, qui fournit avions, moteurs, pièces de rechange, combustibles, munitions et ingrédients divers. Il est organisé en Air régionaux qui assure le soutien des unités stationnées sur toutes les bases de leur circonscription. Le reste du soutien est assuré par les services de l’armée de Terre conformément au décret du 15 janvier 1929 fixant les conditions de fonctionnement des services – Guerre, Marine et colonies – au profit du ministère de l’Air, notamment en matière d’intendance, de santé, de transport… Le ministère de l’Air l’estime inadapté des services, étant essentiellement concentrés dans l’Est et le Nord de la France, tandis que les formations aériennes sont situées dans d’autres régions. Le décret d’octobre 1936 prévoit donc la création de services de soutien propres à l’armée de l’Air. Le Service de l’air est transformé en Direction du matériel aérien militaire et, en outre, sont créées des unités de soutien propres à l’armée de l’Air : l’intendance de l’air, le service de santé de l’air, la gendarmerie de l’air, le trésor de l’air, les postes de l’air et les transports de l’air. Ces services sont fondés dans une étroite dépendance des services du ministère de la Guerre et la réforme de 1936 n’est pas complétement réalisée16.

1. 2. La réorganisation de 1938 et la création de l’armée aérienne

Cette première organisation de l’armée de l’Air en temps de guerre de Pierre Cot est remise en cause quelques années plus tard dans le contexte de montée des tensions internationales et d’organisation du haut-commandement militaire. En janvier 1938, le général Gamelin, chef d’état-major général de l’armée et vice-président du Conseil supérieur de la guerre depuis 1935, est nommé chef d’état-major de la défense nationale (CEMDN). La loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation de la Nation en temps de guerre précise que la direction générale de la guerre y compris la direction militaire de la guerre appartient au gouvernement qui prend ses décisions dans le cadre du Conseil supérieur de la défense nationale. Y siègent le président de la République, le gouvernement, le maréchal Pétain à titre personnel et le chef d’état-major de la défense nationale, y assistent avec voix délibérative les chefs d’états-majors d’armée et des colonies17. L’article 40 de la loi précise que le commandant en chef des forces aériennes – comme les autres commandants en chef en ce qui concerne leur armée – assure sous sa propre responsabilité la conduite supérieure des opérations selon les directives du comité de guerre et dans le cadre de la coordination exercée par le chef d’état-major de la défense nationale18.

En mars 1938, le général Gamelin, chef d’état-major de la défense nationale, tente d’organiser le haut-commandement et en particulier les relations entre les différents commandants en chef. Cette initiative entraîne, selon le témoignage du général Mouchard « un conflit sérieux entre cet officier général et le chef d’état-major général de l’armée de l’Air ». Le 15 mars, le Secrétariat général de la défense nationale envoie la note n° 182/DN3 qui décrit le projet de réorganisation. Le général Vuillemin répond par la note n° 101 EMAA/3 du 23 mars 1938 d’une part en dénonçant le procédé qui consiste à imposer à l’armée de l’Air l’organisation de son propre commandement sans consultation de celle-ci et d’autre part en affirmant qu’il s’oppose au décret secret du 19 mars 1936 fixant les attributions et responsabilités des chefs d’états-majors généraux en temps de guerre19.

Selon le général Vuillemin, cette proposition vise à assujettir les forces aériennes aux forces terrestres en liant l’emploi des premières à la manœuvre des secondes :

Dans ces conditions, subordonner – car il s’agit en fait d’une véritable subordination – le commandant en chef des armées aériennes au commandement en chef des armées terrestres aurait inévitablement pour conséquence de détourner, au profit des opérations terrestres, une part sans cesse plus importante des moyens aériens indispensables aux opérations aériennes20.

La note du 15 mars proposait en outre la suppression du vocable « armée aérienne » pour le remplacer par celui beaucoup plus vague de « groupement aérien ». Mais, le général Vuillemin défend l’appellation « armée aérienne » car, dit-il, « elle constitue, exactement comme l’armée terrestre, l’échelon de commandement qui transpose, dans le domaine tactique, les conceptions stratégiques21 ».

Cette opposition donne lieu à de nombreuses discussions puis à une réunion commune du Conseil supérieur de la guerre et du Conseil supérieur de l’air qui aboutit à la création d’une sous-commission commune afin de proposer une solution acceptable par l’EMGAA. Sous la pression des événements internationaux, une note du 9 septembre 1938 relative aux attributions respectives des commandements terrestre et aérien sur un théâtre d’opération formalise ce compromis, sous la signature du général Gamelin, en établissant une unité d’action entre les différentes forces aériennes22.

En supprimant les commandants des forces aériennes des théâtres d’opérations terrestres du Nord-Est et du Sud-Est, le compromis établit notamment qu’à chaque théâtre d’opérations terrestres doit correspondre une armée aérienne qui permet d’établir l’unité d’action en regroupant l’ensemble des forces aériennes agissant sur ce théâtre, commandée par un général de l’armée de l’Air dont le PC se situerait à proximité de celui du commandant en chef du théâtre. Il a une double subordination à la fois au général de l’armée de Terre commandant le théâtre d’opérations pour les forces mises à la disposition des forces terrestres et au général commandant en chef de l’armée de l’Air pour les forces aériennes réservées.

Le compromis est extrêmement étroit. Il précise que le commandant de l’armée aérienne reçoit ses instructions dans trois cadres différents :

– tout d’abord du général commandant en chef du théâtre d’opérations terrestres en ce qui concerne l’appui des opérations terrestres ;

– mais aussi :

Les instructions du commandant en chef des forces aériennes et du commandant en chef du théâtre d’opérations terrestres pour les opérations intéressant ces deux hautes autorités : le commandant en chef des forces aériennes lui fixe la mission dans le cadre des directives arrêtées par la haute autorité chargée de la coordination supérieure des forces aériennes et terrestres ; le commandant en chef du théâtre d’opérations terrestres lui indique les exigences de la bataille et précise ses demandes. Le général commandant l’armée aérienne exécute la mission reçue en tenant compte de ces dernières demandes.

– et enfin :

Les instructions directes du commandant en chef des forces aériennes pour tout ce qui concerne la lutte aérienne d’ensemble, la défense aérienne du territoire intérieur et des organes fixes de la zone des armées et les opérations aériennes sans liaison directe avec les opérations terrestres. Le commandant en chef du théâtre d’opérations est néanmoins tenu au courant des dispositions prises à cet effet23.

Commentant cette note, le général Houdemon, dit « le moins que l’on puisse dire est qu’elle n’est pas simple24 ». Mais la création de l’échelon « armée aérienne » en temps de guerre permet de palier les défauts de la séparation de l’armée de l’Air en forces de coopération et forces réservées prévue par la loi de 193425. Il reste cependant à fixer les modalités d’application pratique de cette note 26.

Parallèlement, l’organisation de l’armée de l’Air en temps de paix est refondue par le décret du 2 septembre 1938. Le général Vuillemin supprime les corps aériens, dont il connaît bien les défauts d’organisation ayant commandé le 1er corps aérien en 1936-1938. Cette suppression permet de rétablir, en temps de paix, l’unité de commandement entre les forces et les services à tous les niveaux du commandement. Avec la nouvelle organisation, les commandants de groupes, d’escadres, de brigades et de divisions assurent à la fois le commandement des troupes et la direction des services27.

À la veille de la guerre, l’armée de l’Air a adopté une organisation du temps de guerre cohérente et satisfaisante qui malgré les défauts des textes originaux permet, d’une part, d’assurer l’unité d’action des forces aériennes et, d’autre part, de rétablir l’unité de commandement des troupes et des services à tous les niveaux de commandement.

2. Une organisation rapidement bouleversée après la mobilisation

Si la mobilisation entraîne l’application des dispositions arrêtées en 1938, la pression politique et militaire conduit à une première adaptation de l’organisation du haut-commandement aérien.

2. 1. Le respect initial de l’organisation de 1938

En septembre 1939, le général Gamelin reçoit la responsabilité de commandant en chef des forces terrestres. Le général Georges qui était major-général de l’armée, est nommé adjoint du général Gamelin, commandant en chef des forces terrestres et délégué comme commandant du front Nord-Est. Le général Vuillemin prend la responsabilité de commandant en chef des forces aériennes. Il quitte le ministère de l’Air et s’installe avec le grand quartier général aérien, rassemblant 250 officiers dans la zone des armées à Saint-Jean-les-deux-Jumeaux28. Assurant la conduite supérieure des opérations aériennes, le général Vuillemin commande tout d’abord les trois armées aériennes adaptées à chaque théâtre d’opérations terrestres (Nord-Est, Sud-Est et Afrique du Nord) et dirige les services dans la zone des armées. Il commande aussi l’aviation de réserve générale, c’est-à-dire la moitié de l’aviation de chasse et toute l’aviation de bombardement. Il est, en outre, responsable de la défense aérienne active du territoire.

Les commandants d’armée aérienne sont chefs, d’une part, de l’aviation de coopération et des forces de défense contre avions du théâtre d’opérations terrestres correspondant et, d’autre part, de l’aviation réservée, mise à leur disposition par le général commandant en chef des forces aériennes. Ils assurent, en outre, la direction des services et ont pour cela autorité sur les régions aériennes du territoire sur lequel stationnent leurs formations29.

Sur le théâtre Nord-Est, on retrouve donc la 1re armée aérienne commandée par le général Mouchard. Il coiffe les deux commandements de forces aériennes de groupes d’armées terrestres (dissous dès le 21 septembre 1939), les neuf commandements des forces aériennes d’armée pour les armées et les trente commandements des forces aériennes des grandes unités terrestres pour les corps d’armée, les divisions légères motorisées et les divisions de cavalerie. La 1re armée aérienne comprend également les trois états-majors de division aérienne issus des forces aériennes réservées. Les divisions aériennes comprennent un nombre variable de brigades, d’escadres et de groupes aériens. La 3e armée aérienne, adaptée au théâtre d’opérations des Alpes, est commandée par le général Houdemon ; la 5e, celle d’Afrique du Nord par le général Bouscat.

Le ministère de l’Air garde autorité sur la zone de l’intérieur et sur les régions aériennes, c’est-à-dire les bases aériennes, les écoles, les différents établissements de l’armée de l’Air (entrepôts, ateliers…). Les régions aériennes où sont stationnées des unités des armées aériennes sont subordonnées en ce qui concerne le soutien de ces unités au commandant de l’armée aérienne. Le ministre de l’Air qui est assisté du général Marcel Tétu, nommé chef de l’état-major de l’armée de l’Air, dispose de nombreuses prérogatives sur des questions essentielles pour la conduite de la guerre comme les fabrications de matériel, le recrutement et l’instruction du personnel, l’organisation territoriale et le fonctionnement des services dans la zone de l’intérieur30. Cette scission entre zone de l’intérieur et zone des armées reproduit l’organisation de la Grande Guerre qui avait été si préjudiciable au développement de l’aviation.

Cette organisation conforme aux textes négociés avant-guerre est rapidement bouleversée sous le coup des événements et de la pression politico-militaire. L’évolution du commandement de la défense aérienne du territoire est le premier exemple de l’influence continue exercée sur les moyens de l’armée de l’Air pour les faire rejoindre le giron des forces terrestres. La loi du 11 juillet 1938 et le décret du 7 septembre 1938 avaient reconnu la responsabilité du ministre de l’Air sur toutes les forces concourant à la défense active du territoire. Le commandant en chef des forces aériennes était directement responsable de la défense aérienne de l’intérieur tandis que le commandant en chef des forces terrestres assumait ce même rôle dans la zone des armées. Or, dès le 4 septembre, le général Gamelin crée un nouvel organisme : le commandement supérieur des forces terrestres antiaériennes. Cette création prive pratiquement le commandant des forces aériennes de l’emploi des moyens de l’artillerie sol-air, que résume une note sur l’évolution du commandement de la DCA : « […] pendant toute la durée des hostilités, une partie de l’activité des états-majors sera consacrée à élaborer de nouveaux textes tendant à modifier les attributions respectives du commandement terrestre et du commandement aérien dans la zone des armées », c’est-à-dire afin d’absorber les moyens de la DAT dans la zone des armées par les forces terrestres31.

2. 2. La création des zones d’opérations aériennes

Cependant, le retrait pratique des moyens de l’artillerie sol-air du périmètre de responsabilité du chef des forces aériennes ne bouleverse pas l’organisation des forces aériennes. La création des zones d’opérations aériennes constitue, au contraire, une réforme majeure de l’organisation de 1938. Elle intervient à la suite de la création de deux groupes d’armées sur le théâtre d’opérations Nord-Est. Le 22 septembre 1939, la zone d’opérations aériennes Est (ZOAE) est adaptée au groupe d’armées n° 2 du général Gaston Prételat qui couvre la ligne Maginot ; le 1er octobre 1939, la zone d’opérations aériennes Nord (ZOAN), adaptée au groupe d’armées n° 1 du général Georges Blanchard déployé face à la Belgique. En novembre 1939 est créée une ZOA Sud PC à Dôle, après la création d’un 3e groupe d’armées du général Benoît Besson qui couvre la frontière du Sud de l’Alsace à la Suisse32.

Les raisons de cette création sont mal connues car il existait déjà des commandements de forces aériennes de groupes d’armées d’autant plus qu’initialement les prérogatives de ces ZOA semblent identiques aux structures qu’elles remplacent. Mais, les chefs qui sont nommés à la tête de ces ZOA sont prestigieux : le général François d’Astier de La Vigerie pour la ZOAN, le général Roger Pennès pour la ZOAE, le général Houdemon pour la ZOA Sud. Il est probable qu’elles soient le produit de la pression exercée sur le général Vuillemin par le haut-commandement de l’armée de Terre pour améliorer la coordination entre forces terrestres et forces aériennes, notamment pour l’emploi de l’aviation réservée33.

En effet, le mois de septembre est douloureux pour l’aviation française avec de nombreuses pertes dans l’aviation de reconnaissance et d’observation du fait de l’obsolescence des avions. Sur trente avions détruits au mois de septembre, vingt appartiennent à l’aviation de reconnaissance et d’observation34. Le 18 septembre, le grand quartier général Air publie une note précisant que : « la recherche du renseignement aérien ne pourra s’effectuer avec une fréquence et une efficacité suffisante qu’à la condition d’éviter les réactions de l’aviation de chasse adverse35 ». Les MB 131 sont bientôt interdits de reconnaissance de jour. Les 3/5e de l’aviation d’observation constitués de Potez 25, Potez 390 et Breguet 27 sont inutilisables. Le nombre de missions de reconnaissances chute de 683 au mois de septembre à 204 au mois d’octobre36.

De plus, les chefs de l’armée de Terre, mécontents de l’emploi de l’aviation au cours de ces premières semaines de guerre, aspirent à restaurer l’unité de commandement des forces aériennes et des forces terrestres. Il semble que le général Prételat, commandant le groupe d’armées n° 2, qui a mené début septembre la timide offensive en Sarre soit particulièrement virulent contre l’armée de l’Air. Le 22 septembre 1939, le général Georges écrit au général Gamelin :

Le général commandant le groupe d’armées et les commandants des IIe, IIIe, IVe et Ve armées sont unanimes à demander l’unité de commandement des forces aériennes et des forces terrestres. Ce serait également, paraît-il, le vœu des officiers aviateurs travaillant avec les armées37.

Outre les problèmes d’organisation et de matériel, le différend provient également de l’emploi de l’aviation réservée. Au début des hostilités, le général Vuillemin garde ses groupes de chasse pour les missions de DAT, qui sont de sa responsabilité, car il craint un raid massif de l’aviation allemande38. Les missions de reconnaissance et d’observation menées par les armées ne bénéficient alors que de la protection insuffisante fournie par la chasse des forces aériennes d’armée et subissent des pertes importantes. Après la communication du rapport du général Prételat, le général Vuillemin répond méthodiquement aux accusations et termine en affirmant :

Malgré les imperfections enregistrées, le premier mois d’opérations a permis de constater la qualité de l’instruction des équipages et leur courage, ainsi que, à tous les échelons, le dévouement du personnel et sa compréhension des besoins des forces engagées dans les opérations terrestres39.

Les dissensions entre le général Prételat et le chef de la ZOA Est se traduisent par la mutation, le 25 octobre, du général Pennès en Algérie à la tête de la 5e armée aérienne et son remplacement à Dôle par le général Tétu.

Enfin, selon le témoignage du général Houdemon, Guy La Chambre et le général Gamelin demandent le départ du général Vuillemin aux alentours des 10-12 octobre 1939, mais Édouard Daladier refuse de limoger une personnalité aussi populaire dans l’armée de l’Air en temps de guerre40.

La création des ZOA se fait donc sous la double pression de l’armée de Terre qui est mécontente des services de l’aviation et du pouvoir politique qui exige des changements majeurs. Pourtant, les ZOA, si elles commandent toutes les forces aériennes stationnées sur leur territoire, y compris les forces réservées, n’ont pas initialement autorité sur les services qui restent sous l’autorité des régions aériennes. Elles ne sont qu’un échelon supplémentaire dans la hiérarchie des états-majors aériens des forces aériennes de coopération entre l’état-major de l’armée aérienne et celui adapté à l’armée terrestre. La mise en œuvre des services apparaît comme une question délicate car les états-majors restent éloignés. En effet, le soutien des unités est toujours assuré par les régions aériennes. Or, les limites des régions aériennes et des ZOA ne correspondent pas, les chefs des ZOA et des régions ne sont pas les mêmes et ne sont pas localisés au même endroit. Pour la ZOA Nord, le général d’Astier de La Vigerie commande à partir de Chauny, petite ville de l’Aisne au sud de Saint-Quentin. Le PC du général Pennès commandant la ZOA Est est situé à Nancy. Les commandants de région aérienne qui contrôlent les services se trouvent à Paris ou à Dijon. Pour pallier les dysfonctionnements, le général Vuillemin décide, le 10 novembre, de confier la responsabilité du soutien aux commandants de ZOA. Puis, en janvier 1940, les treize Airs régionaux qui constituaient des entités géographiques trop grandes pour la mise en œuvre des services sont remplacés par dix-neuf secteurs de l’air moins vastes et adaptés aux ZOA et passent sous le commandement des ZOA. Cette décision transforme les ZOA en petite armée aérienne adaptée à un groupe d’armée et disposant du commandement des troupes et de la direction des services.

Mais la situation est encore loin d’être clarifiée. À l’échelon inférieur, celui des forces aériennes adaptées au commandement d’une armée terrestre, l’enchevêtrement de responsabilités est inextricable. Les commandants des forces aériennes d’armée n’ont pas le commandement sur les compagnies de l’air chargées de faire vivre et de défendre les terrains d’aviation. Elles dépendent du commandement territorial qui est placé sous l’autorité du commandant de ZOA dont le rôle l’éloigne des problèmes locaux des terrains d’aviation41. Le général de brigade aérienne Cochet qui commande les forces aériennes de coopération de la 5e armée témoigne :

Cette organisation lourde, compliquée, pléthorique en effectifs, états-majors et commandements, mal adaptée aux besoins, génératrice de nombreux conflits d’attributions et de lenteurs dans le fonctionnement du service, faisant souvent double emploi avec certains organes de l’armée de Terre, cette organisation n’avait pas fait l’objet, avant la guerre, d’exercices méthodiques au cours de manœuvres par exemple. Mieux, malgré les défauts mis en relief par les premiers mois de guerre, malgré les difficultés rencontrées et qui ressortent non seulement des nombreux rapports des commandants d’unités combattantes dépourvus des moyens indispensables, mais aussi des instructions et ordres que dut donner le général commandant la zone d’opérations aériennes Est pour essayer, en vain d’ailleurs, d’obtenir un bon rendement de cette organisation monstrueuse, celle-ci fut maintenue.42

La création des ZOA est donc loin de résoudre les difficultés d’organisation de l’armée de l’Air. Peu après la mobilisation qui s’exécute pourtant selon les dispositions adoptées en 1938, le général Vuillemin doit donc faire face à de nombreuses critiques qui l’obligent à adapter l’organisation du haut-commandement aérien afin de satisfaire aux exigences des chefs de l’armée de Terre qui sont à la fois mécontents de l’organisation du commandement des forces aériennes et de la qualité opérationnelle des avions.

3. Le renoncement à l’unité d’action dans l’emploi des forces aériennes

Cette pression sur l’armée de l’Air ne se relâche pas avec la création des ZOA. La situation de la fin de l’année 1939 et du début de l’année 1940 est particulièrement tendue et pas seulement à propos des questions d’organisation du haut-commandement aérien. Les fabrications aéronautiques constituent la question la plus brulante. En septembre 1939, avait été adopté le plan V de guerre qui prévoyait la production de plus de 4 000 avions afin de palier l’infériorité criante de l’armée de l’Air. Or les avions ne sortent pas des usines à la cadence prévue : 314 au lieu de 710 en décembre, 358 au lieu de 863 en janvier43. Ces mauvaises performances mettent en difficulté le ministre de l’Air, responsable de la production aéronautique, et rendent caduque le plan de rénovation des unités mis au point par le général Vuillemin. Dans ce contexte extrêmement tendu entre le ministère de l’Air et le GQG Air, la question de l’adaptation de l’armée de l’Air aux opérations terrestres sur le théâtre Nord-Est rebondit une nouvelle fois.

3. 1. La suppression de la 1re armée aérienne

Alors que la réorganisation du GQG décidée par le général Gamelin vient juste d’entrer en vigueur, Guy La Chambre écrit, le 17 février au général Vuillemin pour lui demander la suppression de la 1re armée aérienne. Il commence sa lettre en soulignant la sensibilité politique de la question de l’organisation du haut-commandement aérien : « Depuis le début des hostilités, j’ai été amené à diverses reprises, à vous faire part des critiques que soulevait au Parlement et notamment au sein des commissions de l’Air des deux Chambres, l’organisation du commandement de nos forces aériennes44. » Puis, après avoir rappelé les efforts déjà consentis par le général Vuillemin, le ministre aborde l’objet de son courrier :

Le moment me parait désormais venu de régler sans plus attendre la question de la suppression de la 1re armée aérienne. En plein accord avec le président du Conseil, et dans la limite des prérogatives au titre de membre du gouvernement responsable de la conduite de la guerre, j’estime que la suppression de la 1re armée aérienne est commandée par la nécessité de réorganiser le haut-commandement45. []

Comme le précise la lettre, un entretien avait eu lieu préalablement entre Guy La Chambre et le général Vuillemin. Nous ne connaissons pas la teneur de cet entretien mais il semble, compte tenu de la formulation employée, que l’initiative de la dissolution vient du ministre. Il faut souligner également que celui-ci met tout son poids dans la décision en invoquant sa légitimité politique et l’appui d’Édouard Daladier.

La suppression de la 1re armée aérienne a suscité beaucoup de commentaires. Selon le général Houdemon, le départ du général Mouchard est provoqué par le fait que le général Bouscat avait dû quitter son poste après avoir transmis à son ministre des chiffres trop optimistes sur l’état du matériel volant ayant valu une mise en cause de Guy La Chambre devant la commission du Sénat46. À l’appui de cette thèse, il faut noter que Guy La Chambre, à la fin de sa lettre, place la suppression de la 1re armée dans un ensemble plus vaste de mouvements des officiers généraux aussi bien dans la zone des armées que dans la zone de l’intérieur47. Mais cette explication ne paraît pas très satisfaisante car il semble difficile de provoquer un tel changement dans le haut-commandement pour recaser un collaborateur proche du ministre dont celui-ci doit se séparer, d’autant plus qu’en octobre, le général Georges s’était déjà opposé au remplacement du général Mouchard par Houdemon et donc, pour surmonter cette opposition, il fallait des arguments plus convaincants que la seule nécessité de trouver un poste pour un protégé du ministre.

La deuxième explication jusqu’ici privilégiée dans la littérature, s’appuyant largement sur le témoignage du général Mouchard devant la cour de Riom, tourne autour de la rivalité entre les généraux Vuillemin et Mouchard : « J’ai compris que le véritable but de la suppression de la 1re armée aérienne était de m’en retirer le commandement48. » Cette rivalité date au moins de 1938 puisque le général Mouchard était parmi les généraux qui auraient pu devenir CEMGAA en 1938. Mais Guy La Chambre choisit le général Vuillemin sans consulter le général Gamelin qui aurait, selon certains témoignages, préféré Mouchard. Ensuite, en octobre 1939, selon le général Houdemon, Guy La Chambre aurait souhaité remplacer Vuillemin par Mouchard mais en a été empêché par Daladier.

Les deux hommes paraissent très différents. Le général Henri Mouchard (1885-1980) est un saint-cyrien (1905-1907) passé à l’aéronautique en 1911 qui, pendant la Grande Guerre, a servi en escadrille puis au GQG. Il est, en septembre 1939, le seul général d’armée aérienne de l’armée de l’Air à être breveté de l’École supérieure de guerre49. Ayant servi comme adjoint du commandant Barès au service aéronautique du GQG, puis ayant commandé l’aéronautique d’un corps d’armée en 1918, l’École supérieure de guerre aérienne et le Centre des hautes études aériennes lors de leur création en 1938, le général Mouchard a particulièrement réfléchi à l’emploi et à l’organisation de l’armée de l’Air et qui est tout particulièrement familiarisé avec le fonctionnement des états-majors.

Le général Joseph Vuillemin (1883-1963), quant à lui, n’a pas fait de grande école militaire mais commence par faire son service puis opte pour la carrière militaire et prépare l’école militaire de l’artillerie et du génie où il est admis comme élève-officier en 1909. Il est détaché dans l’aéronautique en 1913 et sert pendant toute la Grande Guerre en unité de combat en passant par tous les échelons de commandement. Il termine, en 1918, à la tête d’une escadre de bombardement. Non breveté de l’École supérieure de guerre, il suit en revanche, en 1936, les conférences du Centre des hautes études militaires avant de prendre le commandement du 1er corps aérien de bombardement nouvellement créé50. Sur Vuillemin, les avis sont en général très partagés. Il est souvent décrit comme un homme n’ayant pas les capacités d’un chef d’état-major. Le sénateur Amaury de La Grange, ancien aviateur de la Première Guerre mondiale, rapporteur du projet de loi sur la création de l’armée de l’Air en 1933, rapporteur de 1937 à 1940 du budget du ministère de l’Air et enfin sous-secrétaire d’État au Commerce dans le gouvernement Reynaud, écrit le 1er octobre 1940 que Vuillemin était « un officier général dont le nom était universellement respecté dans l’armée de l’Air mais qui était tout à fait incapable de remplir un rôle aussi important ». Le général Georges qui était avec lui en Algérie le juge courageux, vaillant, populaire envers ses pilotes mais n’a pas beaucoup d’estime pour ses qualités intellectuelles51. Tout semble donc opposer les deux hommes. Mais si le général Vuillemin est sans doute heureux de se débarrasser du général Mouchard, il ne semble pas que la décision vienne de lui mais du ministre qui, quelques mois plus tôt, semblait prêt à remplacer le général Vuillemin par le général Mouchard. Il ne semble donc pas que l’origine de cette suppression soit la rivalité personnelle des deux généraux.

Quel peut donc être le motif de la suppression de ce commandement aérien adapté au théâtre des opérations Nord-Est qui donnait parfaitement satisfaction aux généraux de l’armée de Terre ? Le général Gamelin rapporte à ce sujet dans ses Mémoires une conversation avec Guy La Chambre. Le ministre aurait évoqué la mésentente entre les deux hommes et affirmé en outre que :

Le général Vuillemin se rend compte de ce que, dans la situation actuelle, Mouchard se trouve avoir, en fait, la presque totalité de l’aviation française et que, lui, ne manierait plus rien, en cas d’opérations sur le Nord-Est. Il désire remettre en réserve, sous ses ordres, la masse de l’aviation, pour la manier lui-même.52

La question de l’emploi de l’aviation réservée constitue donc un des éléments dans la prise de décision. La dissolution de la 1re armée supprime un échelon et s’inscrit dans la lignée des efforts visant à réduire le volume et le nombre des états-majors depuis la déclaration de guerre. Elle permet de donner plus de pouvoir à l’échelon subordonné constitué par les ZOA et surtout à l’échelon supérieur du commandant en chef des forces aériennes. En effet, elle redonne essentiellement de la liberté d’action au général Vuillemin en lui permettant d’agir dans la bataille en actionnant les groupes de bombardement53. Cette question de l’aviation réservée apparaît essentielle pour l’armée de l’Air, en filigrane de nombreuses décisions de réorganisation depuis 1934 et constitue une des raisons essentielles ayant motivé la création de l’armée de l’Air. Il est vraisemblable que la volonté du général Vuillemin, et de l’armée de l’Air, de retrouver un rôle dans la conduite de la bataille ait joué un rôle déterminant dans la décision de supprimer la 1re armée aérienne, même si les questions de personnes, comme l’éloignement du général Mouchard du théâtre des opérations ou la volonté de trouver un poste au général Bouscat, ont joué le rôle de facteur secondaire dans la prise de décision.

3. 2. Les conséquences de la réorganisation de février 1940

La 1re armée aérienne est supprimée le 19 février tandis que lui est substitué un commandement des forces aériennes de coopération. Les 2e et 5e armées aériennes sont également supprimées et remplacées par une ZOA des Alpes et une ZOA d’Afrique du Nord. Le général Mouchard est nommé Inspecteur général des écoles de l’armée de l’Air. Le général Tétu devient chef des forces aériennes de coopération du théâtre d’opérations Nord-Est. Le général Bouscat remplace Tétu à la tête de la ZOA Est et le général Robert Odic prend le commandement de la ZOA Sud en remplacement du général Houdemon nommé inspecteur des forces aériennes outre-mer. Pour la troisième fois en six mois, la ZOA Est change de titulaire.

Cette nouvelle organisation est loin de simplifier les chaînes de commandement en ce qui concerne les troupes ou les services. En effet, lorsque la 1re armée aérienne est supprimée, les commandants des ZOA Nord, Est et Sud se retrouvent avec un chef de plus car ils sont subordonnés à quatre autorités : le général commandant le groupe d’armées pour l’emploi, le général Tétu commandant les forces aériennes mises à la disposition des forces terrestres sur le théâtre Nord-Est pour la préparation et l’entraînement, le général commandant en chef les forces aériennes pour les forces réservées et le ministre pour les services. De plus, le général commandant les forces aériennes mises à la disposition des forces terrestres sur le théâtre Nord-Est ne dispose plus de l’autorité sur les services. Mais surtout, comme l’affirme le général Mouchard, elle supprime « l’unité d’action et la rapidité d’intervention des forces aériennes sur un même théâtre, du fait que l’ensemble des forces n’est plus placé sous le même commandement aérien54. »

Néanmoins, le départ du général Mouchard ne semble pas avoir affecté la qualité des relations entre les chefs terrestres et aériens au niveau du théâtre Nord-Est comme en témoigne le général Gamelin :

Je dois dire cependant que, étant donnée la personnalité sympathique du général Tétu, l’accord régna complètement entre le général Georges et lui. Et, au mois de mai, j’avais toutes les raisons d’espérer que la participation de toute l’aviation à la bataille terrestre se ferait au mieux, bien que la nouvelle solution ne fût pas aussi simple que la première55.

Le rétablissement de la dualité du commandement des forces aériennes entraîne-t-il une réaction de l’armée de Terre pour rétablir l’unité de commandement sous son autorité ? Ce n’est pas impossible. Le haut-commandement terrestre est toujours mécontent de l’organisation des forces aériennes. Le général Doumenc note : « Quant à l’action de l’aviation, elle était, de par notre organisation, toujours parallèle, et non subordonnée56. » Un certain nombre d’acteurs de premier plan font ainsi état de projets qui vont au-delà de la réorganisation du haut-commandement puisqu’ils organisent la disparition de l’armée de l’Air. Les archives de l’armée de Terre recèlent, en effet, des travaux exécutés par le colonel Boucher, attaché au 2e groupe d’armées du général Prételat qui avait mené la fronde contre l’armée de l’Air à l’automne 1939. En particulier, un rapport sous sa signature, daté du 4 juin 1940, préconise non plus une armée de l’Air indépendante mais une « armée de l’Air adaptée à l’armée de Terre et subordonnée au commandement de terre à tous les échelons ». Le commandant des forces aériennes est remplacé par un aide-major général pour l’aviation près du général commandant en chef57. Cette proposition apparaît comme un véritable retour à l’organisation de 1918 lorsque le général Duval, chef du service aéronautique au GQG, était aide-major général auprès du général Pétain, commandant en chef et conduirait à la dissolution de l’armée de l’Air en tant qu’armée indépendante.

Nous n’avons pas trouvé d’autres traces de ce projet et la littérature reste muette à ce sujet. Mais le général Doumenc, major général, note que le 2 juin, le général Weygand parle au général Vuillemin d’un projet de réorganisation de l’aviation58. Le général de Villelume, directeur du cabinet militaire de Paul Reynaud, emploie les mêmes termes que le colonel Boucher dans son journal à la date du 5 juin : « Je dis à M. Laurent-Eynac que, pour des raisons de responsabilité, il conviendrait qu’à tous les échelons le commandement des forces aériennes fut subordonné à celui des forces terrestres59. » Mais l’heure n’est plus aux changements d’organisation, les Allemands ont repris l’offensive sur la Somme et l’Aisne. Le gouvernement s’apprête à quitter Paris. L’historien ne peut s’empêcher de se demander ce qu’il serait advenu de l’armée de l’Air indépendante si le cordon de troupes jeté par le général Weygand face aux divisions allemandes avait tenu et si, comme en 1914, la guerre de mouvement s’était prolongée par une guerre de positions.

En conclusion, l’organisation du haut-commandement aérien pendant la « drôle de guerre » est soumise à une forte pression politique et militaire qui le conduit à se transformer en profondeur tant dans le domaine de l’organisation que des chefs chargés de mener la bataille. Il est donc loin du compartiment étanche couramment décrit par les historiens comme Alistair Horne qui affirme : « Ses généraux, divisés par des antipathies et des jalousies, n’avaient guère de contact entre eux, leurs états-majors vivaient dans des compartiments étanches60. » Certes, les rivalités et antipathies sont nombreuses parmi ces chefs qui se connaissent depuis plus de vingt ans, qui figurent parmi les commandants d’escadrilles de la guerre de 1914-1918 et qui ont survécu non-seulement aux combats mais aussi à toutes les embûches d’une carrière militaire dans l’entre-deux-guerres. Mais les rivalités personnelles ne sont pas le seul facteur d’explication. Deux principes s’opposent : la dualité des forces aériennes, inscrite dans la loi de 1934, qui distingue les forces aériennes de coopération et les forces aériennes réservées contre l’unité d’action entre forces de coopération et forces réservées. De septembre 1938 à février 1940, les réorganisations successives du haut-commandement aérien ne sont qu’une série de balancements entre ces deux principes.

Cependant, les insuffisances de l’organisation du haut-commandement ne sont sans doute qu’un des aspects de la défectuosité globale de l’organisation de l’armée de l’Air. L’approvisionnement des unités en matériels pour compenser les pertes, par exemple, ne fonctionne pas ou mal. Mais elles constituent, selon l’expression du général Beaufre, un des « mécanismes complexes par lesquels le destin a fixé notre sort61 ». Elles contribuèrent à la défaite car elles ne permirent pas l’emploi rationnel des faibles ressources aériennes dont disposaient les armées en campagne. Reste à examiner complètement le deuxième facteur de la défaillance française, évoqué par le général de Gaulle, en ce qui concerne l’armée de l’Air : la stratégie.

Notes

1 Falkenhayn (von) Erich, Le Commandement suprême de l’armée allemande et ses décisions essentielles, 1914-1916, trad. du général Niessel, Paris, Lavauzelle, 1921. Return to text

2 Horne Alistair, Comment perdre une bataille. France, mai-juin 1940, coll. Texto, Paris, Tallandier, 2010, p. 105. Villelume (de) Paul, Journal d’une défaite, août 1939-juin 1940, Paris, Fayard, p. 147. Return to text

3 Villelume (de) Paul, op. cit., pp. 146-147 et 151. Michel Henri, Le Procès de Riom, Club français du livre, 1979. Schiavon Max, Le Général Alphonse Georges : un destin inachevé, Paris, Anovi, 2009. Forcade Olivier, Duhamel Éric et Vial Philippe, Militaires en République, 1870-1962, Paris, Publication de la Sorbonne, 1999. Gunsburg Jeffery A., Luvaas Jay, Divided and Conquered: The French High Command and the Defeat of the West, 1940, Westport, Greenwood Press, 1979. May Ernest R., Strange Victory: Hitler’s Conquest of France, Londres, I.B. Tauris, 2000, pp. 363-365. Return to text

4 Paul de Villelume n’y fait, par exemple, aucune allusion dans son journal. Return to text

5 Horne Alistair, op. cit., p. 106. Return to text

6 Ibidem. Return to text

7 Facon Patrick donne quelques éléments dans L’armée de l’Air dans la tourmente, Paris, Economica, 1997, pp. 105-114 repris dans « Un débat méconnu : l’organisation de l’armée de l’Air sur le front Nord-est en 1939-1940 », Revue historique des armées, n° 2, 2001, pp. 91-100 ; « L’armée de l’Air dans la bataille de 1940. Mythes, légendes et réalités », in Lévisse-Touzé Christine, La Campagne de 1940, Paris, Tallandier, 2001, pp. 211-212 et Batailles dans le ciel de France, Pascal Galodé, 2010, pp. 56-60. Pour une vue d’ensemble, on se reportera à Robineau Lucien, « La conduite de la guerre aérienne contre l’Allemagne de septembre 1939 à juin 1940 », Revue historique des armées, n° 3, 1989, pp. 102-112 et à Harvey A. D., « The French Armée de l’Air in May-June 1940: A failure of Conception », Journal of Contemporary History, n° 25, 1990, pp. 447-465. Pour les chiffres et en particulier le nombre de victoires de l’armée de l’Air, voir Garraud Philippe, « L’action de l’armée de l’Air en 1939-1940 : facteurs structurels et conjoncturels d’une défaite », Guerres mondiales et conflits contemporains, n° 202-203, 2001, pp. 7-31. Return to text

8 Lettre à A. Goutard du 26 mars 1956, reproduite dans Goutard A., 1940. La Guerre des occasions perdues, Paris, Hachette, 1956. Return to text

9 Christienne Charles, Buffotot Patrice, « L’aéronautique militaire française de 1919 à 1939 », Revue historique des armées, n° 2, 1977, pp. 9-40. Return to text

10 Ce compromis est analysé par Vennesson Pascal, Les Chevaliers de l’air, Paris, Presses de Sciences Po, 1997, pp. 157-165. Return to text

11 Vivier Thierry, La Politique aéronautique militaire de la France janvier 1933-septembre 1939, Paris, L’Harmattan, 1997, pp. 143-145. Return to text

12 Pour une vue d’ensemble de l’action réformatrice de Pierre Cot, voir Jansen Sabine, Pierre Cot. Un antifasciste radical, Paris, Fayard, 2002. Return to text

13 Cot Pierre, L’Armée de l’Air 1936-1938, Paris, Grasset, pp. 152-153. Return to text

14 Évolution de l’organisation de l’armée de l’Air de 1933 à 1939, 1940-1942, SHD/Air, 3D495, p. 4. Return to text

15 Décret du 3 octobre 1936 portant application de la loi du 2 juillet 1934 sur l’organisation générale de l’armée de l’Air, Journal officiel de la République française, 7 octobre 1936, pp. 10602-10603. Vivier Thierry, op. cit., pp. 370-381. Return to text

16 Évolution de l’organisation de l’armée de l’Air de 1933 à 1939, 1940-1942, SHD/Air, 3D495, pp. 5-7. Return to text

17 Goutard A., op. cit., pp. 168-170. Return to text

18 Loi du 11 juillet 1938 sur l’organisation de la Nation en temps de guerre, Journal officiel de la République française, 13 juillet 1938, p. 8335. Return to text

19 Déposition du général Mouchard devant Paul Tanon, membre de la cour suprême de justice, 22 octobre 1940. AN, 2W33. Return to text

20 Note n° 101 EMAA/3 du 23 mars 1938, p. 6. SHD/Air, 3D493. Return to text

21 Ibid., p. 10. Return to text

22 Déposition du général Mouchard devant Paul Tanon, op. cit. Note relative aux attributions respectives des commandements terrestres et aériens sur un théâtre d’opérations, n° 706 DN/3 du 9 septembre 1938. SHD/Air, 3D493. Return to text

23 Note relative aux attributions respectives des commandements terrestres et aériens sur un théâtre d’opérations, n° 706-D.N.3 du 9 septembre 1938. Return to text

24 Déposition du général Jean Houdemon devant Paul Tanon, membre de la cour suprême de justice, 23 novembre 1940. AN, 2W33. Return to text

25 L’échelon « armée aérienne » avait été prévu par l’Instruction sur l’emploi tactique des grandes unités aériennes du 31 mars 1937, cf. Lespinois Jérôme (de), La Doctrine des forces aériennes, Paris, la Documentation française, 2010, pp. 152-153. Return to text

26 Déposition du général Mouchard devant Paul Tanon, op. cit. Return to text

27 SHAA, « Organisation du 2 septembre 1938 », BE n° 10148/SHAA du 7 août 1961. Décret du 2 septembre 1938 sur l’organisation de l’armée de l’Air en temps de paix, Journal officiel de la République française, 3 septembre 1938, pp. 10438-10441. Return to text

28 Il faut comparer ces effectifs à ceux du grand quartier général terrestre où 1 770 personnes travaillent à la fin du mois d’octobre 1939, dont près de 500 officiers. Si on ajoute le personnel des éléments rattachés au grand quartier général, on arrive, à cette même date, à un total de près de 6 500 personnes, dont environ 760 officiers. Cf. Garçon Ségolène, « Travailler au Grand Quartier général des forces terrestres en 1939-1940 », Revue historique des armées, n° 3, 2007, pp. 71-81. Return to text

29 Note sur l’organisation du haut-commandement des forces terrestres et aériennes française, lettre n° 437 Cab/F.T.S du 27 janvier 1940. SHD/Terre, 27N86. Return to text

30 Déposition du général Mouchard devant Paul Tanon, op. cit. Return to text

31 Historique sommaire de l’organisation du commandement de la DCA, sd, BE n° 337 CM.3.S du 21 avril 1941 du secrétaire d’État à l’aviation au président de la Cour suprême de justice. SHD/Air, 3D493. Return to text

32 Rit Christèle, Inventaire d’archives sous-série 4 D Seconde Guerre mondiale : Forces aériennes libres et Forces alliées, Vincennes, SHAA, 1993, p. 10. Return to text

33 Lettre n° 569 EMG 3/O.S relative au rapport des commandants d’armées terrestres sur l’emploi des forces aériennes du général Vuillemin au général commandant en chef, 15 octobre 1939. AN 2W34. Return to text

34 Martin Paul, Invisibles vainqueurs. Exploits et sacrifice de l’armée de l’Air en 1939-1940, Yves Michelet, 1990, p. 317. Return to text

35 Note n° 232/3.O.S sur l’exécution des missions des forces aériennes mises à la disposition des grandes unités terrestres du 18 septembre 1939. AN, 2W35. Return to text

36 Danel Raymond, « Drôle de guerre… pas pour l’aviation », Icare, n° 53, printemps-été 1970, pp. 77-78. Return to text

37 Cité par Garçon-Totoit Ségolène, Le Grand Quartier général des forces terrestres françaises (28 août 1939-1er juillet 1940), thèse de l’École nationale des Chartes, 2004, p. 168. Return to text

38 Lettre n° 569 EMG 3/O.S…, op. cit. Return to text

39 Ibid. Return to text

40 Déposition du général Jean Houdemon devant Paul Tanon, op. cit. Return to text

41 Lettre du général de brigade Cochet, ancien commandant des FA et des FTA de la Ve armée à M. le président de la cour suprême à Riom, 20 octobre 1940, p. 24. AN, 2W33. Return to text

42 Ibid., p. 25. Return to text

43 Charles Christienne et Pierre Lissarague, Histoire de l’aviation militaire. L’armée de l’Air 1928-1981, Limoges, Charles-Lavauzelle, 1981, pp. 101-102. Return to text

44 Lettre n° 655 S.1/1/R du Ministre de l’Air à Monsieur le commandant en chef des forces aériennes, 17 février 1940. AN, 2W34. Return to text

45 Ibid. Return to text

46 Déposition du général Jean Houdemon devant Paul Tanon, op. cit. Return to text

47 Lettre n° 655 S.1/1/R, op. cit. Return to text

48 Déposition du général Mouchard devant Paul Tanon, op. cit. Return to text

49 Interview du général Jean Carayon. SHD/AI, 8 Z 8, 14 février 1975. Return to text

50 Angot Eugène et Lavergne René (de), Le général Vuillemin. Une figure légendaire de l’aviation française de 1914 à 1940, Paris, La Palatine, 1965. Return to text

51 Schiavon Max, Le Général Georges. Un destin inachevé, Paris, Éditions Pierre de Taillac, 2020, p. 275. Return to text

52 Général Gamelin, Servir, t. 3, Paris, Plon, 1946, p. 268. Return to text

53 Patrick Facon affirme au contraire que la suppression de la 1re armée aérienne et son remplacement par le commandement des forces aériennes de coopération correspond à la restauration du commandement des forces aériennes mises à la disposition des forces terrestres. Cette restauration aurait permis, selon lui, de concentrer dans les mains de Georges, par l’intermédiaire de Tétu, les forces aériennes de coopération, les forces terrestres antiaériennes et les forces aériennes réservées mises à la disposition de Georges par Vuillemin. Il affirme encore un peu plus loin : « En privant Vuillemin de certaines de ses prérogatives les plus importantes, Guy La Chambre remet aux mains de l’armée de Terre les moyens aériens qui seront affectés aux FAC dès que la bataille aura été engagée. Cette initiative constitue un pas supplémentaire vers l’intégration de l’aviation dans des structures correspondant mieux aux vœux des terrestres en en réduisant d’autant l’efficacité déjà limitée », in L’Armée de l’Air dans la tourmente, op. cit., pp. 109-114. Or aussi bien le général Georges que le général Gamelin sont défavorables à cette réorganisation, par contre, elle donne davantage de liberté d’action au général Vuillemin qui, de plus, sort renforcé en ayant réussi à éloigner un rival potentiel. Return to text

54 Général Mouchard, « Modification dans l’organisation du commandement des forces aériennes (fin février 1940) ». AN, 2W34. Return to text

55 Général Gamelin, Servir, t. 3, Paris, Plon, 1946, p. 270. Return to text

56 Delpla François, Les Papiers secrets du général Doumenc. Un autre regard sur 39-40, Paris, Olivier Orban, 1992, p. 218. Return to text

57 Colonel Boucher, « Projet de réorganisation de l’aviation aux armées », 4 juin 1940. SHD/Terre 27N86. Return to text

58 Delpla François, op. cit., p. 295. Return to text

59 Paul de Villelume, op. cit., p. 389. Return to text

60 Alistair Horne, op. cit., p. 39. Return to text

61 Général Beaufre André, Le Drame de 1940, [1965], préface et notes du général Nicolas Le Nen, Paris, Perrin, 2020, p. 124. Return to text

References

Electronic reference

Jérôme de Lespinois, « Unité d’action ou dualité : l’organisation du haut-commandement aérien pendant la « drôle de guerre » », Nacelles [Online], 10 | 2021, Online since 10 mai 2021, connection on 02 mai 2024. URL : http://interfas.univ-tlse2.fr/nacelles/1213

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Jérôme de Lespinois

Lieutenant-colonel de l’armée de l’Air et de l’Espace, docteur en histoire, référent « histoire » de l’armée de l’Air et de l’Espace, membre de l’Académie de l’air et de l’espace, chercheur partenaire de l’UMR SIRICE (CNRS UMR 8138).
jerome.de-lespinois@wanadoo.fr

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